Droit des brevets : 5 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11298

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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2023

N° 2023/1

N° RG 20/11298

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGRCI

[U] [S] épouse [B]

C/

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Société MUTUELLE DES MOTARDS

Organisme CPAM DU VAR

Société MUTUELLE PLANSANTE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ

-l’AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD

-SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULON en date du 05 Novembre 2020 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 19/00377.

APPELANTE

Madame [U] [S] épouse [B]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 8]

représentée et assistée par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et Me Jean-christophe BIANCHINI, avocat au barreau de TOULON.

INTIMEES

Association BUREAU CENTRAL FRANCAIS

Le Bureau Central Français, association loi du 1er juillet 1901, sis [Adresse 2],

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Grégory PILLIARD de l’AARPI ESCLAPEZ-SINELLE-PILLIARD, avocat au barreau de TOULON

La MUTUELLE DES MOTARDS

Société d’assurance mutuelle à cotisations variables,

demeurant [Adresse 4]

représentée et assistée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE.

Organisme CPAM DU VAR,

Signification DA LE 29/01/2021 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 23/07/2021 à étude,

demeurant [Adresse 5]

Défaillante.

Compagnie MUTUELLE PLANSANTE,

Assignée le 28/01/2021 à étude. Signification de conclusions en date du 27/07/2021 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 25/10/2022 à personne habilitée,

demeurant [Adresse 3]

Défaillante.

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 09 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2023,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 06/06/2015, Mme [B] a pris place comme passagère arrière sur une motocyclette que conduisait son conjoint. Elle a été percutée par un véhicule terrestre à moteur assuré auprès de la Huk Coburg AG en Allemagne, et a subi plusieurs traumatismes de la boîte crânienne, de l’épaule gauche et du genou droit. Son droit à la réparation intégrale de son préjudice corporel sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n’est pas contesté.

Par ordonnance du 09/02/2016, le juge des référés de Toulon a condamné la mutuelle des motards à verser à Mme [B] une provision de 13.000,00 € et a commis le docteur [X] aux fins d’expertise médicale. Le rapport a été déposé le 08/09/2016.

Par assignation des 26/12/2018, 02/01/2019 et 22/01/2019, Mme [B] a saisi le tribunal de grande instance de Toulon d’une action en réparation de son préjudice corporel dirigée contre l’association Bureau Central Français, la mutuelle des motards, la mutuelle Plansanté et la caisse primaire d’assurance-maladie du Var.

Par jugement réputé contradictoire du 05/11/2020, le tribunal judiciaire de Toulon a’:

– déclaré le jugement commun et opposable à la mutuelle Plansanté et à la caisse primaire d’assurance-maladie du Var, dont la créance est fixée à la somme de 16.116,17 €,

– condamne l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 11.365,25 € en réparation de son préjudice, déduction faite des provisions versées,

– dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 2.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne l’association Bureau Central Français aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a ainsi détaillé les différents chefs de dommage de la victime directe’:

– dépenses de santé actuelles’: 99,00 €

– assistance temporaire de tierce personne’: 1.980,00 €

– incidence professionnelle : rejet, motif tiré de ce que au motif que l’expert ne lui a reconnu aucun caractère permanent

– déficit fonctionnel temporaire : 2.736,25 €

– souffrances endurées : 4.000,00 €

– préjudice esthétique temporaire : 1.000,00 €

– déficit fonctionnel permanent : 13.050,00 €

– préjudice esthétique permanent : 1.000,00 €

– préjudice d’agrément : 500,00 €

Par déclaration du 19/11/2020 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme [B] a interjeté appel du jugement du tribunal judiciaire de Toulon en ce qu’il a’:

– déclaré le jugement commun et opposable à la mutuelle Plansanté et à la caisse primaire d’assurance-maladie du Var, dont la créance est fixée à la somme de 16.116,I7 €,

– condamné l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 11.365,25 € en réparation de son préjudice, déduction faite des provisions versées,

– dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante n°3 notifiées par RPVA le 24/10/2022, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, Mme [B] demande à la cour’de’:

– dire l’appel de Mme [B] recevable et bien fondé,

En conséquence,

– infirmer le jugement entrepris sur les seuls postes de préjudice corporel pour lesquels il est demandé réformation,

– confirmer le jugement rendu sur les autres dispositions,

Le réformant :

– condamner l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 72.962,50 € ou, à titre subsidiaire, la somme de 74.172,50 €, ventilée comme suit :

‘ dépenses de santé actuelles’: 99,00 € (créance CPAM 83′: 11.693,37 €)

‘ assistance temporaire de tierce personne’: 2.640,00 €

‘ incidence professionnelle : 30.000,00 € (ou, à titre subsidiaire, 10.000,00 €, outre 10.503,00 € au titre de la perte de gains professionnels actuels et 10.707,00 € au titre de la perte de gains professionnels futurs)

‘ déficit fonctionnel temporaire : 3.283,50 €

‘ souffrances endurées : 8.000,00 €

‘ préjudice esthétique temporaire : 3.000,00 €

‘ déficit fonctionnel permanent : 19.440,00 €

‘ préjudice esthétique permanent : 1.500,00 €

‘ préjudice d’agrément : 5.000,00 €

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné le Bureau Central Français à payer à Mme [B] les intérêts au taux légal à compter du 05/11/2020,

– statuer sur la créance des organismes sociaux et sur leur imputation sur les postes de préjudices dont il est réclamé réparation,

– déduire des présentes demandes toutes provisions déjà versées,

– débouter la mutuelle des motards et le Bureau Central Français de toutes autres demandes, fins et conclusions,

– déclarer l’arrêt à intervenir commun et opposable à la mutuelle Plan Santé et à la caisse primaire d’assurance-maladie du Var,

– condamner l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 3.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance,

– condamner l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner l’association Bureau Central Français aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj Monteri Daval-Guedj, sur son offre de droit.

Mme [B] fait valoir les arguments suivants :

– perte de gains professionnels actuels’: à la date de l’accident, elle était en recherche d’emploi et en cours de reconversion pour être monitrice d’auto-école’; un gérant d’auto-école a renoncé à l’embaucher en raison de l’accident’; elle a donc perdu une chance évaluée à 90’% d’obtenir un contrat de travail à durée indéterminée rémunéré au SMIC, soit 10.503,00 € du 27/10/2015 au 22/07/2016, sur la base d’un SMIC net journalier à 37,89 € ;

– incidence professionnelle’avant consolidation : elle a passé un entretien d’embauche à l’auto-école le 27/10/2015, elle n’était pas encore consolidée ; elle a dû renoncer à son projet professionnel en raison de la survenance du fait dommageable’; elle n’a été recrutée par une auto-école que deux ans après l’accident’; tant avant qu’après consolidation, Mme [B] a subi une pénibilité accrue de ses conditions de travail et une perte de ses droits à retraite’; ce préjudice doit être indemnisé à hauteur de 10.000,00 €’;

– perte de gains professionnels futurs’: la perte de chance de trouver un emploi a pris fin le 01/06/2017, date à laquelle Mme [B] a trouvé un emploi’; son préjudice doit donc être liquidé sur la base d’une perte de chance de 90’% de gagner 37,89 € par jour du 22/07/2016 au 01/06/2017, soit 10.707,00 €’;

– incidence professionnelle après consolidation’: le docteur [X] a retenu un retentissement psychologique comme composante du déficit fonctionnel permanent’; Mme [B] a subi une pénibilité accrue des conditions de travail et, tout au moins jusqu’au 01/07/2017, une dévalorisation sur le marché du travail’; Mme [B] sollicite la somme de 30.000,00 € et non de 10.000,00 € dans l’hypothèse du rejet de ses demandes d’indemnisation de la perte de gains professionnels actuels et futurs.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée et d’appel incident notifiées par RPVA le 22/04/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, l’association Bureau Central Français demande à la cour :

– d’allouer à Mme [B] la somme de 10.800,00 € au titre du déficit fonctionnel permanent,

– débouter Mme [B] de sa demande au titre du préjudice d’agrément,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à Mme [B] la somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles en première instance,

– débouter Mme [B] du surplus de ses demandes,

– condamner Mme [B] à payer au Bureau Central Français la somme de 2.000,00 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel,

– condamner Mme [B] aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de Maître Grégory Pilliard, avocat, sur son offre de droit.

Au soutien de ses demandes, l’association Bureau Central Français estime que :

– le docteur [X] a argumenté sa position concernant la non-admission de l’incidence professionnelle et l’a maintenue dans sa réponse à un dire’: les difficultés psychologiques, qui ont été prises en compte dans l’appréciation du déficit fonctionnel permanent vont s’améliorer’et les troubles anxieux disparaître’;

– les demandes d’indemnisation des pertes de gains professionnels doivent être rejetées car Mme [B] était sans activité professionnelle au moment de l’accident’; au surplus, elle ne justifie pas des sommes qu’elle aurait perçues si elle avait été embauchée fin octobre 2015 par l’auto-école Gambetta’;

– le préjudice d’agrément doit également être écarté car l’appréhension de la motocyclette n’est due qu’à des difficultés psychologiques qui seront surmontées ; la pratique de randonnée pédestre quant à elle n’est pas prouvée.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions n°2 notifiées par RPVA le 22/06/2021, auxquelles il est renvoyé par application de l’article 455 du code de procédure civile pour un plus ample exposé des moyens et sur l’évaluation des préjudices, la mutuelle des motards demande à la cour de’:

– prononcer sa mise hors de cause,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a évalué les préjudices corporels de façon équitable et en conformité avec la jurisprudence de la cour d’appel d’Aix-en-Provence,

– condamner Mme [B] à payer a la mutuelle des motards la somme de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

Assignée à personne habilitée le 29/01/2021 par acte d’huissier contenant dénonce de l’appel, la caisse primaire d’assurance-maladie des Bouches-du-Rhône n’a pas constitué avocat. Elle a communiqué le montant de ses débours définitifs, soit la somme de 11.894,02 €, ventilée comme suit’:

– frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais d’appareillage, frais de transport’: 11.696,37 €

– indemnités journalières avant consolidation’: 197,65 €.

* * *

Assignée à l’étude le 28/01/2021 par acte d’huissier contenant dénonce de l’appel, la mutuelle Plansanté n’a pas constitué avocat.

* * *

La clôture a été prononcée le 25/10/2022.

Le dossier a été plaidé le 09/11/2022 et mis en délibéré au 05/01/2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nature de la décision rendue’:

L’arrêt rendu sera rendu par défaut, conformément à l’article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.

Sur le droit à indemnisation’:

Le droit à indemnisation intégrale de Mme [B] sur le fondement des dispositions de la loi du 05/07/1985 n’a jamais été contesté. Seule est discutée en cause d’appel l’évaluation de ce préjudice.

Sur l’indemnisation du préjudice corporel’:

Données médico-légales’:

Le rapport d’expertise médicale du docteur [X] du 08/09/2016 constitue une base valable d’évaluation des préjudice subis par Mme [B]. Ses conclusions médico-légales [X] sont les suivantes’:

– imputabilité directe et certaine des lésions physiques et psychiques liés au sinistre du 06/06/2015

– consolidation’: 22/07/2016

– perte de gains professionnels actuels’: arrêt total d’activité professionnelle pendant 1 an + 16 jours

– dépenses de santé actuelles : frais médicaux et paramédicaux pendant un 1 an + 16 jours

– assistance par tierce personne non spécialisée : 1 heure par jour pendant 30 jours, 3 heures par semaine pendant 5 mois et 15 jours, 1 heure par semaine pendant 6 mois et 21 jours

– déficit fonctionnel temporaire 75 %’: 30 jours

– déficit fonctionnel temporaire 50%’: 62 jours

– déficit fonctionnel temporaire 25%’: 107 jours

– déficit fonctionnel temporaire 10 %’: 202 jours

– souffrances endurées’: 2,5/7

– préjudice esthétique temporaire’: 1,5/7

– préjudice esthétique permanent’: 0,5/7

– préjudice d’agrément’: oui, pour la pratique de la randonnée

– déficit fonctionnel permanent’: 9% (Mme [B] conserve actuellement une discrète limitation de la mobilité de l’humérus gauche et du genou droit, outre des troubles anxio-dépressifs modérés).

Données chronologiques :

Date de naissance’: 03/08/1965

Date du fait générateur : 06/06/2015

Date de la consolidation’: 22/07/2016

Date de la liquidation’: 05/01/2023

Durée en années de la période avant consolidation : 1,128

Durée en années de la période consolidation / liquidation’: 6,456

Age’lors du fait générateur : 49

Age’lors de la consolidation : 50

Age’lors de la liquidation : 57

Sur l’indemnisation du préjudice corporel’:

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il n’en résulte pour elle ni perte ni profit.

L’évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime au moment de l’accident (49 ans), de la consolidation (50 ans), de la présente décision (57 ans) et de son activité (en recherche d’emploi), afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, conformément à l’article 31 de la loi du 05/07/1985 dans sa version issue de la loi du 21/12/2006, dès lors que le droit à indemnisation de la victime est limité dans une proportion donnée, son droit de préférence justifie que le préjudice corporel, évalué poste par poste, soit intégralement réparé pour chacun des ces postes dans la mesure de l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le payeur n’exerçant son recours que sur le reliquat.

Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de Mme [B] doit être évalué comme suit.

I. PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

a) préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles (DSA)’: 99,00 € (créance CPAM du Var’: 11.697,37 €)

Ce poste de préjudice n’est contesté en appel par aucune des parties.

Assistance par tierce personne temporaire'(ATPT) : 2.376,00 €

Il s’agit de l’aide périodique nécessaire pour que la victime puisse accomplir les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité et sa dignité, suppléer sa perte d’autonomie. Ces dépenses trouvent leur cause dans l’accident et procèdent d’un besoin de sorte que, quelles que soient les modalités choisies par la victime, l’enveloppe allouée ne peut ni être réduite au regard du recours à l’aide familiale, ni conditionnée par la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Le docteur [X] retient le principe d’une aide humaine non spécialisée à concurrence d’une heure par jour pendant 30 jours, de trois heures par semaine pendant 5 mois et 15 jours, et d’une heure par semaine pendant 6 mois et 21 jours.

La nécessité de la présence d’une tierce personne n’est contestée ni dans son principe ni dans son étendue mais reste discutée dans son coût. Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, des tarifs d’aide à domicile en vigueur dans la région, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18,00 €.

L’indemnité de tierce personne temporaire sera évaluée à la somme de 2.376,00 €, ventilée comme suit’:

– 1 heure x 31 jours x 18,00 € = 558,00 €

– 3 heures x 24 semaines x 18,00 € = 1.296,00 €

– 1 heure x 29 semaines jours x 18,00 € = 522,00 €

Perte de gains professionnels actuels (PGPA)’: 4.024,51 € (créance CPAM du Var’: 197,65 €)

Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus. La durée et l’importance, généralement décroissante, de l’indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu’à la date de la consolidation.

Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.

Mme [B] soutient que l’accident lui a fait perdre une chance d’être embauchée par l’auto-école CCF Gambetta à [Localité 7] (Var). De fait, le gérant de ladite auto-école atteste «’avoir eu un entretien d’embauche pour un emploi à temps partiel (24 heures) qui passera à temps plein après la période d’essai, le mardi 27/10/2015 avec Mme [B] [U]. J’étais fortement intéressé par son profil mais suite à son accident, elle n’est malheureusement pas apte à travailler en ce moment. Je n’ai donc pas pu donner de suite favorable à notre entretien’». En outre, Mme [B] venait de passer l’examen du brevet pour l’exercice de la profession d’enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière ‘ avec succès, ce dont atteste un courrier de notification de délivrance du diplôme signé du préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur du 12/06/2015.

Mme [B] est donc fondée à soutenir qu’elle aurait pû être engagée par cette auto-école, sauf à préciser que le gérant de l’auto-école n’a pas précisé le niveau de rémunération qu’il lui aurait proposé, qu’il n’a pas indiqué de façon explicite que le contrat aurait été un contrat à durée déterminée, et qu’il n’a évoqué qu’une embauche à temps partiel dans la limite de 24 heures hebdomadaires et non de 35. N’eût été l’accident, Mme [B] aurait raisonnablement pu espérer gagner une somme égale aux 24/35e du SMIC mensuel net à compter du 27/10/2015 jusqu’au 22/07/2016, soit 1.329,05 € x 0,736 année x 12 mois x 24/35e = 8.049,02 €. La cour fixe à 50’% la valeur de cette chance perdue, soit un montant de 4.024,51 €.

Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période par la caisse primaire d’assurance-maladie du Var pour un montant de 4.419,80 € qui s’impute sur ce poste de dommage qu’elles ont vocation de réparer.

Il résulte du droit de préférence reconnu à la victime par l’article 31 de la loi du 05/07/1985 que, le droit à indemnisation de Mme [B] étant limité du fait de la simple perte de chance, son préjudice, évalué poste par poste, est intégralement réparé de l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable [(4.0424,51 € + 4.419,80 € = 8.444,31 €) x 50’% = 4.222,16 €], le payeur n’exerçant son recours que sur le reliquat.

En conséquence, la somme revenant personnellement à la victime s’établit à la somme de 4.024,51 €, l’organisme payeur n’exerçant sa créance que dans la limite de 197,65 €.

b) préjudices patrimoniaux permanents après consolidation

Perte de gains professionnels futurs (PGPF)’: 4.702,55 €

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l’invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l’obligation pour elle d’exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n’englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Mme [B] invoque une perte de chance de trouver un emploi, qu’elle situe entre la consolidation et le 01/06/2017, date de son embauche en qualité de monitrice d’auto-école par M. [Z] [N]. Sous les mêmes réserves, la cour admet une perte de chance de 50’% de percevoir une somme de 24/35e du SMIC mensuel net à compter du 22/07/2016 jusqu’au 01/06/2017, soit 50’% x 1.329,05 € x 12 mois x 0,860 année x 24/35e = 4.702,55 €.

Incidence professionnelle (IP)’: 10.000,00 €

Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou de l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Ce poste s’appréciant par définition au regard de l’état séquellaire, la notion d’incidence professionnelle temporaire invoquée par Mme [B] est irrecevable.

S’agissant de la période postérieure à la consolidation, le docteur [X] retient l’existence de troubles anxio-dépressifs modérés et admet que «’les problèmes psychologiques ont été pris en compte dans l’évaluation du taux d’AIPP (1%), ce sont eux qui sont à l’origine des difficultés professionnelles rapportées par Mme [B]’». Le docteur [X] écarte pourtant l’incidence professionnelle en raison de la possibilité d’une adaptation graduelle de la victime à ce nouveau travail «’en s’occupant par exemple dans un premier temps de la formation au code. Puis progressivement arriver à assurer sa fonction pleine et entière de monitrice d’auto-école ‘ ce qui, de plus, aura une fonction thérapeutique sur ses problèmes psychologiques’».

Cette argumentation du docteur [X] n’emporte pas la conviction’: ce n’est pas une approche thérapeutique qui est attendue du médecin expert, mais une approche médico-légale consistant à définir l’état des besoins objectifs de la victime au vu de l’état séquellaire. Or, le docteur [X] constate non seulement la présence de troubles anxieux réactionnels, mais admet implicitement leur incidence professionnelle actuelle dans la mesure où il pronostique que, dans un futur proche, «’ses troubles anxieux vont progressivement disparaître et qu’elle retrouvera ainsi toute ses capacités pour sa nouvelle activité professionnelle’».

Ce faisant, l’expert admet objectivement une pénibilité accrue des conditions de travail de Mme [B]. Les difficultés psychologiques consécutives à l’accident caractérisent en outre une certaine dévalorisation sur le marché du travail, laquelle peut expliquer que Mme [B] n’ait été embauchée qu’en juin 2017, c’est-à-dire neuf mois après le dépôt du rapport d’expertise. La perte alléguée des droits à retraite, en revanche, n’est justifiée ni dans son principe ni dans son étendue.

Mme [B] était âgée de 50 ans à la consolidation. Ce poste de dommage sera évalué à la somme de 10.000,00 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

a) préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire (DFT)’: 2.955,15 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence ainsi que le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 810,00 € par mois de déficit fonctionnel temporaire total, soit 27,00 € par jour, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.

L’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera évaluée à la somme de 2.955,15 €, ventilée comme suit’:

– déficit fonctionnel temporaire 100’% x 9 jours x 27,00 € = 243,00 €

– déficit fonctionnel temporaire’70’% x 30 jours x 27,00 € = 607,50 €

– déficit fonctionnel temporaire’50’% x 62 jours x 27,00 € = 837,00 €

– déficit fonctionnel temporaire 25’% x 107 jours x 27,00 € = 722,25 €

– déficit fonctionnel temporaire 10’% x 202 jours x 27,00 € = 545,40 €

Souffrances endurées (SE)’: 4.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime. L’expert a évalué ce poste à 2,5/7 après avoir rappelé les traumatismes multiples subis (boîte crânienne, épaule gauche, genou droit), la nécessité d’une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ainsi que d’une rééducation. Une somme de 4.000,00 € sera allouée à Mme [B].

Préjudice esthétique temporaire (PET)’: 1.000,00 €

Ce poste vise à réparer le préjudice né de l’obligation pour la victime de se présenter temporairement avant consolidation au regard des tiers dans une apparence physique altérée en raison de ses blessures.

Évalué à 1,5/7 par l’expert au titre de l’immobilisation du genou droit et de l’épaule gauche et de l’utilisation d’un fauteuil roulant et de cannes anglaises, ce poste sera indemnisé à hauteur de 1.000,00 €.

b) préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent (DFP)’: 15.750,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelle, familiale et sociale.

Les séquelles conservées, le taux d’incapacité et l’âge de la victime déterminent le quantum de l’évaluation du poste déficit fonctionnel permanent.

En l’occurrence, le docteur [X] retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 9’% pour une femme âgée de 50 ans à la consolidation (3’% pour les lésions de l’épaule, 5’% pour celles du genou et 1’% pour les troubles anxio-dépressifs). Ce poste de préjudice corporel sera évalué à la somme de 15.750,00 €.

Préjudice esthétique permanent (PEP)’: 1.200,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique à compter de la consolidation.

L’état séquellaire du genou droit peut être corrélé avec une légère claudication en terrain irrégulier. Évalué par l’expert judiciaire à 0,5/7 sera réparé par l’allocation d’une somme de 1.200,00 €.

Préjudice d’agrément (PA)’: rejet

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Le préjudice d’agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d’une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l’accident et dont elle a été privée des suites de celui-ci.

Il est constant que le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs dans les mêmes conditions. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.

Le docteur [X] admet un préjudice d’agrément pour la randonnée, et souligne que les lésions physiques du genou peuvent compromettre la possibilité de marcher en terrain accidenté. Il ne retient aucun préjudice d’agrément en ce qui concerne la pratique de la motocyclette «’car les difficultés actuelles sont purement psychologiques’».

Mme [B] doit prouver quant à elle qu’elle s’adonnait régulièrement avant l’accident à la randonnée et à la motocyclette dans un contexte récréatif. Elle ne produit en ce sens qu’une seule attestation émanant de son mari, ce qui ne peut être admis comme un élément de preuve suffisant.

Aucune somme ne sera allouée au titre du préjudice d’agrément.

* * *

Part victime

Part CPAM 83

Dépenses de santé actuelles

99,00 €

11.696,37 €

Assistance tierce personne temporaire

2.376,00 €

Perte de gains professionnels actuels

4.024,51 €

197,65 €

Perte de gains professionnels futurs

4.702,55 €

Incidence professionnelle

10.000,00 €

Déficit fonctionnel temporaire

2.955,15 €

Souffrances endurées

4.000,00 €

Préjudice esthétique temporaire

1.000,00 €

Déficit fonctionnel permanent

15.750,00 €

Préjudice esthétique permanent

1.200,00 €

Préjudice d’agrément

Rejet

Préjudice global de la victime

58.001,23 €

Total part CPAM du Var

11.894,02 €

Total part victime

46.107,21 €

Provision versée à la victime

13.000,00 €

Montant revenant à la victime

33.107,21 €

Le préjudice corporel global subi par Mme [B] s’établit ainsi à la somme de 58.001,23 €. Soit, après imputation des débours définitifs de la caisse primaire d’assurance-maladie, et de la somme de 13.000,00 € déjà réglée à titre provisionnel, une somme revenant à Mme [B] de 33.107,21 €, qui portera intérêts au taux légal à compter du 05/11/2020 sur la somme de 11.365,25 € et à compter de la date du présent arrêt pour le surplus des sommes dues.

Sur les demandes annexes’:

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.

L’association Bureau Central Français qui succombe partiellement dans ses prétentions supportera la charge des entiers dépens d’appel et ne peut, de ce fait, bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer à Mme [B] une indemnité de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris, hormis’:

– en ce qu’il a écarté l’incidence professionnelle,

– en ce qu’il retenu le préjudice d’agrément,

– sur le montant de l’indemnisation de la victime et les sommes lui revenant.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] les sommes suivantes’:

– dépenses de santé actuelles’: 99,00 € (quatre vingt dix neuf euros),

– assistance tierce personne temporaire’: 2.376,00 € (deux mille trois cent soixante seize euros),

– perte de gains professionnels actuels’: 4.024,51 € (quatre mille vingt quatre euros et cinquante et un cents),

– perte de gains professionnels futurs’: 4.702,55 € (quatre mille sept cent deux euros et cinquante cinq cents),

– incidence professionnelle’: 10.000,00 € (dix mille euros),

– déficit fonctionnel temporaire’: 2.955,15 € (deux mille neuf cent cinquante cinq euros et quinze cents),

– souffrances endurées’: 4.000,00 € (quatre mille euros),

– préjudice esthétique temporaire’: 1.000,00 € (mille euros),

– déficit fonctionnel permanent’: 15.750,00 € (quinze mille sept cent cinquante euros),

– préjudice esthétique permanent’: 1.200,00 € (mille deux cents euros).

Rejette la demande de Mme [B] au titre du préjudice d’agrément.

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal’:

– sur la somme de 11.365,25 € (onze mille trois cent soixante cinq euros et vingt cinq cents) à compter du 05/11/2020,

– et sur le surplus des sommes dues, à compter de la date du prononcé du présent arrêt.

Condamne l’association Bureau Central Français à payer à Mme [B] la somme de 2.000,00 € (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel.

Condamne l’association Bureau Central Français aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT