Your cart is currently empty!
Le défaut de finalisation d’une application du au manque de diligence du client ne permet pas à ce dernier de résilier le contrat de location d’application mobile.
Dans cette affaire, rien ne démontrait que la Sas Digiapp (prestataire) ne s’est pas exécutée de ses obligations contractuelles, puisqu’il en résulte au contraire qu’elle a réalisé l’application mobile, dont la mise au point nécessitait la collaboration de la Sarl Blanc Tip Top ; en revanche, cette dernière (la cliente) ne s’est pas montrée diligente pour fournir les éléments qui lui étaient demandés, nécessaires à la finalisation de cette application.
La cliente qui a réglé, fût-ce par prélèvement automatique, dix-sept mensualités de loyers et qui ne justifie d’aucun manquement contractuel de la bailleresse, n’était pas fondée à résilier le contrat de location d’une durée ferme et définitive de 48 mois.
MINUTE N° 23/47
Copie exécutoire à :
– Me Guillaume HARTER
– Me Christine BOUDET
– Me Sacha CAHN
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 09 Janvier 2023
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/02231 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HSLK
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANTE :
S.À.R.L. BLANC TIP TOP
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
S.A.S. GRENKE LOCATION
Prise en la personne de son représentant légal.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christine BOUDET, avocat au barreau de COLMAR
S.A.S. DIGIAPP
Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sacha CAHN, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 24 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Madame DAYRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon contrat n° 143-06062, la Sarl Blanc Tip Top a souscrit auprès de la Sas Grenke Location la location longue durée d’une application mobile, moyennant paiement de 48 loyers mensuels de 178,80 € TTC.
Le 14 octobre 2016, la Sarl Blanc Tip Top a confirmé la livraison du matériel objet du contrat de location, fourni par la Sas Digiapp, en parfait état de fonctionnement et en intégralité.
Par lettre recommandée avec avis de réception signée le 9 mai 2018, la Sarl Blanc Tip Top a informé la Sas Grenke Location de ce qu’elle « résiliait le contrat Digiapp », au motif que l’objet du contrat ne lui avait toujours pas été fourni et a sollicité remboursement des sommes indûment prélevées, pour un total de 3 151,87 €.
Par acte du 27 juin 2019 et conclusions ultérieures, la Sarl Blanc Tip Top a fait citer la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp devant le tribunal d’instance de Mulhouse, aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme totale de 3 251,87 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 mai 2018, la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Elle a demandé qu’il soit dit et jugé qu’elle n’est redevable d’aucun loyer, ni indemnité de résiliation ou frais envers la Sas Grenke Location.
Elle a fait valoir que l’application mobile ne lui a jamais été livrée ; que cependant, la Sas Grenke Location a prélevé chaque mois les loyers mensuels jusqu’à la résiliation du contrat par courrier du 4 mai 2018 ; que la somme prélevée a été payée indûment et sans
contrepartie et qu’elle a subi un préjudice résultant de l’impossibilité d’utiliser une application qui était censée faciliter son activité et améliorer ses gains de productivité. Elle a précisé que le tribunal d’instance de Mulhouse est compétent en application de l’article 46 du code de procédure civile ; que la Sas Grenke Location a fait preuve de négligence fautive versant les fonds à la Sas Digiapp sans s’assurer de la livraison effective du bien ; que le document intitulé confirmation de livraison n’a pu confirmer la livraison du bien, transmis le 19 octobre 2016 ; la résiliation du contrat est imputable à la Sas Grenke Location.
La Sas Grenke Location a soulevé l’incompétence du tribunal d’instance de Mulhouse au profit de celui Strasbourg, a conclu au rejet de la demande et a sollicité à titre reconventionnel condamnation de la demanderesse au paiement d’une somme de 715,20 € au titre des loyers échus impayés, la somme de 6,31 € au titre des intérêts courus, la somme de 4 172 € au titre de l’indemnité de résiliation, la somme de 40 € au titre des frais de recouvrement, les intérêts au taux légal courant sur ces montants à compter de la sommation du 10 août 2018, avec capitalisation des intérêts. À titre subsidiaire, elle a demandé condamnation de la Sarl Blanc Tip Top au paiement d’une somme de 4 375,02 € TTC au titre du financement inique de l’application de la Sas Digiapp et à titre infiniment subsidiaire, a sollicité que soit prononcée la résolution de la vente intervenue avec la Sas Digiapp, ainsi que condamnation de cette dernière au paiement d’une somme de 4 375,02 € TTC. Elle a sollicité condamnation solidaire de la Sarl Blanc Tip Top et de la Sas Digiapp à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a fait valoir qu’elle n’a acquitté le prix du bien donné en location qu’à compter de la signature par la locataire de la confirmation de livraison du matériel ; qu’une distinction doit être opérée entre la création de l’application litigieuse, sa livraison dès le mois d’octobre 2016 et la publication de celle-ci, dont le retard est exclusivement imputable à la Sarl Blanc Tip Top ; qu’elle subit subsidiairement un préjudice égal au prix du matériel qu’elle a payé ; qu’elle est fondée à obtenir paiement de l’indemnité de résiliation prévue au contrat.
La Sas Digiapp a sollicité sa mise hors de cause, ainsi que condamnation de la Sarl Blanc Tip Top ou tout succombant à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a fait valoir qu’elle avait proposé plusieurs visuels à la Sarl Blanc Tip Top, qui a sollicité des modifications, a tardé à répondre à ses interrogations, ce qui a retardé la finalisation de l’application en décembre 2016, puis sa publication en mars 2017.
Par jugement du 26 mars 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-débouté la Sarl Blanc Tip Top de sa demande formée à l’encontre de la Sas Grenke Location en restitution des loyers payés à la Sas Grenke Location,
-déclaré la Sarl Blanc Tip Top et la Sas Digiapp responsables, chacune pour moitié, du préjudice subi par la Sarl Blanc Tip Top au titre des loyers payés sans disposer de l’application louée,
-condamné la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top la somme de 1 625,94 € au titre de la moitié des loyers payés sans contrepartie,
-dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement,
-débouté la Sarl Blanc Tip Top de sa demande indemnitaire formée à l’encontre de la Sas Grenke Location et de la Sas Digiapp, au titre du préjudice résultant de l’impossibilité d’utiliser une application,
-condamné la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 721,51 € au titre des loyers échus impayés des mois de mai 2018 à août 2018 inclus,
-dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 août 2018,
-ordonné la capitalisation des intérêts sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus pour une année entière,
-condamné la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 4 375,02 € TTC en application de l’article 3 des conditions générales de location,
-dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification du jugement,
-condamné la Sarl Blanc Tip Top, la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp aux dépens, chacune à hauteur d’un tiers.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu que la Sarl Blanc Tip Top a commis une faute en confirmant la réception d’une application dont la création n’avait pas encore débuté ; qu’un manquement de la Sas Grenke Location à ses obligations contractuelles n’est pas établi ; que les échanges de courriels produits par la Sas Digiapp établissent le manque de réactivité et l’absence de réponse de la Sarl Blanc Tip Top pour faire avancer l’application et la mettre en ligne ; que la Sas Digiapp a confirmé la livraison de l’application en date du 14 octobre 2016 et a adressé sa facture à la Sas Grenke Location alors que les échanges de
courriels qu’elle produit démontrent le contraire ; que la Sarl Blanc Tip Top a commis la même faute contractuelle en attestant de la livraison mensongère du bien loué ; qu’elles sont responsables, chacune à hauteur de la moitié, du préjudice subi par la Sarl Blanc Tip Top, tenant aux loyers payés sans contrepartie ; que la Sarl Blanc Tip Top ne rapporte pas la preuve d’un autre préjudice découlant de l’absence de délivrance de l’application ; que la version des conditions générales produites par la Sarl Blanc Tip Top ne contient pas la page numéro 9 comportant les articles 13 à 19 relatifs aux conséquences de la résiliation et aux indemnités dues ; que la Sas Grenke Location ne justifie pas en avoir donné connaissance à la locataire de sorte que les articles 13 à 19 ne lui sont pas opposables ; que la Sarl Blanc Tip Top reste redevable des loyers jusqu’au mois d’août 2018 inclus, mais non de l’indemnité de résiliation et de l’indemnité au titre des frais de recouvrement forfaitaire ; que la Sarl Blanc Tip Top doit être condamnée à payer à la Sas Grenke Location le montant de la facture d’achat du produit, acquitté par la Sas Grenke Location entre les mains de la Sas Digiapp.
La Sarl Blanc Tip Top a interjeté appel de cette décision le 23 avril 2021.
Par écritures notifiées le 19 janvier 2022, elle conclut à l’infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu’il a écarté la clause attributive de compétence invoquée par la Sas Grenke Location et demande à la cour de :
-condamner solidairement la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top la somme totale de 3 251,87 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 mai 2018,
-condamner solidairement la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts,
-débouter la Sas Grenke Location de l’intégralité de ses demandes,
-subsidiairement réduire à un montant symbolique les montants mis à la charge de l’appelante,
Sur appel incident de la Sas Grenke Location et de la Sas Digiapp :
-débouter la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp de toute demande formée au titre d’un appel incident,
En tout état de cause :
-condamner solidairement la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top la somme de 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle maintient que l’application mobile objet du contrat de location ne lui a jamais été livrée par la Sas Digiapp, ce qui l’a conduite à résilier le contrat de location par courrier du 4 mai 2018 ; que l’absence de livraison est démontrée par des échanges de courriels produits par la Sas Digiapp et par une attestation de son commercial ; que la confirmation de livraison qu’elle a signée est noyée dans le contrat et les autres documents soumis à sa signature ; qu’elle n’a cependant jamais souhaité signer un bon de livraison ; que le contrat de location a été signé le 14 octobre 2016 et la confirmation de livraison le 14 octobre, pour une date de livraison le 15 octobre 2016, qu’elle ne pouvait confirmer ; que cette date a été indiquée fictivement par la Sas Digiapp pour obtenir le déblocage des fonds ; qu’elle n’a pas commis de faute en confirmant la réception d’une application dont la création n’avait pas encore débuté ; qu’elle a été trompée par les man’uvres de la Sas Digiapp et par les documents douteux transmis par la Sas Grenke Location ; qu’elle a pu se méprendre sur ses obligations en raison du fouillis des documents contractuels ; qu’elle n’est contractuellement liée qu’à la Sas Grenke Location ; que la Sas Grenke Location a libéré les fonds immédiatement sans s’interroger sur la cohérence entre les dates, alors que l’application ne pouvait pas être développée et livrée le lendemain ; que les 17 mensualités qui ont été payées ont été prélevées automatiquement sur son compte ; que les intimées doivent rembourser les loyers indûment réglés, par application de l’article 1217 nouveau du code civil et l’indemniser de son préjudice, consistant en la perte d’une chance de pouvoir bénéficier d’une application qui aurait amélioré sa productivité, ses relations avec sa clientèle et son image.
Elle fait valoir que le premier juge a de façon contradictoire retenu que les articles 13 à 19 du contrat ne lui sont pas opposables, tout en faisant application à son encontre de l’article 12.1 des conditions générales ; que cet article mentionne expressément l’article 13 qui ne lui a jamais été communiqué ; que les conditions générales du contrat formant un tout indivisible ne pouvaient pas lui être opposées ; que le contrat de location doit être déclaré nul et de nul effet ; que l’article 3.1 dont le premier juge a à tort fait application constitue une clause pénale susceptible de modération ; que si la Sas Grenke Location a réglé 4 375,02 € à la Sas Digiapp, elle a reçu paiement de loyers de 3 251,87 €, de sorte qu’elle ne peut être condamnée à rembourser la totalité de la facture de la Sas Digiapp, pour une application jamais développée ; que la clause pénale pourra être réduite à un montant symbolique ; que la Sas Digiapp
ne justifie pas d’une prétendue négligence de sa part, alors qu’elle a admis que le 15 octobre 2016, l’application n’était pas livrée et qu’elle n’était susceptible d’être finalisée qu’à compter du 7 décembre 2016.
Par écritures notifiées le 4 mars 2022, la Sas Grenke Location a conclu au rejet de l’appel principal et a formé appel incident, pour voir condamner la Sarl Blanc Tip Top à lui payer la somme de 4 172 € au titre de l’indemnité de résiliation et la somme de 40 € TTC au titre des frais de recouvrement, avec intérêts légaux courant à compter de la sommation du 10 août 2018 et capitalisation des intérêts. Elle a sollicité en tout état de cause condamnation de la Sarl Blanc Tip Top à lui payer la somme de 715,20 € TTC au titre des loyers échus et la somme de 6,31 € au titre des intérêts déjà courus.
À titre subsidiaire, elle a sollicité confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la Sarl Blanc Tip Top à lui payer la somme de 4 375,02 € TTC au titre du financement inique de l’application de la Sas Digiapp et en ce qu’elle a dit que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir.
À titre infiniment subsidiaire, elle a sollicité le prononcé de la résolution de la vente intervenue entre elle et la Sas Digiapp et a en conséquence demandé condamnation de la Sas Digiapp à lui payer la somme de 4 375,02 euro TTC correspondant au prix de vente, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement à intervenir.
En tout état de cause, elle a demandé condamnation solidaire de la Sarl Blanc Tip Top et de la société Digiapp à lui payer la somme de 1 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer les entiers frais et dépens de la procédure.
Elle fait valoir qu’il est prévu au contrat signé par la Sarl Blanc Tip Top que cette dernière reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de location figurant en page 6 à 9 de la liasse contractuelle et les accepter ; que la Sarl Blanc Tip Top ne peut donc prétendre qu’elles lui seraient inopposables ; que la locataire a choisi seule et sous son entière responsabilité les équipements sollicités auprès du fournisseur de son choix ; que ce n’est qu’à compter de la confirmation de la livraison du matériel, par la signature du feuillet « confirmation de livraison » qu’elle s’est acquittée de la valeur du bien entre les mains du fournisseur ; qu’il appartient au locataire de contrôler l’équipement loué et de s’assurer de sa livraison avant de retourner cette confirmation de livraison à la bailleresse ; qu’il est de jurisprudence de la Cour de
cassation que l’emprunteur qui a signé un certificat de livraison déterminant l’organisme prêteur à verser les fonds ne peut plus invoquer des non-conformités ou une absence de livraison pour s’opposer au paiement des échéances du prêt ; que la Sarl Blanc Tip Top ne peut arguer de ce qu’elle aurait signé le même jour un ensemble de documents sans prendre conscience qu’elle signait un bon de livraison ; que cette livraison a bien été attestée le 15 octobre, pour un contrat signé le 14 octobre 2016, sans incohérence entre les dates ; qu’elle-même a réglé la Sas Digiapp le 17 octobre 2016 ; que la Sarl Blanc Tip Top n’est donc pas fondée à solliciter remboursement des loyers versés durant 17 mois non plus que le paiement de dommages et intérêts ; qu’au regard des explications données par la Sas Digiapp en première instance, l’application a bien été réalisée par le fournisseur, qui a dû relancer à de nombreuses reprises la locataire pour traitement des modifications sollicitées par cette dernière ; que l’attestation du commercial de la Sas Digiapp, sur laquelle se fonde l’appelante, n’est pas conforme aux dispositions des articles 200 à 203 du code de procédure civile et contient des déclarations contradictoires, de sorte qu’elle ne présente pas de caractère probant ; que la Sarl Blanc Tip Top ne verse aucun élément permettant d’établir la réalité du préjudice qu’elle invoque et qui est hypothétique ; qu’elle n’a au demeurant jamais informé la Sas Grenke Location d’une quelconque problématique relative à la mise en ‘uvre de l’application louée, se bornant à cesser unilatéralement les prélèvements 17 mois après la conclusion du contrat.
Elle fait valoir qu’elle est fondée à obtenir paiement des sommes prévues par les conditions générales du contrat, au titre des loyers échus impayés et des intérêts, ainsi que de l’indemnité de résiliation ; que si la cour retient, comme le premier juge, que les conditions générales du contrat et notamment l’article 13, ne sont pas opposables à la locataire, elle est subsidiairement en droit d’obtenir condamnation de celle-ci à lui payer le prix du matériel en réparation du préjudice subi ; qu’à titre infiniment subsidiaire, s’il était fait droit à l’appel de la Sarl Blanc Tip Top, elle forme appel provoqué à l’encontre de la Sas Digiapp pour obtenir remboursement du prix de vente du matériel dans le cadre de la résolution du contrat de vente.
Par écritures notifiées le 2 novembre 2021, la Sas Digiapp a conclu à l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a retenu sa responsabilité dans le retard de l’application livrée et l’a condamnée à payer la moitié des loyers dus à la Sas Grenke Location. Elle demande à la cour de :
-constater que la Sas Digiapp n’est nullement responsable du retard de livraison de l’application mobile,
En conséquence,
-mettre hors de cause la Sas Digiapp,
-condamner la Sarl Blanc Tip Top ou succombant au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner tout succombant aux entiers dépens.
Elle fait valoir qu’à la suite de la demande de la Sarl Blanc Tip Top courant 2016, portant sur la création d’une application mobile, elle a effectué plusieurs propositions pour des visuels ; qu’après de nombreuses relances, elle a enfin obtenu un retour et a effectué des modifications en décembre 2016 ; qu’elle a pu finaliser la création de l’application mais restait dans l’attente de l’accord de la Sarl Blanc Tip Top pour procéder à sa mise en publication ; que cet accord n’a été donné par l’appelante qu’en mars 2017 ; que l’application a été disponible sur Google Play le 7 juin 2017 ; que l’application sur Apple nécessitait des changements sur le compte de la Sarl Blanc Tip Top, à effectuer par celle-ci, ce qu’elle n’a jamais fait ; que la Sarl Blanc Tip Top s’est montrée particulièrement négligente dans sa relation de travail avec la Sas Digiapp ; qu’elle-même n’est nullement responsable d’un quelconque préjudice, car elle a rempli sa mission ; que le retard de livraison n’est dû qu’à la carence et à l’inertie de l’appelante.
MOTIFS
Sur l’appel principal :
En vertu des dispositions de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
Pour justifier l’absence de livraison du matériel pris en location, la Sarl Blanc Tip Top verse aux débats une lettre intitulée « attestation » établie au nom de Monsieur [M] [N], qui indique le 6 août 2018 avoir commercialisé une application mobile à la suite de la demande de la Sarl Blanc Tip Top, pour le compte de la Sas Digiapp ; que cette application ne pouvait pas être livrée physiquement, ni conçue, puisqu’elle n’existait pas encore à ce stade ; que malgré un nombre impressionnant de relances, réclamations, cette application n’avait toujours pas été livrée en mai 2018, soit près de deux ans plus tard ; qu’il a, avec beaucoup de mal, été informé par un mail laconique de la Sas Digiapp d’une livraison d’application à son client la Sarl Blanc Tip Top le 7 mai 2018 ; qu’après vérification, il s’avère qu’elle était totalement inachevée et même pas validée sur App Store, mais uniquement sur Android, donc inexploitable en l’état et de toute manière non conforme au produit commandé et promis. Monsieur [N] précise avoir cessé sa courte collaboration et ses activités avec la Sas Digiapp, au motif qu’il ne pouvait continuer à la représenter suite à des doutes qui se sont malheureusement confirmés.
Il sera relevé que cette attestation n’est nullement conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, en ce qu’elle est dactylographiée et n’est accompagnée d’aucune pièce permettant de vérifier l’identité de son rédacteur. Elle n’est de même accompagné d’aucun élément qui permettrait de corroborer le « nombre impressionnant de relances et réclamations » que la Sarl Blanc Tip Top aurait adressées à la Sas Digiapp, alors que l’appelante ne verse strictement aucune pièce de cette nature aux débats ; qu’aucune précision n’est donnée dans le cadre de ce document qui n’est pas circonstancié.
Au contraire, la Sas Digiapp se prévaut de courriels échangés par Monsieur [N] avec elle, portant sur la création de la maquette de l’application de la Sarl Blanc Tip Top et précisant notamment le 7 décembre 2016 avoir reçu les remerciements de la Sarl Blanc Tip Top qui lui demandait de patienter jusqu’en janvier car elle n’avait pas le temps, précise que la Sarl Blanc Tip Top a validé une dernière version mais a modifié le logo et a sollicité des ajouts sur chaque page. Par courriel du 8 juin 2017, il précise à la Sas Digiapp n’avoir toujours pas de nouvelles de la Sarl Blanc Tip Top. Par courriel de début décembre 2017, la Sas Digiapp a indiqué à la Sarl Blanc Tip Top avoir besoin d’éléments à renseigner dans le formulaire, d’un agenda, des lieux à inscrire dans la géolocalisation, d’informations de contact, du fil d’actualité et de ses réseaux sociaux.
La Sarl Blanc Tip Top a adressé le 14 décembre 2017 un mail à la Sas Digiapp, contenant des éléments en pièce jointe. Enfin, par mail du 16 janvier 2018, la Sas Digiapp a rappelé avoir fait parvenir à sa cliente un e-mail le 20 décembre dernier afin de lui soumettre une question et de solliciter son accord pour la publication de l’application, mais indique n’avoir pas eu retour de sa part.
S’il résulte de ces éléments que la mise au point de l’application a nécessité des délais, imputables en grande part à la Sarl Blanc Tip Top, qui a fait l’objet de relances pour la finalisation de l’application, force est de constater que dans ses rapports avec la Sas Grenke Location, l’appelante a certifié avoir été livrée du matériel commandé à la Sas Digiapp, de sorte qu’elle n’est plus fondée à soutenir le contraire.
Elle a en effet signé une confirmation de livraison par laquelle elle a certifié avoir reçu le matériel en intégralité et en parfait état de fonctionnement, le jour de livraison étant prévu le 15 octobre 2016. Si la date du 14 octobre 2016 figure au-dessus du cachet humide de la Sas Digiapp sur ce document de confirmation de livraison, rien ne permet d’affirmer que la Sarl Blanc Tip Top a signé ce document par anticipation la veille de la livraison. En tout état de cause, aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la Sas Grenke Location, qui n’a acquitté le prix d’achat du matériel loué que le 17 octobre 2016, soit postérieurement à la date à laquelle la locataire lui a affirmé avoir été livrée de l’application financée, ce d’autant que la Sarl Blanc Tip Top n’a nullement protesté auprès d’elle, dans les jours ou semaines suivants, avant de résilier unilatéralement le contrat le 6 août 2018, d’une absence de livraison ou d’une quelconque difficulté dans l’exécution par la Sas Digiapp de ses obligations.
De même, les éléments précités, versés aux débats, ne démontrent pas que la Sas Digiapp ne s’est pas exécutée de ses obligations contractuelles, puisqu’il en résulte au contraire qu’elle a réalisé l’application, dont la mise au point nécessitait la collaboration de la Sarl Blanc Tip Top ; qu’en revanche, cette dernière ne s’est pas montrée diligente pour fournir les éléments qui lui étaient demandés, nécessaires à la finalisation de cette application.
En conséquence, il convient de conclure que l’appelante, qui a réglé, fût-ce par prélèvement automatique, dix-sept mensualités de loyers et qui ne justifie d’aucun manquement contractuel de la bailleresse, n’était pas fondée à résilier le contrat de location d’une durée ferme et définitive de 48 mois.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Blanc Tip Top de sa demande en restitution des loyers payés à la Sas Grenke Location.
Sur l’appel incident de la Sas Grenke Location :
Il sera relevé qu’aux termes de ses écritures de première instance, la Sarl Blanc Tip Top n’a jamais invoqué ni soutenu que les conditions générales de la Sas Grenke Location ne lui auraient pas été délivrées en intégralité.
Au demeurant, en signant le contrat de location, la Sarl Blanc Tip Top a reconnu avoir pris connaissance des conditions générales de location figurant en page 6 à 9 de la liasse contractuelle et les accepter.
Aux termes de ces conditions générales qui lui sont donc opposables en totalité, et en raison de la cessation indue du paiement des loyers, la Sas Grenke Location est en droit d’obtenir paiement d’une indemnité de résiliation de 4 172 €, portant intérêts au taux légal à compter de la sommation par lettre recommandée du 10 août 2018, outre la somme de 40 € au titre de frais de recouvrement.
La demande de condamnation au paiement des intérêts échus à hauteur de 6,31 € est sans objet dès lors qu’elle est comprise dans celle portant sur les intérêts à compter du 10 août 2018.
Il sera constaté que le matériel financé consistant en une application élaborée pour le compte de la Sarl Blanc Tip Top, qui ne peut donc être revendu à une société tierce, la Sas Grenke Location, qui s’est acquitté du prix envers le fournisseur, a perdu, du fait de la résiliation anticipée, la rentabilité espérée aux termes du contrat de location, calculée sur la durée prévue de 48 mois, de sorte que l’indemnité mise en cause, bien que s’analysant en une clause pénale, n’est pas manifestement excessive ; qu’il n’y a pas lieu de la réduire.
Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Blanc Tip Top au paiement d’une somme de 721,51 € au titre des loyers échus impayés de mai 2018 à août 2018 inclus et en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts.
La demande principale de l’intimé prospérant, il n’y a pas lieu d’examiner les demandes formulées par l’intimée à titre subsidiaire.
Sur l’appel incident de la Sas Digiapp :
La demande formée contre la Sas Digiapp par l’appelante, visant au remboursement des loyers payés à la bailleresse, sera rejetée, dans la mesure où l’intimé a effectué des prestations visant à la mise au point de l’application commandée, dont le retard dans la finalisation est imputable à la Sarl Blanc Tip Top, qui ne justifie pas avoir apporté de réponse aux demandes formulées courant décembre 2017.
S’il apparaît que l’application financée par le biais de la société Grenke Location n’était pas encore disponible lors de la souscription du contrat de location, il sera relevé que l’appelante
avait été destinataire d’une version du produit, selon mail du commercial à la société Digiapp du 7 décembre 2016 ; qu’elle a déjà à ce moment différé sa réponse et a ensuite souhaité des ajouts et modifications ; que l’intimée a effectué les prestations prévues pour la mise en ‘uvre de l’application commandée, de sorte que la société Blanc Tip Top ne peut soutenir n’avoir jamais réceptionné le produit.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top la somme de 1 625,94 € au titre de la moitié des loyers payés sans contrepartie et la demande formée à ce titre par l’appelante sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.
Partie perdante, la Sarl Blanc Tip Top sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de ses demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera en revanche fait droit à la demande de la Sas Grenke Location au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour défendre ses droits en appel, à hauteur de la somme de 1 200 €.
Eu égard au fait d’espèce, l’équité commande qu’il ne soit pas fait droit à la demande de la Sas Digiapp fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la société Digiapp responsable pour moitié du préjudice subi par la Sarl Blanc Tip Top au titre des loyers payés sans disposer de l’application louée, condamné la Sas Digiapp à payer à la Sarl Blanc Tip Top la somme de 1 625,94 €, condamné la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 4 375,02 € TTC en application de l’article 3 des conditions générales de location et en ce qu’il a condamné la Sas Grenke Location et la Sas Digiapp aux dépens à hauteur d’un tiers chacune,
Statuant à nouveau de ces chefs,
DEBOUTE la Sarl Blanc Tip Top de sa demande en remboursement des loyers acquittés, dirigée tant à l’encontre de la Sas Grenke Location que de la Sas Digiapp,
CONDAMNE la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 4 172 €, portant intérêts au taux légal à compter du 10 août 2018,
CONDAMNE la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 40 € au titre de frais de recouvrement,
CONDAMNE la Sarl Blanc Tip Top aux dépens de première instance,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Sarl Blanc Tip Top à payer à la Sas Grenke Location la somme de 1 200 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la Sas Digiapp de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la Sarl Blanc Tip Top de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sarl Blanc Tip Top aux dépens de l’instance d’appel.
La Greffière La Présidente