Droit des applications mobiles : 8 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07502

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Droit des applications mobiles : 8 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/07502
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N° RG 19/07502 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MVM5

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 01 octobre 2019

RG : 2018j00024

SAS LOCAM

C/

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 08 Juin 2023

APPELANTE :

SAS LOCAM agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIME :

M. [Z] [T]

né le 23 février 1969 à [Localité 7] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 101

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/38208 du 19/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 31 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Avril 2023

Date de mise à disposition : 08 Juin 2023

Audience présidée par Aurore JULLIEN, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Marianne LA-MESTA, conseillère

– Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 juin 2017, M. [T] aurait conclu électroniquement avec la société Location Automobiles Matériels (ci-après « la société Locam) un contrat de location portant sur un site internet et prestation fourni par la SAS One Digital, moyennant le règlement de 48 loyers mensuels de 239 euros HT. Un procès-verbal de livraison et de conformité aurait été signé le même jour.

Par courrier recommandé du 7 novembre 2017 délivré le 15 novembre 2017, la société Locam a mis en demeure M. [T] de lui régler les échéances impayées sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Par acte d’huissier du 18 décembre 2017, la société Locam a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d’obtenir le règlement de la somme principale de 14.827,56 euros.

Par jugement contradictoire du 1er octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

– dit les signatures électroniques du contrat et du procès-verbal de livraison et conformité inopposables à M. [T],

– débouté la société Locam de l’ensemble de ses demandes,

– condamné la société Locam à payer 1.500 euros à Me [R] au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

– dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,

– débouté M. [T] du surplus de ses demandes.

La société Locam a interjeté appel par acte du 31 octobre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 novembre 2020 fondées sur les articles 1103 et suivants, 1232-1, 1366 et 1367 du code civil et le décret n°2001-272 du 30 mars 2001, la société Locam a demandé à la cour de :

– dire bien fondé son appel,

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– condamner M. [T] à lui régler la somme de 14.827,56 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 15 novembre 2017,

– débouter M. [T] de toutes ses demandes,

– le condamner à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [T] en tous les dépens d’instance et d’appel.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 mars 2020 fondées sur l’article 1353 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, M. [T] demande à la cour de :

– confirmer le jugement déféré,

– constater que la société Locam ne rapporte pas la preuve de la rencontre des volontés des parties sur la chose et le prix de la prestation prétendument commandée, de la parfaite connaissance et acceptation, par ce dernier, des conditions générales de location et de la réalité de la livraison du site web et l’acceptation de ce même produit sans réserve par lui,

– constater l’inopposabilité des signatures électroniques du contrat ainsi que du procès-verbal de livraison et de conformité à son égard,

en conséquence,

– débouter la société Locam de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,

y ajoutant,

– condamner la société Locam à payer à Me [R] la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

– condamner la société Locam aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2022, les débats étant fixés au 5 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À l’appui de sa position, la société Locam a fait valoir :

– l’existence d’un contrat formé après apposition de la signature électronique de M. [T], indiquant la qualité de chacune des parties, l’objet du contrat de financement et le nombre de loyers à régler

– la signature d’un procès-verbal de livraison et de conformité qui a entraîné le paiement des objets fournis par la société Locam

– la fourniture d’une autorisation de prélèvement et des coordonnées bancaires de M. [T], et la mise en ‘uvre de trois prélèvements avant la mise en ‘uvre d’une contestation

– sur la validité de la signature électronique, le format spécifique de cette signature, qui est générée par un tiers de confiance, avec la mise en ‘uvre d’une clé de chiffrage, et la fourniture d’un dossier de preuve fourni par la société Almerys, en charge de ce procédé

– la présence de la société Almerys sur la liste nationale de confiance de l’ANSSI et la présomption de fiabilité attachée à la signature électronique

– l’indifférence de l’absence de signature par le fournisseur du procès-verbal de livraison, les conditions générales de location indiquant que seule la signature par le locataire entraîne l’exigibilité du contrat.

Pour sa part, M. [T] fait valoir :

– la distinction entre signature avancée et signature qualifiée, étant rappelé que seule une signature qualifiée est équivalente à une signature manuscrite

– l’absence de certificat indiquant que le certificat a été délivré comme certificat qualifié de signature électronique, l’absence du numéro d’immatriculation de la personne morale, des précisions sur le début et la fin de la période de validité du certificat, l’endroit où peut être obtenu gratuitement le certificat sur lequel repose la signature électronique avancée et pour connaître le statut de validité du certificat qualifié

– l’identification de M. [T] par sa seule adresse de courriel et son numéro de téléphone, données à portée de tous

– l’absence de certificat électronique

– l’inexistence du contrat en l’absence de rencontre de la volonté des parties.

A cet égard, l’article 287 du code de procédure civile dispose que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.

Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions posées par les articles 1366 et 1367 du code civil relativement à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites.

Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée, la personne dont il émane, et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’état d’intégrité.

L’article 1367 alinéa 2 du code civil prévoit quant à lui que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat.

L’article premier du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement ».

Il résulte des dispositions de l’article 26 du règlement précité qu’une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :

– être liée au signataire de manière univoque,

– permettre d’identifier le signataire,

– avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif,

– être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.

En l’espèce, la société Locam verse aux débats :

– la copie d’un contrat de location financière entre la société Locam et M. [T] concernant la fourniture d’une application par la société DSL Communication moyennant le versement de 49 loyers, en marge duquel figure l’indication dactylographiée « signé par [Z] [T] 4a3dc4716a1c44c8914523fa5ce4b9, ainsi qu’un document précisant par la suite une absence de toute modification électronique du document , avec indication de la signature en verticale sur la partie droite le 30 juin 2017 à 12h02

– la copie d’un procès-verbal de livraison et de conformité du matériel concernant la fourniture d’une application mobile comportant la mention signé par [Z] [T] le 30 juin 2017 à 12h08 dans la partie verticale à droite du document, ainsi qu’une clé d’identification unique 371278060d0e4faa96e88697db94ff26

– les dossiers de preuves concernant ce contrat et ce procès-verbal de livraison litigieux, tous deux créés par la société Almerys, prestataire de service de gestion de preuve via le service Adobe Approved Trust List (AATL).

Les documents émis par la société Almerys permettent de déterminer que les documents ont fait l’objet de signatures électroniques aux dates indiquées, avec des clés de cryptage unique, avec un renvoi au numéro de téléphone de M. [T] à savoir le [XXXXXXXX01], la date de naissance de celui-ci mais aussi l’indication de son adresse mail, [Courriel 6], ce pour les deux documents, et les documents précisent qu’aucune modification n’est intervenue depuis la signature, étant relevé que cette adresse de courriel renvoie à l’intitulé du nom de la société de l’intimé.

Il convient de relever que la société Almerys n’indique pas qu’il s’agit de signatures électroniques avancées, fondées sur un certificat qualifié et résultant d’un dispositif sécurisé de création de signature électronique. De son côté, la société Locam ne justifie pas que la société Almerys a été reconnue comme prestataire qualifié de services de certification électronique.

Il ne peut d’ailleurs qu’être constaté que les documents fournis par la société Almerys ne précisent ni le lien entre le signataire et les données de vérification de signature électronique, ni les garanties attachées aux données de création de la signature, ni les modalités d’accès au certificat de conformité sur lequel repose la signature électronique, alors qu’il s’agit d’exigences auxquelles doit répondre la signature électronique qualifiée.

Dès lors, faute de démontrer qu’elle a utilisé un certificat qualifié de signature électronique, la société Locam ne peut prétendre au bénéfice de la présomption de fiabilité de la signature électronique prévue par l’article 1367 alinéa 2 du code civil précité et doit donc rapporter la preuve, par tous moyens, de l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature alléguée avec l’acte auquel elle s’attache.

Sur ce point, il y a lieu d’observer que dans les deux dossiers de preuve, l’auteur de la signature électronique est identifié par la seule référence à une boîte aux lettres électronique et à un numéro de mobile, ce qui apparaît insuffisant pour authentifier les signatures sur le contrat et le procès-verbal de livraison.

En effet, les documents délivrés par la société Almerys ne relatent pas les conditions dans lesquelles le signataire a validé l’opération via un mode sécurisé, au moyen par exemple de l’envoi d’un mot de passe à usage unique précédemment transmis au moyen d’un SMS ou encore d’une connexion à un serveur sécurisé sur son ordinateur attestée par une société de services de certification électronique.

En outre, la date de création du fichier de preuve n’est pas précisée, ce qui ne permet pas de savoir si elle est intervenue rapidement après la signature des actes litigieux.

Ces carences dans la preuve de la signature électronique n’interdisent toutefois pas à la société Locam de compléter, par des éléments extrinsèques, les indices qui résultent des fichiers de preuve.

Ainsi, il doit être relevé qu’en la présente instance, la société Locam communique la copie de la facture adressée par la société DSL Communication s’agissant de la facturation de la prestation de M. [T], ainsi qu’une copie de la facture unique de loyers adressée à M. [T].

Enfin, il doit être relevé que M. [T] a réglé la première échéance, exécutant dès lors le contrat dont il dénie toute signature, n’expliquant pas de quelle manière la société Locam a pu être mise en possession des éléments concernant l’autorisation de prélèvement et son numéro de compte.

En payant volontairement cette échéance, M. [T] a exécuté le contrat querellé.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, il sera retenu que la société Locam rapporte l’existence d’un lien d’obligation créé entre elle-même et M. [T] au titre du contrat.

Dès lors, M. [T] se devait d’exécuter ses engagements contractuels au profit de la société Locam.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision déférée et de faire droit aux demandes en paiement de la société Locam.

Ainsi, M. [T] sera condamné à payer à la société Locam la somme de 14.827,56 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 novembre 2017.

Sur les demandes accessoires

Il convient d’infirmer la décision déférée en ce qu’elle avait fait droit aux demandes en la matière de M. [T].

M. [T] échouant en ses prétentions, il sera condamné à supporter les dépens de l’ensemble de la procédure qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

L’équité ne commandant pas d’accorder à la société Locam ou à M. [T] une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les demandes présentées seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel

Infirme la décision déférée dans son intégralité

Statuant à nouveau

Condamne M. [Z] [T] à payer à la SAS Locam la somme de 14.827,56 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 15 novembre 2017,

Condamne M. [Z] [T] à supporter les dépens de l’intégralité de la procédure qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,

Déboute la SAS Locam de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [Z] [T] de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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