Droit des artistes : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 3, 30 novembre 2022, 19/10873

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Droit des artistes : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 3, 30 novembre 2022, 19/10873
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Extraits :
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 30 NOVEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10873 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3WT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n° F18/01180

APPELANT

Monsieur [O] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jocelyne SKORNICKI LASSERRE, avocat au barreau de PARIS,

toque : D0671

INTIMEE

SCOP LE THEATRE DES QUARTIERS D'[Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric AUBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C608

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles

805 et

907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre Madame Anne MENARD, Présidente de chambre

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Greffier, lors des débats : Madame Frantz RONOT

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article

450 du code de procédure civile.

– signé par Véronique MARMORAT, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [P], né le 21 octobre 2012, embauché par la société coopérative ouvrière de production (scop) Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4], ayant comme activité les arts du spectacle vivant, comprenant la production et la diffusion de spectacles, selon un contrat à durée indéterminée avec effet le 25 juin 2012 en qualité de chef comptable catégorie cadre groupe 4, a démissionné le 5 novembre 2016.

Le salarié percevait une rémunération moyenne brute égale sur les 3 derniers mois à la somme de 3 142,76 euros. La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles.

Le 6 août 2018, Monsieur [P] a saisi en requalification de la démission en prise d’acte de la rupture aux torts exclusifs de l’employeur, en demandes salariales portant sur l’intéressement et en demande indemnitaire relative à son préjudice moral, le Conseil des prud’hommes de Créteil lequel, par jugement du 26 septembre 2019, a débouté le salarié de toutes ses demandes, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] de sa demande reconventionnelle, a condamné le salarié aux dépens et à verser la somme de 500 euros à l’employeur sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile.

Monsieur [P] a interjeté appel de cette décision le 25 octobre 2019.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 2 mars 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [P] demande à la cour qu’elle :

In limine litis,

– Rejette la demande de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] visant à limiter l’effet dévolutif de l’appel,

Au fond,

– Infirme la décision du Conseil des prud’hommes dans toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande reconventionnelle de préavis, qu’elle condamne l’employeur aux dépens et à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la remise du solde de tout compte en date du 30 novembre 2016.

titre

montant en euros

indemnité légale de licenciement

7 069,00

indemnité compensatrice de préavis

congés payés afférents

6 284,00

628,00

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

15 713,80

part-travail sur les résultats nets des années 2013 et 2015

1 529,00

préjudice moral

5 000,00

article

700 du code de procédure civile

4 500,00

Le salarié demande également à la cour de condamner la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] à établir la part-travail de Monsieur [P] au titre de l’année 2016 et à lui verser la somme retenue au titre de la part-travail découlant de l’affectation du résultat net de gestion de l’année 2016.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 3 décembre 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] demande à la cour de limiter l’effet dévolutif de l’appel qui n’a pu jouer que sur les chefs du jugement du 26 septembre 2019, de confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle au titre du préavis non effectué par Monsieur [P], de débouter le salarié de toutes ses demandes, de le condamner aux dépens, au paiement d’une amende civile, à lui verser la somme de 6 284 euros au titre du préavis non effectué et celle de 5 000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS :

Sur la limitation de l’effet dévolutif

Principe de droit applicable

Selon l’article

562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L’article 74 du même code précise que les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir.

Enfin, son article 910-4 prévoit que, devant la cour, les parties présentent dès leurs premières conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut être invoquée par la partie contre laquelle sont formées les prétentions ultérieures.

Application en l’espèce

En se fondant sur l’article

562 du code de procédure civile, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] fait remarquer que la déclaration d’appel ne comporte pas les chefs du jugement expressément critiqués et qu’ainsi, l’effet dévolutif de l’appel n’a pu jouer que sur les chefs du jugement entrepris soit sur la démission claire et non équivoque ce qui conduit à exclure les autres demandes.

Il résulte des pièces de la procédure que dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 3 décembre 2020, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] demande à la cour de limiter l’effet dévolutif de l’appel qui n’a pu jouer que sur les chefs du jugement du 26 septembre 2019 en application de l’article

562 du code de procédure civile. Cette exception a été présentée par l’intimé que postérieurement à la signification de ses premières conclusions le 31 mars 2020.

En conséquence et faisant application de l’article

74 du code de procédure civile, il convient de déclarer irrecevable la demande de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] visant à limiter l’effet dévolutif de l’appel interjeté par Monsieur [P].

Sur l’exécution du contrat de travail

Monsieur [P] expose que les statuts des Scop définis par la loi n°78-763 du 19 juillet 2018 prévoient une répartition des bénéfices notamment aux salariés qui a été sollicité en vain par Monsieur [P] et le comité d’entreprise. Une seule réponse a été donnée par monsieur [C] dans un courriel du 9 décembre 2014 dans lequel il justifie la non-application des statuts par le caractère en partie public du financement de la société et a explicitement remis en cause les actions des délégués du personnel qui ” imposent des contraintes bureaucratiques supplémentaires. De telles contraintes ne feraient que fragiliser la structure, la détournerait de son combat permanent pour défendre l’art et la culture”. Cette réponse insatisfaisante a conduit Monsieur [P] à saisir l’inspection du travail le 10 décembre 2014.

Le salarié signale également que l’employeur n’a pas procédé à la révision coopérative pourtant obligatoire tous les 5 ans en application de l’article 21-1 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

Ainsi, le salarié estime que l’absence de réponse à ses questions en tant que délégué du personnel et chef comptable a caractérisé un manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles et généré à son profit une créance salariale pour les années dont l’exercice comptable a été bénéficiaire soit en 2013, 2015 et 2016.

La scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] soutient que dès que Monsieur [P] l’a interrogé sur la distribution d’un quote part des résultats, l’expert comptable et le commissaire aux comptes ont été interrogés. Ceux-ci auraient alors affirmé qu’il n’y a pas lieu à distribution du fait d’un report à nouveau afin d’assurer une situation comptable sécurisée pour les exercices à venir.

Reprenant l’article 32 de la loi n°78-763 du 19 juillet 1978, les articles 45, 46, 49 de ses propres statuts, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] expose qu’elle est susceptible de réaliser un excédent net de gestion et non un bénéfice. Les statuts révisés en 2015 n’ont été enregistrés qu’en juillet 2017, ont modifié les articles 46 et 49 qui désormais prévoient la réserve des exercices bénéficiaires afin de couvrir les éventuels résultats déficitaires. En excluant l’année 2014, déficitaire, le salarié aurait dû recevoir les sommes suivantes : 84 euros pour l’année 2013, 83 euros pour l’année 2015 et 680 euros pour l’année 2016, auxquelles il faut déduire les périodes de suspension de son contrat de travail (arrêts maladie) ce qui fait une somme globale de 167 euros.

Enfin, l’employeur soutient qu’en tout état de cause, les bilans approuvés par les commissaires aux comptes ne peuvent être remis en cause par la cour.

Sur ce dernier point, la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] ne donne aucun fondement textuel par lequel l’approbation de comptes par un commissaire aux comptes devrait s’imposer à une juridiction de l’ordre judiciaire dont l’indépendance est garantie par l’article 66 de la Constitution de la République Française du 4 octobre 1958.

Sur les statuts applicables, il est acquis et non contesté que le contrat de travail s’est exécuté à compter du 25 juin 2012 jusqu’à la démission du salarié le 5 novembre 2016. En conséquence, seuls les statuts valablement enregistrés s’appliquent à la relation contractuelle donc ceux du 30 juillet 2007, ceux modifiés par l’assemblée générale extraordinaire du 6 mai 2015 n’ayant été enregistrés que postérieurement à la rupture du contrat de travail soit en juillet 2017.

Sur la quote-part travail

Principe de droit applicable :

Selon l’article 32 de la loi du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production, dans sa version applicable, les excédents nets de gestion sont constitués par les produits nets de l’exercice, sous déduction des frais généraux et autres charges de la société, y compris tous amortissements et provisions. Ni le montant des réévaluations pratiquées sur les actifs immobilisés, ni les plus-values constatées à l’occasion de la cession de titres de participation, de la cession ou de l’apport en société de biens immobiliers, de branches d’activité ou de fonds de commerce n’entrent dans les excédents nets de gestion mentionnés au 3° de l’article 33 et ne peuvent faire l’objet d’aucune distribution aux salariés ou d’aucun versement d’intérêt aux parts. Ces plus-values sont affectées à la réserve légale et au fonds de développement.

Son article 33 précise que les excédents nets de gestion sont répartis en tenant compte des règles suivantes :

1° Une fraction de 15 p. 100 est affectée à la constitution de la réserve légale. Ce prélèvement cesse d’être obligatoire lorsque le montant de ladite réserve s’élève au montant le plus élevé atteint par le capital.

2° Une fraction est affectée à une réserve statutaire dite “fonds de développement”.

3° Une fraction, qui ne peut être inférieure à 25 p. 100, est attribuée à l’ensemble des salariés, associés ou non, comptant dans l’entreprise, à la clôture de l’exercice, soit trois mois de présence au cours de celui-ci, soit six mois d’ancienneté. La répartition entre les bénéficiaires s’opère, selon ce que prévoient les statuts, soit au prorata des salaires touchés au cours de l’exercice, soit au prorata du temps de travail fourni pendant celui-ci, soit égalitairement, soit en combinant ces différents critères. Les statuts peuvent également prévoir que les droits de chaque bénéficiaire sur cette répartition tiendront compte d’un coefficient, au maximum égal à deux, proportionnel à son ancienneté comme salarié dans la société coopérative de production.

4° Si les statuts prévoient le service d’intérêts aux parts sociales, le total de ces intérêts ne peut excéder, chaque année, ni le total des dotations aux réserves prévues aux 1° et 2° ci-dessus, ni les sommes allouées aux salariés en application des dispositions du 3° ci-dessus. Le plafond prévu à l’article 14 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée n’est pas applicable.

Enfin, l’article 46 des statuts de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4], dans leur version applicable, prévoit que les bénéfices seront affectés et répartis de la manière suivante :

Réserve légale : 15% seront prélevés pour constituer le fonds de réserve légale, jusqu’à ce qu’il ait atteint le montant du capital social. Ce prélèvement sera alors affecté au fonds de développement.

Fonds de développement : 29% seront prélevés pour constituer le fonds de développement de la société.

Capital : 6% seront distribués aux associés, à titre d’intérêt pour leurs parts libérées des versements exigibles, sans pouvoir excéder 6% du montant libéré des parts pour celles possédées par des associés non ouvriers ou employés de l’entreprise. L’excédent retenu sur ces parts sera versé aux réserves.

Travail : 40% seront distribués à tous les ouvriers ou employés, associés ou non, qui auront fourni un travail personnel à la société, comme il est dit à l’alinéa premier de l’article 49

Direction : 10 % seront distribués aux ouvriers ou employés de l’entreprise, au prorata des présences en réunion. Les membres non ouvriers ou employés, et de la gérance, ne pourront toucher de répartition que jusqu’à concurrence du pourcentage fixé à l’article 14, alinéa 3, l’excédent sera versé aux réserves.

Cet article 49 précise que les fonds de réserve légale et de développement se composent de l’accumulation des sommes produites par les prélèvements sur les bénéfices. Ils servent à supporter les pertes dans le cas où en surviendraient dans un exercice et sont, en outre, le véritable moyen permettant, sous tous les rapports, le développement de l’entreprise.

L’article 50 expose que la répartition au travail est faite au prorata des salaires et appointements touchés par chaque ouvrier ou employé pendant l’exercice écoulé.

Ainsi, sous réserve du caractère inapproprié du terme bénéfice dans les statuts de l’employeur s’agissant d’excédent net de gestion, la nature juridique de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] impose la distribution aux salariés d’une quote part de cet excédent dans une proportion de 40 % de ceux-ci.

Application en l’espèce

Il résulte des pièces de la procédure qu’hormis l’année 2014, dont l’exercice a été déficitaire, les excédents nets de gestion se ventilent ainsi qu’il suit, selon la pièce 17 de l’employeur :

2013

2015

2016

6 930,72

5 674,08

50 052,33

Compte tenu des dispositions statutaires rappelées ci-dessus, 40 % de ces excédents auraient dû être distribués aux salariés. C’est cette disposition que monsieur [P], à la fois en tant que délégué du personnel que chef comptable, a invoqué, en vain, de manière réitérée auprès des instances dirigeantes de la scop pour qu’elle reçoive application. A titre d’exemples, le salarié a demandé que ce point soit inscrit à l’ordre du jour du comité d’entreprise du 20 novembre 2014, dans un courriel du 26 avril 2016, il a mentionné qu’il transmettait les comptes tout en désapprouvant l’affectation des résultats et il est revenu sur ce point dans la note rédigée le 20 janvier 2016 à l’attention de monsieur [R], nouvel administrateur de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4]. Cette question n’est pas ancienne mais constante, l’absence de réponse de l’employeur a, d’une part, empêché Monsieur [P] d’accomplir ses fonctions en adéquation avec les textes légaux et statutaires et l’a, d’autre part, privé d’une partie de sa rémunération.

Sur ce point, l’employeur prétend qu’il faut déduire de la somme qui serait due au salarié à ce titre les périodes de suspension du contrat de travail du fait de ses arrêts maladie.

Les statuts, en particulier l’article 50 rappelé ci-dessus ne permet pas une telle interprétation, le seul critère étant le salaire et les appointements.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Monsieur [P] et de condamner la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] à lui verser la somme de 1 529 euros pour la part travail pour les exercices 2013 et 2015 et à établir la part-travail de Monsieur [P] au titre de l’année 2016 et à lui verser la somme retenue au titre de la part-travail découlant de l’affectation du résultat net de gestion de l’année 2016.

Le jugement du Conseil des prud’hommes est infirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

Aux termes de l’article

L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord.

Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante. La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Contrairement à la lettre de licenciement, la lettre de prise d’acte ne fixe pas les limites du litige.

Ces faits qui, pris isolément, ne présentent pas de caractère de gravité sont, par leur accumulation, de nature à avoir dégradé les conditions de travail de l’intéressé.

Application en l’espèce

Monsieur [P] estime qu’il peut être considéré comme un lanceur d’alerte et que sa démission a été motivée par le fait qu’il était empêché d’accomplir ses fonctions de chef comptable en accord avec les règles gouvernant les scops. Il expose que la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] a diffusé un profil de poste le 28 octobre 2016 soit avant même la remise de sa lettre de démission, effective le 5 novembre 2016.

L’employeur soutient que la volonté de démissionner de monsieur [P] était claire et non équivoque, celui-ci étant allé jusqu’à exercer des pressions pour réduire son préavis afin de regagner son nouveau poste.

Il résulte des pièces versées à la procédure que dans son courriel du 27 octobre 2016, monsieur [P] exposait : ” Pour faire suite à notre entretien du 26 octobre dernier, je te prie de bien vouloir me confirmer ton accord, (au plus tard le 28 octobre 2016), pour me rendre libre de tout engagement professionnel à compter du 1er décembre 2016. Je te remercie de bien vouloir formaliser cet accord par retour de ce courrier signé par tes soins avec la mention « bon pour accord ». Je ne donnerai ma démission qu’après cet accord écrit de ta part “, puis le 4 novembre 2016 au responsable financier : “Je me permets de te signaler que je suis toujours dans l’attente de ton accord écrit sur la date de mon départ, j’ai besoin de cet écrit au plus vite car mon éventuel futur employeur ne l’attendra plus très longtemps”.

Dans sa lettre de démission, le salarié expose : ” Pour faire suite à ta dispense de préavis du 4/11/16, je te fais part de ma démission du poste de chef comptable que j’occupe au la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] depuis le 25/06/2012. Je serai libre de tout engagement professionnel à compter du 1er décembre 2016. Tu voudras bien tenir à ma disposition le 30/11/2016, les documents usuels et notamment l’état de mes droits à la formation.”

Toutefois, dans un courriel du 9 novembre 2016 adressé aux salariés de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4], monsieur [P] revient sur les motifs de cette démission en ces termes : “Je démissionne car j’ai la conviction que mes compétences sont inutiles voire même par fois un obstacle. Je n’ai perçu, particulièrement au cours des neufs derniers mois, aucun signe positif pouvant me laisser croire le contraire. Le profil de poste paru le 28/10/2016 prouve que l’administration ne comptait pas sur moi”.

Ainsi, si la volonté du salarié de quitter la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] était claire, cette démission a été décidée de manière contrainte en raison d’un désaccord de fond entre l’employeur et son chef comptable sur l’application de la loi et des statuts relatifs aux particularités des scops.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision du Conseil des prud’hommes et de requalifier la démission en prise d’acte et de juger que la prise d’acte est intervenue aux torts exclusifs de l’employeur.

Evaluation du montant des condamnations

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Monsieur [P] a plus de deux ans d’ancienneté, qu’il percevait une rémunération moyenne mensuelle brute de 3 142,76 euros pour les trois derniers mois, qu’il était âgé de 52 ans au moment de la rupture du contrat de travail et la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à la somme de 8 000 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article 11.235-3 du code du travail. Il convient également de faire droits à ces autres demandes relatives à la rupture du contrat de travail exactement fondées en fait et en droit.

Sur les autres demandes

Sur le préjudice distinct

La cour retient qu’au-delà des circonstances ayant entouré la rupture du contrat de travail, Monsieur [P] a subi de la part de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] un préjudice moral distinct en particulier en mettant en cause ses compétences comptables et en ne répondant pas à ses légitimes interrogations sur l’application de la loi et des statuts des scops. Ce préjudice moral distinct sera compensé par l’allocation d’une somme de 1.000 euros et qu’ainsi, le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le point de départ des intérêts

La cour rejette la demande du salarié visant à faire partir les intérêts au jour de la remise du solde de tout compte soit au 30 novembre 2016.

Sur la demande reconventionnelle en amende civile

Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la demande reconventionnelle d’amende civile formée par l’employeur.

PAR CES MOTIFS

:

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article

450 du code de procédure civile,

DÉCLARE irrecevable la demande de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] visant à limiter l’effet dévolutif de l’appel interjeté par Monsieur [P],

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau,

CONDAMNE la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] à lui verser la somme de 1 529 euros pour la part travail pour les exercices 2013 et 2015 et à établir la part-travail de Monsieur [P] au titre de l’année 2016 et à lui verser la somme retenue au titre de la part-travail découlant de l’affectation du résultat net de gestion de l’année 2016.

REQUALIFIE la démission de monsieur [P] en prise d’acte de la rupture du contrat à durée indéterminée aux torts exclusifs de la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4]

CONDAMNE la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes :

– 8 000 euros à titre d’indemnité en application de l’article 11 235-3 du code du travail,

– 7 069 euros à titre d’indemnité légale/conventionnelle de licenciement,

– 6 428 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 628,40 euros pour les congés payés afférents,

Vu l’article

700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] à verser à monsieur [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la scop Le Théâtre des Quartiers d'[Localité 4] aux dépens de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente.


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