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N° RG 19/04168 – N° Portalis DBVM-V-B7D-KGIS
MPB
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Carole GIACOMINI
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 04 JUIN 2020
Appel d’une ordonnance (N° RG 2019R100 )
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS-SUR-ISERE
en date du 30 septembre 2019
suivant déclaration d’appel du 14 Octobre 2019
APPELANTE :
SAS KNAPPE COMPOSITES,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, inscrite au RCS sous le numéro B 445 195 142
[Adresse 5]
[Adresse 3]
représentée par Me Carole GIACOMINI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
SA BNP PARIBAS
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, inscrite au RCS sous le numéro B 662 042 449
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Patricia GONZALEZ, Présidente,
Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,
Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Février 2020 Patricia Gonzalez, Présidente, en présence de Marie-Pascale Blanchard, conseillère, entendue en son rapport, et Lionel Bruno, conseiller , assistés de Caroline Bertolo, greffière
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
L’affaire a été mise en délibéré au 02 avril 2020, puis le délibéré a été prorogé à la date de ce jour en raison de l’état d’urgence sanitaire.
——0——
EXPOSE DU LITIGE :
La société Knappe Composites produit des membranes de filtration de l’eau et a noué des relations commerciales avec la société iranienne Tehran Pender Industry (Pender).
Dans le cadre du droit au compte, la Banque de France a désigné la société Bnp Paribas, prise en son agence de [Localité 4], pour lui ouvrir un compte professionnel.
Sur injonction sous astreinte du juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date du 12 mai 2017, la société Bnp Paribas a procédé à l’ouverture de ce compte le 15 mai 2017.
Par lettre recommandée du 14 février 2018, la Bnp Paribas a notifié à la société Knappe Composites sa décision de clôturer ce compte.
Par jugement du 30 mai 2018, confirmé par arrêt de cette cour du 6 décembre 2018, le tribunal de commerce a ordonné sous peine d’astreinte, le maintien du compte de dépôt ouvert au nom de la société Knappe Composites et de son fonctionnement, conformément aux dispositions des articles D.312-5 ainsi que L.133-17 et suivants du code monétaire et financier.
Au début du mois de mai 2019, la Bnp Paribas a été destinataire d’un virement en faveur de la société Knappe Composites d’une somme de 91.006, 37 € émis par une société Tabarak Investment Capital au travers de la National Bank of Abu Dhabi.
Le 21 août 2019, la Bnp Paribas a notifié à la société Knappe Composites la clôture à effet immédiat de son compte bancaire.
Sur saisine de la société Knappe Composites et par ordonnance du 16 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a :
– ordonné le maintien en fonctionnement par la Bnp Paribas du compte bancaire de la société Knappe Composites, sous astreinte de 20.000 € par jour à compter de la signification de la décision ;
– renvoyé les parties à mieux se pourvoir devant les juges du fond sur la régularité des opérations se rapportant au paiement de la somme de
91.006, 37€ ;
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis les dépens à la charge de la Bnp Paribas.
Cette décision a été signifiée à la Bnp Paribas par acte d’huissier du 17 septembre 2019.
Estimant se heurter au refus de la Bnp Paribas de se conformer à l’injonction qui lui était faite et notamment de lui assurer l’ensemble des services bancaires de base, la société Knappe Composites a de nouveau assigné l’établissement bancaire devant le juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère par acte d’huissier du 20 septembre 2019 aux fins de voir relever le montant de l’astreinte encourue à la somme de 1.000.000 €.
Par ordonnance du 30 septembre 2019, cette juridiction a :
– dit qu’il n’est pas établi à ce jour l’existence d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite ;
– débouté la société Knappe Composites de l’ensemble de ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– mis les dépens à la charge de la société Knappe Composites.
Suivant déclaration au greffe du 14 octobre 2019, la société Knappe Composites a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions notifiées le 29 janvier 2020, la société Knappe Composites demande à la cour de :
– ordonner, à titre de mesure conservatoire, la réouverture et le maintien en fonctionnement par la Bnp Paribas du compte de la société Knappe Composites conformément à la décision de la Banque de France, et aux décisions judiciaires précédentes, et l’octroi de tous les services bancaires de base énumérés aux articles D.312-5, 1° à 8°, et D.312-5-1 du code monétaire et financier, dont le retrait d’espèces au guichet de l’agence de [Localité 4], l’accès à ses comptes en ligne, et la possibilité d’effectuer des virements par le site internet de la banque ou son application mobile, jusqu’à ce que le juge du fond statue sur ce point, sous astreinte de 1.000.000 € par jour de retard, à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, voire une somme plus importante si la juridiction l’estime plus dissuasive ;
– débouter la Bnp Paribas de l’ensemble de ses moyens, fins et demandes, de toute nature ;
– condamner la Bnp Paribas d’avoir à payer à la société Knappe Composites la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance, outre la somme de 6.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d’appel ;
– condamner la Bnp Paribas aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que la Bnp Paribas n’a pas exécuté l’ordonnance de référé et s’y est même expressément opposée sur l’interpellation d’un huissier de justice, et qu’il s’agit d’une circonstance nouvelle au regard de l’article 488 du code de procédure civile.
Elle soutient que son compte bancaire n’a été remis en fonctionnement que le 26 septembre 2019, sans que tous les services de base associés ne lui soient accessibles.
Elle indique qu’elle n’a récupéré l’usage d’une carte bancaire que le 1er octobre suivant, que le code d’accès à distance de son compte ne lui a été communiqué que le 30 octobre, qu’elle ne dispose pas de la faculté d’effectuer des virements à distance, ni des retraits au guichet, ni encore de procéder à des paiement ou des retraits avec sa carte bancaire sur le territoire de l’Union Européenne.
Elle conteste la réalité des contraintes techniques invoquées par la banque, comme ses contestations portant sur la détermination du périmètre des services bancaires de base dus au titre du droit au compte et au regard des propres conditions générales de la Bnp Paribas.
Elle estime que la clôture du compte bancaire de la société Knappe Composites par la Bnp Paribas le 21 août 2019 et l’absence de rétablissement complet des services bancaires de base entraîne pour elle un dommage imminent et constitue un trouble manifestement illicite.
Au terme de ses écritures notifiées le 3 janvier 2020, la Bnp Paribas entend voir:
– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions ;
– débouter la société Knappe Composites de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent ;
– condamner la société Knappe Composites au paiement au profit de Bnp Paribas d’une indemnité de 10.000 € pour procédure abusive et 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
La banque considère que le compte bancaire fonctionnant à nouveau depuis le 23 septembre 2019, l’appel est dépourvu d’objet, comme la demande visant à voir relever le montant de l’astreinte.
La société Bnp Paribas soutient que :
– le rétablissement du compte a nécessité quelques délais, mais qu’elle ne s’est pas soustrait à ses obligations ;
– les services bancaires réclamés par la société Knappe Composites au delà de ceux déjà restaurés ne sont pas des services bancaires de base.
La clôture de la procédure est intervenue le 30 janvier 2020.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°) sur la mesure conservatoire de réouverture et de maintien en fonctionnement du compte de la société Knappe Composites :
Par ordonnance du 16 septembre 2019 confirmée par arrêt de cette cour du 13 février 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a ordonné le maintien en fonctionnement par la Bnp Paribas du compte bancaire de la société Knappe Composites, sous astreinte de 20.000 € par jour à compter de la signification de la décision.
En l’état de cette décision, la demande expressément réitérée par la société Knappe Composites apparaît donc sans objet et, sauf à rejuger ce qui l’a déjà été, doit s’analyser comme une simple demande d’augmentation de l’astreinte initialement fixée à 20.000 euros par jour de retard.
2°) sur l’augmentation de l’astreinte :
Le compte bancaire de la société Knappe Composites ayant été ouvert auprès de la Bnp Paribas dans le cadre du droit au compte énoncé par l’article L.312-1 du code monétaire et financier, elle ne peut prétendre qu’au maintien des services bancaires listés par les articles D.312-5 et D.312-5-1 du même code dans leur rédaction issue du décret n°2018-229 du 30 mars 2018.
Il est admis qu’au jour où la cour statue, un compte bancaire a été ouvert et mis en fonctionnement, que la société Knappe Composites s’est vue remettre une nouvelle carte bancaire et que son code d’accès à distance lui a été délivré.
Le juge des référés ne s’étant pas réservé le contentieux de la liquidation de l’astreinte, le débat relatif aux dates et délais avec lesquels ces différents services ont pu être restaurés est indifférent, la question étant d’apprécier si la Bnp Paribas s’est ou non conformée à l’injonction prononcée à son encontre et dans la négative si pour l’y contraindre, il est nécessaire, et dans quelle mesure, d’augmenter le taux de l’astreinte.
La société Knappe Composites fait grief à l’établissement bancaire de ne pas lui fournir les services de base suivants :
* virements à distance ;
* retraits au guichet ;
* paiements et retraits par carte bancaire sur tout le territoire de l’Union Européenne.
L’article D.312-5 du code monétaire et financier prévoit au titre des prestations bancaires de base, notamment:
– les paiements par prélèvement Sepa, titre interbancaire de paiement Sepa ou virement bancaire Sepa, ce dernier pouvant être réalisé aux guichets ou à distance ;
– les dépôts et retraits d’espèces au guichet ou aux distributeurs automatiques de l’organisme teneur de compte ;
– une carte de paiement permettant notamment le paiement d’opérations sur internet et le retrait d’espèces dans l’Union Européenne.
Concernant le service des virements bancaires, l’emploi de la conjonction de coordination « ou » ne saurait être considérée comme excluant l’une ou l’autre modalité d’exécution du virement, alors qu’il ne l’est pas plus entre les différents procédés de paiement.
Pour autant, le texte ne fournit pas de modalités précises à leur réalisation à distance et il est donc loisible à l’établissement teneur de compte de choisir celles qu’il entend mettre à la disposition de ses clients.
De la même manière, l’article D.312-5 du code monétaire et financier se contente de décrire les prestations minimales dues au titre du droit au compte, sans fournir de précisions sur leurs modalités d’application ce qui n’interdit pas aux établissements bancaires, au travers de conventions de compte, d’encadrer l’usage de ces prestations et de fixer des conditions à leur utilisation, de la même manière qu’ils le font à l’égard de tous leurs clients habituels.
Ainsi, le fait que le service de caisse permettant des retraits ne soit pas disponible dans toutes ses agences, comme le plafonnement de l’utilisation de la carte de paiement pour effectuer des retraits dans les autres pays de l’Union Européenne ne constituent pas des infractions au droit au compte.
Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la société Knappe Composites, l’article D.312-5-10° n’impose pas la fourniture d’une carte permettant les paiements dans l’Union Européenne, mais évoque la simple faculté de retrait d’espèces.
Le seul défaut de mise à disposition de la possibilité de réaliser des virements à distance ne justifie pas une augmentation en référé du montant journalier de l’astreinte à hauteur de 1.000.000 € et la décision de première instance sera confirmée en ce qu’elle a rejeté les prétentions de la société Knappe Composites.
L’intégralité des prestations bancaires de base n’ayant pas été mises en service par la Bnp Paribas, cette dernière sera déboutée de ses demandes indemnitaires présentées au titre d’un abus de procédure.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date du 30 septembre 2019 ;
Y ajoutant ;
DEBOUTE la SA Bnp Paribas de sa demande de dommages-intérêts ;
REJETTE les demandes réciproques en condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sas Knappe Composites aux dépens de son appel.
SIGNE par Mme GONZALEZ, Président et par Mme RICHET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GreffierLe Président