Droit des brevets : 11 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/02765

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SCOUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 JANVIER 2023

N° RG 20/02765

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGBE

AFFAIRE :

[B] [M]

C/

Société OBL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 5 novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F 18/01543

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Guillaume ROLAND

Me Catherine SIMON

Copie numérique adressée à :

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [B] [M]

né le 1er août 1989 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Guillaume ROLAND de la SCP Herald anciennement Granrut, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014

APPELANT

****************

Société OBL

N° SIRET : 410 081 517

Immeuble Le [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Catherine SIMON, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0563

Société MATERIALISE N.V.

[Adresse 1]

[Adresse 1])

70000 BELGIQUE

Représentant : Me Catherine SIMON, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0563

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Orthopédie Biomécanique Locomotion (la société OBL), filiale française du groupe belge Matérialise, est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux tels que des implants, en particulier pour la chirurgie maxillo-faciale. L’effectif de la société était, au jour de la rupture de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le salarié a été engagé par la société OBL en qualité d’ingénieur recherche et développement, par contrat de travail à durée déterminée de quatre mois, du 1er octobre 2014 au 31 janvier 2015, pour surcroît temporaire d’activité en raison d’un projet de recherche lié au développement de nouveaux implants pour le rachis.

Par avenant du 30 janvier 2015, le contrat de travail du salarié a été renouvelé jusqu’au 31 mars 2015.

Le salarié et la société OBL ont signé un nouveau contrat pour une durée déterminée de 36 mois à compter du 1er avril 2015 se terminant le 31 mars 2018, ‘ dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) conclue entre la société OBL et l’ANRT’ et ce en qualité d’ingénieur recherche et développement au statut de cadre position1 coefficient 84 de la convention collective.

Le salarié a obtenu son diplôme de doctorant le 13 décembre 2017 et a fait part à la société OBL de son souhait de mettre fin à son contrat de travail.

Le 23 janvier 2018, le salarié et la société OBL ont signé une convention de rupture anticipée du contrat pour ‘des raisons personnelles et compte tenu notamment de l’obtention de son diplôme.’.

Le 17 décembre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt, en référé et au fond, en vue de faire valoir ses droits au coefficient de classification conventionnel, à la rémunération des inventions dont il est l’auteur et de requalifier l’ensemble de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée.

Le 15 mars 2019, la formation des référés du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a dit n’y avoir lieu a référé sur les demandes du salarié.

Le 4 juillet 2019, M. [M] a saisi le tribunal de grande instance de Paris au titre de deux déclarations d’invention qu’il contestait être des inventions de mission.

Par jugement rendu le 17 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris (3ème chambre 1ère section) a débouté intégralement M. [M] de ses demandes à l’encontre de la société OBL, le condamnant également à payer à celle-ci la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 5 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

– mis hors de cause la société de droit belge Matérialise N.V.,

– condamné la société OBL prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [M] les sommes de :

. 8 798,92 euros brut au titre de rappel de salaire pour augmentation annuelle du coefficient conventionnel,

. 879,89 euros brut au titre de congés payés sur rappel de salaire,

. 879,89 euros brut au titre de complément d’indemnité de fin de contrat,

. 1 000,00 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné à la société OBL prise en la personne de son représentant légal d’établir au profit de M. [M] un bulletin de salaire récapitulatif, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes aux termes du présent jugement,

– ordonné l’exécution provisoire de droit, selon l’article R. 1454-28 du code du travail, pour les sommes qui y sont soumises,

– mis les dépens de la présente instance à la charge de la partie défenderesse,

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

– débouté la société OBL de sa demande.

Par déclaration adressée au greffe le 4 décembre 2020, M. [M] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 6 septembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [M] demande à la cour de :

– le recevoir en son appel, l’en dire bien fondé,

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 5 novembre 2020 en ce qu’il a condamné la société OBL à lui payer les sommes suivantes :

. 8 798,92 euros bruts à titre de rappel de salaire pour augmentation annuelle du coefficient conventionnel, outre 879,89 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 879,89 euros bruts à titre de complément d’indemnité de fin de contrat,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 5 novembre 2020 du surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

sur la période de travail comprise entre le 1er juillet 2014 et le 30 septembre 2014,

– dire qu’il a travaillé pour la société OBL du 1er août 2014 au 30 septembre 2014 sans contrat de travail,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer la somme de 7 500 euros nets à titre de dommages et intérêts,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer à titre d’indemnité pour travail dissimulé :

. à titre principal, selon le coefficient 100 de la convention collective, la somme de 18 051,50 euros nets,

. à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence (coefficient 84), la somme de 15 650,88 euros nets,

sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée déterminée,

– requalifier l’ensemble de la relation de travail du salarié en contrat de travail à durée indéterminée,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer à titre d’indemnité de requalification:

. à titre principal, selon le coefficient 100 de la convention collective, la somme de 3 008,58 euros nets,

. à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence (coefficient 84), la somme de 2 608,48 euros nets,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois de salaire) :

. à titre principal, selon le coefficient 100 de la convention collective, la somme de 12 034,33 euros nets,

. à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence (coefficient 84), la somme de 10 433,92 euros nets,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer à titre d’indemnité légale de licenciement :

. à titre principal, selon le coefficient 100 de la convention collective, la somme de 2 490,98 euros nets,

. à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence (coefficient 84), la somme de 2 159,71 euros nets,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer à titre d’indemnité compensatrice de préavis :

. à titre principal, selon le coefficient 100 de la convention collective, la somme de 9 022,75 euros bruts, outre celle de 902,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. à titre subsidiaire, sur la base du salaire de référence (coefficient 84), la somme de 5 216,96 euros bruts, outre celle de 521,70 euros bruts au titre des congés payés afférents,

sur l’annulation de la convention de forfait-jours,

– dire que la convention de forfait en jours est nulle,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer la somme de 12 198,44 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre celle de 1 219,84 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

sur la rémunération supplémentaire au titre de l’invention de salarié,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer les sommes de :

. 18 500 euros bruts au titre de la rémunération supplémentaire au titre de son invention,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

sur les autres demandes,

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer 10 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail,

– ordonner sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, à défaut, à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir :

. la rectification des bulletins de paie depuis le 1er avril 2015 et des documents de fin de contrat,

. la publication du jugement dans les publications suivantes : Le quotidien du médecin, Plastic and reconstructive Surgery, Le quotidien du pharmacien,

. l’affichage du jugement à intervenir dans les locaux de la société OBL situés Immeuble Le [Adresse 7] ‘ [Localité 4],

– condamner in solidum les sociétés OBL et Matérialise à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que l’ensemble des condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par OBL de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, et prononcer la capitalisation sur le fondement de l’article 1154 du code civil,

– ordonner l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles les sociétés OBL et Matérialise N.V. demandent à la cour de :

– confirmer le jugement rendu le 5 novembre 2020 en ce qu’il a mis hors de cause la société de droit belge Matérialise N.V.,

– infirmer le dit jugement en ce qu’il a condamné la société OBL à régler à M. [M] les sommes suivantes :

. 8 798,92 euros au titre de rappel de salaire pour augmentation du coefficient conventionnel,

. 879,89 euros brut au titre de congés payés pour rappel de salaire,

. 879,89 euros brut au titre de l’indemnité de fin de contrat,

. et ordonné en conséquence à la société OBL de remettre un bulletin de salaire récapitulatif, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi conformes au dispositif du jugement,

. 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le dit jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de ses autres demandes à savoir :

sur la période entre le 1er juillet 2014 et le 30 septembre 2014,

. sa demande de « dommages intérêts » de 7 500 euros,

. sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, tant à titre principal que subsidiaire tant à titre principal que subsidiaire dans leur quantum,

. sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en conséquence,

. sa demande d’indemnité de requalification, tant à titre principal que subsidiaire,

. ses demandes d’indemnité légale de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tant à titre principal que subsidiaire dans leur quantum,

– sa demande d’annulation de la convention de forfait jours et en conséquence,

– sa demande de condamnation à un rappel d’heures supplémentaires outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– sa demande de rémunération supplémentaire au titre de l’invention de salarié de 18 500 euros et sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– sa demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et de publication du jugement à intervenir,

subsidiairement, en ce qui concerne la demande d’annulation de la convention de forfait jours et de condamnation de la société OBL à un rappel d’heures supplémentaires,

– dire que le montant total des heures supplémentaires s’élève à 12 439,44 euros sur la base du salaire versé, qui seul doit être retenu.

– condamner M. [M] à payer à la société OBL la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de mise hors de cause de la société Matérialise

Dans le dispositif de ses écritures, le salarié sollicite la condamnation in solidum de la société OBL et de la société Matérialise.

Le salarié qui ne développe aucun moyen à l’appui de sa demande, se contente d’indiquer dans le ‘Rappel des faits et de la procédure’ en page 1 de ses conclusions que la société OBL est une filiale française du groupe belge Matérialise qui compte un effectif de plus de 1000 salariés.

Les sociétés sollicitent la confirmation de la décision des premiers juges et c’est à juste titre qu’ils ont retenu que le salarié n’établit pas l’existence d’une relation contractuelle avec la société Matérialise de sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société Matérialise N.V.

Sur les rappels de salaire au titre de la classification conventionnelle

– sur la période de stage de février 2014 à juin 2014

Le salarié fait valoir que jusqu’au terme de sa relation professionnelle avec la société OBL, il a été soumis à la position I ‘ coefficient 84, en violation des dispositions conventionnelles des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie. Il soutient qu’il a effectué son stage de master 2 au sein de la société OBL de février 2014 à juin 2014 en qualité de stagiaire ingénieur R&D à plein temps et que de manière opportuniste, la société OBL croit pouvoir nier l’existence de ce stage alors que cette expérience doit être prise en compte pour l’évaluation de son ancienneté.

L’employeur réplique que le salarié n’a jamais été stagiaire de la société OBL du 1er février au 30 juin 2014 pour avoir effectué son stage au sein du laboratoire de l’institut de [5] [Localité 6] Tech. Il précise que le stage du salarié n’était pas en milieu professionnel.

* *

Aux termes de l’article L.1221-24 alinéa 2 du code du travail, lorsque le stagiaire est embauché par l’entreprise à l’issue d’un stage d’une durée supérieure à deux mois, au sens de l’article L.124-6 du code de l’éducation, la durée de ce stage est prise en compte pour l’ouverture et le calcul des droits liés à l’ancienneté.

L'[5] (l'[5]), dont le nom de marque est [5] ParisTech, a pour mission la formation initiale d’ingénieurs généralistes et s’est vue notamment confier par décret la valorisation de la recherche et l’assistance technique à l’industrie. L'[5] dispose également d’un laboratoire de Biomécanique (le LBM) en 2014 puis IBHGC.

L’association ARTS (ci-après l’ARTS) a pour l’objet la valorisation de la recherche et de transferts technologique de l'[5] en partenariat avec le Laboratoire de Biomécanique. Elle favorise notamment le partenariat entre l’industrie et la recherche, au sein de l’Ecole.

Une convention de collaboration de recherche a été signée le 31 mars 2014 entre l’association ARTS et la société OBL, partenaire, les parties souhaitant initier des travaux de recherche en s’appuyant sur les compétences du LBM. L'[5] a retenu pour cette étude le projet de mémoire de master de recherche de M. [M].

L’employeur communique la convention de stage de M. [M] pour la période du 03 février au 30 juin 2014 signée le 17 juin 2014 par le directeur du campus de [Localité 6] de [5] [Localité 6]tech à la fois en qualité d’organisme d’accueil mais également pour l'[5]. La convention prévoit que le lieu de stage est ‘ le centre [5] [Localité 6]Tech de [Localité 6]’ et le tuteur de l’organisme d’accueil est M. [G].

Cette convention mentionne également que les travaux de l’étude seront réalisés sous la responsabilité de M. [G] professeur à l'[5] et pour le partenaire, le suivi technique sera assuré par M. [H], directeur général de la société OBL, le partenaire clinique étant conjointement la société OBL et le LBM représenté par le Docteur [J].

Le salarié indique dans son rapport de stage que l’étude a été dirigée par le LBM et réalisée en partenariat avec la société OBL, issue de la société Matérialise.

Dans son podcast ‘ Bien dans ma thèse’, produit aux débats, M. [M] indique qu’il a effectué ses premiers stages de master à l'[5].

M. [G], directeur du campus de [Localité 6] de l'[5] depuis directeur due LBM en 2014, puis directeur de thèse de M. [M], atteste qu’il a encadré les travaux de M. [M] dans la cadre de son stage de recherche de Master 2 en biomécanique qu’il a effectué au sein du LBM, le stage de recherche étant adossé à la convention de recherche entre la société OBL et l’ARTS et proposée par le LBM à l’ensemble des étudiants du Master, une convention ayant été signée entre M. [M] et l'[5].

Les échanges de courriels en février 2014 entre M. [M] et la société OBL, et le document de demande de stage qui n’a pas été signé, n’ont aucune force probante.

L’accés au serveur de la société OBL par le stagiaire et l’accord de confidentialité qu’il a signé ne sont pas des éléments qui établissent l’existence d’une convention de stage entre M. [M] et la société OBL.

Si la société OBL a versé à l’association ARTS une somme globale de 20 000 euros dans le cadre de leur convention de partenariat, le salarié n’établit pas qu’il était rémunéré chaque mois par la société OBL en qualité de stagiaire, la société OBL ayant seulement été amenée à rembourser les frais du stagiaire dans le cadre de cette convention de partenariat.

Dès lors, M. [M] ne rapporte pas la preuve qu’il a effectué un stage de Master 2 de février à juin 2014 sous l’autorité et les instructions de la société OBL. Cette période ne peut donc pas être prise en compte pour le calcul des droits liés à l’ancienneté et par conséquent pour la demande de rappels de salaire au titre de la classification conventionnelle.

. Sur la classification conventionnelle

Le salarié indique qu’il doit bénéficier d’une majoration de 8 points pour chaque année d’expérience acquise dans l’entreprise à compter de son stage, ce qui porte son coefficient d’embauche de 84 à 92 à compter de la deuxième année puis à 100 à compter de la troisième année.

L’employeur conteste la décision des premiers juges qui ont fait droit partiellement à la demande du salarié en fixant le point de départ du calcul au 1er mars 2016.

Selon les dispositions de l’article 21 de la convention collective, ‘Position I- Les titulaires des diplômes définis à l’article 1 de la convention ( cf licence et maîtrise), qui débutent comme ingénieurs (…) bénéficient à leur entrée dans l’entreprise d’un taux minimum garanti.

Le coefficient qui résulte de l’article 22 ci-après est majoré pour chaque année d’expérience acquise par les intéressés au-delà de 23 ans jusqu’au moment où ils accèdent aux fonctions de la position II et de la position III où sont classés les ingénieurs et cadres confirmés.

Le calcul des années d’expérience se fait sur les bases suivantes : toute année de travail effectuée comme ingénieur ou cadre dans l’entreprise [‘] est comptée comme une année d’expérience ; [‘]

Les ingénieurs et cadres débutants accèdent au classement de la position II et de la position III prévues pour les ingénieurs et cadres confirmés dès que leurs fonctions le justifient. Ce passage a un caractère obligatoire lorsqu’ils ont accompli une période de 3 ans en position I, dont 1 année au moins de travail effectif dans l’entreprise, et atteint l’âge de 27 ans ‘.

Aux termes de l’article 22 de la convention collective, l’indice est fixé à 76 à partir de 23 ans en Position I avec une majoration de 8 points par année d’expérience au-delà de 23 ans dans les conditions prévues à l’article 21. L’indice est fixé à 100 en Position II.

Le salarié, né le 1er août 1989, était âgé de 25 ans lors de son embauche le 1er octobre 2014.

Le coefficient de 76 doit donc s’appliquer et sera majoré de 8 points chaque année jusqu’au 23 janvier 2018. Par ailleurs, le salarié, âgé alors de 27 ans, présente trois années pleines d’exercice le 1er octobre 2017, ce qui justifie son passage au coefficient 100 en Position II et non à la date du 1er avril 2016, comme le revendique à tort le salarié qui prend en compte la période de stage.

Le coefficient 84 est mentionné sur les bulletins de paye du salarié jusqu’à la rupture et il devrait donc être mentionné le coefficient 92 le 1er octobre 2016 puis 100 le 1er octobre 2017.

Toutefois, cette modification n’a aucune conséquence financière et n’entraînera pas de rappel de salaires puisque l’employeur a toujours rémunéré le salarié au-delà du minimum conventionnel, de sorte qu’en dépit de la modification du coefficient, les salaires versés, sur la base de 151,67 heures mensuelles, restent supérieurs au minimum conventionnel après correction.

Aucune somme n’est donc due au salarié au titre de la reclassification.

Par voie d’infirmation, il conviendra de débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 8 798,92 euros outre 879,89 euros au titre des congés payés afférents, en application de la classification conventionnelle.

Sur le rappel de salaire au titre de l’indemnité de fin de contrat

Il résulte de ce qui précède que la demande de rappel de salaire au titre de l’indemnité de fin de contrat calculée par le salarié sur l’assiette du salaire minimum après modification du coefficient applicable ne peut aboutir.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de la somme de 879,89 euros de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour la période de travail du 1 er juillet au 30 septembre 2014

M. [M] soutient avoir travaillé pour le compte de la société OBL à l’issue de son stage, sans contrat de travail, ce que conteste la société OBL qui affirme que l’appelant rédigeait son rapport de stage et n’effectuait pas de stage auprès d’elle.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’absence d’un contrat de travail écrit, c’est au salarié qui se prévaut de l’existence d’une relation salariale, d’en rapporter la preuve. La preuve de son existence peut être recherchée au regard des trois éléments la définissant que sont la prestation de travail, la rémunération versée en contrepartie et le lien de subordination.

Le lien de subordination se caractérise par le pouvoir de l’employeur de donner des directives, de contrôler l’exécution des activités du salarié et de le sanctionner.

Il ressort des pièces communiquées par l’appelant que ses échanges avec M. [H], partenaire clinique de la société OBL, M. [G] et le docteur [J] s’inscrivent dans le cadre du Master 2 de l’appelant, ce dernier continuant à utiliser des moyens de logistiques de la société OBL, indiquant d’ailleurs ne plus avoir accès aux ordinateurs de l'[5], fermée.

Les entretiens fixés entre les protagonistes sont à l’extérieur de l'[5] et notamment à la demande de M. [M]. Les derniers échanges entre M. [H] et l’appelant sont dans le prolongement de la recherche de ce dernier et font notament référence à son rapport de stage.

M. [M] échoue à justifier qu’il a exercé une prestation de travail pour la société OBL, qu’il a reçu de sa part des ordres et des directives, laquelle n’avait pas le pouvoir d’en contrôler le respect, voire de le sanctionner si besoin.

L’appelant n’établit pas l’existence d’une relation de travail avec la société OBL du 1er juillet au 30 septembre 2014.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’appelant de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’absence de contrat de travail écrit entre le 1er juillet et le 30 septembre 2014.

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Motif pris de ce que le salarié considère nul son forfait annuel en jours faute d’organisation d’un entretien, il forme une demande de rappel d’heures supplémentaires au-delà de la durée légale du travail. L’employeur estime valable la convention de forfait et, si la cour estimait qu’elle est nulle, soutient que le salaire de base à prendre en compte est erroné mais qu’elle offre de régfler les heures supplémentaires sur la base du salaire versé et non du minimum garantie d’après le barème du forfait en jours.

Sur le forfait annuel en jours

Les articles 6.1 et 6.2 du contrat de travail signé le 1er avril 2015 pour une durée de 36 mois dans le cadre de la convention CIFRE, prévoient que A FINIR PI7CE 6 ‘En raison du niveau de responsabilité qui est le sien mais aussi et surtout de l’autonomie dont il dispose pour l’exécution de sa fonction, lui conférant une plus grande latitude dans l’organisation de son emploi du temps, Monsieur [B] [M] sera soumis à un forfait annuel en jours dans les conditions prévues par l’accord national du 28 juillet 1998 sur l’organisation du travail de la métallurgie, tel que modifié le 3 mars 2006 ( avenant d’extension du 6 juillet 2006).

Par conséquent, le nombre de jours travaillés de Monsieur [B] [M] est fixé d’un commun accord à 218 jours, ce nombre étant déterminé par l’accord susvisé par année civile d’activité une fois déduits les jours de repos hebdomadaires, de congé légaux et conventionnels auxquels le salarié peut prétendre et les jours de déductions d’horaires’.

Les parties ont été contractuellement liées entre le 1er octobre 2014 et le 28 janvier 2018. Au cours de cette période, ont été successivement applicables :

. l’article L. 3121-46 du code du travail qui prévoit qu’un entretien annuel est organisé par l’employeur avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année ; l’entretien porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié ;

. l’article L. 3121-60, en vigueur depuis le 10 août 2016, qui prévoit que l’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, étant précisé qu’à défaut de stipulations conventionnelles, il ressort de l’article L. 3121-65 que l’entretien doit être annuel.

La convention collective applicable 14.3 prévoit en son article 14 .2 que ‘ le salarié ayant conclu une convention de forfait définie en jours bénéficie, chaque année, d’un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel sont évoquées l’organisation et la charge de travail de l’intéressé et l’amplitude de ses journées d’activité’.

Au cas présent, l’employeur n’établit pas la tenue annuelle de cet entretien.

Infirmant le jugement, il conviendra de dire privée d’effet la convention de forfait annuel en jour, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

Sur les heures supplémentaires

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Au soutien de ses demandes, le salarié produit un extrait du logiciel de déclaration de ses heures déclarées et un tableau par semaine des heures dues à raison de 5 heures supplémentaires pour le passage de 35 à 40 heures, le salarié ayant déduit ces 5 heures pendant ses congés et les semaines non travaillées.

Ces éléments sont suffisamment précis et permettent à l’employeur de répliquer.

Pour sa part, si la convention est privée d’effet, l’employeur offre de régler les heures supplémentaires d’après le salaire réellement perçu par le salarié.

Sur cette base et sur l’ensemble de la période revendiquée, il convient de fixer le rappel de salaires dû au titre des heures supplémentaires non rémunérées sur la base du salaire perçu par le salarié lors de la rupture, soit supérieur au coefficient 100 du barème pour un horaire hebdomadaire correspondant à la durée légale du travail de 35 heures, à la somme de 12 438,44 euros outre la somme de 1 243,84 euros au titre des congés payés afférents., au paiement desquelles la société sera en conséquence condamnée.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

Le salarié expose qu’il a été employé par la société OBL au cours des mois de juillet 2014 à septembre 2014, sans que l’employeur ne procéde aux obligations qui lui incombaient et que des heures supplémentaires ne lui ont pas été versées.

Il a été précédemment retenu que le salarié n’a pas travaillé sur cette période pour le compte de la société OBL.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable d’embauche ou à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Au cas présent, aucun rappel de salaire pour la période comprise entre juillet et octobre 2014 et les dispositions de l’article L .8221-5 ne trouvent donc pas à s’appliquer.

En outre, le fait que la convention de forfait soit privée ne suffit pas à caractériser l’intention exigée, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Il n’est plus discuté que la saisine du conseil de prud’hommes en référé par le salarié a interrompu la prescription de l’action du salarié en requalification et l’employeur ne forme plus aucune demande à ce titre.

Sur l’absence de contrat écrit entre le 1er juillet 2014 et le 30 septembre 2014

Il a été précédemment jugé que l’appelant n’était pas sous contrat de travail de la société OBL.

Sur le recours avec le même salarié à deux contrats à durée déterminée immédiatement successifs hors les cas de CDD de remplacement et ceux relatifs à un emploi d’usage ou saisonnier

Le salarié invoque, au visa de l’article L.1244-1 du code du travail, la signature d’une convention CIFRE après la signature d’un contrat à durée déterminée renouvelé, l’employeur ne pouvant procéder ainsi que dans l’hypothèse d’un contrat à durée déterminée de remplacement ou d’un contrat à durée déterminée saisonnier.

En application des articles L 1242-3-2° et D 1242-3 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu lorsque l’employeur s’engage à assurer un complément de formation professionnelle aux bénéficiaires d’une aide financière individuelle à la formation par la recherche.

Aux termes de l’article L.1244-1 dans sa rédaction alors applicable, les dispositions de l’article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l’un des cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié absent ;

2° Remplacement d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu ;

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4° Remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1242-2.

Au cas présent, le premier contrat à durée déterminée du 1er octobre 2014, renouvelé le 30 janvier 2015 jusqu’au 31 mars 2015 , a pour motif, dont il n’est pas contesté qu’il soit conforme aux dispositions de l’article L.1242-2 du code du travail, dans sa version alors applicable, ‘un surcroît temporaire d’activité en raison d’un projet de recherche lié au développement de nouveaux implants pour le rachis’.

Le contrat à durée déterminée du 1er avril 2015 a ensuite été conclu ‘dans le cadre d’une convention industrielle de Formation par la Recherche, dite CIFRE’, ce qui ne constitue pas l’un des motifs de l’article L.1244-1 précité.

En effet, l’employeur à qui il appartient d’établir, par référence aux cas de recours autorisés, les motifs précis et concrets lui permettant de recourir à un contrat à durée déterminée pour l’emploi du salarié, ne produit aucun élément justifiant qu’il se trouvait dans l’une des situations énoncées par l’article L.1244-1 précité, à savoir un contrat à durée déterminée de remplacement ou un contrat à durée déterminée saisonnier.

Dès lors, la relation de travail doit être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée ce qui conduit à infirmer de ce chef le jugement.

Sur les conséquences de la requalification

Lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l’échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d’un tel contrat s’appliquent de plein droit.

Au cas présent, la rupture s’analyse donc comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L. 1245-2 alinéa 2 du code du travail, lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui est accordé une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Il convient, infirmant le jugement déféré, de condamner l’employeur à verser au salarié au titre de l’indemnité de requalification la somme de 2 608,48 euros bruts correspondant au dernier salaire versé, comme jugé précédemment sur la base de la position II, coefficient 100 de la grille des salaires minima hors convention de forfait (151,66 heures).

Le salarié peut également prétendre aux indemnités de rupture et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Le salarié est en droit de percevoir l’indemnité légale de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents calculés d’après la moyenne des trois derniers mois de salaire, situation la plus favorable au salarié, soit 2 608,48 euros bruts mensuels.

Il convient donc, infirmant le jugement, de lui allouer à titre d’indemnité compensatrice de préavis la somme de 7 825,44 euros bruts outre les congés payés afférents et à titre d’indemnité légale de licenciement, la somme de 2 490,98 euros bruts outre les congés payés afférents, montants non utilement discutés.

En application des dispositions de l’article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, M. [M] ayant acquis une ancienneté de trois années au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre trois et quatre mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié ( 2 608,48 euros bruts), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à lui payer la somme de 10 400 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur la rémunération supplémentaire au titre d’une des trois inventions

Le salarié se prévaut de trois dispositifs médicaux dont deux d’entre eux ont fait l’objet d’un litige devant le tribunal judiciaire de Paris dont appel de la décision a été interjeté. L’employeur a versé une prime de 1 500 euros au titre d’une des inventions, somme jugée insuffisante par le salarié. Le salarié ajoute que le principe de l’existence du brevet n’est pas remis en cause de sorte que le conseil de prud’hommes est compétent pour examiner sa demande.

L’employeur soulève l’incompétence de la juridiction prud’homale au bénéfice du tribunal judiciaire de Paris seul habilité à connaître des litiges liés au régime légal des inventions de salariés. Il affirme que le salarié tente de faire échapper à l’appréciation d’un juge professionnel et spécialisé en la matière le montant de sa réclamation.

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Si le dispositif des écritures de l’employeur ne formalise pas une fin de non-recevoir tirée de l’incompétence de la cour d’appel à statuer sur cette demande, qu’il invoque en revanche dans les motifs de ses écritures, la cour d’appel, saisie de ce moyen, débattu églement par le salarié tant devant les premiers juges que dans ses écritures d’appel, est en conséquence tenue de statuer d’office sur la question de sa compétence, qui est dans les débats.

Il est établi que l’employeur a adressé au salarié le 12 décembre 2018 un chèque de 1 500 euros au titre d’une invention de mission et que le salarié en a contesté le montant.

Aux termes de l’article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, si l’inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après :

1. Les inventions faites par le salarié dans l’exécution soit d’un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. L’employeur informe le salarié auteur d’une telle invention lorsque cette dernière fait l’objet du dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, bénéficie d’une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d’entreprise et les contrats individuels de travail.

Si l’employeur n’est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l’article L. 615-21 ou au tribunal judiciaire.

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu’une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l’entreprise, soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle, l’employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d’Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l’invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d’accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l’article L. 615-21 ou par le tribunal judiciaire : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l’employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l’un et de l’autre que de l’utilité industrielle et commerciale de l’invention.

3. Le salarié auteur d’une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire.

Le salarié et l’employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l’invention en cause. Ils doivent s’abstenir de toute divulgation de nature à compromettre en tout ou en partie l’exercice des droits conférés par le présent livre.

Tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit, à peine de nullité, être constaté par écrit.’

En l’espèce, le salarié sollicite le versement d’une rémunération supplémentaire à la suite d’une invention de mission pour laquelle il a déposé le 18 janvier 2018 une demande de brevet auprès de l’INPI.

Conformément à l’alinéa 2 de l’article 611-7 précité, le salarié qui veut obtenir un juste prix de son invention, à défaut d’accord entre les parties, doit en demander la fixation par le tribunal judiciaire de Paris.

Ces dispositions légales ne limitent donc pas la compétence exclusive de la juridiction parisienne à l’appréciation de l’existence ou de la méconnaissance d’un droit attaché à un brevet comme le soutient à tort le salarié.

Par conséquent, en application de l’article 90 al 3 du code de procédure civile, ajoutant au jugement la cour se déclare incompétente au profit de la cour d’appel de Paris qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance, pour statuer sur la demande de rémunération supplémentaire au titre de l’invention de mission portant sur la cage intersomatique et sa demande subséquente de dommages-intérêts pour résistance abusive, cette décision s’imposant aux parties et à la cour d’appel de renvoi.

Il convient de préciser ici que la cour d’appel de Paris est déjà saisie du jugement rendu le 17 mars 2022 par le tribunla judiciaire de Paris qui a débouté M. [M] de ses demandes formées à l’encontre de la société OBL relatives à deux inventions de mission ‘FlexiTI’ et ‘ FlexiFIX’ ( RG 19/08846).

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié fait valoir que l’employeur a commis des manquements dans l’exécution du contrat, ce que conteste l’employeur.

La loi prescrit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Il a été précédemment relevé que le salarié a été rémunéré au-delà du minimum conventionnel, quand bien même l’employeur n’a pas retenu le bon coefficient et qu’aucun rappel de salaire n’a été accordé à ce titre ni aucune indemnité pour travail dissimulé, les heures supplémentaires ayant été allouées en raison de l’inopposabilité de la convention de forfait en jour faute pour l’employeur de justifier de la tenue d’un entretien annuel sur le temps de travail.

Ce seul manquement ne caractérise pas la mauvaise foi de l’employeur dans l’exécution du code du travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la remise des documents

Il convient d’enjoindre à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur les demandes d’affichage et de publication

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas l’affichage de la décision, le salarié, qui ne présente aucun moyen à ce titre, sera donc débouté de ses demandes de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’employeur succombant, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens et au paiement d’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’employeur doit également supporter la charge des dépens d’appel et ne saurait bénéficier d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il est inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais par lui exposés en cause d’appel non compris dans les dépens, qu’il conviendra de fixer à somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il met hors de cause société Matérialise N.V., déboute M. [M] de ses demandes de condamnation de la société OBL au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’absence de contrat de travail écrit entre le 1er juillet et le 30 septembre 2014, pour travail dissimulé, pour exécution déloyale du contrat de travail, condamne la société OBL à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejette la demande d’affichage et de publication du jugement, ordonne l’exécution provisoire de droit, selon l’article R. 1454-28 du code du travail, pour les sommes qui y sont soumises, et met les dépens de la présente instance à la charge de la société OBL,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [M] de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 8 798,92 euros outre 879,89 euros au titre des congés payés afférents, en application de la classification conventionnelle,

DÉBOUTE M. [M] de sa demande de rappel de salaire à titre de complément d’indemnité pour fin de contrat,

DIT privée d’effet la convention de forfait en jours,

CONDAMNE en conséquence la société OBL à verser à M. [M] la somme de 12 438,44 euros outre la somme de 1 243,84 euros au titre des congés payés afférents au titre des heures supplémentaires,

REQUALIFIE la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2014,

CONDAMNE en conséquence la société OBL à verser à M. [M] les sommes suivantes :

. 2 608,48 euros à titre d’indemnité de requalification,

. 7 825,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 782,54 euros au titre congés payés afférents,

. 2 490,98 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

. 10 400 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus,

ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,

ENJOINT à l’employeur de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte,

ORDONNE d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

SE DÉCLARE incompétente au profit de la cour d’appel de Paris pour statuer sur la demande de rémunération supplémentaire au titre de l’invention de mission portant sur la cage intersomatique et la demande subséquente de dommages-intérêts pour résistance abusive,

DIT que le dossier sera transmis à cette juridiction par les soins du secrétariat greffe,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société OBL à verser à M. [M] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société OBL aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président