Droit des brevets : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/00327

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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/5

N° RG 22/00327

N° Portalis DBVB-V-B7G-BIU4V

[E] [H]

C/

Compagnie d’assurance MMA IARD

Organisme CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Cyril OFFENBACH

-SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 21 Décembre 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/02669.

APPELANT

Monsieur [E] [H]

Immatriculé à la CPAM des Alpes-Maritimes sous le numéro [XXXXXXXXXXX01]

né le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 8] (78),

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

représenté et assisté par Me Cyril OFFENBACH, avocat au barreau de NICE, postulant et plaidant.

INTIMEES

Compagnie d’assurance MMA IARD

Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Florence BENSA-TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE, postulant et plaidant.

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAR,

(Immatriculation de MONSIEUR [H] sous le n° [XXXXXXXXXXX01]).

Signification du 11/03/2022 à personne habilitée,

demeurant Ervice contentieux, dont le siège est [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et de la procédure

Le 12 novembre 2015, alors qu’il était passager transporté d’un scooter, M. [E] [H] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société mutuelles du Mans assurances (société MMA).

Le docteur [W] [R] a été désigné en qualité d’expert par la société MMA.

Il a déposé son rapport d’expertise le 28 septembre 2018.

Par actes du 12 juin 2019, M. [H] a fait assigner la société MMA devant le tribunal de grande instance de Nice, afin d’obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Var, l’indemnisation de son préjudice corporel.

Par ordonnance du 15 février 2021, le juge de la mise en état a condamné la société MMA à payer à M. [H] une somme de 90 000 € à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 21 décembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Nice a :

– dit que M. [H] a droit à l’indemnisation intégrale de ses préjudices ;

– condamné la société MMA à payer à M. [H] la somme de 207 641,41 € en réparation de son préjudice et une indemnité de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société MMA aux dépens, distraits au profit de Me Cyril Offenbach.

Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

– dépenses de santé actuelles restées à charge : 33 276,18 € dont 187,80 € revenant à M. [H] et 33 088,38 € revenant à la CPAM ;

– frais divers : 1 658,54 €

– frais d’assistance à expertise : 600 €

– assistance par tierce personne : 10 080 €

– dépenses de santé futures : 670,20 € revenant à la CPAM

– perte de gains professionnels actuels : 16 702,50 € dont 616,98 € revenant à la victime

– perte de gains professionnels futurs : rejet

– incidence professionnelle : 30 000 €

– assistance par tierce personne permanente : 100 546,59 €

– déficit fonctionnel temporaire : 7 351,50 €

– souffrances endurées 3,5/7 : 8 000 €

– préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 2 000 €

– déficit fonctionnel permanent 20 % : 40 800 €

– préjudice d’agrément : 5 000 €,

– préjudice esthétique permanent 0,5/7 : 800 €.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

Sur la perte de gains professionnels actuels : l’expert a retenu une impossibilité de travailler du 12 novembre 2015 au 11 avril 2017 ; si M. [H] était au chômage lors de l’accident, il a droit à l’indemnisation d’une perte de chance de 50 % de percevoir la rémunération prévue par le contrat signé avant l’accident, qu’il n’a pu honorer en raison de ses blessures, soit 2 250 € bruts et 1 965 € nets ;

Sur la perte de gains professionnels futurs : les experts ont considéré qu’après consolidation, M. [H] ne souffrait d’aucune incapacité totale et définitive objective à l’activité professionnelle de chef de rang ; s’il justifie avoir obtenu le 13 juin 2017 la reconnaissance du statut de travailleur handicapé pour deux ans et le 23 mars 2018 la reconnaissance par le médecin du travail d’une inaptitude au métier de serveur, ses revenus avant l’accident étaient très faibles et il n’est pas établi qu’il avait effectivement la qualification de chef de rang ni que son activité d’employé de restauration lui procurait une rémunération supérieure au SMIC ; n’étant pas dans l’incapacité d’exercer tout emploi salarié ou toute profession, il peut reprendre une activité lui rapportant au moins le SMIC, soit autant si ce n’est plus que ses revenus antérieurs à l’accident ;

Sur l’incidence professionnelle : elle est constituée par une dévalorisation sur le marché du travail et la nécessité de changer de poste, ou, à défaut, une pénibilité accrue d’exécution des tâches professionnelles.

Par acte du 10 janvier 2022, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [H] a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a sous-évalué l’indemnisation des frais restés à sa charge, des frais divers et kilométriques, de déplacement des membres de famille, et des frais d’hébergement, le besoin en tierce personne avant et après consolidation, les pertes de gains professionnels actuels, l’incidence professionnelle, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d’agrément mais également de l’avoir débouté de sa demande de perte de gains professionnels futurs.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 2 novembre 2022.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [H] demande à la cour de :

‘ réformer le jugement rendu le 21 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nice ;

Statuant de nouveau,

‘ dire qu’il a droit à l’indemnisation totale de son préjudice ;

‘ évaluer son préjudice à la somme totale de 651 534,57 € et condamner la société MMA à lui payer cette somme, sauf à déduire les provisions versées ;

‘ condamner la société MMA à lui payer une indemnité de 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

‘ condamner la société MMA aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Il chiffre son préjudice comme suit :

– dépenses de santé actuelles : 31 202,14 € revenant à la CPAM,

– frais divers restés à charge: 2 517,26 €,

– honoraires d’assistance à expertise : 600 €,

– perte de gains professionnels actuels : 22 100,05 €,

– assistance temporaire par tierce personne : 10 080 €,

– dépenses de santé futures : 670,20 €,

– perte de gains professionnels futurs : 52 785 € au titre de la période échue et 275 546,88 € ou subsidiairement 138 204,49 € au titre de la période à échoir,

– incidence professionnelle : 80 000 € ou subsidiairement 100 000 €,

– assistance permanente par tierce personne : 202 270,54 €,

– déficit fonctionnel temporaire : 7 962,50 €,

– souffrances endurées : 10 000 €,

– préjudice esthétique temporaire : 3 000 €,

– déficit fonctionnel permanent : 40 800 €,

– préjudice esthétique permanent : 2 000 €,

– préjudice d’agrément : 8 000 €.

Au soutien de son appel, il fait valoir que :

Sur la perte de gains professionnels actuels : avant l’accident, il avait signé un contrat à durée indéterminé à temps complet avec la Sarl Miejou en qualité de chef de rang moyennant un salaire mensuel brut de 2 520 € qui devait prendre effet le 1er décembre 2015 ; l’expert a retenu une incapacité professionnelle du 12 novembre 2015 au 11 avril 2017, soit 517 jours, de sorte qu’il a de manière certaine perdu les gains stipulés dans ce contrat ; l’indemnisation doit porter sur la totalité des salaires perdus, sur la base de 1 965,60 € par mois, étant observé que ses avis d’impôt de 2015 à 2020 démontrent qu’il n’a perçu au cours de cette période que des indemnités journalières ou des prestations de Pôle emploi qui n’ont pas à être déduites ;

Sur la perte de gains professionnels futurs : si l’expert n’a retenu après consolidation qu’une pénibilité, la MDPH lui a reconnu la qualité de travailleurs handicapé et le médecin du travail a émis le 23 mars 2018 un avis d’inaptitude, considérant que son maintien dans l’emploi nuirait gravement à sa santé ; il se trouve donc dans l’impossibilité de percevoir des gains équivalents à ceux qu’il percevait auparavant ; sa qualité de chef de rang ne peut être contestée puisqu’il est titulaire d’un brevet de technicien supérieur (BTS) hôtellerie-restauration, qu’il a toujours travaillé et perçu des gains de l’ordre de 24 000 € en moyenne par mois, que son inactivité entre 2010 et 2013 s’explique notamment par le cancer dont sa compagne a été atteinte ; la perte de gains indemnisable correspond au salaire qu’il aurait dû percevoir dans le cadre du contrat conclu avant l’accident, moins un revenu équivalent à sa capacité de travail actuelle, soit la somme de 1 200 € par mois correspondant au SMIC et, pour l’avenir, la perte doit être capitalisée selon un indice de rente viagère compte tenu de son âge ;

Sur l’incidence professionnelle : la nature de son handicap est source d’une fatigabilité et d’une

pénibilité accrues qui restreignent ses possibilités professionnelles futures quelles qu’elles soient, étant rappelé qu’il bénéficie d’une assistance par tierce personne de trois heures par semaine à titre viager ; il a été contraint d’abandonner son métier ; subsidiairement, si la cour retenait une capitalisation de la perte de gains selon un indice de rente temporaire jusqu’à 67 ans, l’incidence de la perte de revenus sur ses droits à la retraite doit être indemnisée au titre de l’incidence professionnelle ;

Sur le préjudice d’agrément : l’expert retient une incapacité à la pratique de la via ferrata, du ski et du VTT, activités dont l’exercice avant l’accident est attestée par témoins.

Dans ses dernières conclusions d’intimée et d’appel incident, régulièrement notifiées le 15 avril 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la société MMA demande à la cour de :

‘ confirmer la décision du tribunal judiciaire de Nice en date du 21 décembre 2021 concernant les sommes allouées au titre des dépenses de santé restées à charge, frais divers, assistance par tierce personne temporaire et définitive, frais d’assistance à expertise médicale, perte de gains professionnels futurs, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire et définitif et préjudice d’agrément ;

‘ la réformer pour le surplus,

Statuant de nouveau,

‘ débouter M. [H] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

‘ réduire à la somme de 20 000 € la somme allouée à M. [H] au titre de l’incidence professionnelle ;

‘ le débouter de toutes ses autres demandes ;

‘ condamner M. [H] aux entiers dépens de la procédure.

Elle propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

– dépenses de santé actuelles restées à charge : 33 276,18 € dont 187,80 € revenant à M. [H] et 33 088,38 € revenant à la CPAM,

– frais divers : 1 658,54 €,

– frais d’assistance à expertise : 600 €,

– assistance par tierce personne : 10 080 €,

– dépenses de santé futures : 670,20 € revenant à la CPAM,

– perte de gains professionnels actuels : rejet,

– perte de gains professionnels futurs : rejet,

– incidence professionnelle : 20 000 €,

– assistance par tierce personne permanente : 100 546,59 €,

– déficit fonctionnel temporaire : 7 351,50 €,

– souffrances endurées 3,5/7 : 8 000 €,

– préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 2 000 €,

– déficit fonctionnel permanent 20 % : 40 800 €,

– préjudice d’agrément : rejet et subsidiairement 3 000 €,

– préjudice esthétique permanent 0,5/7 : 800 €.

Elle fait valoir que :

Sur la perte de gains professionnels actuels : M. [H] n’avait aucun emploi lorsque l’accident s’est produit ; le contrat à durée indéterminée qu’il produit est douteux car établi par un restaurant dont l’activité ne peut être que saisonnière et dont les résultats financiers n’autorisaient pas l’embauche d’un chef de rang pour une rémunération aussi importante sur toute l’année ; au cours de l’année 2015, avant l’accident, M. [H] n’a perçu que 671 € de revenus, de sorte qu’il ne peut utilement réclamer l’indemnisation d’une perte à partir d’un revenu de 1965 € par mois et, en tout état de cause, sur l’année 2016, ses revenus sont supérieurs à ceux qu’il percevait avant l’accident ;

Sur la perte de gains professionnels futurs : M. [H] ne justifie par aucune pièce avoir avant l’accident, travaillé en qualité de chef de rang ; la reconstitution de ses revenus jusqu’au fait dommageable ne révèle en réalité aucune perte de gains par rapport à sa situation antérieure et en tout état de cause, les experts n’ont retenu aucune inaptitude totale et définitive à l’emploi, ni même au métier de chef de rang ;

Sur l’incidence professionnelle : M. [H] ne démontre pas qu’il travaillait auparavant en qualité de chef de rang, de sorte que la pénibilité retenue par les experts n’est pas démontrée ;

Sur le préjudice d’agrément : M. [H] ne fournit aucune licence justifiant d’une pratique assidue d’une activité sportive ou de loisirs et il n’est justifié d’aucune participation à des compétitions permettant de justifier la pratique régulière du VTT, le ski ou la via ferrata, les seules attestations produites étant peu probantes d’une activité sportive ; à titre subsidiaire, elle est disposée à procéder au versement de la somme de 3 000 € de ce chef.

La CPAM du Var, assignée par M. [H] par acte d’huissier du 11 mars 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l’appel et des conclusions, n’a pas constitué avocat.

Par courrier adressé au greffe de la cour d’appel le 15 juin 2022 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 49 844,10€, correspondant à :

– des prestations en nature : 33 088,38 € de dépenses de santé actuelles et 670,20 € de dépenses de santé futures ;

– des indemnités journalières versées du 15 novembre 2015 au 14 avril 2017 : 16 085,52 €.

*****

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

Le droit à indemnisation de M. [H] n’est pas remis en cause devant la cour. Seule est contestée l’évaluation de son préjudice.

Sur le préjudice corporel

L’expert, le docteur [R], indique que M. [H] a souffert lors de l’accident :

– d’un traumatisme crânien avec perte de connaissance et amnésie des faits,

– d’un hématome intra parenchymateux pariétal gauche de 11 mm,

– d’une fracture non déplacée de l’extrémité inférieure de l’ulna gauche (traitée orthopédiquement par manchette plâtrée),

– d’une fracture articulaire de la base du métatarsien du pied droit déplacée (traitée orthopédiquement par botte plâtrée),

– d’un traumatisme de l’épaule avec rupture partielle du tendon du supra épineux associé à un épanchement traumatique articulaire (avec immobilisation coude au corps),

– de fractures des 8ème et 9ème cotes gauches,

– d’un traumatisme cervical avec fractures étagées,

– d’une fracture cervicale C2 du pédicure gauche et de la lame droite,

– d’une fracture en T4 et T5 de l’apophyse épineuse,

– d’une fracture des cotes 3, 4 et 5 gauches et les cotes 7, 8, 9, 10 droites,

– de céphalées,

– d’un traumatisme du genou droit,

– d’une fracture de la clavicule droite.

De ces lésions, il conserve comme séquelles une raideur du rachis cervical avec limitation des amplitudes associée à des céphalées, une limitation de certaines amplitudes de l’épaule droite sur le membre dominant, une limitation des amplitudes du poignet gauche sur le membre non dominant, des douleurs persistantes au niveau du pied droit avec limitation des amplitudes du gros orteil et gêne à la marche et un état anxieux relationnel persistant.

L’expert conclut à :

– un déficit fonctionnel temporaire total du 12 novembre 2015 au 15 janvier 2016,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 16 janvier 2016 au 11 avril 2016,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 12 avril 2016 au 15 mai 2016,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 16 mai 2016 au 12 novembre 2017,

– assistance par tierce personne : trois heures par jour du 16 janvier 2016au 11 avril 2016, deux heures par jour du 12 avril 2016 au 15 mai 2016, deux heures par semaine du 16 mai 2016 au 12 novembre 2017 puis viagère à raison de 2 heures par semaine à compter de la consolidation,

– incapacité de travail du 12 novembre 2015 au 11 avril 2017 ;

– une consolidation au 12 novembre 2017,

– un préjudice professionnel du fait d’une majoration de la pénibilité en particulier pour le portage de plateaux, la station debout prolongée et le piétinement,

– des souffrances endurées de 3,5/7,

– un préjudice esthétique temporaire de 2,5/7,

– un déficit fonctionnel permanent de 20 %,

– un préjudice esthétique permanent de 0,5 /7.

– un préjudice d’agrément.

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime, née le [Date naissance 4] 1971, de sa situation professionnelle et de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

M. [H] était âgé de 44 ans au moment de l’accident et de 46 ans au jour de la consolidation. Il est actuellement âgé de 51 ans.

Les parties ne contestent pas l’évaluation par le premier juge des postes suivants :

– assistance par tierce personne temporaire : 1 080 €

– déficit fonctionnel permanent : 40 800 €.

– dépenses de santé futures : 670,20 € de dépenses de santé futures revenant à la CPAM.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Dépenses de santé actuelles 33 259,52 €

Ce poste est constitué des frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, appareillage pris en charge par la CPAM, soit 33 088,38 €.

La victime n’invoque aucun frais de santé resté à sa charge mais revendique l’indemnisation au titre des frais divers de l’achat d’un collier cervical (30 €) et de semelles orthopédiques (141,14 € hors part prise en charge par la CPAM). Ces frais consacrent des dépenses de santé et doivent être indemnisés comme telles, soit 171,14 € revenant à M. [H].

– Frais divers 2 447,36 €

Ils sont représentés par :

-les honoraires d’assistance à expertise par le docteur [G] médecin conseil. Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l’accident, sont par la même indemnisables. M. [H] produit aux débats la facture du 13 octobre 2018 d’un montant de 600 €, qui n’est discutée par l’assureur ni dans son principe ni dans son montant, soit une somme de 600 € lui revenant à ce titre.

– les frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales de son domicile à [Localité 7] au cabinet de Mme [A] kinésithérapeute à [Localité 10], soit 46 km aller et retour selon la distance séparant les deux communes telle que répertoriée sur le site en ligne mappy en l’absence d’éléments fournis par M. [H] pour contredire cette évaluation ; M. [H] produit la carte grise du véhicule ayant effectué les trajets, qui fait ressortir une puissance fiscale de 5 CV qui aboutit selon le barème fiscal à une indemnité de 0,603 du kilomètre ; sur soixante-six séances de kinésithérapie entre le 19 mai 2016 et le 13 novembre 2017, la somme lui revenant s’établit à 1 830,70 €.

– des frais d’obtention du dossier médical : 16,66 €

– frais de déplacement de sa famille pour se rendre à son chevet : M. [H] produit des billets d’avion pour ses parents le 16 novembre 2015, soit quatre jour après l’accident ; ces billets au nom de ses parents et il n’est produit aucun justificatif démontrant qu’il en a lui-même réglé le coût ; ce préjudice ne lui est donc pas personnel, de sorte qu’il ne peut en solliciter l’indemnisation. Quant aux billets de train [Localité 9]/[Localité 6] et les reçus de billets de transports TRANSDEV et STACAR, ils ne sont pas nominatifs et ne peuvent donner lieu à indemnisation.

Au total les frais divers s’élèvent à 2 447,36 €.

– Perte de gains professionnels actuels 9 090,57 €

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus.

Au moment de l’accident, M. [H] était sans emploi.

L’expert a retenu une incapacité à travailler en raison des blessures du 12 novembre 2015 au 11 avril 2017.

L’absence d’activité professionnelle procurant des gains ne saurait suffire pour dénier à la victime toute possibilité d’indemnisation à ce titre.

Tel est notamment le cas lorsque la victime n’a pas renoncé à travailler et qu’elle est sur le marché du travail, à la recherche d’un emploi.

Dans cette hypothèse, si les blessures l’empêchent de travailler, la victime a droit à l’indemnisation d’une perte totale ou partielle de gains.

La perte est appréciée et évaluée en fonction des éléments concrets produits par la victime pour justifier de sa situation professionnelle et financière.

En l’espèce, il résulte de l’avis d’impôt 2016 de M. [H] qu’en 2015, soit avant l’accident qui a eu lieu en novembre 2015, M. [H] a perçu au titre des salaires 449 €, le surplus de ses revenus correspondant à des indemnités de chômage ou des indemnités journalières.

Ses gains professionnels étaient ainsi très limités même pour qui exerce une activité à caractère saisonnier.

M. [H] produit un contrat de travail signé le 15 septembre 2015 pour la saison d’hiver à venir avec Mme [X] [M], gérante de la société Miejou qui exploite un bar restaurant à Vadeblore. Ce contrat est à durée indéterminée pour un temps complet en qualité de chef de rang avec une rémunération de 2 500 € bruts par mois.

Il verse également aux débats un courrier que Mme [M] lui a adressé le 11 décembre 2015 pour l’informer qu’elle ne donnerait pas suite au contrat, rendu caduque en raison de son état de santé.

M. [H] tire argument de ces éléments pour soutenir que les blessures causés par l’accident l’ont empêché de travailler et lui ont fait perdre les gains stipulés dans ce contrat.

S’il est possible qu’après une longue période d’inactivité, M. [H] ait trouvé un emploi juste avant l’accident, le contrat de travail qui est produit aux débats apparaît pour le moins douteux si on considère qu’il s’agit d’un ‘bar restaurant’ selon la dénomination figurant sur le tampon de la société, exploité sous l’enseigne La Serena, dans une petite commune des Alpes Maritimes. Le Kbis de la société mentionne pour l’établissement une activité de ‘snack restauration’.

Dans la restauration, le chef de rang, responsable d’un groupe de tables, est affecté à l’accueil, l’installation et le service des clients.

Or, en l’espèce, la fiche de la société Mejiou sur le site société.com fait ressortir que son effectif est compris entre un et deux salariés et que son chiffre d’affaires en 2015 s’élevait à 85 700 € sur l’année.

Le procès verbal d’assemblée générale ordinaire annuelle du 10 juillet 2014 mentionnait un bénéfice au 31 mars 2014 de 699,95 €, et, dans les charges d’exploitation, des salaires à hauteur de 20 132 €. L’assemblée générale ordinaire annuelle du 16 septembre 2015, soit juste avant l’accident dont M. [H] a été victime, mentionne un résultat déficitaire de 12 772,65 € et dans les charges d’exploitation, des salaires à hauteur de 16 062 €.

La société MMA a mandaté un enquêteur sur place à Vadeblore. L’intéressé a contacté l’office du tourisme qui lui a indiqué qu’en morte saison les commerces sont clos et ne réouvrent pour la plupart qu’au 15 décembre. La station de ski nommée la Colmiane est dite ‘familiale’ avec une vingtaine de pistes pour dix remontées mécaniques. Selon l’office du tourisme, entre les saisons d’hiver et d’été, les commerces sont fermés sauf certaines fins de semaine. Au jour de son transport, le restaurant La Serena était fermé et un panneau ‘fermeture annuelle, réouverture début décembre’ était apposé sur la devanture.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’embauche par la société Mejiou d’un salarié à temps plein toute l’année sur un poste de chef de rang au sein du bar restaurant la Serena est hautement improbable. En effet, cet établissement n’a manifestement jamais supporté une telle charge salariale avant l’accident et il n’a pas les moyens financiers d’une telle embauche.

Par ailleurs, celle-ci n’a aucun sens si on considère qu’il s’agit d’un ‘bar restaurant’ ou, selon les énonciations du Kbis d’un établissement de ‘snack restauration’ qui n’est ouvert qu’en saison et qui compte en moyenne un ou deux salariés, dont un cuisinier. Un chef de rang n’aurait donc aucune équipe à gérer en salle.

A supposer que cette embauche soit réelle, la société Mejiou, compte tenu de ses résultats comptables et financiers à l’automne 2015, n’aurait pu en supporter le coût.

Compte tenu de la forte suspicion de complaisance qui s’attache au contrat de travail produit, il ne saurait y être référé pour considérer que M. [H], qui ne travaillait pas régulièrement avant l’accident, a perdu un salaire de chef de rang du fait de l’accident.

M. [H] était au chômage au moment de l’accident. Son relevé de carrière fait état d’un parcours professionnel chaotique à compter de 2010. Auparavant, il alternait les périodes de travail et de chômage. Il justifie par deux attestations qu’entre 2010 et 2013, sa compagne a souffert d’un cancer généralisé dont elle est décédée à la fin de l’année 2013, ce qui peut suffire à expliquer l’absence au cours de cette période, d’activité professionnelle procurant des gains.

Ses revenus depuis 2008 s’établissent ainsi :

– 2008 : revenu annuel de 25 569 € soit un salaire mensuel de 2 130 € ;

– 2009 : revenu annuel de 7 144 €, soit un salaire mensuel de 595 € ;

– 2010 : revenu annuel de 1 643 € soit un salaire mensuel de 136,91 €

– 2011 : aucun revenu

– 2012 : 84 € par an

– 2013 : 790 € par an

– 2014 : 5 275 € par an, soit 439,58 € par mois

Eu égard aux revenus des années 2008, 2009 et 2014 (en omettant les années 2010 à 2013 qui ne sont pas significatives), le revenu mensuel moyen de M. [H] avant l’accident s’élève à 1 055 € (37 988/3ans /12 mois).

Son emploi par la société Mejiou en 2015 avant l’accident démontre qu’il était sur le marché du travail, et qu’il travaillait toujours dans le cadre d’emplois précaires. En l’occurrence son emploi pour la société Mejiou correspondait à un poste de serveur saisonnier au sein d’une station de ski.

Lors de l’accident, il a souffert de nombreuses fractures à l’origine d’une impossibilité totale de travailler entre le 12 novembre 2015 et 11 avril 2017.

Il ne peut être contesté que M. [H] a perdu, du fait de ses blessures, une chance de travailler et de percevoir le salaire moyen antérieur à l’accident tel que ci-dessus défini.

Compte tenu de son parcours professionnel antérieur, cette perte de chance, qui ne saurait correspondre à l’intégralité de l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, est évaluée par la cour à 50 %.

En conséquence, la perte doit être évaluée comme suit :

– du 12 novembre 2015 au 31 décembre 2015 : 1 758,33 € (1 055/30 x 50 jours)

– du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 : 12 870,99 (1 055/30 x 366 jours)

– du 1er janvier 2017 au 11 avril 2017 : 3 551, 83 €, (1 055/30 x 101 jours)

et au total 18 181,15 €.

Affecté du taux de perte de chance retenu par la cour, la perte de gains indemnisable s’élève à 9 090, 57 €.

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 15 novembre 2015 au 14 avril 2017 par la CPAM pour un montant de 16 085,52 € qui s’imputent sur ce poste de dommage qu’elles ont vocation de réparer.

En application de l’article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, modifiée par l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. Dans ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence au tiers payeur subrogé.

Le droit de préférence de la victime sur le tiers payeur, qui s’applique et doit être mis en oeuvre lorsque la perte de gains est évaluée en perte de chance et que la victime n’a droit qu’à l’indemnisation partielle de son préjudice, implique que la créance de ce dernier soit imputée sur le montant des indemnités réparant le préjudice professionnel sans tenir compte de la limitation procédant de l’application du taux de perte de chance.

Il convient donc de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu’elle a pu percevoir des organismes sociaux, puis de fixer le montant de l’indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime au titre de son droit de priorité si l’addition de l’indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime.

En l’espèce, l’addition de l’indemnité mise à la charge du responsable (9 090,57 €) et des prestations servies à la victimes par le tiers payeur (16 085,52 €) représente 25 176,09 €, soit une somme supérieure au montant du préjudice global au titre de ce poste (18 181,15 €).

En application du droit de priorité, M. [H] a donc droit à 2 095,63 € (18 181,15 €- 16 085,52 €) et la CPAM à la somme de 6 994,94 €.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

– Perte de gains professionnels futurs Rejet

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Selon l’expert, les séquelles n’entraînent aucune incapacité totale et définitive objective à l’activité de chef de rang.

Les tâches professionnelles incombant au chef de rang incluent celles d’un serveur (portage de plateaux et service à table) auxquelles s’ajoutent des tâches d’accueil de la clientèle.

L’expert ne retient donc aucune impossibilité d’exercer ce métier, les séquelles, qui concernent l’amplitude des mouvements de l’épaule droite, du poignet gauche ainsi que des douleurs au pied droit avec limitation de l’amplitude du gros orteil et gêne à la marche, entraînant selon lui tout au plus une pénibilité majorée concernant le portage des plateaux, la station debout et le piétinement.

M. [H] produit aux débats un avis d’inaptitude à l’emploi de serveur, émis par la médecine du travail le 23 mars 2018. Selon cet avis, tout maintien de l’intéressé dans un poste de serveur serait gravement préjudiciable à sa santé. Si cet avis d’inaptitude contredit les conclusions de l’expert judiciaire, il ne concerne que l’emploi de serveur puisque le médecin du travail s’est prononcé au regard des contraintes inhérente à ce poste de travail.

M. [H] justifie donc ne plus être en mesure d’occuper un emploi de serveur et cette impossibilité s’étend nécessairement au poste de chef de rang qui implique des tâches de service des clients.

Il réclame l’indemnisation d’une perte de gains après consolidation, tant en ce qui concerne la période écoulée jusqu’à ce jour que pour l’avenir. Il soutient qu’il a toujours travaillé et perçu des gains de l’ordre de 24 000 € en moyenne par mois, de sorte que la perte de gains indemnisable correspond au salaire qu’il aurait dû percevoir dans le cadre du contrat conclu avant l’accident, moins un revenu équivalent à sa capacité de travail actuelle après reclassement, soit la somme de 1 200 € par mois correspondant au SMIC.

S’agissant du contrat conclu avec la société Mejiou, il convient de renvoyer aux développements relatifs à la perte de gains professionnels actuels. Ce contrat n’est pas crédible et il ne saurait y être référé pour considérer que M. [H], qui ne travaillait pas régulièrement avant l’accident, a perdu un salaire de chef de rang du fait de l’accident.

La carrière professionnelle de M. [H], telle qu’elle ressort de son relevé de carrière fait en réalité ressortir que sur les six années ayant précédé l’accident, il a perçu un salaire bien inférieur à 24 000 € puisqu’en 2009, il a perçu un revenu annuel de 7 144 €, en 2010 un revenu annuel de 1 643 €, en 2011, aucun revenu, en 2012 un revenu annuel de 84 €, en 2013 un revenu de 790 € par an, en 2014 un revenu annuel de 5 275 € et en 2015, jusqu’au 12 novembre un revenu annuel de 560 € par an.

Si on excepte les quatre années au cours desquelles il n’a pas travaillé en raison du cancer dont sa compagne a été atteinte et dont elle est décédée, il a donc perçu en moyenne un revenu de 4 326 € par an, ce qui représente un revenu mensuel moyen de 360,52 €.

Sur les années 2008, 2009 et 2014 (en omettant les années 2010 à 2013 qui ne sont pas significatives), le revenu mensuel moyen de M. [H] s’élève à 1 055 € (37 988/3ans /12 mois).

Par ailleurs, l’analyse de son relevé de carrière et des personnes morales qui l’ont employé ne permet pas de considérer qu’il exerçait de manière habituelle et exclusive la profession de serveur.

En tous cas, M. [H] ne produit aucune autre pièce que ce relevé de carrière afin de le démontrer.

Il reconnaît être en mesure, en dépit des séquelles, d’occuper un autre emploi que celui de serveur et de percevoir un salaire au moins équivalent au SMIC qui, au jour de la consolidation s’élevait à 1 173,60 € et à ce jour à 1 329,05 €. Par ailleurs, il est titulaire d’un BTS hôtellerie restauration qui lui permet d’accéder notamment à des emplois de gestionnaire ou de réceptionniste dans la restauration mais également dans d’autres secteurs d’activité (collectivités notamment), non contre-indiqués par les séquelles permanentes de l’accident.

Dès lors qu’il se déclare en mesure de percevoir au moins le SMIC, alors qu’il percevait en moyenne avant l’accident un revenu inférieur à ce salaire minimum, les séquelles de l’accident ne sont à l’origine d’aucune perte de gains professionnels indemnisable par l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident.

En considération de ces éléments, aucune indemnité n’est due à M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs.

– Incidence professionnelle 40 000 €

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

L’expert retient expressément une pénibilité accrue d’exécution des tâches professionnelles en raison des séquelles permanentes que l’accident a laissées à M. [H], notamment en ce qui concerne le portage des plateaux, la station debout prolongée et le piétinement.

Il s’en déduit que M. [H] souffrira sur chaque poste impliquant une station debout prolongée ou le port de charges.

La médecine du travail l’a déclaré inapte au métier de serveur et s’il n’est pas démontré qu’il a exercé de manière habituelle cette profession avant l’accident, il est acquis qu’elle correspond à une partie de sa qualification puisqu’il est titulaire d’un BTS hôtellerie restauration qui destine son titulaire notamment au métier de serveur, chef de rang ou maître d’hôtel.

Les séquelles ont donc contraint M. [H] à renoncer à ce métier même s’il l’exerçait de manière très intermittente.

Par ailleurs, la nature du handicap induit par les séquelles est source d’une fatigabilité et d’une pénibilité accrues qui restreignent ses possibilités professionnelles futures.

En revanche, M. [H] a souffert d’une perte de gains professionnels très limitée, évaluée à 2 095 €, et il ne démontre par aucune pièce que celle-ci aura une incidence sur le montant de ses droits à la retraite.

L’incidence professionnelle est donc caractérisée par une augmentation de la pénibilité d’exécution des tâches professionnelles et une renonciation au métier de serveur auquel le destinait sa formation.

L’évaluation de l’incidence professionnelle implique de prendre en considération la catégorie d’emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l’ampleur de l’incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l’âge de la victime (durée de l’incidence professionnelle).

M. [H] était âgé de 46 ans au jour de la consolidation, de sorte qu’il avait encore, à cette date, entre seize et dix-neuf ans à travailler avant de faire valoir ses droits à la retraite.

Titulaire d’un unique diplôme dans l’hôtellerie restauration alors qu’une partie des postes auxquels celui-ci le destine lui sont désormais fermés, et avec une carrière professionnelle antérieure à l’accident pour le moins précaire, les conséquences dommageables de l’accident auront pour lui des répercussions plus importantes que pour une victime mieux armée, par des diplômes ou un parcours personnel antérieur étayant, pour rebondir.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer, au titre de l’incidence professionnelle, une indemnité de 40 000 €.

En l’absence de rente ou pension à imputer la somme revient en totalité à M. [H].

– Assistance par tierce personne 104 270,54 €

La nécessité de la présence auprès de M. [H] d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L’expert précise, en effet, qu’il a besoin d’une aide non spécialisée de trois heures par semaine à compter de la consolidation le 12 novembre 2017.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18 €.

L ‘indemnité de tierce personne échue s’établit, sur 412 jours par an afin de tenir compte des fins de semaine et jours fériés, à 16 379,06 €.

S’agissant de la perte à échoir, le besoin annuel sur 412 jours afin de tenir compte des fins de semaine et jour fériés s’établit à 3 178,29 €.

L’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d’intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Ainsi, à partir d’un euro de rente viagère de 28,486 correspondant à un homme âgé de 51 ans au jour de la liquidation, l’indemnité d’assistance par tierce personne à échoir s’élève à 90 538,77 €, soit au total au titre ce poste la somme de 106 917,83 €, qui sera ramenée à 104 270,54 € afin de ne pas méconnaître l’objet du litige.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

– Déficit fonctionnel temporaire 7 668 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

M. [H] sollicite à ce titre une somme de 7 962,50 € soit une somme supérieure à celle allouée par le premier juge.

Il doit être réparé sur la base d’environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

– un déficit fonctionnel temporaire total du 12 novembre 2015 au 15 janvier 2016 : 1 782 €,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % du 16 janvier 2016 au 11 avril 2016 : 1 741,50 €,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 12 avril 2016 au 15 mai 2016 : 459 €,

– un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 16 mai 2016 au 12 novembre 2017 : 3 685,5 €,

et au total la somme de 7 668 €.

– Souffrances endurées 10 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial composé de plusieurs fractures et d’un hématome intra-parenchymenteux pariétal gauche, des immobilisations et des hospitalisations, évalué à 3,5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 10 000 €.

– préjudice esthétique temporaire 2 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique. Chiffré à 2,5/7 par l’expert pendant une période de trois mois, il justifie une indemnisation de 2 000 €.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

– Préjudice esthétique 1 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique.

Évalué à 0,5/7 au titre d’une cicatrice sur le genou, arrondie de deux centimètres de diamètre en dedans de la tubérosité tibiale antérieure, violacée, légèrement creusée non adhérente, il doit être indemnisé à hauteur de 1 000 €.

– Préjudice d’agrément 6 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

L’expert a retenu une incapacité à la pratique de la via ferrata, du ski et du VTT.

M. [H] justifie par les attestations de Mme [V] [Z], M. [O] [D], M. [J] [K], Mme [B] [U], M. [S] [N] et Mme [C] [F] qu’il pratiquait avant l’accident le VTT, la via ferrata et le ski.

Il n’est pas exigé de la victime qu’elle justifie pratiquer les activités d’agrément en club ou en compétition.

M. [H] était âgé de 46 ans lors de la consolidation.

Dès lors qu’il ne peut plus pratiquer les activités sportives auxquelles il s’adonnait régulièrement avant l’accident, l’octroi d’une indemnité de 6 000 € est justifiée à ce titre.

Récapitulatifs des préjudices

Postes de préjudice

Préjudice total

Part victime

Part tiers payeur

Dépenses de santé actuelles

33 259,52 €

171,14 €

33 088,38 €

Frais divers

2 447,36 €

2 447,36 €

0

Assistance par tierce personne temporaire

10 080 €

10 080 €

0

Perte de gains professionnels actuels

9 090,57 €

2 095,63 €

6 994,94 €

Dépenses de santé futures

670,20 €

0

670,20 €

Assistance par tierce personne permanente

104 270,54 €

104 270,54 €

0

Incidence professionnelle

40 000 €

40 000 €

0

Déficit fonctionnel temporaire

7 668 €

7 668 €

0

Souffrances endurées

10 000 €

10 000 €

0

Préjudice esthétique temporaire

2 000 €

2 000 €

0

Déficit fonctionnel permanent

40 800 €

40 800 €

0

Préjudice esthétique permanent

1 000 €

1 000 €

0

Préjudice d’agrément

6 000 €

6 000 €

0

Total

267 286,19 €

226 532,67 €

40 753,52 €

Le préjudice corporel global subi par M. [H] s’établit ainsi à la somme de 267 286,19 € soit, après imputation des débours de la CPAM (40 753,93 €), une somme de 226 532,67 € lui revenant qui, en application de l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 21 décembre 2021 à hauteur de 207 641,41 € et du prononcé du présent arrêt soit le 5 janvier 2023 pour le surplus des sommes dues.

Sur les demandes annexes

La société MMA, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d’appel.

L’équité justifie d’allouer à M. [H] une indemnité de 2 500 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement, hormis sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société MMA à payer à M. [E] [H], en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

– 171,14 € au titre des dépenses de santé actuelles,

– 2 782,62 € au titre des frais divers,

– 2 095,63 € au titre de la perte de gains professionnels actuels,

– 10 080 € au titre de l’assistance par tierce personne temporaire,

– 40 000 € au titre de l’incidence professionnelle,

– 104 270,54 € au titre de l’assistance par tierce personne permanente,

– 7668 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

– 10 000 € au titre des souffrances endurées,

– 2 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire,

– 40 800 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

– 1 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,

– 6 000 € au titre du préjudice d’agrément,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2021à hauteur de 207 641,41 € et du 5 janvier 2023 pour le surplus des sommes encore dues ;

– une indemnité de 2 500 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Rejette la demande au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

Condamne la société MMA aux entiers dépens d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président