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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ARRET DU 23 MARS 2023
(N° /2023, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00285 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFT2
Décision déférée à la Cour : Décision du 04 Août 2020 -Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS – RG n° 211/324692
APPELANT
Monsieur [R] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Ruxandra PATRASCO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0019
INTIME
Maître [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Michel RISPE, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Michel RISPE, Président de chambre
Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère
Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire
Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 21 mars 2018, ayant été licencié par la société Primark Italy du poste de directeur Pays qu’il occupait à [Localité 6] (Italie), suivant un contrat de droit italien, M. [R] [G] a confié la défense de ses intérêts à Me [E] [T], avocat inscrit au barreau de Paris ainsi qu’à celui de [Localité 6] où il exerce à titre principal.
Les négociations entreprises avec la société Primark Italy ont abouti à la conclusion d’un accord transactionnel, suivant procès-verbal de conciliation conclu à [Localité 6] le 12 septembre 2018, allouant à M. [R] [G] une indemnité de 145.000 euros, outre une contribution au paiement des honoraires d’avocat pour un montant de 19.032 euros toutes taxes comprises.
Par la suite, ayant perçu cette indemnité, suivant un courriel daté du 11 octobre 2018, M. [R] [G] a chargé Me [E] [T] d’engager une nouvelle action, envisagée cette fois-ci devant une juridiction française contre le Groupe Primark.
Me [E] [T] a alors entrepris de rédiger un projet de requête introductive d’instance par-devant un conseil de prud’hommes qui visait à faire bénéficier son client des dispositions de l’article L. 1231-5 du code du travail en ce qu’il prévoit que : ‘ Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein.[…]’.
Les nouvelles factures émises par Me [E] [T] les 02 novembre et 30 novembre 2018 sont par la suite demeurées impayées et l’action n’a pas été engagée.
C’est dans ces conditions que suivant lettre recommandée en date du 02 octobre 2019, Me [E] [T] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats, d’une demande tendant à la fixation des honoraires lui étant dus par M. [R] [G] à hauteur de 9.206,70 euros outre ‘la TVA italienne au taux de 22 %’, ainsi qu’à la condamnation de celui-ci au paiement de débours de 31,95 euros et de 2.000 euros sur fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par décision rendue contradictoirement le 04 août 2020, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
‘ fixé à la somme de 5.500 euros hors taxes le montant total des honoraires dûs à Me [E] [T],
‘ condamné M. [R] [G] à payer à Me [E] [T] la somme principale de 5.500 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée en vigueur en France et des intérêts de droit à compter du 2 octobre 2019 ainsi que des frais éventuels de signification par huissier de la présente décision ;
‘ dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 10 août 2020, M. [R] [G] a formé un recours auprès du Premier président de cette cour d’appel, à l’encontre de ladite décision.
Par un arrêt prononcé le 18 novembre 2022, cette cour d’appel a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à Me [E] [T] de justifier du lieu de l’exercice principal de son activité et pour que les parties puissent s’expliquer sur la compétence internationale du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris au regard des règles communautaires applicables, à l’audience du 22 février 2022, lors de laquelle les parties ont comparu.
Vu les conclusions (mémoire n° 3) notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, soutenues à l’audience du 22 février 2023, aux termes desquelles M. [R] [G] a demandé à cette juridiction de :
‘ infirmer la décision rendue le 4 août 2020 par le Bâtonnier de Paris ;
‘ déclarer que le Bâtonnier de Paris n’était pas compétent pour fixer les honoraires d’un avocat ayant son cabinet secondaire à Paris sur la base d’une note d’honoraires soumise au droit italien et au contrôle des autorités compétentes italiennes ;
‘ à titre subsidiaire, constater que les honoraires réclamés par Me [E] [T] sont excessifs et les ramener à une juste mesure ;
‘ débouter Me [E] [T] du surplus de ses demandes ;
‘ condamner Me [E] [T] à payer à M. [R] [G] un montant de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, soutenues à l’audience du 22 février 2023, aux termes desquelles Me [E] [T] a sollicité de cette juridiction qu’elle :
‘ à titre liminaire, constate que les observations apportées par Me [E] [T] s’agissant du lieu de l’exercice principal de son activité et de la compétence internationale du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris sont bien recevables ;
‘ constater que le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris était compétent pour la demande de fixation d’honoraires de Me [E] [T] en tant qu’avocat inscrit au barreau de Paris;
‘ à titre principal, infirmer la décision du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’il a fixé les honoraires dus à Me [E] [T] à hauteur de 5.500 euros hors taxes et en ce qu’il a dit n’avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ débouter M. [R] [G] de toutes ses demandes ;
‘ fixer le montant des honoraires restant dû à Me [E] [T] à 8.852,60 euros hors taxes (11.232,17 euros toutes taxes comprises);
‘ condamner M. [R] [G] à payer à Me [E] [T] la somme de 8.852,60 euros hors taxes (11.232,17 euros toutes taxes comprises), majorée des intérêts de droit à compter du 2 octobre 2019 ;
‘ à titre subsidiaire, confirmer la décision du 4 août 2020 du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris en ce qu’il a fixé les honoraires dus à Me [E] [T] à hauteur de 5.500 euros hors taxes augmentés de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de droit à compter du 2 octobre 2019 ;
‘ débouter M. [R] [G] de toutes ses demandes ;
‘ en tout état de cause, condamner M. [R] [G] au paiement de 3.000 euros en faveur de Me [E] [T] en application de l’article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de la procédure.
SUR CE, LA COUR,
Comme cela a précédemment été relevé, il n’est pas discuté que le recours formé par M. [R] [G] est recevable, pour avoir été formé dans le délai requis, soit un mois, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, modifié par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007.
Le présent arrêt sera rendu contradictoirement entre les parties, alors que toutes deux ont comparu lors de l’audience.
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Préliminairement, il convient de rappeler qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, sans que les demandes de constatation ou de donner acte puissent constituer des prétentions au sens de cet article, en sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.
Pour fonder la décision, dont appel, le bâtonnier de l’ordre des avocats a retenu exactement que:
‘ SUR L’EXCEPTION D’INCOMPÉTENCE
Cette exception sera rejetée, car il est constant que Maître [T] est inscrit au barreau de Paris, qu’il a été chargé par un client de nationalité française d’engager devant une juridiction française une procédure à l’encontre d’une société de droit français.
Dès lors, la demande fixation des honoraires de Maître [T] est justiciable du Bâtonnier de Paris quand bien même la facture aurait, à tort, portée l’indication d’une TVA à 22%.
Qu’il ne s’agit pas en l’espèce de savoir si Maître [T] a son cabinet principal à [Localité 4] ou à [Localité 6] et inversement pour la Cabinet secondaire mais de constater que Maître [T] est Avocat au barreau de Paris et qu’il a été autorisé à exercer son activité en Italie, cette autorisation ne faisant pas obstacle à ce qu’il ait également une activité au sein du barreau de Paris.
SUR LES HONORAIRES DUS A MAÎTRE [T]
Il apparaît que si Monsieur [G] a payé des honoraires importants à Maître [T] il ne peut être contesté que ces honoraires réglés sur services rendus et non contestés se rapportent aux diligences accomplies dans le cadre d’une mission qui s’est achevée par la signature d’un protocole transactionnel avec la Société de droit italien PRIMARK ITALY.
Ils ne peuvent être remis en cause et qu’il n’y a pas lieu dans le cadre de la présente instance de fixer ces honoraires d’autant que cette fixation n’est pas demandée par Maître [T] et que ces honoraires ne sont pas formellement contestés par le défendeur et ne pourraient l’être en tout état de cause.
Le litige ne porte que sur les honoraires demandés au titre de la procédure devant être engagée à l’encontre de la société PRIMARK FRANCE.
Si cette procédure n’a finalement pas été engagée il demeure que Maître [T] a préparé une mise en demeure et établi une requête introductive d’instance.
Cette activité et ces diligences doivent donner lieu à rémunération de l’avocat même en l’absence de convention d’honoraires et que cette rémunération doit être arrêtée en considération des critères énumérés au décret du 27 novembre 1991, à celui du 12 août 2005 et au RIN.
A cet égard les postes intitulés ” point sur le dossier ” ou ” révision ” ainsi que ceux se rapportant à la relecture de conclusions qui n’ont pas été établies, aux recherches effectuées semblent trop importants en temps comptabilisé des lors notamment que Maître [T] avait déjà évidemment une parfaite connaissance du dossier.
II sera donc retenu un temps passé de 22 heures auquel sera appliqué le taux horaire de 250 € HT pratiqué par Maître [T] et qui apparaît en adéquation avec la situation de fortune du client, la relative difficulté de l’affaire et la notoriété de l’avocat.
Que les honoraires dus à Maître [T] seront fixés à la somme HT de 5.500 € laquelle sera augmentée de la TVA applicable en France.
Qu’il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais éventuellement engagés pour leur défense dans le cadre de la présente instance.’.
”’
Sur l’exception d’incompétence :
M. [R] [G] soulève l’incompétence du bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris aux fins de statuer sur la contestation des honoraires de son avocat, au motif que Me [E] [T] est avocat à [Localité 6] et qu’il ne dispose que d’un cabinet secondaire à [Localité 4].
Il fait valoir, se référant à un arrêt de la Cour de cassation du 16 janvier 2014 ( 2ème Civ., pourvoi n° 12-23.967), que dans le cas où l’avocat est inscrit et exerce effectivement à la fois dans un barreau français et dans un barreau étranger, seules relèvent de la procédure de fixation des honoraires les prestations réalisées dans le cadre de son activité d’avocat auprès du barreau français en cause qui doit être le barreau du cabinet principal de l’avocat et ce nonobstant la double nationalité des clients, le lieu de situation du bien objet du litige ou le fait que la procédure se déroule devant une juridiction étrangère, éléments insusceptibles de modifier les règles de compétence en matière de contestation d’honoraires qui donnent compétence au bâtonnier du barreau du cabinet principal de l’avocat.
Il indique que ses recherches informatiques, comme l’examen des pièces adverses, permettent de constater que l’adresse professionnelle italienne de Me [E] [T] figure en premier par rapport à l’adresse française.
Il soutient que la demande de fixation d’honoraires concerne une mission confiée, exécutée et facturée (taux de TVA italien) en Italie.
Il souligne que les deux mises en demeure de payer qui lui ont été adressées par Me [E] [T] les 29 juillet et 04 septembre 2019 ont été expédiées de l’adresse italienne de son cabinet.
Il observe que le droit européen, en matière contractuelle, en application de l’article 7 du règlement Bruxelles I bis dispose qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite devant les juridictions du lieu où les fournitures ou services ont été ou auraient dû être fournis, soit en Italie, en l’espèce.
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Au contraire, Me [E] [T] soutient que le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, barreau auprès duquel il est inscrit, s’acquittant régulièrement des frais d’inscription et d’assurance professionnelle obligatoire en France, était bien compétent pour apprécier sa demande de fixation d’honoraires.
Il fait observer qu’avocat inscrit au barreau de Paris, en application de l’article P31 du Règlement Intérieur du barreau de Paris, il est autorisé à exercer à titre principal à l’étranger comme 1400 autres confrères.
Il ajoute qu’il n’exerce pas uniquement à l’étranger mais aussi en France. Il précise encore, qu’à l’étranger, il n’exerce pas sous son titre d’origine, mais sous son titre étranger.
Il prétend que l’on ne saurait s’attacher à sa propre résidence fiscale, qui est située en Italie pour des motifs de résidence personnelle, ce qui emporte les mentions fiscales obligatoires.
Selon lui, le fondement de la compétence du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris doit être cherché dans le fait que, pour son activité professionnelle au sein de son bureau secondaire, les litiges relatifs aux honoraires relèvent de la compétence du bâtonnier du barreau auquel appartient l’avocat, c’est-à-dire le barreau d’origine, se référant à l’article 15.2.6 du R.I.N..
Il précise ne pas avoir un bureau secondaire à [Localité 6], mais avoir été simplement autorisé à exercer son activité à l’étranger.
Il rappelle que les conditions de son intervention renvoient explicitement à une clause attributive de compétence au profit du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, ainsi rédigée : ‘« Toute contestation concernant le montant et le recouvrement des honoraires, frais et débours de l’Avocat ne peut être réglée, à défaut d’accord entre les parties, qu’en recourant à la procédure prévue aux articles 174 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat en France.
Le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à la Cour d’appel de Paris est saisi à la requête de la partie la plus diligente.
Il est expressément convenu entre les parties qu’en cas de contestation, le montant des honoraires, frais et débours calculés comme prévu dans la Convention et restant dus à l’Avocat doit être consigné entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à la Cour d’Appel de Paris dans l’attente d’une décision de fixation des honoraires, frais et débours. »
Il indique enfin que les honoraires dont la fixation est sollicitée concernent une affaire de droit du travail français et la saisine d’un conseil de prud’hommes français, alors que tous les honoraires concernant le volet italien du dossier ont été précédemment réglés par M. [R] [G].
Me [E] [T] précise, en effet, avoir informé M. [R] [G] d’une disposition du droit français du travail, que peu d’avocats, même spécialisés en droit du travail, connaissent, mais que beaucoup de confrères autorisés à exercer à titre principal à l’étranger connaissent bien, à savoir l’article L. 1231-5 du code du travail, les diligences facturées visant à obtenir dans ce cadre la réintégration de M. [R] [G] à la maison mère française .
Il s’appuie sur le projet de requête de saisine du conseil de prud’hommes de Paris de novembre 2018, qu’il produit.
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La cour rappelle qu’en France, en matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques renvoie au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’ y est consacrée.
En ce domaine, regroupées dans ladite section V, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144).
Précisément, l’article 175 du décret précité prévoit que ‘Les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise contre récépissé. Le bâtonnier accuse réception de la réclamation et informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois.
L’avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté.[…]’.
Par ailleurs, l’article 15.3.6 du Règlement intérieur National de la profession d’avocat prévoit que: ‘Les litiges relatifs aux honoraires relèvent de la compétence du bâtonnier du barreau auquel appartient l’avocat.’.
Aussi, lorsque survient un différend relatif aux honoraires d’un avocat inscrit à un barreau français, une telle procédure peut être mise en ‘uvre sous réserve, le cas échéant, de sa conformité aux instruments internationaux applicables et au droit communautaire.
C’est ainsi que s’agissant d’un avocat au barreau de Paris, qui disposait d’un cabinet secondaire à [Localité 5], lequel avait été saisi par des clients venus le consulter pour défendre leurs intérêts dans le cadre d’une affaire immobilière devant la cour d’appel de Tanger, qu’il avait reçus à Paris et dans son cabinet secondaire de [Localité 5], ses collaborateurs effectuant de nombreux déplacements à Tanger, la compétence du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a été retenue, nonobstant le fait que la signature de la convention d’honoraires était intervenue à [Localité 5], que les clients avaient la double nationalité, que le lieu de situation du bien objet du litige et de la procédure se situaient au Maroc, circonstances qui n’étaient pas susceptibles de modifier les règles de compétence en matière de contestation d’honoraires, c’est à dire celle du bâtonnier du barreau du cabinet principal de l’avocat (Cf. Cass. 2ème Civ., 16 janvier 2014, pourvoi n° 12-23.967).
Au sein de l’espace judiciaire européen, le règlement de Bruxelles 1 bis, qui concerne notamment les litiges en matière contractuelle, prévoit que la juridiction compétente est, soit la juridiction du domicile du défendeur, soit celle du lieu d’exécution du contrat, sous réserve des dispositions applicables au profit des consommateurs.
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En l’espèce, il résulte des pièces produites que Me [E] [T], inscrit au barreau de Milan depuis le 14 septembre 2006, justifie de son inscription régulière au barreau de Paris sous le numéro de toque W16, après avoir prêté serment le 28 juin 2000.
Il apparaît encore que M. [R] [G] demeurait en France au moment de la saisine du bâtonnier de l’ordre des avocats.
Il est encore constant que le différend soumis au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en voie d’appel, à cette cour, porte exclusivement sur des honoraires liés aux diligences exécutées dans le cadre de la mission confiée par M. [R] [G] à Me [E] [T] tendant à engager une action devant une juridiction française.
Dans ces conditions, compte tenu de la domiciliation en France du défendeur et de l’objet de la mission, qui devait être exécutée en France, en application des dispositions précitées, c’est bien à juste titre que la bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a retenu sa compétence pour trancher ce différend.
Par voie de conséquence, l’exception d’incompétence sera rejetée et la décision du bâtonnier sera confirmée de ce chef.
Sur les honoraires contestés :
M. [R] [G] soutient que les sommes facturées par Me [E] [T] au titre de ses diligences sont manifestement excessives et doivent être réduites à de plus justes proportions.
Il observe qu’aucune convention d’honoraires n’a été conclue entre les parties et qu’il a déjà réglé à Me [E] [T] un montant de 33.122,29 euros toutes taxes comprises dans le cadre de la procédure amiable de contestation de licenciement pour laquelle il a reçu une indemnité transactionnelle de 145.000 euros net, outre 18.300 euros toutes taxes comprises (15.000 euros hors taxes) à titre de contribution au paiement des honoraires d’avocat.
Il indique qu’il n’était pas certain de vouloir poursuivre la société Primark France d’autant qu’il a été embauché par une société dans le même secteur d’activité, concurrente, proche de cette dernière. Il précise avoir exprimé ses doutes à Me [E] [T] qui a semble-t-il effectué des diligences sans s’assurer de la volonté de son client de poursuivre son ex-employeur en France alors même qu’il avait obtenu une indemnité transactionnelle en Italie, ce qui pouvait compliquer la tâche.
Aussi, il conteste devoir à Me [E] [T] des honoraires d’un montant de 11.232,17 euros au titre d’une procédure non engagée, sans volonté réelle du client dont on a forcé la main.
Il remarque que le bâtonnier de l’ordre des avocats n’a pas tenu compte dans sa décision du 4 août 2020, de la somme de 15.000 euros hors taxes versée à Me [E] [T] par la société Primark Italy, qui est venue s’ajouter aux honoraires conséquents de 33.122,29 euros toutes taxes comprises payés par lui.
Il fait valoir que ces honoraires de 15.000 euros hors taxes versés par Primark Italy étaient pourtant destinés à couvrir une potentielle procédure contentieuse en France.
Aussi, il entend que les honoraires réclamés par Me [E] [T] soit considérés comme excessifs et soient ramenés à une plus juste mesure.
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Me [E] [T] fait valoir que M. [R] [G] lui a, en réalité, réglé jusqu’ici la somme de 10.774,40 euros toutes taxes comprises, au titre des diligences accomplies en Italie, ces honoraires n’étant pas contestés.
Il entend que le montant de 11.232,17 euros toutes taxes comprises soit retenu pour le solde restant dû par M. [R] [G] en considération des critères énumérés au décret du 27 novembre 1991, à celui du 12 août 2005 et à l’article 11 du RIN.
Il fait observer que s’agissant du travail de recherches, de la nature et de la difficulté de l’affaire, la requête introductive d’instance qu’il a rédigée portait sur la violation de l’article L. 1231-5 du code du travail, par la société mère française (Primark France) et qu’il a dû se livrer à une analyse factuelle et jurisprudentielle importante portant notamment sur :
‘ les critères jurisprudentiels appliqués pour reconnaître l’existence d’une condition de dépendance entre les deux sociétés (société mère et filiale étrangère), condition nécessaire pour l’application de l’article L. 1231-5 du code du travail ;
‘ l’examen factuel des relations existantes entre Primark France et Primark Italy, la
jurisprudence ayant statué qu’en l’absence de critères à retenir sur le lien de filiation, il faut s’attacher au contrôle effectif de l’une des sociétés sur l’autre ;
‘ les conditions de rapatriement de M. [R] [G] et la jurisprudence en la matière, ce qui a exigé également d’examiner le contrat de bail de droit italien signé par M. [R] [G] et ayant pour objet un logement meublé à [Localité 6], un ancien arrêt de la Cour de Cassation ayant jugé que le remboursement du salarié était dû concernant les frais de séjour supportés entre le licenciement du salarié par la filiale et son rapatriement en France, dès lors que la société mère française a pris du retard à assurer le rapatriement, sans justifier que ce retard ne lui soit imputable ;
‘ la traduction en français des documents rédigés en langues italienne et anglaise.
S’agissant de la situation de fortune du client, il souligne que M. [R] [G] occupait le poste de responsable régional au sein de Primark France et de Country manager au sein de Primark Italy et que six mois après son licenciement, M. [R] [G] a été embauché par une société dans le même secteur d’activité.
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La cour rappelle que le défaut de signature d’une convention ne prive pas l’avocat du droit de percevoir pour ses diligences, dès lors que celles-ci sont établies, des honoraires qui sont alors fixés en tenant compte selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
De même, en cas d’interruption de la mission de l’avocat avant son terme, ce dernier a droit au paiement des honoraires dus dans la mesure du travail accompli et, le cas échéant, de sa contribution au résultat obtenu ou au service rendu au client.
L’évaluation qui doit être effectuée à ce titre ne porte que sur le seul travail réalisé et l’adéquation de celui-ci avec la nature et l’importance du dossier.
Au cas présent, quand bien même M. [R] [G] a finalement renoncé à poursuivre la mission après avoir éprouvé des doutes, il n’en demeure pas moins, que suivant un courriel daté du 11 octobre 2018, il a chargé Me [E] [T] d’engager une action devant une juridiction française contre le Groupe Primark.
Il n’est pas davantage sérieusement contestable que cette mission se distingue clairement de la précédente, quand bien même elle s’inscrit dans son prolongement.
Il ne résulte d’aucune pièce que les honoraires qui ont été réglés au titre de la première mission, accomplie en Italie et concernant M. [R] [G] et Primark Italy, après service rendu et non contestés, auraient pu couvrir la nouvelle mission.
Au contraire, l’examen des pièces de facturations produites démontre que les diligences accomplies au titre de la seconde mission sont reprises et détaillées dans des notes distinctes.
En tout cas, M. [R] [G] ne conteste pas la réalité des diligences invoquées par Me [E] [T] et effectuées au titre de cette mission.
Celles-ci sont matérialisées par plusieurs échanges par courriels et le projet de requête aux fins de saisine du conseil de prud’hommes de Paris élaboré en novembre 2018.
Il découle de leur examen que Me [E] [T] a été amené notamment à examiner le contrat de bail conclu par M. [R] [G] à l’effet de chiffrer une demande d’indemnité et d’élaborer le projet de requête de onze pages qui est produit.
Au vu des pièces justifiant les diligences ainsi accomplies par Me [E] [T] avant qu’il ne soit mis fin à sa mission, il apparaît que c’est de façon pertinente que le bâtonnier de l’ordre des avocats a retenu un temps passé ramené à 22 heures auquel doit être appliqué le taux horaire de 250 euros hors taxes pratiqué par l’avocat, en adéquation avec la situation de fortune du client, la relative difficulté de l’affaire et la notoriété de l’avocat, ce qui correspond à un honoraire de 5.500 euros hors taxes (22 heures x 250 euros).
Alors qu’à hauteur d’appel, la pertinence des motifs retenus dans sa décision par le bâtonnier de l’ordre des avocats n’a pas été altérée lors du débat, sa décision de ce chef sera confirmée.
Sur les demandes accessoires :
C’est à tort que Me [E] [T] a soutenu que le bâtonnier de l’ordre des avocats aurait dû lui accorder une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile alors que ces dispositions ne trouvent à s’appliquer que devant les juridictions.
Aussi, de ce qui précède, la décision du bâtonnier sera confirmée en toutes ses dispositions.
Les dépens d’appel seront mis à la charge de M. [R] [G] qui a échoué dans son recours.
Il n’y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de rejeter le surplus des demandes.
Statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions;
Condamne M. [R] [G] aux dépens d’appel ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE