Droit des artistes : Cour d’appel de Chambéry, 1ère Chambre, 15 novembre 2022, 20/00882

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Droit des artistes : Cour d’appel de Chambéry, 1ère Chambre, 15 novembre 2022, 20/00882
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Extraits :
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

Chambre civile – Première section

Arrêt du Mardi 15 Novembre 2022

N° RG 20/00882 – N° Portalis DBVY-V-B7E-GPXV

Décision attaquée : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’ANNECY en date du 06 Juillet 2020

Appelants

Mme [O] [R], demeurant [Adresse 1]

S.A.S. [R], dont le siège social est situé [Adresse 3]

M. [P] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [R], demeurant [Adresse 4]

Représentés par la SELARL HAMEL ISABELLE, avocats au barreau d’ANNECY

Intimées

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE L’HIRONDEAU dont le siège social est situé [Adresse 5]

Représentée par la SELARL BOLLONJEON, avocats postulants au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SELARL LE CHATELIER-SZEMRO, avocats plaidants au barreau d’ANNECY

S.A.S. BNP PARIBAS REAL ESTATE TRANSACTION FRANCE, dont le siège social est situé [Adresse 2]

Représentée par Me Michel FILLARD, avocat postulant au barreau de CHAMBERY

Représentée par la SCP CORDELIER & Associés, avocats plaidants au barreau de PARIS

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Date de l’ordonnance de clôture : 05 Juillet 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 septembre 2022

Date de mise à disposition : 15 novembre 2022

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Composition de la cour lors des débats et du délibéré :

– Mme Hélène PIRAT, Présidente,

– Mme Inès REAL DEL SARTE, Conseiller,

– Mme Claire STEYER, Vice-présidente placée,

avec l’assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

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Faits et procédure

Par acte sous seing privé en date du 6 mars 2013, la société civile immobilière L’hirondeau (la SCI) a donné à bail commercial à la société [R] (SAS), des locaux situés 271 route des creuses sur la commune de Seynod pour une superficie d’environ 400 m2, ledit contrat prenant effet au 1er mars 2013 pour une durée de neuf années moyennant un loyer annuel HT de 34 800 euros payable à partir du 1er mai 2013 outre un dépôt de garantie de 8 700 euros.

Le bail commercial a été conclu par l’intermédiaire de la société BNP Paribas real estate transaction France (société BNP) qui a perçu une commission des deux parties.

Par jugement en date du 6 août 2015, le tribunal de commerce d’Annecy a placé la société [R] sous sauvegarde de justice désignant l’étude Bouvet et [N] en la personne de Me [N] en qualité de mandataire judiciaire

Faisant valoir que le bail commercial ne permettait aucunement à la société [R] d’exercer son activité de restaurant et de salle de concert, par acte d’huissier en date des 25 et 30 mars 2016, cette dernière a fait assigner devant le tribunal de grande instance d’Annecy la SCI et la société BNP aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du bail et obtenir réparation de l’entier dommage subi.

Par jugement en date du 6 avril 2016, le tribunal de commerce d’Annecy a converti la procédure de sauvegarde de la société [R] en liquidation judiciaire avec désignation de l’étude Bouvet et [N] en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 4 mai 2016, le liquidateur judiciaire a informé la bailleresse de sa décision de ne pas continuer le bail commercial conclu le 6 mars 2013, ce dont la SCI a pris acte par courrier du 10 mai notifié par son conseil au liquidateur.

Le 2 juin 2016, la SCI a déclaré sa créance à titre privilégié pour un montant de 16.772,96 euros, correspondant à des arriérés de loyer et à la taxe foncière de 2015.

Le liquidateur et Mme [R] gérante de la société [R] sont intervenus volontairement à la procédure pendante devant le tribunal de grande instance d’Annecy

Par jugement en date du 6 juillet 2020 le tribunal judiciaire d’Annecy a :

Reçu les interventions volontaires de Mme [R] et de Me [N] es qualité de mandataire liquidateur de la société [R],

Prononcé la résiliation du bail intervenue le 4 mai 2016 aux torts exclusifs de la SCI L’hirondeau,

Rejeté les demandes indemnitaires des parties,

Condamné in solidum la société [R] et Mme [R] aux dépens,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article

700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [R] et Me [N], ès qualités de liquidateur de la société [R], ont interjeté appel de cette décision.

Prétentions des parties

Aux termes de leurs dernières conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 17 juin 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, Me [N] ès qualités de liquidateur de la société [R], et Mme [R] demandent à la cour de :

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles

L 622-13 et

L. 641-11-1 du code de commerce,

Vu les articles

1240,

1719,

1984,

1991 et

1992 du code civil,

‘ Déclarer Mme [R], la société [R] et Me [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [R], recevables et bien fondés en leur appel du jugement déféré rendu le 6 juillet 2020.

En conséquence,

‘ Confirmer le jugement déféré, en ce qu’il a :

– Reçu les interventions volontaires de Mme [O] [R] et du liquidateur judiciaire,

– Prononcé la résiliation du bail intervenue le 4 mai 2016 aux torts exclusifs de la société immobilière L’hirondeau,

– Et préciser que la résiliation judiciaire prend effet rétroactif au 6 mars 2013,

‘ Réformer toutes les autres dispositions du jugement déféré,

‘ Dire et juger que la société BNP, mandataire immobilier, a commis une faute lors de la conclusion du contrat de bail commercial en omettant sciemment de communiquer le règlement de copropriété applicable au local commercial et en affirmant qu’il n’existait pas de règlement de copropriété, contrevenant à son obligation d’information,

‘ Constater que le tribunal n’a pas tiré les conséquences juridiques et financières de la reconnaissance de la responsabilité de la SCI L’hirondeau dans la résiliation du bail commercial,

‘ Dire et juger que les sociétés SCI L’hirondeau et BNP ont contribué in solidum aux préjudices subis par la société [R] et Mme [O] [R],

En conséquence,

‘ Condamner in solidum la SCI L’hirondeau et la société BNP à payer à la société [R] :

– la somme de 123.540 euros au titre des remboursements de loyers et du dépôt de garantie,

– la somme de 183.947,54 euros au titre des investissements réalisés par la société [R],

– la somme de 4.687,07 euros au titre des frais engagés pour la constitution de la société [R],

– la somme de 3.121,56 euros au titre de la commission versée à la société BNP par la société [R],

Le tout, outre intérêt au taux légal sur ces sommes à compter de la date de l’assignation des 25 et 30 mars 2016,

‘ Condamner in solidum la SCI L’hirondeau et la société BNP à payer à Mme [R] :

– 125.758 euros correspondant aux créances déclarées par Mme [O] [R] au passif de la société [R] dans l’hypothèse où la société [R] ne serait pas en mesure de rembourser sa créance,

– 30.969,59 euros au titre des engagements bancaires en cours de Mme [R] liés à la société [R], outre intérêts aux taux contractuels,

– 12.000 euros au titre du solde du prêt d’honneur accordé par Initiative Grand [Localité 6],

– 363.000 euros au titre de la perte de chance de percevoir un boni de liquidation attendu lors de la vente du fonds de commerce,

– 50.000,00 euros au titre du préjudice moral,

‘ Condamner les mêmes in solidum à verser à la société [R] la somme de 10.000 euros, ainsi qu’à verser à Mme [O] [R] la somme de 10.000 euros, conformément aux dispositions de l’article

700 du code de procédure civile,

‘ Condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl Hamel en application des dispositions de l’article

699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, régulièrement notifiées par voie électronique le 3 février 2021, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens la société BNP demande à la cour de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu l’article

L641-12 du code de commerce,

Vu l’article 1382 ancien du code civil,

‘ Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy en ce qu’il a jugé recevables les demandes formulées par Mme [R],

‘ Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– Dit que la résiliation du bail intervenue le 4 mai 2016 n’est pas intervenue aux torts de la société BNP,

– Rejeté toutes les demandes indemnitaires formées par Mme [R] et la société [R],

– Condamné in solidum la société [R] et Mme[O] [R] aux dépens,

En tout cas,

‘ Dire irrecevables les demandes de Mme [R], faute d’intérêt à agir,

‘ Débouter la société [R], Mme [O] [R] et Me [N] de toutes leurs demandes à l’encontre de BNP,

‘ Condamner la société [R] prise en la personne de son liquidateur, et Mme [R], tenues in solidum à payer à la société BNP la somme de 10.000 euros au titre de l’article

700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 4 juillet 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, la SCI L’hirondeau demande à la cour de :

Vu les articles

L 622-13 et

L641-11-1 du code de commerce,

Vu les articles 1719 et suivants du code civil,

Vu les articles

1224,

1227 et

1228 du code civil,

Vu les articles

1240 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces versées aux débats,

Sur l’appel principal,

A titre principal,

‘ Déclarer mal fondées en toutes leurs demandes la société [R] et Mme [O] [R] et les en débouter,

‘ Dire et juger que le bail commercial du 6 mars 2013 a été résilié par anticipation par Me [N], liquidateur judiciaire de la société [R], en date du 4 mai 2016,

‘ Dire et juger que tant la société [R], représentée par son liquidateur, que Mme [O] [R], n’apportent la démonstration d’un quelconque lien de causalité entre les préjudices allégués et le prétendu manquement du bailleur à son obligation de délivrance,

Par conséquent,

‘ Confirmer le jugement du 6 juillet 2020 rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy en ce qu’il a :

– Prononcé la résiliation du bail signé le 6 mars 2013 à la date du 4 mai 2016,

– Rejeté la totalité des demandes indemnitaires formées par la société [R] et Mme [O] [R],

A titre subsidiaire,

‘ Confirmer dans son intégralité la décision déférée,

Sur l’appel incident,

A titre principal,

‘ Déclarer la SCI l’hirondeau recevable et bien fondée en son appel incident,

‘ Dire et juger que la SCI l’hirondeau n’a pas manqué à son obligation de délivrance du fait de l’absence de communication du règlement de copropriété du centre artisanal des Césardes,

Par conséquent,

‘ Réformer la décision déférée en ce qu’elle a prononcé la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SCI l’hirondeau,

‘ Dire et juger que la société [R], représentée par son liquidateur, a violé la destination contractuelle prévue au bail et l’obligation de jouissance paisible,

En conséquence,

‘ Prononcer la résiliation du bail commercial signé le 6 mars 2013 aux torts exclusifs de la société [R],

‘ Fixer la créance privilégiée de la société L’hirondeau au passif de la liquidation judiciaire de la société [R] à la somme de 16 772,96 euros,

‘ Condamner Mme [O] [R] à verser à la SCI L’hirondeau la somme de 16 772,96 euros, à titre de dommages et intérêts correspondant au préjudice subi par la SCI L’hirondeau,

A titre subsidiaire,

‘ Dire et juger que la société BNP, en sa qualité de professionnel rédacteur d’acte a commis une faute en ne procédant pas aux vérifications qui lui incombaient sur l’existence d’un règlement de copropriété,

En conséquence,

‘ Réformer la décision déférée,

‘ Condamner la société BNP à relever et garantir la SCI L’hirondeau de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre elle en principal, intérêts et frais,

En tout état de cause,

‘ Condamner in solidum la société [R] prise en la personne de son liquidateur, et Mme [O] [R], à payer la somme de 15.000 euros en application de l’article

700 du code de procédure civile,

‘ Condamner les mêmes aux entiers dépens qui seront recouvrés pour ceux d’appel par Me Bollonjeon, avocat associé de la selurl Bollonjeon, conformément aux dispositions de l’article

699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 5 juillet 2022

MOTIFS ET DECISION

I – Sur la résiliation du bail

Selon l’article

L 641-11-1 du code de commerce :

« (‘) II. Le liquidateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. (‘) s’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, le liquidateur y met fin, s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III Le contrat en cours est résilié de plein droit :

(‘) 3° Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d’une somme d’argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat. »

L’article

L641-12 du code de commerce, relatif plus spécifiquement au contrat de bail, énonce:

Sans préjudice de l’application du I et du II de l’article

L 641-11-1 la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes :

1° Au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail.(…).

En l’espèce, le premier juge, tout en constatant que le bail avait été résilié par le liquidateur en application de ce texte, a néanmoins prononcé la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur à la même date, alors que cette demande n’avait plus d’objet.

En effet, en application des textes sus-visés, cette résiliation est intervenue de plein droit au jour de la réception par le bailleur de la lettre de résiliation adressée par le liquidateur.

Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de résiliation qui est devenue sans objet et encore moins de faire droit à la demande des appelants tendant à voir prononcer la résiliation du bail rétroactivement au 6 mars 2013, alors que ce dernier a été exécuté jusqu’à la date à laquelle il a été résilié par le liquidateur.

II – Sur les responsabilités respectives des parties

La mise en ‘uvre de la responsabilité contractuelle suppose de justifier de l’existence d’un préjudice en lien de cause à effet avec une faute.

A – Sur les fautes

1) Les fautes commises par le bailleur

Il est constant que le bailleur est tenu envers son locataire d’une obligation de délivrance prévue par les articles

1719 et

1720 du code civil et que cette obligation implique que la destination des lieux stipulée contractuellement soit en adéquation avec les règlements applicables dont le règlement de copropriété, le bailleur devant s’assurer que le locataire puisse exercer son activité.

En s’abstenant d’aviser Mme [R] de l’existence d’une copropriété et de remettre à cette dernière le règlement afférent, la SCI a, de toute évidence, manqué à ses obligations contractuelles.

Elle ne peut sérieusement soutenir qu’elle ignorait l’existence d’un règlement de copropriété alors que ce dernier est nécessairement rappelé dans son titre de propriété, titre qu’elle s’abstient, d’ailleurs, de produire.

2) Les fautes invoquées à l’encontre de la société [R]

Le premier juge a retenu à bon droit que Mme [R] avait, de son côté, contrevenu aux dispositions du bail en habitant dans les locaux loués, en violation de la destination contractuelle du bail qui était à usage exclusif de commerce, et ce sans justifier d’une autorisation qui lui aurait été accordée par son bailleur, étant précisé que ce dernier n’allègue aucun préjudice résultant de ce manquement.

C’est également à juste titre, que le premier juge a écarté l’existence d’un manquement par la société [R] à son obligation de jouissance paisible, dans la mesure où il n’est pas établi que la seule verbalisation pour tapage nocturne, le 27 décembre 2015 à 2 heures du matin, dont Mme [R] a fait l’objet et qu’elle a contesté, concerne l’un de ses clients.

3) Sur les fautes de la BNP

L’article 32 du bail intitulé « Honoraires de la société BNP paribas real estate transaction France » stipule :

« Les parties reconnaissent que la présente location a été réalisée et négociée par l’intermédiaire de la société BNP paribas estate transaction France (‘) et s’engagent à lui verser, à titre de commission au comptant à la signature des présentes, la somme de 2 610 euros HT soit 3121,56 euros TTC, ces honoraires étant à la charge du preneur et la somme de 5 220 euros HT soit 6 243,12 euros TTC, ces honoraires étant à la charge du mandant. »

En sa qualité de professionnelle, la société BNP, rédactrice du contrat de bail commercial consenti à la société [R], était tenue dans l’accomplissement de son mandat à une obligation d’information et de conseil.

A ce titre, elle devait s’assurer de la validité et de l’efficacité du contrat dont elle était rédacteur.

Elle devait vérifier la conformité du contrat au regard des droits de propriété de la bailleresse mais aussi au regard du règlement de copropriété.

Elle a ainsi failli à sa mission en ne se faisant pas communiquer le règlement de copropriété qui lui avait été réclamé à plusieurs reprises par le conseil de Mme [R] :

Courriel du 19 février 2013 :

« Enfin je vous remercie de bien vouloir me communiquer le règlement de copropriété s’il y en a un et me confirmer qu’il n’existe à ce jour aucun obstacle à l’exercice de ces activités compte tenu notamment que l’activité de restauration nécessite une installation d’extraction et d’évacuation des fumées de cuisine. » (pièce [R] n°18)

Courriel du 26 février 2013 :

« Je vous remercie pour votre message et vous invite à bien vouloir me confirmer qu’il n’existe aucune opposition à la destination du bail envisagé selon le règlement de copropriété. » (pièce [R] n°19).

En réponse, le 1er mars 2013, la personne de la BNP, en charge de la rédaction du bail, indiquait qu’il n’y avait pas de règlement de copropriété (pièce n°17 [R]).

Or, la simple lecture de l’article 26 du bail « Désignation des biens immobiliers donnés à bail » établit que le bien donné à bail fait bien partie d’une copropriété :

« Les biens immobiliers donnés à bail sont situés [Adresse 3] et représentent une surface de 400 m2 environ à usage de stockage/surface expositions, dont 100 m2 environ de bureaux et 100 m2 environ de mezzanine avec sanitaire privatif et usage du parking commun.

Les places de parking sont en usage commun pour l’ensemble de la copropriété. Le preneur s’engage à faire son affaire du stationnement de ses clients, et ne pourra en aucun cas tenir le bailleur pour responsable de toute nuisance faite aux voisins en raison de problèmes éventuels de parkings. »

Il est ainsi manifeste que la BNP a commis une faute en ne se préoccupant pas d’obtenir du bailleur son titre de propriété qui lui aurait fourni toutes les indications utiles sur cette copropriété.

B ‘ Sur l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec les fautes commises

1) Sur la non poursuite de l’activité et la résiliation du bail à l’initiative du liquidateur

La destination contractuelle des lieux convenue à l’article 28 du bail commercial consiste en l’exploitation des activités de restauration, gestion de salle de spectacle, arts du spectacle vivant et location de salles.

Le bail conclu entre les parties prévoit que :

« Le preneur devra s’abstenir de tout ce qui pourrait nuire à l’activité des autres occupants, veiller à ce que la tranquillité de l’immeuble ne soit troublée en aucune manière, de son fait, ou de celui de ses préposés et, en assurer le bon ordre, la propreté, l’hygiène ou le service notamment ne faire aucun travail ni quoi que ce soit qui puisse gêner les autres occupants.

(‘) S’il existe ou venait à exister un règlement de copropriété pour l’immeuble, le preneur devra se conformer aux prescriptions dudit règlement et à toute décision prise par l’assemblée des copropriétaires. »

Le règlement de copropriété stipule en ce qui concerne l’usage des parties privatives :

« Article 1 Principe

Chacun des copropriétaires aura le droit de jouir comme bon lui semble des parties comprises dans son lot, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité ou la sécurité de l’immeuble ou porter atteinte à sa destination et sous les réserves qui seront exposées ci-après.

Article 2 Destination

Les locaux pourront être utilisés indifféremment à une exploitation commerciale, artisanal, industrielle ou de bureaux.

Article 3 Occupation

Les copropriétaires pourront occuper leurs locaux comme bon leur semblera à condition de ne pas nuire à la bonne tenue et à la tranquillité de l’immeuble, et à ne pas exercer des activités insalubres, malodorantes, dangereuses et bruyantes.

Ainsi le règlement de copropriété n’exclut pas particulièrement une activité ou un commerce déterminé.

Il contient, comme le bail, une stipulation classique et habituelle que l’on retrouve dans les règlements de copropriété, visant à préserver la tranquillité de l’immeuble.

Au vu des termes du règlement, l’activité de restauration n’est nullement prohibée.

S’agissant de l’activité « salle de concert », le liquidateur a considéré, à la lecture du règlement, que cette dernière était interdite et a, de ce fait, résilié le bail.

Pour autant, si l’activité de salle de concert peut, de prime abord, apparaître comme une activité bruyante, ce présupposé disparaît dès lors que des mesures sont prises pour insonoriser les lieux.

En l’espèce, Mme [R], justifie avoir fait réaliser une étude acoustique en juillet 2013 dont il résulte que :

‘ L’isolement de l’établissement « Chezdrey » à [Localité 7] est actuellement insuffisant pour permettre une exploitation au niveau maximum de 105 dB(A) autorisé en intérieur.

‘ L’établissement est en conformité vis à vis de la réglementation en vigueur pour une émission sonore maximale de 95,9 dB(A).

‘ La sonorisation utilisée pour les soirées présente le jour de l’étude émettait à un niveau sonore maximal de 95,9 dB(A) et ainsi n’engendrait pas de dépassement de l’émergence autorisée au point de mesure de référence.

‘ L’établissement « Chezdrey » sera en conformité avec la réglementation acoustique en vigueur une fois qu’un limiteur de pression acoustique, sera installé et calé, par un professionnel, de manière à obtenir un niveau sonore arrondi à 95 dB(A) maxi à 1m des enceintes.

Mme [R] a fait le nécessaire pour la mise en place de ce limiteur de sorte qu’elle était en conformité avec la réglementation.

En fait, il résulte des pièces du dossier et des propres dires de Mme [R], que les difficultés rencontrées pour vendre le fonds de commerce ou continuer une activité de salle de concert sont imputables au comportement de ses voisins, les consorts [H].

A cet égard, Mme [R] produit d’une part des SMS provenant de M. [H], d’autre part des attestations de témoins qui établissent qu’elle faisait l’objet d’un véritable harcèlement de la part de ses voisins avec des interventions dans son commerce devant les clients, ce à compter de 2015.

Un courrier en date du 12 février 2016, adressé par le conseil de la société [R] à l’attention de l’avocat des consorts [H] reprend l’historique des relations de voisinage entre les protagonistes et souligne notamment le fait que les voisins de Mme [R] habitent dans un local commercial non exploité dans lequel ils ont créé des appartements alors qu’il s’agit d’une zone commerciale et ce en infraction avec les règles d’urbanisme régissant cette dernière.

Au vu de ces éléments, rien n’établit qu’en cas de litige porté en justice, la société [R] se serait vue interdire l’activité de salle de concert.

2) Sur l’origine des difficultés financières de la société [R]

Ainsi que l’a retenu à bon droit le premier juge, l’existence d’un lien de causalité entre les préjudices financiers invoqués tant par le liquidateur que par Mme [R] et le manquement de la bailleresse à ses obligations contractuelles n’est pas établi alors qu’il résulte des pièces produites que :

La société [R] a rencontré, dès l’origine, des difficultés financières, lesquelles n’ont jamais cessé, et il n’est pas démontré qu’elles sont en lien avec la non conformité de l’une des activités convenues au bail avec le règlement de copropriété.

La cessation de l’activité de restauration en novembre 2005, résulte d’une décision prise par Mme [R] en raison de difficultés personnelles, cette dernière n’arrivant plus à cumuler une activité de restauration (elle faisait la cuisine elle-même) et une activité d’animation de salle de concert le soir.

La société a développé ses activités comme elle l’entendait et elle n’établit pas avoir été empêchée par les stipulations du règlement de copropriété d’exercer ces dernières.

Il sera ajouté que :

‘ Au 31 décembre 2014, soit sur 20 mois d’exercice, le chiffre d’affaires de la société a été de 186 100 euros avec un résultat d’exploitation de -73 164 euros et un résultat net de – 4 731 euros, le compte de résultat ayant été équilibré par un abandon de son compte courant d’associée par Mme [R] à hauteur de 75 000 euros.

‘ Pour l’exercice allant du 1er janvier au 30 novembre 2015, le chiffre d’affaires a été de 101 718 euros avec un résultat d’exploitation de – 33 543 euros.

Il résulte, par ailleurs, du rapport de mandataire liquidateur produit au débat que :

Les difficultés ayant conduit à une sauvegarde de justice, ont pour origine un manque de rentabilité de la société au cours de son premier exercice, cette dernière ayant accusé une valeur ajoutée négative.

Malgré les efforts de la dirigeante qui finançait la société sur ses propres deniers, la société peinait à payer ses charges.

Il est rapidement apparu que Mme [R] travaillait énormément et même trop, entre l’activité du restaurant qui l’occupait la journée et celle des concerts qui prenait une partie de la nuit.

Malgré ses efforts, elle n’arrivait pas à retirer de revenus de son entreprise et la situation ne pouvait plus durer.

Le passif déclaré représentait une somme de 272 057,82 euros dont :

– 249 563,84 euros admis

– 100 021,91 euros à échoir

– 22 493,98 euros rejeté.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que l’activité de Mme [R] s’est trouvée déficitaire dès les premiers mois du fonctionnement de son commerce qui n’était pas rentable, qu’elle a cherché en vain à vendre son fonds de commerce, qu’une procédure de sauvegarde a été mise en place, que Mme [R] a fait le choix d’arrêter l’activité de restauration qui était prévue initialement comme étant son activité principale et que finalement la procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire, le mandataire devenu liquidateur, ayant estimé que l’activité de salle de concerts ne pouvait être poursuivie, du fait des stipulations du règlement de copropriété.

Ainsi, faute de lien de causalité entre l’absence d’information relative à l’existence d’un règlement de copropriété et son contenu, tant par la SCI que par la BNP, et les difficultés financières ayant conduit à la liquidation judiciaire de la société [R], les demandes indemnitaires formées tant par le liquidateur pour le compte de cette dernière, que par Mme [R] elle-même, qui sont toutes fondées sur le préjudice résultant de la procédure collective, ne peuvent qu’être rejetées.

Il en sera de même du préjudice moral invoqué par Mme [R].

Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’ensemble de ces demandes.

3 – Sur les demandes indemnitaires de la SCI

Ainsi que l’a relevé le premier juge, ces demandes indemnitaires sont fondées sur les dispositions de l’article

1760 du code civil qui prévoit l’indemnisation du bailleur en cas de résiliation du bail par la faute du locataire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes.

III – Sur les demandes accessoires

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions au profit de l’une quelconque des parties en cause d’appel.

La SCI et la BNP sont tenues aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions concernant :

– Le prononcé de la résiliation du bail intervenue le 4 mai 2016 aux torts exclusifs de la SCI L’hirondeau,

– Les dépens exposés en première instance,

L’infirme sur ces seuls points et statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare les demandes tendant à voir prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de l’une ou l’autre des parties sans objet et les rejette,

Dit n’y avoir lieu à application en cause d’appel des dispositions de l’article

700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties,

Condamne in solidum la SCI L’hirondeau et la société BNP paribas real estate transaction France aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article

450 du code de procédure civile,

et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier, La Présidente,

Copie délivrée le

à

la SELARL HAMEL ISABELLE

la SELARL BOLLONJEON

Me Michel FILLARD

Copie exécutoire délivrée le

à

la SELARL HAMEL ISABELLE


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