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La SARL AMTP fait valoir que la société SMABTP était en mesure d’agir à son encontre à compter de la constatation des désordres, en novembre 2013 et au plus tard au dépôt du rapport de l’expert d’assurance, le 30 juin 2014, elle est bien fondée à opposer la prescription biennale assuré/assureur de l’article L 114-1 du code des assurances et à défaut la prescription quinquennale prévue à l’article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Bruno Poupet, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2022
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Vu la déclaration d’appel de la société SARL AMTP du 06 septembre 2021,
Vu les conclusions de la SARL AMTP du 13 octobre 2021,
Vu les conclusions de la société mutuelle SMABTP du 30 décembre 2021,
Vu l’ordonnance de clôture du 12 septembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE
Dans le courant de l’année 2012, la société Coexia Energies Services a été chargée par la commune de [Localité 4] de travaux tendant au changement du système de chauffage du groupe scolaire de la Forêt à [Localité 5].
Dans le cadre de ce marché, la société Coexia a fait appel à la société AMTP en qualité de sous-traitant, et a confié à cette société des travaux de terrassements et de mise en place d’un « géotank », le passage des réseaux en tranchée, le remblaiement des terres et la remise en état du site.
Le montant du marché de sous-traitance s’est élevé à 9 000 euros hors taxes, des travaux supplémentaires étaient commandés d’un coût de 7 500 euros hors taxes.
Les travaux ont été réceptionnés avec des réserves sans rapport avec les désordres invoqués dans la cadre de la présente instance, le 14 novembre 2012.
En novembre 2013, la société en charge de l’exploitation du chauffage a constaté des dysfonctionnements consistant en blocage de l’alimentation en pellets.
La société Coexia a régularisé une déclaration de sinistre auprès de son assureur qui a fait réaliser une expertise, confiée au cabinet Saretec.
L’expert concluait à la responsabilité de la société AMTP, il notifiait ses conclusions à l’entreprise le 20 juin 2014.
Le 13 mars 2015, la société SMABTP a adressé à la société AMTP une mise en demeure d’avoir à payer la somme de 46 362 euros au titre des réparations.
La société Coexia a réalisé les travaux de reprise, un procès-verbal de réception a été signé le 30 juillet 2017.
La SMABTP, assureur de la société Coexia, a versé à son assuré une indemnité de 27 042 euros au titre des travaux de reprises et une quittance subrogative a été régularisée le 21 juin 2017.
Par acte du 07 septembre 2017, la société SMA SA a fait assigner la société AMTP et son assureur, la société Allianz devant le tribunal de commerce de Lille aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 27 042 euros, outre intérêts légaux à compter du 31 mars 2015.
Par jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lille Métropole a condamné la SARL AMTP à payer à la société SMA la somme de 19 470, 24 euros, majorée des intérêts outre 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société AMTP a relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 16 janvier 2020, cette cour a infirmé le jugement et déclaré la société SMA SA irrecevable.
Par acte d’huissier du 22 janvier 2019, la société SMA SA a de nouveau fait assigner la société AMTP devant le tribunal de commerce de Lille aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 7 571,76 euros, cette instance a fait l’objet d’un sursis à statuer.
Par acte d’huissier du 11 février 2020, la société SMABTP a fait assigner la société AMTP devant le tribunal de commerce, cette instance a été jointe à celle engagée par la société SMA.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le tribunal de commerce de Lille a :
– constaté le désistement de la société SMA,
– condamné la société SMA à payer à la société AMTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société AMTP,
– Condamné la société AMTP à payer à la société SMABTP la somme de 27 042 euros outre intérêts légaux à compter du 07 septembre 2017,
– Ordonné la capitalisation des intérêts,
– Condamné la société AMTP à payer à la société SMABTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– Condamné la société AMTP aux dépens.
Par déclaration en date du 06 septembre 2021, la SARL AMTP a interjeté appel de la décision (RG n° 21/4740).
Par dernières conclusions du 13 octobre 2021, la SARL AMTP demande à la cour, au visa des articles 122 et 564 du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil de :
-Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription et du défaut d’intérêt à agir soulevées et en ce qu’il a condamné la société AMTP à payer à la SMABTP la somme de 27 042 euros outre les intérêts légaux à compter du 07 septembre 2017, avec capitalisation des intérêts et 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-Prononcer l’irrecevabilité des demandes de la SA SMABTP comme prescrites,
-Subsidiairement, prononcer l’irrecevabilité des demandes de la SA SMABTP faute d’intérêt à agir,
-Débouter la SA SMABTP de toutes ses demandes,
-A titre extrêmement subsidiaire, vu le partage de responsabilité, dire et juger que la quote-part de responsabilité et le règlement de la SARL AMTP ne saurait excéder 25 % du montant des sommes réclamées,
-Condamner la SA SMABTP à payer à la SARL AMTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 30 décembre 2021, la société SMABTP demande à la cour, au visa des articles 394 du code de procédure civile et 1147 du code civil de :
-Débouter la SARL AMTP de toutes ses demandes,
-Confirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 par le tribunal de commerce de Lille,
Y ajouter,
-Condamner la société AMTP à verser à la SMABTP la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens et dire que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2022.
1- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La SARL AMTP fait valoir que la société SMABTP était en mesure d’agir à son encontre à compter de la constatation des désordres, en novembre 2013 et au plus tard au dépôt du rapport de l’expert d’assurance, le 30 juin 2014, elle est bien fondée à opposer la prescription biennale assuré/assureur de l’article L 114-1 du code des assurances et à défaut la prescription quinquennale prévue à l’article 2244 du code civil.
La société SMABTP fait valoir que la prescription tirée de l’article L 114-1 du code des assurances ne saurait trouver application dans le cadre de l’action subrogatoire de l’assureur qu’en toute hypothèse elle n’a pu exercer d’action à l’encontre du responsable qu’à compter de la mise en demeure adressée à la société AMTP.
*
L’article L114-1 du code des assurances dispose que toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
La prescription biennale s’applique à toutes les actions dérivant directement du contrat d’assurance exercées par l’assureur ou par l’assuré en nullité ou exécution du contrat.
En l’espèce, l’action engagée par la société SMABTP ne dérive pas du contrat d’assurance en ce qu’elle n’a pas pour objet l’exécution de ce contrat, mais est exercée par l’assureur sur le fondement de la subrogation, la SMABTP produisant la quittance subrogative signée de son assuré, dès lors la prescription biennale ne peut être invoquée.
Agissant sur le fondement de la subrogation, l’assureur exerce les droits et actions de l’assuré.
La société Coexia ayant sous-traité un marché de travaux à la SARL AMTP, cette dernière société peut voir sa responsabilité engagée sur un fondement contractuel et l’assureur, subrogé dans les droits son assuré ne dispose que des actions bénéficiant à celui-ci, par conséquent, l’action est soumise à la prescription applicable à l’action de l’assuré en l’espèce la prescription quinquennale prévue à l’article 2224 du code civil, commençant à courir du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il ressort des éléments de l’espèce que le défaut d’alimentation de la chaudière a été signalé en novembre 2013, une expertise a été réalisée par le cabinet Saretec qui a déposé un rapport le 20 juin 2014, mettant en cause la responsabilité du sous-traitant, la société AMTP.
Toutefois, il ressort des communications de pièces que les travaux de remise en état de la chaudière ont été réalisés par la société Coexia et qu’un procès-verbal de réception sans réserve des travaux n’est intervenu que le 30 juillet 2017.
Ce n’est qu’à compter de cette date que la société Coexia pouvait agir contre son sous-traitant et que la prescription quinquennale a commencé à courir.
L’action de SMABTP, subrogée dans les droits de son assuré, n’était donc pas prescrite le 11 février 2020 lorsqu’a été délivrée l’assignation devant le tribunal de commerce, la fin de non-recevoir sera dès lors rejetée.
2- sur le défaut d’intérêt à agir de la société SMABTP
La SARL AMTP soutient encore que la société SMABTP ne démontre pas que les indemnités versées par elle l’ont été en vertu des garanties accordées par le contrat d’assurance et est donc dépourvue d’intérêt à agir.
La société SMABTP invoque l’indemnité versée à la société Coexia et la subrogation conventionnelle.
*
La subrogation légale prévue à l’article L 121-12 du code des assurances, n’exclut pas une subrogation conventionnelle, celle-ci s’opérant à l’initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son paiement d’une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur.
En l’espèce, la SMABTP produit les conditions générales de la police d’assurance professionnelle souscrite, ainsi que la quittance subrogative. Il est bien justifié par la société SMABTP du versement d’une indemnité 27 042 euros, au titre des réparations sur le chantier de la chaufferie du groupe scolaire de la forêt à [Localité 5] et de la quittance subrogative signée le 21 juin 2017 par la société Coexia, justifiant de l’intérêt à agir de la société SMABTP.
3- sur l’absence de fondement des demandes
La société AMTP fait grief à la société SMABTP, de ne pas fonder en droits ses demandes.
Il ressort toutefois des écritures de la SMABTP que celle-ci fonde ses demandes sur les dispositions de l’article 1147 du code civil, dans sa version applicable à l’espèce, exposant qu’il s’agit de l’action de l’entreprise principale à l’encontre d’un sous-traitant, le moyen est inopérant.
4- sur le rapport d’expertise de la société Saretec et les désordres
La société AMTP soutient qu’aucune expertise judiciaire n’a été diligentée, que l’intervention du cabinet Saretec, n’a pas donné lieu à un rapport en bonne et due forme qui puisse lui être opposable.
La société SMABTP expose que le rapport du cabinet Saretec est parfaitement opposable puisqu’il a été établi à la suite de réunions s’étant tenues contradictoirement.
*
Si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties.
Aucune expertise judiciaire n’a été ordonnée dans cette affaire, à l’appui de ses prétentions, la société SMABTP produit :
-une note du cabinet Saretec en date du 20 juin 2014 adressée à la société AMTP faisant état de constatations réalisées sur la cuve et mettant en cause la responsabilité de l’entreprise,
-un rapport établi le 15 mars 2017, à la suite d’une réunion s’étant tenue le 11 avril 2014 à laquelle avait participé un représentant de la société AMTP, concluant à la responsabilité de la société AMTP lors des travaux d’installation du « géotank »,
Aucune autre pièce n’est communiquée concernant les désordres, les responsabilités et le coût des reprises, permettant de corroborer le rapport de l’expert de l’assureur, de sorte que ce rapport est inopposable à la société AMTP et ne suffit pas à justifier des désordres et de la responsabilité de la société AMTP, la société SMABTP sera déboutée de ses demandes, le jugement étant infirmé.
5- sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant, la société SMABTP sera condamnée au paiement d’une indemnité de procédure de 2 000 euros à la société AMTP ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la société AMTP,
Infirme le jugement,
Déboute la société SMABTP de ses demandes,
Condamne la société SMABTP à payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société SMABTP aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
[V] [I]
Le président
Catherine Courteille