Droit des artistes : Tribunal Administratif de Montreuil, 5ème Chambre (JU), 5 décembre 2022, 2010039

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Droit des artistes : Tribunal Administratif de Montreuil, 5ème Chambre (JU), 5 décembre 2022, 2010039
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Extraits :
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Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 23 septembre 2020, enregistrée le même jour au greffe du tribunal, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal la requête présentée par Mme B C.

Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif de Paris, et un mémoire complémentaire enregistré le 20 juillet 2021 au greffe du tribunal, Mme C demande l’annulation de la décision du 10 juillet 2020 par laquelle Pôle emploi a refusé de lui accorder une aide individuelle à la formation.

Elle doit être regardée comme soutenant qu’au regard de son projet professionnel, Pôle emploi a commis une erreur d’appréciation en refusant de lui accorder une aide individuelle à la formation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juillet 2021, Pôle emploi Ile-de-France conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

– la requête est irrecevable dans la mesure où elle n’est pas motivée, en méconnaissance des prescriptions de l’article

R. 411-1 du code de justice administrative ;

– le requête est mal fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code du travail ;

– la délibération n°2015-10 du 3 février 2015 du conseil d’administration de Pôle Emploi ;

– l’instruction de Pôle emploi n°2017-5 du 10 janvier 2017 relative à la mise en œuvre de l’aide individuelle à la formation ;

– le code de justice administrative ;

Le président du tribunal a désigné Mme Marianne Parent, première conseillère, pour statuer sur les litiges visés à l’article

R. 222-13 du code de justice administrative.

Le magistrat désigné a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme A a été entendu au cours de l’audience publique.

Les parties n’étaient ni présentes ni représentées.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit

:

1. Par une décision du 10 juillet 2020 dont Mme C demande l’annulation, Pôle emploi a refusé de lui accorder une aide individuelle à la formation pour suivre une formation dispensée par le lycée des métiers Boulles – école supérieure des arts appliqués en vue d’obtenir un certificat d’aptitude professionnelle mention art et technique option bijouterie-joaillerie.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi :

2. Aux termes de l’article

R. 411-1 du code de justice administrative : ” La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge. / L’auteur d’une requête ne contenant l’exposé d’aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d’un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu’à l’expiration du délai de recours. “.

3. Contrairement à ce que fait valoir Pôle emploi, Mme C doit être regardée comme soutenant que la décision de refus d’aide individuelle à la formation qu’elle conteste est entachée d’erreur d’appréciation. Il s’ensuit que la requête est motivée et que la fin de non-recevoir opposée par Pôle emploi en défense doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Aux termes de l’article L.6221-4 du code du travail : ” L’Institution mentionnée à

l’article L.5312-1 attribue des aides individuelles à l’a formation (). “. Aux termes du premier article de la délibération n°2015-10 du 3 février 2015 du conseil d’administration de Pôle Emploi : ” Une aide individuelle à la formation (AIF) peut être attribuée afin de financer ou de cofinancer les frais pédagogiques des formations suivies par des demandeurs d’emploi. “. Aux termes de l’article 2 de cette délibération : ” () seules les formations validées par Pôle Emploi (contenu, coûts pédagogiques, durée) dans le cadre du projet professionnel du demandeur d’emploi peuvent donner lieu à l’attribution de l’AIF ” et aux termes de son article 3 : ” La prise en charge par Pôle Emploi est complémentaire et subsidiaire aux dispositifs financés notamment par les conseils régionaux, généraux ou toute autre collectivité publique et par les organismes paritaires collecteurs agréés (). “. Aux termes de l’article 3 de l’instruction de Pôle emploi n°2017-5 du 10 janvier 2017 relative à la mise en œuvre de l’aide individuelle à la formation : ” la décision d’attribution de l’aide individuelle à la formation est de la responsabilité du directeur d’agence compétent () La validation de la demande d’aide individuelle à la formation se fait au regard notamment : de l’existence du numéro de déclaration d’activité de l’organisme de formation, sous réserve des cas exceptionnels où l’organisme n’a pas encore son numéro de déclaration; du respect du délai d’envoi du formulaire de l’aide individuelle à la formation ; du fait que la formation apparaisse nécessaire et/ou adaptée au reclassement du demandeur d’emploi tel que défini dans son projet professionnel ; du coût de l’action de formation par comparaison aux coûts pratiqués pour des actions de formations similaires ; de la capacité de l’organisme de formation à délivrer une action de formation de qualité. “.

5. D’une part, lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne en matière d’aide ou d’action sociale, de logement ou au titre des dispositions en faveur des travailleurs privés d’emploi, et sous réserve du contentieux du droit au logement opposable, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction et, notamment, du dossier qui lui est communiqué en application de l’article

R. 772-8 du code de justice administrative. Au vu de ces éléments, il lui appartient d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision, en fixant alors lui-même tout ou partie des droits de l’intéressé et en le renvoyant, au besoin, devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation pour le surplus, sur la base des motifs de son jugement. Dans le cas d’un contentieux portant sur une demande d’aide destinée à prendre en charge tout ou partie d’une dépense spécifique, soit le requérant a effectivement exposé cette dépense et le juge doit rechercher s’il satisfaisait alors aux conditions pour obtenir l’aide sollicitée, soit il n’a pas été en mesure de le faire et le juge doit rechercher si la demande d’aide conserve un objet et si le requérant remplit les conditions pour l’obtenir, au regard des dispositions applicables et de la situation de fait existant à la date à laquelle il statue. Dans les deux cas il doit, le cas échéant, prendre en considération la marge d’appréciation dont l’administration dispose pour accorder l’aide en litige.

6. D’autre part, il résulte des dispositions citées au point 2 que l’aide individuelle à la formation qui présente un caractère subsidiaire et complémentaire aux aides équivalentes susceptibles d’être accordées par ailleurs par d’autres partenaires institutionnels de Pôle emploi, peut être octroyée à tout demandeur d’emploi portant sur un projet de formation individuelle inscrit à son ” projet personnalisé d’accès à l’emploi ” (PPAE). L’acceptation de la formation et de la prise en charge financière, en lieu et place du demandeur d’emploi, de tout ou partie des frais pédagogiques y afférents par Pôle emploi est notamment subordonnée à la condition que les autres aides ne soient pas mobilisables et que la politique d’achat de Pôle emploi dans le cadre des marchés de formation ne réponde pas à cette demande. En outre, l’attribution de cette aide ne constitue pas un droit. Elle est attribuée au niveau local, en fonction de priorités arrêtées au niveau régional, dans la limite des enveloppes disponibles et compte tenu des possibilités de reprise d’emploi selon le projet personnalisé propre à chaque demandeur d’emploi.

7. Il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un accident de la route, Mme C, qui était jusqu’alors travailleuse indépendante et avait une entreprise individuelle dans le domaine de l’éclairage pour le spectacle vivant, a dû chercher une reconversion. Les services de Pôle emploi l’ont orientée vers une formation de soudeur qui ne correspondait pas à sa situation. Mme C, qui souhaitait s’orienter vers la bijouterie, a été retenue au lycée des métiers Boulles – école supérieure des arts appliqués pour suivre une formation en vue d’obtenir un certificat d’aptitude professionnelle mention art et technique option bijouterie-joaillerie. En dépit du refus de Pôle emploi de lui accorder l’aide individuelle à la formation, Mme C a suivi cette formation.

8. D’une part, si pour refuser de lui accorder une aide individuelle à la formation, Pôle emploi lui a opposé que le coût de la formation était trop onéreux au regard de ses contraintes budgétaires, il résulte de l’instruction qu’il s’est borné à prendre en considération le coût global de la formation de 12 420 euros sans égard pour le fait que Mme C était parvenue à trouver des financements à hauteur de 9 600 euros, ni pour la qualité de la formation en cause. D’autre part, si Pôle emploi a fait valoir en défense la possibilité de mobiliser d’autres dispositifs, dont notamment le contrat de professionnalisation, il ne résulte pas de l’instruction que Mme C aurait utilement été orientée vers un tel dispositif, d’autant qu’un extrait du fichier informatique versé au dossier, relatif au devis présenté par l’intéressée, mentionnait qu’aucun autre dispositif de financement Pôle emploi, ni aucun dispositif de financement du conseil régional n’existait. Enfin, si dans ses observations en défense Pôle emploi fait également valoir le faible taux de retour à l’emploi après l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnelle mention art et technique de la bijouterie joaillerie, il n’a pas pris en considération la renommée de l’école qui dispensait la formation dans laquelle Mme C avait été admise, qui est de nature à rehausser le taux d’emploi à la sortie, ce qui est d’ailleurs confirmé par la circonstance que fait valoir Mme C dans son mémoire en réplique, qu’avant même la fin de sa formation, deux entreprises lui proposaient de la recruter en contrat à durée déterminée pour un essai puis en contrat à durée indéterminée si la collaboration était concluante. Il s’ensuit qu’en refusant d’accorder à Mme C l’aide individuelle à la formation, Pôle emploi a fait une inexacte application des dispositions citées au point 2.

9. Il résulte de ce qui précède que la décision du 10 juillet 2020 par laquelle Pôle emploi a refusé d’accorder à Mme C l’aide individuelle à la formation doit être annulée et cette dernière a droit au versement de cette aide.

D E C I D E:

Article 1er: La décision de Pôle emploi du 10 juillet 2020 est annulée et Mme C a droit au versement de l’aide individuelle à la formation.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et à Pôle emploi Ile-de-France.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2022.

La magistrate désignée,

Signé

M. ALa greffière,

Signé

T. Chonville

La République mande et ordonne à la ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.


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