Droit des brevets : 10 janvier 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 20/02199

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ARRÊT N° /2023

SS

DU 10 JANVIER 2023

N° RG 20/02199 – N° Portalis DBVR-V-B7E-EU7P

Pôle social

Tribunal de Grande Instance de REIMS

18/570

29 novembre 2019

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANT :

Monsieur [O] [L]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Ana ANTUNES ALMEIDA de la SCP ALMEIDA-ANTUNES, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

Dispensé de comparaitre à l’audience

INTIMÉES :

Société [8]

prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurence BELLEC de la SARL BELLEC & ASSOCIES, substitué par Me Mathilde LEVASSEUR, avocats au barreau de REIMS

MSA MARNE ARDENNES MEUSE prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Dispensée de comparaitre à l’audience

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Madame TRICHOT-BURTE (lors des débats)

En présence de Mme COPIN, greffier stagiaire

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue en audience publique du 07 Décembre 2022 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d’instruire l’affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 10 Janvier 2023 ;

Le 10 Janvier 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 4 mai 2009, monsieur [O] [L], né le 3 mars 1975, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société coopérative agricole à capital variable [8] ([8]) pour occuper, initialement, un emploi de conducteur.

Le 4 novembre 2015, occupant le poste de magasinier cariste réceptionnaire, il a été victime d’un accident dans les circonstances relatées comme suit dans la déclaration d’accident du travail : « Mr [L] a porté un bidon d’eau (10 kg) afin de recharger le chariot élévateur. Il l’a soulevé à sa hauteur et a ressenti une violente douleur au dos ».

Par décision du 18 janvier 2016, la mutualité sociale agricole (MSA) Marne Ardennes Meuse a pris en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Par courrier du 7 juin 2017, monsieur [O] [L] a saisi la MSA d’une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Un procès-verbal de non-conciliation a été établi le 31 janvier 2018.

Le 22 janvier 2018, la MSA a attribué à monsieur [O] [L] un taux d’incapacité permanente partielle de 3% à compter du 14 septembre 2017.

Par courrier recommandé du 23 février 2018, monsieur [O] [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Marne, alors compétent, afin de solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 4 avril 2018, la MSA a notifié à monsieur [O] [L] l’octroi d’une indemnité en capital d’un montant forfaitaire de 979,36 euros versée en une seule fois.

Au 1er janvier 2019, cette affaire a été transférée en l’état au pôle social du tribunal de grande instance de Reims, nouvellement compétent.

Par courrier recommandé du 16 janvier 2019, la [8] a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude.

Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal a :

– déclaré monsieur [O] [L] recevable en sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [8],

– débouté monsieur [O] [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [8],

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné monsieur [O] [L] aux éventuels dépens exposés à compter du 1er janvier

2019.

Par déclaration du 23 décembre 2019, monsieur [O] [L] a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Deux dossiers ont été enregistrés, sous les RG n°20/1 et n°20/55, par la cour d’appel de Nancy, lesdits recours concernant le même jugement.

Par ordonnance du 9 juin 2020, la cour d’appel de Nancy a radié l’affaire du rôle et conditionné sa remise au rôle à la production d’un bordereau de communication de pièces et d’un exposé écrit des demandes de l’appelant et a prescrit ces diligences à peine de péremption d’instance.

Le 30 octobre 2020, monsieur [O] [L] a repris l’instance, qui a été remise au rôle sous le n° RG 20/2199.

Par arrêt du 1er juin 2021, la cour d’appel de Nancy a :

– réformé le jugement du pôle social de tribunal de grande instance de Reims de 28 novembre 2019 en ce qu’il a :

débouté monsieur [O] [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la société [8],

dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de monsieur [O] [L],

condamné monsieur [O] [L] aux éventuels dépens exposés à compter du 1er janvier 2019 ,

Statuant sur ces seuls points,

– dit que la société coopérative agricole à capital variable [8] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont monsieur [O] [L] a été victime le 4 novembre 2015 dont elle est tenue de réparer les conséquences,

– ordonné la majoration à son maximum de la rente de monsieur [O] [L] versée par la MSA Marne Ardennes Meuse soit à hauteur de 979,36 euros,

– condamné la société coopérative agricole à capital variable [8] aux dépens de la procédure de première instance exposés à compter du 1er janvier 2019,

– condamné la société coopérative agricole à capital variable [8] à payer à monsieur [O] [L] la somme de 1 000 euros (mille euros) sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmé pour le surplus le jugement du pôle social du tribunal de grande instance de Reims du 28 novembre 2019,

Avant-dire droit sur la liquidation des préjudices subis par monsieur [O] [L]:

– ordonné une expertise judiciaire et désigne pour y procéder : le docteur [V] [S] – [Adresse 1] à [Localité 3]- avec pour mission de :

1°) Convoquer les parties et recueillir leurs observations ;

2°) Se faire communiquer par les parties tous documents médicaux relatifs aux lésions subies, en particulier le certificat médical initial ;

3°) Fournir le maximum de renseignements sur l’identité de la victime et sa situation familiale, son niveau d’études ou de formation, sa situation professionnelle antérieure et postérieure à l’accident ;

4°) A partir des déclarations de la victime et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, la nature et le nom de l’établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;

5°) Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l’évolution ; prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;

6°) Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ;

7°) Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

8°) Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l’autonomie et, lorsque la nécessité d’une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité en particulier :

– indiquer si l’assistance constante ou occasionnelle d’une tierce personne (étrangère ou non à la famille) a été nécessaire avant la consolidation en décrivant avec précision les besoins (nature de l’aide apportée, niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne ou hebdomadaire) ;

– lorsque la nécessité de dépenses liées à la réduction de l’autonomie (frais d’aménagement du logement, frais de véhicule adaptés, aide technique, par exemple) sont alléguées, indiquer dans quelle mesure elles sont susceptibles d’accroître l’autonomie de la victime ;

9°) Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine et directe avec les lésions occasionnées par l’accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ; si l’incapacité fonctionnelle n’a été que partielle, en préciser le taux ;

10°) Lorsque la victime allègue une répercussion dans l’exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances et les analyser, étant rappelé que pour obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, la victime devra rapporter la preuve que de telles possibilités préexistaient ;

11°) Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des lésions, de leur traitement, de leur évolution et des séquelles ; les évaluer selon l’échelle de sept degrés, précisant s’il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l’évaluer selon l’échelle de sept és ;

13°) Lorsque la victime allègue une impossibilité ou des difficultés pour se livrer à des activités spécifiques sportives ou de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne et son caractère définitif, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférent à cette allégation ;

14°) Dire s’il existe un préjudice sexuel et l’évaluer ; le décrire en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l’acte sexuel proprement dit (difficultés, perte de libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

15°) Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;

– dit que l’expert fera connaître sans délai son acceptation, qu’en cas de refus ou d’empêchement légitime, il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

– dit que l’expert pourra s’entourer de tous renseignements utiles auprès notamment de tout établissement hospitalier où la victime a été traitée sans que le secret médical ne puisse lui être opposé,

– dit que l’expert rédigera, au terme de ses opérations, un pré-rapport qu’il communiquera aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans un délai maximum d’un mois et qu’après avoir répondu de façon appropriée aux éventuelles observations formulées dans le délai imparti ci-dessus, l’expert devra déposer au greffe du pôle social du tribunal judiciaire un rapport définitif en double exemplaire dans le délai de cinq mois à compter de sa saisine,

– dit que l’expert en adressera directement copie aux parties ou à leurs conseils,

– fixé à 900 euros la consignation des frais à valoir sur la rémunération de l’expert,

– dit que cette consignation sera avancée par la MSA Ardennes Meuse qui en récupérera le montant auprès de la société [8],

– dit qu’à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera tiré toute conséquence de droit de cette abstention,

– dit que la mesure d’instruction sera mise en ‘uvre sous le contrôle du président de la chambre sociale section 1,

– dit que la MSA Marne Ardennes Meuse versera directement à monsieur [O] [L] les sommes dues au titre de la majoration de la rente et de l’indemnisation complémentaire,

– rappelé que la MSA Marne Ardennes Meuse dispose d’une action récursoire contre la société [8] pour récupérer les sommes correspondant à la réparation du préjudice causé, le complément de rente dont elle aura été amenée à faire l’avance du fait de la faute inexcusable ainsi reconnue, ainsi que les frais d’expertise médicale,

Y ajoutant,

– réservé les dépens de la procédure d’appel,

– condamné la société [8] à payer à monsieur [O] [L] la somme de 1 200 (mille deux cents euros) euros pour ses frais de procédure exposés à hauteur d’appel,

– débouté la société [8] de sa demande d”indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– renvoyé l’affaire à l’audience du mercredi 20 octobre 2021 à 13h30,

– dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties ou de leurs représentants à ladite audience.

Par ordonnance du 10 juin 2021, le docteur [J] [Y] a été désigné en lieu et place du docteur [S], la date limite de dépôt du rapport étant fixée au 8 octobre 2021.

Le docteur [Y] a déposé son rapport le 19 juin 2022.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 7 décembre 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions après expertise reçues au greffe le 5 décembre 2022, monsieur [O] [L] sollicite ce qui suit :

– fixer l’indemnisation de ses préjudices subis comme suit :

– 2 115,30 euros au titre du DFT

– 10 000 euros au titre des souffrances endurées

– 25 000 euros au titre du préjudice d’agrément

– 25 000 euros au titre du préjudice sexuel

– 243 900 euros au titre de la perte de promotion professionnelle

– 31 357,24 euros au titre de l’aménagement de son habitation

– 7 075 euros au titre de l’aménagement de véhicule

– 120 euros au titre des frais de déplacement

Soit au total : 344 567,54 euros

– dire que la MSA fera l’avance des indemnités ainsi allouées et en récupérera le montant auprès de l’employeur,

-condamner la [8] à lui payer la somme de 3 000euros sur le fondement de l’article 700 du CPC,

– déclarer l’arrêt commun à la MSA,

– condamner la [8] aux entiers dépens.

La [8], représentée par son avocat, a repris ses conclusions n°1 après expertise reçues au greffe le 24 juin 2022, et a sollicité ce qui suit :

– fixer les conséquences de la faute inexcusable en tenant compte du rapport de l’expert mentionnant un état pathologique préexistant sans relation directe et certaine avec les deux accidents,

– tenir compte de la durée des arrêts de travail préconisée de 15 jours pour fixer l’étendue du préjudice de Monsieur [L].

Par courrier reçu au greffe le 18 octobre 2022, la MSA Marne Ardennes Meuse indique qu’elle n’entend pas faire d’observations particulières suite au dépôt du rapport d’expertise.

Pour l’exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, reprises oralement à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l’indemnisation des préjudices :

Aux termes de l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu’elle reçoit, la victime a le droit de demander à l’employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d’agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l’employeur.

En application de cette disposition, telle qu’interprétée par le Conseil constitutionnel (décision n°2010-8 du 18 juin 2010 sur QPC) et la Cour de cassation (Cass. civ.2e 13 février 2014 n°13-10548), peuvent également être indemnisés le déficit fonctionnel temporaire, l’assistance par tierce personne avant consolidation, les frais d’aménagement du véhicule et du logement, le préjudice sexuel, le préjudice permanent exceptionnel, le préjudice d’établissement, le préjudice scolaire, les dépenses de santé non prises en charge et les frais divers, postes de préjudice non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. Les autres chefs de préjudices couverts par les dispositions du code de la sécurité sociale, même partiellement, ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation complémentaire devant la cour de céans.

Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Le déficit fonctionnel temporaire peut être défini comme l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique jusqu’à la consolidation. Il traduit l’incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu’à sa consolidation. Il correspond à la période d’hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante et inclut le préjudice temporaire d’agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

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En l’espèce, monsieur [O] [L] fait valoir que la date de consolidation fixée par la MSA est le 14 septembre 2017. Il réclame la somme de 33 euros/jour et indique que le déficit fonctionnel de 3% est déraisonnablement faible puisqu’en principe le niveau le plus faible est de 10%, de telle sorte qu’il convient de retenir un taux de 10% pour toute la période.

La [8] fait valoir que l’accident du travail a occasionné un simple lumbago de telle sorte que seule une période de 15 jours d’arrêt de travail est imputable à l’accident. Elle ajoute que le médecin de la MSA a confirmé que l’origine de son inaptitude n’était pas professionnelle, de telle sorte que les lombalgies chroniques sont en relation avec la discopathie dégénérative de son rachis et non avec les épisodes de lumbago aigu. Elle précise que monsieur [L] a subi un premier accident du travail en 2010 ayant occasionné un traumatisme du pied.

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L’expert a évalué le déficit fonctionnel temporaire de monsieur [O] [L] ainsi qu’il suit :

10% du 4 au 13 novembre 2015

3% du 14 novembre 2015 au 3 août 2016

10% du 4 août 2016 au 22 août 2016

3% à partir du 23 août 2016

La caisse ayant fixé la date de consolidation de l’état de santé de monsieur [L] au 13 septembre 2017, et cette date n’ayant pas été contestée, le déficit fonctionnel temporaire doit s’apprécier sur la période du 4 novembre 2015 au 13 septembre 2017.

Monsieur [L] conteste le taux de 3% attribué par l’expert au titre de la période du 14 novembre 2015 au 3 août 2016 et à compter du 23 août 2016. Il n’apporte cependant aucun élément objectif au soutien de sa contestation, de telle sorte que les taux proposés par l’expert seront retenus.

La [8] ne contestant pas la somme de 33 euros/jour réclamée, les sommes suivantes seront allouées à monsieur [L] :

– 33 x 10 jours x 10%= 33 euros

– 33 x 234 jours x 3%= 231,66 euros

– 33 x 19 jours x 10%= 62,70 euros

– 33 x 388 jours x 3% = 384,12 euros

Soit un total de 711,48 euros.

Sur les souffrances endurées :

Il s’agit des souffrances physiques, psychiques et morales et troubles associés que doit endurer la victime du fait des atteintes à son intégrité, sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis.

L’indemnisation de ces souffrances, prévue par l’article L452-3 du code de la sécurité sociale, ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou à l’absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent.

En effet, ces conditions ne sont ni prévues par ce texte ni par les dispositions des articles L434-1, L434-2 et L452-2 du code de la sécurité sociale. En outre, la rente servie après consolidation est déterminée d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ses aptitudes et sa qualification professionnelle, et ne prend pas en compte les souffrances endurées. Enfin, le montant de ladite rente est calculé sur la base d’un salaire de référence, qui ne peut un critère pertinent de réparation de souffrances.

Dès lors, la rente et sa majoration n’indemnisent pas les souffrances endurées par la victime, que ce soit avant ou après la consolidation des blessures, et ces souffrances doivent être indemnisées à titre autonome.

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En l’espèce, monsieur [O] [L] fait valoir qu’il souffre de lombalgies chroniques qui ne sont pas dues à un rachis lombaire dégénératif mais qui sont la résultante de son accident. Il ajoute qu’il a subi de nombreuses séances de kinésithérapie, que ces douleurs sont permanentes et qu’il souffre physiquement et moralement. Il ajoute que sa symptomatologie dépressive s’est aggravée en raison de la répétition des accidents du travail.

La [8] fait valoir que monsieur [L] souffre d’un état antérieur majeur à l’origine des phénomènes douloureux, et que les conséquences de l’accident sont des lombalgies simples.

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L’expert a évalué les souffrances physiques, psychiques et morales endurées par monsieur [O] [L] avant consolidation à 2/7 du 4 au 13 novembre 2015 et du 4 au 22 août 2016 en relation avec la prise d’antalgique de niveau II, la rééducation et la majoration du syndrome dépressif.

Il retient expressément l’existence d’un état pathologique antérieur ayant une incidence sur les lésions ou séquelles de l’accident du 4 novembre 2015. En effet, il indique que monsieur [L] a été victime, le 21 avril 2010, d’un accident du travail ayant entraîné un traumatisme du pied droit ayant nécessité de nombreuses interventions chirurgicales, avec des séquelles importantes (40% IPP), ce traumatisme au niveau du pied ayant de nombreuses répercussions au niveau du bassin et du rachis, et une prise en charge psychiatrique toujours en cours.

La cotation de 2/7 correspond à des souffrances légères, et monsieur [L] n’apporte aux débats aucun élément objectif permettant d’évaluer différemment ses souffrances, physiques ou morales, avant ou après la consolidation.

En conséquence, la somme de 4 000 euros lui sera allouée.

Sur le préjudice sexuel :

Le préjudice sexuel correspond à l’atteinte à la morphologie des organes sexuels, à l’atteinte à l’acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et à la fertilité (fonction de reproduction).

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En l’espèce, monsieur [O] [L] indique que le docteur [Z] précise qu’il subit un préjudice sexuel en lien avec le traitement psychotrope. Il ajoute que le deuxième accident a aggravé son état et sa perte de libido.

La [8] ne conclut pas sur ce point

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L’expert indique ce qui suit : « le psychiatre précise que le préjudice sexuel est en relation avec le traitement psychotrope. On peut envisager les difficultés rencontrées lors des 2 épisodes de lumbago aigu ».

Alors que monsieur [L] évoque une perte de libido, l’expert indique qu’elle est en lien avec le traitement psychotrope pris antérieurement à l’accident, dont il n’est pas prétendu qu’il aurait été alourdi suite à l’accident.

Par ailleurs, l’expert semble envisager des difficultés liées aux douleurs lombaires, et ce pendant deux épisodes de lumbago aigu, que monsieur [L] n’évoquent pas.

Dès lors, à défaut d’éléments objectifs permettant d’apporter la preuve d’une aggravation du préjudice sexuel de monsieur [L], il sera débouté de ce chef de demande.

Sur le préjudice d’agrément :

Il s’agit d’indemniser l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs après la consolidation du fait des séquelles résultant de l’événement traumatique.

En matière de faute inexcusable, l’indemnisation n’est possible que si la victime justifie d’une activité sportive ou de loisirs antérieure au sinistre et de l’impossibilité pour elle de continuer à pratiquer régulièrement ladite activité (Cass. civ. 2E 28 février 2013 n°11-21015, 9 juillet 2015 n°14-16006, 17 décembre 2015 n°14-28858, 14 mars 2013 n°11-24 237).

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En l’espèce, monsieur [O] [L] indiqua qu’il pratiquait de nombreuses activités sportives, faisait de la natation, de l’équitation et de la marche, qu’il ne peut plus pratiquer. Il ajoute que suite à son premier accident, il avait dû considérablement réduire ces activités, mais pouvait encore faire des balades en forêt en famille et de la natation, mais que suite à son second accident, il ne peut plus pratiquer aucune activité sportive. Il précise qu’il ne peut plus jouer au football, aller à la piscine, faire de longs parcours en voiture, marcher longtemps et profiter des plaisirs de la vie, participer aux tâches ménagères, décharger les courses, bricoler et aider sa belle-fille à construire sa maison, ou faire du bois.

La [8] ne conclut pas sur ce point.

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L’expert indique que monsieur [L] avait diminué ses activités depuis l’accident du travail de 2010, et que les douleurs de dos survenues en 2015 limitent encore plus le peu d’activités qui subsistaient. Il ajoute que « ces lombalgies chroniques sont en relation avec la discopathie dégénérative de son rachis et non avec les épisodes de lumbago aigu ».

L’expert établit dès lors un lien de causalité entre la limitation des activités, les lombalgies chroniques et un rachis dégénératif. Il exclut dès lors tout lien entre quelconque impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisir et l’accident du travail du 4 novembre 2015.

Par ailleurs, l’ensemble des attestations produites par monsieur [L], à l’exception de celles de monsieur [D], madame [P] et madame [M], sa belle-fille, ont été rédigées antérieurement à l’accident du 4 novembre 2015 et sont dès lors en lien avec l’accident de 2010, indemnisé aux termes d’une instance distincte.

De plus, les attestations de monsieur [D], madame [P] ne justifient, par la généralité de leurs termes, d’aucune pratique sportive ou de loisir régulière et spécifique, et ne distinguent pas entre les deux accidents du travail.

Enfin, si madame [M] déclare que depuis le second accident, son beau-père ne peut plus l’accompagner dans ses déplacements ou lors de promenades à vélo ou randonnées pédestres, et ne pourra pas l’aider dans ses projets de construction d’une maison, elle ne caractérise pas plus une pratique sportive ou de loisir régulière et spécifique, ni une impossibilité de les pratiquer du seul fait de l’accident du 4 novembre 2015.

Au vu de ce qui précède, monsieur [L] sera débouté de ce chef de demande.

Sur la diminution des possibilités de promotion professionnelle :

La rente majorée versée en application de l’article L452-2 du code de la sécurité sociale répare notamment les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle ou le retentissement professionnel de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation (cass. ch mixte 15 janvier 2015 n°13-12310).

Si le préjudice résultant de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle est distinct, il ne peut cependant être indemnisé que si la victime, sur laquelle repose la charge de la preuve, justifie de la perte ou de la diminution réelle et certaine, du fait de l’accident du travail, de chances réelles et sérieuses de promotion professionnelle.

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En l’espèce, monsieur [O] [L] réclame la somme de 243 900 euros et fait valoir qu’avant son second accident du travail, il pouvait encore travailler, ce qui n’est désormais plus possible, de telle sorte qu’il voit toute possibilité de promotion professionnelle anéantie. Il ajoute qu’il ne retrouvera plus de travail et n’a plus de perspective d’avenir professionnel. Il précise qu’il a passé de nombreux diplômes qui ne lui serviront plus à rien (brevet des collèges en 1991 CAP viti-vinicole en 1993, certificat d’aptitude à la taille des vignes en 1993, permis A, B, B1, C, EB, et CACES, brevet de natation et de sauvetage et formation de sapeur-pompier). Il indique que la somme sollicitée est la différence entre son allocation adulte handicapé et le salaire qu’il aurait perçu s’il avait travaillé jusqu’à sa retraite sans compter ses promotions professionnelles, alors qu’il pouvait y prétendre avec ses diplômes et était demandeur de formations complémentaires.

La [8] ne conclut pas sur ce point.

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L’expert indique que « monsieur [L] était travailleur handicapé au moment des faits et précise qu’il n’avait pas de possibilité de promotion avant les faits ».

Par ailleurs, monsieur [O] [L] ne justifie pas de sa carrière professionnelle antérieure à l’accident et ne prétend pas qu’il avait, avant son accident, des chances réelles et sérieuses d’évolution professionnelle.

En outre, il admet expressément dans ses conclusions que le montant réclamé correspond à une perte de salaire et non à une perte de chance de promotion professionnelle, alors même que la perte de revenus est indemnisée par la rente ou le capital majoré.

Dès lors, il sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur l’aménagement de son logement :

Monsieur [O] [L] indique qu’ « avec son pied équin et son mal de dos, il ne cesse de tomber car il raccroche sur les seuils de son habitation » et entend voir intervenir un maçon et un plaquiste pour aménager son habitation pour un montant de 31 357,24 euros. Il sollicite en outre la somme de 7 075 euros pour l’achat d’une tondeuse lui permettant de tondre assis sans l’usage des pieds.

La [8] ne conclut pas sur ce point.

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L’expert n’a pas envisagé, dans son rapport, la nécessité de modifier l’habitation de monsieur [L] ou d’acquérir une tondeuse-tracteur.

Bien plus, l’accident du travail du 4 novembre 2015 n’ayant engendré que l’attribution d’un taux d’incapacité de 3% pour un « syndrome rachidien modéré », les difficultés évoquées par monsieur [L] ne sont clairement pas rattachables à cet accident mais au premier accident survenu en 2010 pour lequel son taux d’incapacité est de 40%. Cela est d’autant plus vrai que concernant l’achat d’une tondeuse-tracteur, il indique qu’un tel engin lui permettrait de tondre « sans l’usage des pieds ».

Dès lors, il sera débouté de sa demande de ce chef.

Au vu de ce qui précède, les préjudices de monsieur [O] [L] seront fixés aux montants suivants :

– déficit fonctionnel temporaire : 711,48 euros

– souffrances endurées : 4 000 euros

Soit un montant total de 4 711,48 euros, que la MSA Marne Ardennes Meuse sera condamnée à verser à monsieur [O] [L].

Sur les frais et dépens :

La [8] succombant, elle sera condamnée aux dépens de la présente instance, incluant les frais d’expertise et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, par arrêt du 1er juin 2021, la cour de céans a condamné la [8] à verser à monsieur [O] [L] la somme de 1 200 euros pour ses frais de procédure exposés à hauteur d’appel, de telle sorte qu’il a été rempli de ses droits à cet égard.

PAR CES MOTIFS,

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

FIXE les préjudices de monsieur [O] [L] aux montants suivants :

– déficit fonctionnel temporaire : 711,48 euros (sept cent onze euros et quarante huit centimes)

– souffrances endurées : 4 000 euros (quatre mille euros)

Soit un montant total de 4 711,48 euros (quatre mille sept cent onze euros et quarante huit centimes)

RAPPELLE que la MSA Marne Ardennes Meuse devra verser ce montant à monsieur [O] [L],

RAPPELLE que la MSA Marne Ardennes Meuse dispose d’une action récursoire contre la société [8] pour récupérer les sommes correspondant à la réparation du préjudice causé dont elle aura été amenée à faire l’avance,

DEBOUTE monsieur [O] [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la [8] aux entiers dépens d’appel incluant les frais d’expertise.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Et signé par monsieur Guerric HENON, président de chambre et par madame Clara TRICHOT-BURTÉ, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Minute en treize pages