Déterminer qui est l’auteur d’une photographie peut se révéler difficile, de surcroît lorsque toute une équipe oeuvre en commun. C’était la difficulté posée dans l’affaire de la photographie « la Cène » réalisée pour la campagne publicitaire de la marque Marithé François Girbaud. Ladite photographie a été qualifiée d’œuvre collective.
Selon l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle, est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale, qui l’édite, la publie et la divulgue, sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. En l’espèce, la société Marithé François Girbaud était bien à l’initiative de la création de la photographie « la Cène », celle-ci étant destinée à illustrer sa campagne publicitaire, et divulguée sous la marque.
L’article L113-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée (société Marithé François Girbaud). La société était donc investie des droits de l’auteur. Toutefois, chacun des auteurs ayant participé à la création de l’oeuvre conserve des droits, tant moral que patrimoniaux, sur sa contribution personnelle.
La photographe ayant réalisé « la Cène » a ainsi obtenu la reconnaissance de ses droits d’auteur sur son travail. Celle-ci n’est pas intervenue uniquement en qualité d’exécutant technique mais a réellement participé au processus créatif. Elle était à l’origine des effets de lumière de la photographie (réalisation des prises de vue) et procédé aux retouches de la photographie. Il a été considéré que par ce travail sur la lumière, elle a insufflé l’empreinte de sa personnalité tant s’agissant de l’effet lumineux réalisé sur les peaux des personnages, qui contribue à leur donner un caractère sacré et qui est déjà présent dans d’autres de ses oeuvres, que s’agissant de l’arrière plan de « la Cène » sur lequel est réalisé un jeu d’ombre et de lumière. La photographe était également présente pendant toutes les prises de vue, qu’elle a réalisées, a donné des instructions de pose aux modèles présents, intervenant ainsi dans le processus créatif. La position des personnages de la photo est en effet une caractéristique essentielle de l’originalité de celle-ci qui, si elle reprend dans les grandes lignes les attitudes des apôtres de « la Cène » de Léonard de Vinci, s’en distingue sur de nombreux points, s’agissant notamment de la position des personnages les uns vis-à-vis des autres, de leurs expressions faciales et du positionnement de leurs jambes et de leurs pieds.
Dans l’affaire soumise, en sus de la qualification d’œuvre collective, le tribunal a également conclu à l’existence d’une œuvre composite. Il résulte de l’article L113-2 du code de la propriété intellectuelle qu’est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière. L’examen du visuel publicitaire litigieux montrait qu’il avait été réalisé à partir de la photographie « la Cène », dont certains contours ont été redessinés et sur laquelle ont été superposés de nouveaux éléments.
En vertu de l’article L113-4 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre préexistante.
Mots clés : Droit des photographes
Thème : Droit des photographes
A propos de cette jurisprudence : juridiction : Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 4 mai 2012 | Pays : France