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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 11
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06084
N° Portalis 35L7-V-B7F-CDM5S
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -TJ de PARIS – RG n° 17/15967
APPELANTS
Madame [U] [T] [A] épouse [M]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 13] (COREE DU SUD)
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
assistée par Me Florence ANTONY, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [F] [K] [M]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 13] (COREE DU SUD)
Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
assisté par Me Florence ANTONY, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté par Me Claire DUMONT, avocat au barreau de PARIS
S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL (ACM)
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Dominique LAURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1418
CENTRE HOSPITALIER [12]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Juliette VOGEL de la SELAS HMN & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0581
assistée par Me Sixtine WEMAERE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [I] [Y] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 22 janvier 2017, Mme [U] [T] [A] épouse [M], de nationalité sud-coréenne, qui effectuait avec son époux, M. [F] [K] [M], un séjour touristique à [Localité 5], a été renversée par le vélo conduit par M. [P] [R], assuré auprès de la société Assurances du crédit mutuel IARD (la société ACM) au titre d’une police d’assurance «habitation».
Par ordonnance du 10 juillet 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a condamné in solidum M. [R] et la société ACM à payer à M. et Mme [M] les sommes provisionnelles de 341 368,59 euros et 4 241,03 euros à valoir sur l’indemnisation de leurs préjudices. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mars 2018.
Par acte du 16 octobre 2017, M. et Mme [M] ont fait assigner M. [R], la société ACM et le Centre Hospitalier Sainte-Anne devant le tribunal de grande instance de Paris afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– déclaré M. [R] responsable du préjudice causé à M. et Mme [M] par l’accident du 22 janvier 2017 à hauteur de 70%,
– déclaré que Mme [M] a commis une faute ayant contribué à son propre préjudice à hauteur de 30%,
– déclaré que la société ACM doit être solidairement tenue avec son assuré M. [R],
– condamné solidairement M. [R] et son assureur la société ACM à indemniser à hauteur de 70% M. et Mme [M] de leur préjudice causé par l’accident du 22 janvier 2017,
– condamné Mme [M] à verser à l’établissement public [12] la somme de 326 991 euros, en remboursement des frais d’hospitalisation, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
– débouté la société ACM de sa demande de condamnation in solidum de M. et Mme [M] à lui rembourser les provisions versées à la suite de l’ordonnance du 6 juillet 2017,
– déclaré que le plafond contractuel de 10 000 000 euros prévu par le contrat d’assurance de la société ACM est opposable à l’ensemble des parties,
– déclaré irrecevable comme dépourvue d’intérêt la demande en déclaration de jugement commun,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Honig Mettetal Ndiaye & associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– débouté l’établissement public [12] de sa demande visant à déclarer que les dépens intégreront l’émolument proportionnel de l’huissier de justice,
– débouté la société ACM de sa demande visant à déclarer que les dépens intégreront ceux de la procédure d’appel de référé,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM à verser à M. et Mme [M] la somme globale de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM à verser à l’établissement public [12] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
Par déclaration du 30 mars 2021, M. et Mme [M] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a déclaré M. [R] responsable de leur préjudice à hauteur de 70%, déclaré que Mme [M] a commis une faute ayant contribué à son propre préjudice à hauteur de 30%, condamné solidairement M. [R] et son assureur la société ACM à indemniser à hauteur de 70% M. et Mme [M] de leur préjudice et condamné Mme [M] à verser à l’établissement public [12] la somme de 326 991 euros, en remboursement des frais d’hospitalisation, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Par ordonnance du 4 novembre 2021, confirmée sur déféré par un arrêt du 27 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré M. et Mme [M] irrecevables en leur demande tendant à faire condamner solidairement M. [R] et la société ACM à rembourser le Centre hospitalier [12] des prestations de santé arrêtées à la somme de 326 991 euros.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de M. et Mme [M] notifiées le 10 décembre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
Vu les articles 1240 (ancien article 1382) et 1241 (ancien article 1383) du code civil,
Vu l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale,
– infirmer [le jugement] s’agissant du droit à indemnisation et de la condamnation de Mme [M] à rembourser les prestations de santé exposées par le Centre hospitalier [12],
Ce faisant et statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [R] et la société ACM à rembourser le Centre hospitalier [12] des prestations de santé arrêtés à la somme de 326 991 euros,
– débouter toutes les parties de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner solidairement M. [R] et la société ACM à verser à M. et Mme [M] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner solidairement M. [R] et la société ACM aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grapotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile,
– voir déclarer la décision commune à l’Hôpital [12] appelé en la cause
Vu les conclusions de M. [R], notifiées le 2 septembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 et 1353 du code civil,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris prononcé le 16 mars 2021 en ce qu’il a :
– déclaré M. [R] responsable du préjudice causé à Mme [A] épouse [M] et à M. [M] par l’accident du 22 janvier 2017 à hauteur de 70%n
– déclaré que Mme [A] épouse [M] a commis une faute ayant contribué à son propre préjudice à hauteur de 30%,
– déclaré que la société ACM doit être solidairement tenue avec son assuré M. [R],
– condamné solidairement M. [R] et son assureur la société ACM à indemniser à hauteur de 70% M. et Mme [M] de leur préjudice causé par l’accident du 22 janvier 2017,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM à verser à M. et Mme [M] la somme globale de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM à verser à l’établissement public [12] la somme globale de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [R] et la société ACM aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la Scp Honig Metteal Ndiaye & Associés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
– juger qu’aucune faute de M. [R] n’est démontrée,
En conséquence,
– débouter Mme [A] épouse [M] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
– débouter l’établissement public [12] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
– juger que le moyen tiré de la faute commise par Mme [M] est de nature à exonérer partiellement la responsabilité du concluant à hauteur de 75%,
en conséquence,
– juger que toute condamnation de M. [R] ne saurait excéder de 25% le préjudice de M. et Mme [M],
– juger que les éventuelles demandes de condamnation du Centre Hospitalier [12] dirigées à l’encontre de M. [R] seront réduites à proportion de la faute retenue pour Mme [M] dans la survenance de l’accident,
En tout état de cause,
– débouter la société ACM de sa demande tendant à l’exclusion de sa garantie et de toute demande à l’encontre de M. [R],
– condamner la société ACM à relever et garantir M. [R] de toute condamnation qui seront prononcée à son encontre au profit de M. et Mme [M] et du Centre Hospitalier de [12] et en conséquence, prendre en charge toute demande d’indemnisation des préjudices subis par M. et Mme [M] ainsi que de toute demande formulée par le Centre Hospitalier de [12],
– débouter M. et Mme [M] de leur demande de condamnation in solidum formulée notamment à l’encontre de M. [R] au titre du remboursement des frais d’hospitalisation directement auprès du Centre hospitalier [12],
– condamner la société ACM à verser à M. [R] la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l’instance.
Vu les conclusions de la société ACM, notifiées le 16 juin 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
A titre principal,
– juger recevable l’appel incident régularisé par la société ACM à l’encontre du jugement rendu le 16 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 16 mars 2021, en ce qu’il a déclaré que la société ACM doit être solidairement tenue avec son assuré, M. [R] des conséquences de l’accident survenu à Mme [M], les a condamnés à indemniser M. et Mme [M] à hauteur de 70% de leur préjudice causé par l’accident, débouté la société ACM de sa demande de remboursement des provisions versées suite à l’ordonnance du 6 juillet 2017, la provision versée d’un montant de 20 000 euros, et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens et à verser une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– juger qu’il n’est pas rapporté la preuve des conditions de mises en jeu de la garantie «responsabilité civile chef de famille» de l’assurance multi-risques habitation souscrite auprès de la société ACM,
– juger en conséquence que la garantie «responsabilité civile chef de famille» n’est pas mobilisable,
– débouter Mme [A] épouse [M], M. [M], M. [R], le Centre Hospitalier [12] de toutes leurs demandes dirigées à l’encontre de la société ACM,
– condamner in solidum M. et Mme [M] et M. [R] à rembourser la provision d’un montant de 20 000 euros, ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros versées au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement, à défaut de la demande de restitution,
Subsidiairement,
– juger que sont exclus de la garantie «responsabilité civile chef de famille» les dommages résultant d’une activité rémunérée ou professionnelle,
– constater que l’accident survenu à Mme [M] le 22 janvier 2017 résulte de l’exercice par M. [R] d’une activité rémunérée et professionnelle, pour le compte de la société Foodora,
– débouter M. et Mme [M], M. [R] et le Centre Hospitalier [12] de toutes les demandes dirigées à l’encontre de la société ACM,
– condamner in solidum M. et Mme [M] et M. [R] à rembourser la provision d’un montant de 20 000 euros, ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros versées au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement, à défaut de la demande de restitution,
A titre plus subsidiaire, et dans l’hypothèse où la garantie «responsabilité civile chef de famille» serait jugée mobilisable,
– juger que M. [R] n’a commis aucune faute,
– débouter en conséquence M. et Mme [M] de leurs demandes fondées sur les articles 1240 et 1241 du code civil,
– condamner in solidum Mme [A] épouse [M], M. [M], M. [R] à rembourser la provision d’un montant de 20 000 euros, ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros versées au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement, à défaut de la demande de restitution,
A titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire, la responsabilité de M. [R] était retenue,
– juger que Mme [M] a commis plusieurs fautes d’imprudence de nature à exclure son indemnisation, sinon à la réduire à hauteur de 50%,
– condamner in solidum M. et Mme [M] et M. [R] à rembourser la provision d’un montant de 20 000 euros, ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros versées au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2017, avec intérêts au taux légal à compter de la date du versement, à défaut de la demande de restitution,
– condamner in solidum, compte tenu du partage de responsabilité qui serait prononcé, M. et Mme [M] et M. [R] à rembourser à hauteur de 50%, ou de tout pourcentage qui serait retenu par la cour, la provision d’un montant de 20 000 euros, ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros versées au titre de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé rendue le 6 juillet 2017,
– juger que la condamnation de la société ACM ne peut intervenir que dans les limites contractuelles de sa garantie, soit d’un plafond de sa garantie à hauteur de 10 000 000 euros, opposable à l’ensemble des défendeurs,
Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 janvier 2022,
– constater l’irrecevabilité de la demande de M. et Mme [M] tendant à voir condamner la société ACM à rembourser les frais médicaux au profit du Centre hospitalier [12],
– débouter le Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences de ses demandes formées à l’encontre de la société ACM, à titre subsidiaire, juger qu’il sera tenu compte du partage de responsabilité ordonné,
– condamner in solidum M. et Mme [M] et M. [R] à verser à la société ACM une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. et Mme [M] et M. [R] aux entiers dépens et autoriser Me Dominique Laurier, avocat, à en recouvrer le montant conformément à l’article 699 du code procédure civile.
Vu les conclusions du Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences, venu aux droits du Centre hospitalier Saint Anne, notifiées le 16 juillet 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu l’article L. 252 A du livre des procédures fiscales,
A titre principal,
– confirmer le jugement rendu le 16 mars 2021en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il a condamné Mme [M] à rembourser au Centre hospitalier [12], aux droits duquel vient le Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences, la somme de 326 991 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, en règlement des frais d’hospitalisation dont elle reste débitrice à l’égard de cet établissement public de santé,
A titre subsidiaire,
– condamner in solidum Mme [M], M. [R] et son assureur la société ACM à verser au Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences venant aux droits du Centre hospitalier [12] la somme de 326 991 euros, avec intérêts légaux de droit à compter du jour d’émission de l’avis de sommes à payer ayant valeur de titre exécutoire, en règlement des frais d’hospitalisation exposés consécutivement à l’accident dont il s’agit et qui restent dus à cet établissement public de santé,
En tout état de cause,
– débouter Mme [M], ainsi que toute autre partie à l’instance, au surplus des demandes formées à l’encontre du Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences venant aux droits du Centre hospitalier [12],
– condamner in solidum Mme [M] et/ou M. [R] et/ou son assureur la société ACM, à verser au Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences venant aux droits du Centre hospitalier Sainte-Anne la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens, dont distraction sera faite au profit de la SCP Honig Metteal Ndiaye & associés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité
La responsabilité de M. [R] est recherchée exclusivement sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.
Les époux [M] soutiennent que M. [R] a commis une faute en refusant de céder la priorité à un piéton régulièrement engagé sur un passage protégé et en circulant de nuit sur un vélo dépourvu de dispositif d’éclairage et de dispositif réfléchissant.
Ils avancent que Mme [M] n’a commis aucune faute et que ni la note technique de M. [J] établie de manière non-contradictoire ni le rapport de police lacunaire rédigé sur la base des seules déclarations de M. [R] ne permettent de remettre en cause les attestations de MM. [F] et [G], participants au voyage organisé, qui confirment que Mme [M] a traversé la chaussée sur le passage protégé.
M. [R] soutient qu’aucune faute n’est établie à son encontre, qu’il circulait normalement sur sa voie de circulation, qu’il a vu surgir un piéton et a effectué une manoeuvre d’évitement par la gauche mise en échec par le recul quasi concomitant de Mme [M], de sorte qu’il ne peut lui être reproché de ne pas être demeuré maître de sa vitesse.
Il ajoute que Mme [M] qui a traversé la chaussée en dehors d’un passage protégé invoque en vain les dispositions de l’article R. 415-11 du code de la route et que l’absence d’investigation réalisée par les services de police concernant les dispositifs d’éclairage de son vélo, ne permet nullement de déduire que celui-ci était dépourvu de dispositif réfléchissant.
Il fait valoir à titre subsidiaire, que M. [M] en ne traversant pas la chaussée sur le passage protégé alors qu’il faisait nuit et que la circulation était dense a commis une faute ayant concouru à la production de son dommage, justifiant un partage de responsabilité dans la proportion de 75 % à la charge de Mme [M] et 25 % à sa charge.
La société ACM qui conclut à titre principal que sa garantie n’est pas due, fait valoir à titre subsidiaire que son assuré n’a commis aucune faute et que le tribunal a écarté à tort la version de M. [R] selon laquelle Mme [M] a fait irruption dans son champ de vision au milieu de la chaussée et qu’il a tenté en vain de la contourner par la gauche au niveau de ligne blanche alors qu’il roulait à environ à 15 km/h.
Elle se fonde, notamment, sur une note technique établie à sa demande par M. [J], expert automobile, dont il résulte que Mme [M] ne s’est pas engagée sur le passage réservé aux piétons mais que « cette traversée s’est effectuée hors du passage protégé pourtant situé à une distance de 20 m. du point de choc».
Elle soutient que les attestations de MM. [F] et [G], établies plusieurs mois après l’accident, sont contredites par les constatations des fonctionnaires de police et les photographies annexées au rapport de M. [J] qui ne révèlent la présence d’aucun feu de signalisation.
Elle estime comme M. [R] qu’il n’est pas démontré que le vélo de ce dernier n’était pas conforme à la réglementation en matière d’éclairage.
La société ACM conclut ainsi à titre principal que la responsabilité de son assuré n’est pas engagée et à titre subsidiaire que la faute de la victime justifie un partage de responsabilité à hauteur de 50 %.
**********
Sur ce, il ressort du procès-verbal de police que l’accident s’est produit [Adresse 10] en fin d’après midi alors qu’il faisait déjà nuit et que l’éclairage public était en fonctionnement.
M. [R] qui circulait à vélo a renversé Mme [M] qui traversait la chaussée pour rejoindre un car de tourisme en stationnement dans cette rue.
Les fonctionnaires de police ont relevé que Mme [M] ne parlait ni le français, ni l’anglais, que M. [M] s’exprimait dans un anglais approximatif et ont recueilli les déclaration écrites de M. [R] sur les circonstances de l’accident.
Il ont établi un croquis de l’accident sur lequel ils situent le point de choc présumé à proximité d’un lampadaire implanté sur le trottoir côté impair de la rue de l’Université qu’ils ont identifié comme portant le numéro VII 78 130 mais n’ont procédé à aucune mesure entre ce point fixe et le vélo accidenté ni entre celui-ci et la victime.
Selon les photographies produites le lampadaire mentionné sur le croquis porte en réalité le numéro VII 78 13, les fonctionnaires de police ayant confondu un rivet de fixation de forme arrondie avec le chiffre zéro.
Ils ont figuré sur leur croquis un passage protégé situé à une certaine distance du point de choc présumé mais sans réaliser de mesure permettant de déterminer cette distance avec exactitude.
La note technique de M. [J] dont les conclusions reposent sur l’analyse d’un croquis de l’accident ne comportant aucune mesure et sur des données générales relative à la distance de projection d’un piéton lors d’une collision avec un cycliste n’emporte pas la conviction de la cour alors que l’expert admet lui-même que dans ce type de collision la vitesse ne peut être calculée.
Il résulte de ce qui précède que ni le croquis sommaire de l’accident réalisé par les fonctionnaires de police, ni la note technique de M. [J] ne permettent de déterminer avec précision la localisation du point de choc, même s’il est suffisamment établi que celui-ci n’est pas situé sur le passage protégé mais à une certaine distance de celui-ci, ce que M. [M] a d’ailleurs admis.
M. [M], assisté d’un interprète en coréen, a ainsi exposé dans sa déclaration de main courante effectuée le 11 mai 2017, que le 22 janvier 2017, entre 17 h 40 et 17 h 50, il était avec sa femme et un groupe de touristes, qu’ils se dirigeaient vers leur car stationné rue de l’université, qu’ils ont traversé cette rue au niveau du passage protégé, alors que le feu pour piétions était vert, que sa femme se trouvait derrière lui sur sa gauche, qu’une fois sur le passage piéton ils ont continué en diagonale vers le car, s’éloignant de cinq mètres environ du passage piéton, que deux véhicules venant de l'[Adresse 8], ont stoppé pour les laisser passer, qu’un vélo est arrivé à toute vitesse en ces deux voitures, qu’il est passé dernière lui, qu’il a entendu sa femme crier et a constaté en se retournant qu’elle était à terre, inconsciente, au milieu de la chaussée.
Les déclarations de M. [M] concernant le fait que lui et son épouse se sont bien engagés sur le passage protégé au début de la traversée de la chaussée sont confirmées par les attestations de deux participants au voyage organisé, MM. [G] et [F].
Contrairement à ce que soutient la société ACM, les déclarations de ces témoins qui font référence à l’implantation sur le passage protégé litigieux d’une signalisation lumineuse pour les piétons et d’un feu tricolore pour les voitures ne sont pas contredites par les constatations sommaires des fonctionnaires de police qui n’ont à aucun moment décrit la signalisation existant sur les lieux de l’accident.
Quant-aux photographies annexées au rapport de M. [J], la première est une vue aérienne extraite du site Google Earth qui permet seulement de constater que le passage protégé litigieux se situe à un carrefour dont il n’est pas possible de voir s’il est ou non régulé par une signalisation lumineuse.
Les autres photographies du passage protégé, en raison de leur cadrage, ne permettent pas davantage de le déterminer.
M. [R] a quant à lui indiqué dans une déclaration écrite, annexée au rapport de police que : « un piéton a fait irruption dans mon champs de vision. Le piéton était situé au milieu de la chaussée essayant de traverser la route. Une voiture roulait à ma droite. Remarquant le piéton un peu tardivement, je tente de le contourner sur la gauche lorsqu’au même moment, le piéton recule. Je le percute alors à une vitesse d’environ 15 km/h au niveau de la ligne blanche».
L’affirmation de M. [R] selon laquelle Mme [M] aurait «surgi dans son champs de vision» est contredite par les déclarations claires et circonstanciées de M. [M] et des deux témoins
Il résulte de ce qui précède que M. [R] aurait dû, dès lors que des piétons étaient régulièrement engagés sur un passage protégé, être attentif à leur progression et s’arrêter pour les laisser passer et qu’en s’abstenant de le faire, il a commis une faute de conduite.
Il n’est pas démontré, en revanche, que le vélo sur lequel M. [R] circulait ne comportait pas de système d’éclairage ou de dispositif réfléchissant, ce que la mention «dispositif réfléchissant (sans objet)» consignée par les fonctionnaires de police ne permet pas de retenir, étant observé qu’il est également indiqué «pneumatique (sans objet»), ce qui n’implique nullement que le vélo de M. [R] en était dépourvu.
En réalité les fonctionnaires de police ont seulement mentionné dans leur fiche de renseignement relative au vélo de M. [R] les éléments d’information leur paraissant susceptibles d’intéresser l’enquête.
M. [R] ayant commis une faute ci-dessus décrite ayant concouru à la réalisation des préjudices subis par Mme [M], sa responsabilité est de ce fait engagée.
Toutefois, Mme [M] a elle-même commis une imprudence ayant concouru à la réalisation de son dommage en n’empruntant pas sur toute sa longueur le passage réservé aux piétons et en s’écartant de celui-ci de cinq mètres environ, ainsi que l’a admis son époux, pour rejoindre en diagonale le car de tourisme stationné un peu plus loin le long de la rue de l’Université.
Compte tenu de la nature et de la gravité des fautes respectives de M. [R] et de Mme [M], le tribunal a justement procédé à un partage de responsabilité à concurrence de 70 % à la charge de M. [R] et de 30 % à la charge de Mme [M].
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la garantie de la société ACM
La société ACM qui dénie sa garantie fait valoir qu’elle a assuré au titre d’une police multirisques habitation M. [C] [W] et M. [R], anciennement colocataires d’un logement situé [Adresse 6].
Elle précise que ce contrat comporte une garantie de responsabilité civile prévoyant la prise en charge par l’assureur «des conséquences financières de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir au cours de la vie privé en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à un tiers et résultant d’un accident».
Elle avance que s’agissant d’une clause définissant le champ de la garantie, il incombe à l’assuré d’apporter la preuve d’un accident survenu dans le cadre de la vie privée par opposition à la vie professionnelle et soutient qu’en l’espèce, cette preuve n’est pas rapportée, l’attestation de M. [W] établie plus de trois ans après l’accident selon laquelle ils avaient convenu avec M. [R] d’aller prendre un verre le jour de l’accident entre 17 heures et 18 heures n’étant pas crédible.
Elle estime qu’il s’agit d’une attestation de pure complaisance et relève qu’il est établi que M. [R], qui exerçait à l’époque des faits une activité indépendante de coursier pour la société Foodora avec laquelle il avait conclu un contrat de prestation de services, a effectué le jour de l’accident des livraisons pour cette société jusqu’à 17 h 40.
Elle se prévaut à titre subsidiaire de la clause des conditions générale excluant de la garantie les dommages résultant d’une activité rémunérée, professionnelle, ou de fonction publique et soutient qu’il ressort des documents produits, notamment du «Daily flow»,journal d’activité journalier de M. [R] communiqué par la société Foodora, et du guide du coursier que ce dernier exerçait une activité rémunérée au moment de l’accident.
M. [R] objecte que l’opposition faite par la société ACM entre vie privée et professionnelle n’est pas évidente contrairement à ce qu’elle prétend et ajoute qu’une exclusion de garantie a pour objet d’exclure un risque particulier de la garantie dans le champ de laquelle il se trouve normalement inclus et que l’assureur qui se prévaut d’une exclusion reconnaît implicitement que le sinistre entre dans l’objet du contrat.
Il soutient ainsi que la société ACM qui invoque l’exclusion des dommages résultant d’une activité rémunérée, professionnelle, ou de fonction publique doit rapporter la preuve que les circonstances de fait de cette exclusion sont réunies.
M. [R] fait valoir en substance que cette preuve n’est pas rapportée, qu’il exerçait en parfaite autonomie une activité professionnelle très circonscrite pour la société Foodora, que son programme et son trajet le dimanche 22 janvier 2017 excluent l’exercice d’une activité professionnelle au moment de l’accident, qu’étant seul responsable de l’organisation de son travail, la société ACM se fonde sur une interprétation hasardeuse des données issue d’une application mobile sujette à de nombreuses erreurs et approximations techniques pour affirmer qu’il exerçait une activité rémunérée au moment de l’accident, alors qu’il effectuait un trajet d’ordre privé avec son vélo qui constitue également un moyen de locomotion personnel, ce que confirment l’attestation délivrée par son colocataire avec lequel il devait prendre un verre et la circonstance que l’accident a eu lieu dans la rue de l’Université qu’il devait emprunter pour rentrer chez lui.
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Sur ce, M. [W], colocataire avec M. [R] d’un logement situé [Adresse 6], a souscrit le 6 août 2015 une police d’assurance «habitation», incluant un volet responsabilité civile (pièce n° 4 de la société ACM), étant observé qu’il n’est pas contesté que M. [R] avait la qualité d’assuré.
Aux termes des conditions générales du contrat d’assurance (pièce n° 3 de la société ACM), il est prévu que l’assureur prend en charge «les conséquences financières de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir au cours de la vie privée en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à un tiers et résultant d’un accident».
Il est ensuite mentionné que l’assureur ne garantit pas les dommages résultant «d’une activité rémunérée, professionnelle ou de fonction publique, hors revente d’électricité, location de chambre d’hôte et d’étudiant déclarées aux conditions particulières».
Contrairement à ce que soutient M. [R] la stipulation selon laquelle sont couverts les dommages résultant de la responsabilité de l’assuré en cas d’accident survenue au cours de sa privée définit le champ de la garantie souscrite, de sorte qu’il incombe à l’assuré qui invoque cette garantie d’établir d’une part, le caractère accidentel du fait dommageable engageant sa responsabilité, d’autre part, que cet accident est survenu au cours de sa vie privée par opposition à sa vie professionnelle, peu important que l’assureur ait en outre précisé qu’il ne garantissait pas les dommages résultant d’une activité rémunérée, professionnelle ou de fonction publique.
La preuve que l’accident du 22 janvier 2017 au cours duquel il a renversé Mme [M] avec son vélo est survenu au cours de la vie privé incombe ainsi à M. [R], cette preuve pouvant toutefois être établie par tous moyens.
En l’espèce, M. [R] a toujours indiqué, tant dans sa déclaration de sinistre du 2 mars 2017 qu’au cours de la procédure qu’il effectuait un trajet d’ordre privé lorsque l’accident s’est produit.
L’attestation délivrée par M. [W] le 28 avril 2020, qui présente des garanties suffisantes de crédibilité, nonobstant la date de sa délivrance, vient corroborer ces déclarations, l’intéressé indiquant que le 22 janvier 2017 alors que M. [R] travaillait dans l’après-midi comme livreur, ils avaient convenu de se retrouver en fin d’après midi aux environs de 17 heures, 18 heures, afin de prendre verre [Adresse 11].
Il convient ainsi d’examiner si les éléments fournis par la société ACM sont de nature à remettre en cause les déclarations de M. [R] et de M. [W].
Il convient en premier de relever que l’heure exacte de l’accident ne peut être déterminée en l’état des déclarations contradictoire des parties, les seuls faits constants résultant du rapport de police et du rapport d’intervention des sapeurs-pompiers de [Localité 5] étant qu’ils ont été alertés respectivement à 17 h 51 et 17 h 54 ce qui implique que l’accident est nécessairement survenu antérieurement.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [R] a conclu le 29 septembre 2016 un contrat de prestation de service avec la société Foodora, exerçant une activité de service de livraison de repas permettant, via une plate-forme dédiée et une application mobile, à ses clients de passer commande et de se faire livrer un repas par un restaurant partenaire.
Il est précisé que le prestataire exerce une activité de livreur indépendant et qu’il utilisera son propre matériel pour la réalisation de ses livraisons, seul étant fourni un sac à dos.
Il est également mentionné que les créneaux horaires sur lesquels le prestataire peut se positionner sont définis par la société Foodora en fonction de ses besoins et qu’il est convenu que ces créneaux horaires seront communiqués par tout moyen électronique et notamment via le logiciel «Shiftplan» au minimum 5 jours à l’avance pour la semaine suivante.
S’agissant des conditions de rémunération, il est précisé qu’en contrepartie des missions accomplies, le prestataire percevra des honoraires calculés selon un tarif fixe de 7,5 euros TTC par heure effectuée et un tarif variable de 2 euros TTC par livraison complète assurée.
Il ressort des explications fournies par la société Foodora en réponse aux questions posées par la société ACM que les créneaux horaires sur lesquels un coursier se positionne via l’application de planification «Shiftplan» ne correspondent pas nécessairement à son temps de travail effectif, le planning initialement prévu pouvant être modifié, notamment lorsqu’une commande est passée peu avant la fin du créneau horaire réservé.
Elle précise que seul un second logiciel dénommé «Daily Flow» indique ce qui s’est réellement passé au cours du «shift», c’est-à-dire au cours de la période travaillée.
Ce logiciel d’activité horodaté enregistre sous la mention «completed»les livraisons complètes effectuées lorsque le coursier a validé l’étape de livraison sur l’application dédiée, les interruptions temporaires d’activité liées à une difficulté ponctuelle pouvant être réglée en moins de 15 minutes qui sont prises en compte dans la rémunération horaire (temp. not working), et les temps de pause (break) qui ne sont pas rémunérés.
La société Foodora précise que les pauses et les interruptions momentanées d’activité sont signalées par le coursier au service «dispacth» qui active manuellement les statuts «break» ou «temp. not working».
La société ACM verse aux débats le journal d’activité journalier de M. [R] sur lequel il est mentionné qu’il a effectué une livraison complète à 17 h04 puis une nouvelle livraison à 17 h 44, qu’il a été placé en position «temp not working» à 17 h 44; puis en position «working» à 17 h 58» et qu’il n’a été placé en position «break» qu’à 18 h 38.
Pour apprécier si M. [R] effectuait un trajet d’ordre privé ou professionnel lors de l’accident il convient d’apprécier la fiabilité des données issues de ce logiciel concernant les horaires qu’il mentionne, laquelle est contestée par l’intéressé.
Sur ce point, il y a lieu de relever qu’en réponse à la question de la société ACM lui demandant d’expliquer la «réactivation» à 17 h 58 de la position «working» de M. [R], la société Foodora a répondu : «la réactivation est automatique car le «temp. not working» s’active par le dispatch avec une minuterie (5, 10, 15 minutes). Dans le cas précis, le «temp. Not working» a été activé à 17 h 04 (il est indiqué 17 h 40 sur le Daily Flow) pour 15 min.».
Il résulte de ces infirmations que le service responsable de l’organisation de l’activité des coursiers, le service «dispatch» a enregistré que M. [R] avait interrompu temporairement son activité à 17 h 05 pour une durée de 15 minutes, alors que le logiciel «Daily Flow» indique qu’il est en position de «temp. not working» à 17 h 40, soit 35 minutes plus tard, sans qu’aucune explication ne soit fournie sur ce décalage horaire.
Cette anomalie remet en cause la fiabilité de l’intégralité des données extraites de ce logiciel concernant les heures de livraison, de pause ou d’interruption temporaire d’activité de M [R].
Il en résulte que les déclarations de M. [R] concernant le caractère privé de son déplacement à vélo après sa dernière livraison effectuée dans le 18ème arrondissement de [Localité 5] aux alentours de 17 h 30 afin de rejoindre son colocataire pour prendre un verre avec lui, lesquelles sont corroborées par l’attestation délivrée par M. [W], ne sont nullement remises en cause par les données de ce logiciel.
M. [R] rapporte ainsi la preuve qui lui incombe de ce que l’accident litigieux est survenu au cours de la vie privée.
A l’inverse, la société ACM qui invoque à titre subsidiaire, l’exclusion de garantie des dommages résultant d’une activité rémunérée, professionnelle ou de fonction publique, ne démontre pas, en l’absence de fiabilité des mentions du logiciel «Daily Flow», que M. [R] au moment de l’accident exerçait une activité professionnelle ou rémunérée.
La société ACM doit ainsi sa garantie dans la limite du plafond d’un montant de 10 000 000 euros prévu aux conditions particulières s’agissant des dommages corporels, cette limitation de garantie étant opposable aux tiers lésés en vertu de l’article L. 112-6 du code des assurances.
M. et Mme [M] disposant à l’encontre de la société ACM d’une action directe en application de l’article L. 124-3 du code des assurances afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices dans la limite de leur droit à indemnisation après application du partage de responsabilité retenu par la cour, la société ACM est tenue in solidum avec M. [R] d’ indemniser, dans la limite de son plafond de garantie, 70 % des préjudices subis par M. et Mme [M] consécutivement à l’accident du 22 janvier 2017.
Le jugement sera confirmé, sauf en ce qu’il jugé que la société ACM était tenue solidairement avec son assuré et a prononcé une condamnation solidaire.
Il convient d’ajouter au jugement, qui omis de statuer sur ce point, que la société ACM devra dans la limite de son plafond de garantie relever et garantir M. [R] des condamnations prononcées à son encontre concernant l’indemnisation des conséquences dommageables de l’accident.
Sur les frais d’hospitalisation
Il a d’ores et déjà été jugé par l’arrêt de la cour d’appel de ce siège du 27 janvier 2022 rendu sur déféré que M. et Mme [M] étaient irrecevables en leur demande tendant à faire condamner solidairement M. [R] et la société ACM à rembourser le Centre hospitalier [12] des prestations de santé arrêtées à la somme de 326 991 euros.
Le Groupe hospitalier universitaire [Localité 5] psychiatrie et neurosciences venu aux droits du Centre hospitalier [12] conclut à titre principal à la confirmation du jugement qui a condamné Mme [M] au paiement de ses frais hospitaliers et fait observer que Mme [M] a obtenu le versement de provisions d’un montant de 341 368,59 euros lui permettant de régler sa dette.
En l’absence de convention bilatérale de sécurité sociale entre la Corée du Sud et la France, Mme [M] est tenue d’acquitter ses frais d’hospitalisation en France qui ne sont pas pris en charge par les organismes sociaux et dont le montant non critiqué s’élève au vu des avis de sommes à payer à la somme de 326 991 euros.
La demande principale du Groupe Hospitalier Universitaire [Localité 5] Psychiatrie et Neurosciences étant accueillie, sa demande subsidiaire est devenue sans objet.
Le jugement sera confirmé.
Sur la demande de remboursement présentée par la société ACM
Le tribunal a débouté la société ACM de sa demande de condamnation in solidum de M. et Mme [M] à lui rembourser les provisions versées à la suite de l’ordonnance du 6 juillet 2017,
La société ACM qui conclut à l’infirmation du jugement sur ce point sollicite à titre subsidiaire la condamnation in solidum de M. et Mme [M] et de M. [R] à lui rembourser à hauteur de 50 % ou de tout pourcentage qui sera retenu par la cour la provision de 20 000 euros qu’elle a versée ainsi que les sommes de 4 241,03 euros et de 341 368,59 euros payées en exécution de l’ordonnance de référé du 6 juillet 2017.
Sur ce, il résulte des pièces médicales versées aux débats, notamment du certificat médical établi le 25 janvier 2017, de l’expertise amiable réalisée le 9 mars 2017 par le Docteur [X] à la demande de la société ACM et du certificat médical d’invalidité établi par un médecin coréen le 27 mai 2019, que Mme [M] a présenté à la suite de l’accident du 22 janvier 2017 des lésions cérébrales hémorragiques multiples ayant nécessité son hospitalisation à l’hôpital [9] puis au Centre hospitalier [12], qu’elle conservait à la date de l’examen du Docteur [X] un état de conscience perturbé avec un score de glasgow entre 8 et 9, une tétraparésie ou une tétraplégie et qu’elle était nourrie par sonde gastrique, qu’elle a été rapatriée en Corée du Sud et conserve comme séquelles une tétraplégie nécessitant qu’elle soit aidée dans tous les actes de la vie quotidienne.
Compte tenu de la nature et de l’importance des conséquences dommageables de l’accident, il n’est pas établi que les indemnités dues après partage de responsabilité excèdent le montant des provisions versées, étant observé que M. et Mme [M] n’ont pas sollicité la liquidation de leurs préjudices.
Les demandes de remboursement de la société ACM seront en conséquence rejetée, tant en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de M. et Mme [M] qu’à l’encontre de M. [R] auquel elle doit sa garantie.
Le jugement sera confirmé, sauf à ajouter que la société ACM sera débouté de ses demandes de remboursement formées tant à l’encontre de Mme [U] [T] [M] et M. [F] [K] [M] qu’à l’encontre de M. [P] [R].
Sur les demandes annexes
Il n’y a pas lieu de déclarer le présent commun au Groupe Hospitalier Universitaire [Localité 5] Psychiatrie et Neurosciences venu aux droits du Centre hospitalier [12] Centre hospitalier [12], qui est en la cause.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.
M. [R] et la société ACM qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des dépens d’appel avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer en application de l’article 700 du code de procédure à M. et Mme [M] une indemnité de 2 500 euros, au Groupe Hospitalier Universitaire [Localité 5] Psychiatrie et Neurosciences une indemnité de 1 500 euros et à M. [R] celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et de rejeter la demande de la société ACM formulée au même titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
– Infirme le jugement en ce qu’il a :
* déclaré que la société Assurances du crédit mutuel IARD doit être solidairement tenue avec son assuré M. [R],
* condamné solidairement M. [R] et son assureur la société Assurances du crédit mutuel IARD à indemniser à hauteur de 70% Mme [U] [T] [M] et M. [F] [K] [M] de leur préjudice causé par l’accident du 22 janvier 2017,
– Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
– Condamne in solidum M. [P] [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD, dans la limite de son plafond de garantie, à indemniser à hauteur de 70% Mme [U] [T] [M] et M. [F] [K] [M] des préjudices consécutifs à l’accident du 22 janvier 2017,
– Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD à relever et garantir M. [P] [R], dans la limite de son plafond de garantie, des condamnations prononcées à son encontre concernant l’indemnisation des conséquences dommageables de l’accident,
– Déboute la société Assurances du crédit mutuel IARD de ses demandes de remboursement formées à l’encontre de Mme [U] [T] [M], M. [F] [K] [M] et M. [P] [R],
– Condamne in solidum M. [P] [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD à payer, en application de l’article 700 du code de procédure civile, à Mme [U] [T] [M] et M. [F] [K] [M] la somme globale de 2 500 euros et au Groupe Hospitalier Universitaire [Localité 5] Psychiatrie et Neurosciences la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,
– Constate que la cour d’appel de ce siège a par arrêt du 27 janvier 2022 jugé que M. et Mme [M] étaient irrecevables en leur demande tendant à faire condamner solidairement M. [P] [R] et la société Assurances du crédit mutuel IARD à rembourser le Centre hospitalier [12] des prestations de santé arrêtées à la somme de 326 991 euros,
– Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD en application de l’article 700 du code de procédure civile à payer à M. [P] [R] la somme 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– Rejette la demandes de la société Assurances du crédit mutuel IARD au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne la société Assurances du crédit mutuel IARD aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE