Droit des applications mobiles : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00050

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Droit des applications mobiles : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/00050
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/00050 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UHUT

AFFAIRE :

S.A.S VIALAUDIS

C/

SAS METEOCONSULT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2020 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 4

N° RG : 2019F00032

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Nicolas RANDRIAMARO

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. VIALAUDIS

Immatriculée au RCS de Grasse sous le n° 529 239 352

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentant : Me Nicolas RANDRIAMARO de la SELARL RD ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 339 – N° du dossier VM19093

Représentant : Me Paul NICOUD, Plaidant, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 190

APPELANTE

****************

S.A.S. METEOCONSULT

Immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 347 613 879

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 625 – N° du dossier 2165095

Représentant : Me Séverine GUYOT de la SCP LYONNET DU MOUTIER – VANCHET-LAHANQUE – GUYOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0190

INTIMEE

***************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Avril 2022, Madame Véronique MULLER, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT

EXPOSE DU LITIGE

La société Vialaudis est spécialisée dans le développement et l’exploitation de sites internet. En septembre 2012, elle a créé et mis en ligne un guide des plages du littoral français accessible sur son site www.plages.tv. (Ci-après site plages.tv). Ce guide met à disposition des internautes des renseignements pratiques concernant les différentes plages.

La société Meteoconsult est une société d’études météorologiques qui met à disposition des internautes plusieurs sites internet présentant des prévisions météorologiques en France et dans le monde, mais également des prévisions météorologiques pour les plages qu’elle répertorie.

Affirmant que la société Meteoconsult a repris à son compte et sans son accord des données figurant sur son site, à savoir son répertoire des lieux de baignade et les localisations précises de ces lieux (= coordonnées GPS et noms de plages identiques à ceux mentionnés sur le site plages.tv), la société Vialaudis a introduit la présente instance.

Par acte du 10 janvier 2019, la société Vialaudis a assigné la société Meteoconsult devant le tribunal de commerce de Versailles aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 2 millions d’euros de dommages et intérêts au titre de la réparation de son comportement parasitaire.

Par jugement du 11 décembre 2020, le tribunal de commerce de Versailles a :

– Débouté la société Vialaudis de l’ensemble de ses demandes ;

– Débouté la société Meteoconsult de sa demande de dommages et intérêts ;

– Condamné la société Vialaudis à payer à la société Meteoconsult la somme de 12.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire ;

– Condamné la société Vialaudis aux dépens.

Par déclaration du 5 janvier 2021, la société Vialaudis a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2021, la société Vialaudis demande à la cour de :

– Infirmer le jugement du 11 décembre 2020 en ce qu’il a :

– Débouté la société Vialaudis de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamné la société Vialaudis à payer à la société Meteoconsult la somme de 12.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Ordonné l’exécution provisoire ;

– Condamné la société Vialaudis aux dépens;

Et, statuant à nouveau :

– Déclarer la société Vialaudis recevable et bien fondée ;

– Dire et juger que la société Meteoconsult a eu un comportement parasitaire en reprenant, sans autorisation, en violation de l’interdiction stipulée aux conditions générales d’utilisation de plages.tv et sans bourse délier, le contenu de plages.tv, fruit des investissements de la société Vialaudis ;

En conséquence,

– Ordonner à la société Meteoconsult, sous astreinte de 3.936 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir, de cesser d’utiliser les données de plages.tv, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit et sous quelque forme que ce soit, notamment sur www.meteoconsult.fr, http://marine.meteoconsult.fr/, www.lachainemeteo.com, www.lachainemeteo.be, www.lachainemeteo.ch, www.lachainemeteo.ca, www.meteoconsult.it, www.meteoconsult.es, www.weathercrave.com, www.weathercrave.co.uk, www.weathercrave.ca et les applications mobiles La chaîne meteo (Android et iOS) et Meteo Consult (Android iOS) ;

– Condamner la société Meteoconsult au paiement à la société Vialaudis de la somme de 3 millions d’euros de dommages-intérêts au titre de la réparation de son comportement parasitaire lui ayant causé un préjudice tant financier que moral, sous astreinte de 3.936 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir ;

– Ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir en haut des pages d’accueil de www.meteoconsult.fr,http://marine.meteoconsult.fr/, http://marine.meteoconsult.fr/meteo-marine/previsions-meteo-plages.php, www.lachainemeteo.com, www.lachainemeteo.be, www.lachainemeteo.ch, www.lachainemeteo.ca, www.meteoconsult.it, www.meteoconsult.es, www.weathercrave.com, www.weathercrave.co.uk et www.weathercrave.ca et ce sous astreinte de 500 euros par site internet et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– Ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir en haut de la page d’accueil des applications mobiles de la société Meteoconsult dont La chaîne meteo (Android et iOS) et Meteo Consult(Android et iOS) et ce sous astreinte de 500 euros par application et par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

– Ordonner la publication du dispositif de l’arrêt à intervenir dans trois magazines ou sites internet au choix de la société Vialaudis aux frais de la société Meteoconsult, dans la limite de 10.000 euros hors taxes par publication ;

– Condamner la société Meteoconsult au paiement à la société Vialaudis de la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par dernières conclusions notifiées le 16 février 2022, la société Meteoconsult demande à la cour de :

– Confirmer le jugement du 11 décembre 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Meteoconsult de sa demande d’allocation de dommages et intérêts d’un montant de 5.000 euros pour procédure abusive ;

– Débouter la société Vialaudis de l’ensemble de ses demandes ;

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Meteoconsult de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

– Condamner la société Vialaudis à la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au profit de la société Meteoconsult ;

Y ajoutant,

– Condamner la société Vialaudis à la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société Meteoconsult au titre de la procédure d’appel ;

– Condamner la société Vialaudis aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 mars 2022.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure

civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur le fondement juridique de la demande formée par la société Vialaudis

La société Vialaudis fonde ses demandes sur la responsabilité quasi-délictuelle de la société Meteoconsult au titre du parasitisme. Elle soutient que l’action sur le fondement des agissements parasitaires est indépendante de celle fondée sur le droit sui generis des bases de données, de sorte qu’elle est parfaitement recevable à exercer son action sur le seul fondement du parasitisme, ce qui est conforme au texte de l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle qui évoque une protection ‘indépendante’ s’agissant du droit des bases de données. Elle ajoute qu’à tout le moins, si les conditions de la protection spécifique des bases de données ne sont pas réunies (investissement substantiel), le producteur d’une base de données peut agir sur le fondement du parasitisme s’il démontre l’existence d’un investissement.

La société Meteoconsult soutient que le litige portant sur une base de données, c’est le droit sui generis applicable à ces bases de données qui est seul applicable. Elle ajoute que la base de données est uniquement protégée sur ce fondement si la constitution, la vérification ou la présentation de son contenu atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Elle soutient qu’à défaut d’un tel investissement substantiel, et si les faits reprochés sont identiques, la protection est impossible sur le fondement du droit commun (responsabilité quasi-délictuelle). Elle soutient qu’à défaut d’évoquer des faits distincts (de ceux permettant d’obtenir la protection d’une base de données), l’action en concurrence déloyale exercée par la société Vialaudis n’est pas recevable.

****

Il résulte de l’article L.341-1 du code de la propriété intellectuelle que le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. Cette protection est indépendante et s’exerce sans préjudice de celles résultant du droit d’auteur ou d’un autre droit sur la base de données ou un de ses éléments constitutifs.

Il résulte de l’article L.342-1 du même code que le producteur de bases de données a le droit d’interdire : 1° L’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit ; 2° La réutilisation, par la mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base, quelle qu’en soit la forme.

Il résulte des dispositions qui précèdent que la protection de la base de données est indépendante d’autres protections, de sorte que lorsque ses conditions ne sont pas réunies, et notamment lorsque le producteur ne justifie pas d’un investissement substantiel, il peut agir sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle. La société Vialaudis n’invoquant pas un tel investissement ‘substantiel’, elle est fondée à agir sur le fondement du parasitisme.

2 – sur les actes de parasitisme imputés à la société Meteoconsult

La société Vialaudis fait valoir qu’elle a effectué des investissements importants pour la conception de son site Plages.Tv, en sélectionnant les lieux de baignade et collectant toutes les informations utiles. Elle reproche à la société Meteoconsult d’avoir repris le fruit de ces investissements sans bourse délier, par des manoeuvres frauduleuses et en violation des conditions d’utilisation de son site. Elle précise la méthode qu’elle utilise pour le recensement des plages, à partir de cartes, mais également de transport et vérification sur place, y compris par le biais de prestataires extérieurs, ce qui implique un coût important qu’elle estime à 35.454 euros pour les 1973 plages également répertoriées sur le site Meteoconsult, auquel s’ajoute un coût de 263.927 euros au titre du temps passé, soit un investissement total de 299.381 euros.

Elle soutient que la société Meteoconsult a repris à l’identique les lieux de baignade qu’elle avait répertoriés (reprise de 1973 sites sur 2151 répertoriés), notamment leurs noms (copie à l’identique, y compris majuscules, accents et éventuelles fautes de frappes), cette reprise s’étant opérée sur plusieurs sites appartenant à Meteoconsult (‘Météo Marine’, ‘chaine météo’, et autres sites météo étrangers). Elle soutient également que la société Meteoconsult a, d’une part repris les codes postaux affichés sur son site, y compris lorsque ces codes sont inexistants, d’autre part repris les coordonnées GPS des plages (en les modifiant très légèrement par application d’un algorithme, afin de masquer le caractère flagrant de la copie), y compris lorsque ces coordonnées étaient erronées. Elle rappelle qu’antérieurement à la reprise de ses données par Meteoconsult, cette dernière ne répertoriait que 300 plages environ (en 2004), alors qu’elle en répertorie désormais 1973 (depuis la création du site Plages.tv en 2012). Elle précise que sur ces 300 ‘plages’, seules 164 correspondent effectivement à des plages (les autres lieux sont des communes ou des lieu-dits), et observe que postérieurement à la mise en ligne de son site plages.tv, la société Meteoconsult a modifié toutes les dénominations et coordonnées GPS des 164 plages qu’elle répertoriait, les nouvelles dénominations et coordonnées correspondant à l’identique à celles qu’elle utilise, ce qui démontre une utilisation frauduleuse des informations collectées.

La société Meteoconsult relève l’absence de tout lien entre, d’une part le site plages.TV dont l’objet est de donner des informations pratiques sur les lieux de baignade, d’autre part ses propres sites qui ont pour objet des informations exclusivement météorologiques. Elle précise qu’elle répertoriait des plages dès 2004 sur son site ‘meteo.consult’, et dès 2009 sur ‘lachainemeteo’. Elle indique que le nom des plages et les coordonnées GPS sont dans le domaine public et qu’ils ne sont pas susceptibles d’appropriation. Elle soutient qu’elle utilisait, avant la société Vialaudis, le nom de certaines plages. S’agissant des coordonnées GPS, elle fait observer que les coordonnées qu’elle utilise, outre qu’elles relèvent du domaine public, ne sont pas identiques à celles de la société Vialaudis. Elle soutient que la note d’étude relative au calcul des points GPS, telle que produite par la société Vialaudis, n’est ni contradictoire, ni sérieuse, de sorte qu’elle ne peut démontrer aucune ‘dissimulation’ d’une reprise des points GPS. Elle ajoute que la société Vialaudis ne démontre pas l’atteinte prétendue aux conditions générales d’utilisation de son site.

****

Le parasitisme est l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de ses investissements ou de son savoir-faire.

La société Vialaudis expose qu’elle a effectué de très importants investissements pour la réalisation de son site Plages.tv, reprochant à la société Meteoconsult d’avoir repris deux éléments importants de ce site, à savoir d’une part le nom des plages, d’autre part les coordonnées GPS de ces plages.

Avant d’examiner successivement l’éventuelle reprise du nom des plages et des coordonnées GPS pour déterminer si la société Meteoconsult a agi de manière déloyale, la cour observe à titre préliminaire, ainsi que le relève cette dernière, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les sites de ces deux sociétés, dont l’objet même est très éloigné. En effet, les sites de la société Meteoconsult, relatifs aux plages, ont pour objet unique de fournir des informations météorologiques, alors que le site Plages.Tv, beaucoup plus complet, a pour objet de fournir des informations très détaillées sur chacune des plages répertoriées, à savoir plan d’accès, photos, avis de la rédaction, caractéristiques de la plage (sable/galets, environnement urbain ou non…), aménagements (douche, restauration, location de matériel…).

2-1- sur la reprise, par la société Meteoconsult, des noms de plage répertoriés par la société Vialaudis

Il ressort du rapport d’expertise Celog du 17 août 2016, commandé par la société Vialaudis, que le site Plages.TV répertorie 2151 plages sur le littoral français, dont 1953 sont reprises, avec une dénomination identique, sur le site Meteoconsult. Ce premier constat n’est toutefois pas surprenant dès lors que les noms de plages correspondent à des points géographiques, répertoriés sur des cartes, notamment établies par l’institut géographique national (IGN). Il n’est dès lors pas anormal que les noms de plage utilisés par les sites des sociétés Vialaudis et Meteoconsult soient identiques.

La société Vialaudis fait toutefois valoir que certains noms de plage lui sont uniques, soit parce qu’elle a regroupé plusieurs noms en un seul, soit parce qu’elle a créé certains noms, soit parce que le nom utilisé comporte une coquille. Elle observe que ces noms uniques sont repris à l’identique par la société Meteoconsult, ce qui caractérise un agissement déloyal de cette dernière.

Il appartient à la société Vialaudis, qui invoque une reprise à l’identique des noms de plages utilisés sur son site, caractérisant des agissements déloyaux de la société Meteoconsult, d’apporter la preuve de ces reprises.

La société Vialaudis fait valoir que la société Meteoconsult a repris à l’identique :

– sur ses sites ‘meteoconsult’ et ‘lachainemeteo.com’ : 20 noms de plage qui lui sont spécifiques,

– sur l’application mobile ‘la chaine meteo’ : 34 noms de plage qui lui sont spécifiques (dont 7 noms identiques aux sites précités, de sorte que la reprise porte en réalité sur 27 noms de plage).

La société Vialaudis soutient qu’il ne s’agit que d’une sélection et qu’il ‘existe bien d’autres lieux de baignade spécifiques et uniques à Plages.TV’.

Faute pour la société Vialaudis d’apporter la preuve qui lui incombe d’autres lieux de baignade dont la dénomination lui soit unique, la cour constate qu’elle justifie uniquement de 47 noms de plages qui lui seraient spécifiques sur les 1953 noms de plages répertoriés sur les sites de la société Meteoconsult, la cour considérant que les autres noms de plage sont, à défaut de preuve contraire, des noms relevant du domaine public, de sorte que leur reprise sur les sites de la société Meteoconsult ne peut constituer des faits de parasitisme.

Il convient d’examiner successivement les reprises de noms de plage que la société Vialaudis considère comme lui étant spécifiques afin d’établir si ces reprises peuvent constituer des faits de parasitisme.

* sur les 20 noms de plage repris sur les sites ‘meteoconsult’ et ‘lachainemeteo.com’

Les 20 noms de plage qui auraient été repris à l’identique par la société Meteoconsult correspondent en réalité à 4 noms de plage mal orthographiés, 4 noms de plage correspondant à des regroupements, et 12 noms qui auraient été créés par la société Vialaudis.

S’agissant des 4 noms de plage mal orthographiés par la société Vialaudis et repris à l’identique par la société Meteoconsult, il n’est pas justifié d’un investissement particulier de la société Vialaudis pour compiler une liste de noms du domaine public, au surplus avec une orthographe erronée, ni surtout que la société Meteoconsult ait pu tirer un quelconque profit de ces erreurs, de sorte qu’aucun fait de parasitisme ne peut être retenu à ce titre.

S’agissant de même des 4 noms de plage correspondant à des regroupements de plage, repris à l’identique par la société Meteoconsult, il n’est pas démontré que le choix de regroupement de plages – dont les noms individuels appartiennent au domaine public – nécessite un investissement particulier dont la société Meteoconsult ait pu tirer un quelconque profit.

Il apparaît dès lors que les seuls noms de plage, créés par la société Vialaudis (constat d’huissier attestant de l’absence de ces noms sur tout site internet avant la création par la société Vialaudis) et repris à l’identique par la société Meteoconsult, seraient au nombre de 12, si l’on admet toutefois que les noms ainsi créés sont véritablement des créations et qu’ils n’existaient pas antérieurement, ailleurs que sur des sites internet, la cour observant que le seul fait que ces noms de figurent pas sur internet ne signifie pas qu’ils n’existaient pas sur d’autres supports antérieurement. Force est en outre de constater que l’investissement allégué pour la création de ces noms de plage n’est pas démontré. S’il est certain que la société Vialaudis a dû faire face à des coûts importants pour photographier les plages et vérifier sur place leurs caractéristiques et équipements, il n’est justifié d’aucun investissement particulier pour attribuer un nom aux plages répertoriées, la cour observant que ces noms correspondent majoritairement à des appellations géographiques : il en est ainsi de la crique [Localité 8] et de la crique de Saint Féréol situées à proximité de la chapelle ou pointe du même nom, de la crique de [Localité 7] située à proximité de la plage du même nom…

Il est ainsi établi que si la société Vialaudis a créé une douzaine de noms de plage (sur 2151 plages qu’elle a répertoriées), les noms ainsi attribués ne présentent pour la plupart aucune originalité dès lors qu’ils se réfèrent à des appellations géographiques préexistantes, de sorte que ces attributions n’ont nécessité aucun effort ni investissement, leur reprise par la société Meteoconsult ne pouvant dès lors constituer un acte de parasitisme.

* sur les 27 noms de plage repris sur l’application mobile ‘la chaine meteo’

S’agissant des 27 noms de plage que la société Meteoconsult aurait repris à partir du site Plages.tv pour les utiliser sur son application ‘la chaine météo’, la société Vialaudis soutient que cette reproduction a été effectuée le 5 septembre 2017, ainsi que cela ressort de l’historique des modifications de l’application mobile, de sorte que cette reproduction serait nécessairement postérieure à la mise en ligne de son site en 2012.

La société Meteoconsult soutient, d’une part que les noms de plage sont dans le domaine public (noms mentionnés sur des cartes géographiques ou sur des sites internet tels que Google Map), d’autre part qu’elle utilisait certains noms de plage avant que la société Vialaudis ne les utilise.

Elle produit notamment, en pièces 10 et 27, des cartes et extraits du site Google Map tendant à démontrer que les 27 noms de plage dont la société Vialaudis revendique la création sont en fait des noms entrés dans le domaine public.

La société Vialaudis fait valoir que la pièce numéro 10 est constituée d’une carte interdisant la pèche à pied, et qu’elle ne délimite pas une plage. Si cela est exact, il n’en reste pas moins que la dénomination de la plage tire son nom ‘ Poull Ar Mad Dogan’ de la tourelle portant le même nom et située en face de la crique, de sorte que l’appellation n’a rien d’original et qu’elle ne nécessite aucun investissement pouvant être retenu au titre d’un éventuel parasitisme.

La société Meteoconsult produit aux débats des extraits Google Map correspondant à certains noms de plage revendiqués par la société Vialaudis, ce qui tend à établir que ces noms sont en réalité dans le domaine public, outre le fait que la société Vialaudis n’apporte pas la preuve d’une antériorité sur les noms concernés. Le seul fait que la société Meteoconsult ait modifié son application mobile le 5 septembre 2017 ne permet pas d’affirmer une antériorité des noms revendiqués par la société Vialaudis, les versions antérieures de l’application pouvant contenir ces noms.

Si la société Vialaudis apporte – pour les 20 noms de plage figurant sur les sites ‘meteoconsult’ et ‘la chaine météo’ – la preuve de son antériorité sur ces noms, il n’en est pas de même pour les 27 noms dont elle revendique la paternité et qui figurent sur l’application ‘la chaine meteo’. Pour ces 27 noms, la société Vialaudis se contente en effet d’analyser les avis publiés sur Google Maps et leur date, pour conclure – par exemple pour les Rochers de la pointe de Crau de Nao – : ‘il peut être raisonnablement estimé que ce point d’intérêt ”nom de la plage” a été mis en ligne sur Google Maps en 2017, soit deux ans après la sauvegarde ayant date certaine de Plages.TV.’

Une ‘estimation raisonnable’ ne constitue pas une preuve certaine que le nom ‘Rochers de la pointe de Crau de Nao’, de même que les autres noms revendiqués par la société Vialaudis – mais retrouvés sur le site Google Maps – aient été mis en ligne sur l’application ‘la chaîne meteo’ après sa propre mise en ligne du site Plages.tv. La société Vialaudis ne démontre donc pas l’antériorité qu’elle revendique sur ces noms, dont il est au contraire établi qu’ils sont présents sur le site Google Map, justifiant ainsi leur entrée dans le domaine public.

Pour soutenir que les noms de plage ne proviennent pas de données publiques, la société Vialaudis compare encore les données Open Data des villes de [Localité 6] et d'[Localité 5] avec les noms de plage qu’elle a répertoriés sur ces communes, concluant qu’elle répertorie beaucoup plus de plages que ces données Open Data.

S’il est exact que 47 lieux de baignade répertoriés par Vialaudis sur la métropole de [Localité 6] sont absents de l’Open Data de cette ville, ces seules données Open Data sont insuffisantes à démontrer l’absence de données publiques, étant rappelé que les données Google Maps mentionnent le contraire.

Il est ainsi établi, d’une part que la société Vialaudis ne démontre pas disposer d’une antériorité sur les 27 noms de plage qu’elle revendique, d’autre part que de nombreux noms sont dans le domaine public (présence sur Google Maps ou sur d’autres sites – pièce 27 de la société Meteoconsult). A supposer même que la société Vialaudis ait créé certains noms de plage, les noms ainsi attribués ne présentent pour la plupart aucune originalité dès lors qu’ils se réfèrent à des appellations géographiques préexistantes, de sorte que ces attributions n’ont nécessité aucun effort ni investissement, leur reprise par la société Meteoconsult ne pouvant dès lors constituer un acte de parasitisme.

Il n’est ainsi justifié d’aucun acte de parasitisme du fait d’éventuelles reprises de certains noms de plage par la société Meteoconsult.

2-2 – sur la reprise, par la société Meteoconsult, des coordonnées GPS des plages mentionnées sur le site Plages.TV

La société Vialaudis soutient que la société Meteoconsult aurait repris, sur ses sites, les coordonnées GPS de chacun des lieux de baignade qu’elle répertorie et qui sont ‘le fruit d’un travail considérable’. Elle précise que, si les coordonnées affichées sur les sites de la société Meteoconsult sont légèrement différentes des siennes, tout en restant exactes, c’est uniquement car cette dernière a ‘volontairement maquillé’ les données copiées en appliquant un algorithme les modifiant de manière automatique. Elle produit une expertise amiable ayant vérifié et validé l’algorithme qu’elle a elle-même reconstitué, et qui aurait été utilisé par la société Meteoconsult.

La société Meteoconsult conteste toute reprise des coordonnées GPS de la société Vialaudis. Elle fait valoir que ces coordonnées sont une donnée publique facilement accessible qui n’est pas susceptible d’appropriation. Elle ajoute que le raisonnement de la société Vialaudis pour reconstituer le prétendu alogrithme est dépourvu de sérieux, faisant valoir que le prétendu rapport n’est qu’une note d’analyse non contradictoire qui se contente d’expliquer les éléments techniques de la position de la société Vialaudis, sans analyse personnelle de l’expert. Elle ajoute que l’expert a lui-même relevé le caractère compliqué du raisonnement.

****

Il est constant, d’une part que les coordonnées GPS figurant sur les sites de la société Meteoconsult et sur celui de la société Vialaudis sont légèrement différentes, d’autre part que ces coordonnées sont des données publiques aisément accessibles.

La note d’analyse produite par la société Vialaudis vise à établir l’existence d’un algorithme de transformation des coordonnées GPS de Plages.tv permettant de les comparer à celles de Meteoconsult, l’algorithme étant fourni par la société Vialaudis. Si l’expert affirme que plus de 90% des plages figurant dans la liste de référence de la société Vialaudis disposent de coordonnées GPS répondant à la méthode de transformation, rien ne permet d’affirmer que la société Meteoconsult a effectivement utilisé cette méthode. En effet, l’existence d’une fonction mathématique développée par la société Vialaudis pour, à partir de ses propres données, recalculer celles utilisées par la société Meteoconsult ne constitue pas la preuve de l’utilisation de cette méthode par cette dernière.

Le fait que la société Meteoconsult ait modifié, entre les versions 2009 et 2016 de son site, les coordonnées GPS des plages, les dernières étant plus exactes, ne permet pas non plus de démontrer la preuve d’une reprise des données de la société Vialaudis. Enfin, les erreurs de coordonnées GPS, prétendûment reprises à l’identique par la société Meteoconsult, ne sont pas démontrées, la pièce numéro 15 à laquelle il est fait référence correspondant au rapport CELOG et non pas aux photographies géoportail figurant en page 44 des conclusions de la société Vialaudis.

En tout état de cause, la société Vialaudis ne justifie pas de l’investissement allégué pour l’établissement de ces données GPS, dont il n’est pas contesté qu’elles correspondent à des données publiques aisément accessibles. S’il est certain que la société Vialaudis a dû faire face à des coûts importants pour photographier les plages et vérifier sur place leurs caractéristiques et équipements, il n’est justifié d’aucun effort ou investissement spécifiquement dédié à la constitution d’une base de coordonnées GPS des plages.

Les éléments produits par la société Vialaudis sont dès lors impropres à justifier d’une reprise par la société Meteoconsult, après application d’un algorithme, des coordonnées GPS des plages collectées par la société Vialaudis, et il n’est ainsi justifié d’aucun acte de parasitisme commis par la société Meteoconsult.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a constaté l’absence d’actes de parasitisme imputables à la société Meteoconsult, et débouté en conséquence la société Vialaudis de l’ensemble de ses demandes.

3 – sur la demande indemnitaire pour procédure abusive

La société Meteoconsult reprend en appel la demande reconventionnelle dont elle a été déboutée en première instance. Elle invoque la légèreté de la société Vialaudis en ce qu’elle ne peut ignorer que sa base de données n’est pas protégeable, en ce qu’elle n’est pas financièrement transparente, et en ce qu’elle formule des demandes ‘ahurissantes dans le but manifeste d’extorquer des fonds à la société Meteoconsult, sous le prétexte que cette société appartient au groupe Figaro’. Elle ajoute enfin qu’elle a été contrainte d’exposer des frais d’huissier conséquents. Elle sollicite à ce titre paiement d’une somme de 5.000 euros.

La société Vialaudis s’oppose à cette demande, rappelant que ses demandes ne sont pas fondées sur le droit des bases de données, qu’elle est fondée à ne pas communiquer ses bilans à un concurrent qui agit de manière déloyale, et enfin qu’elle ne fait que solliciter réparation de son préjudice.

L’exercice d’une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus qu’à condition, pour celui qui invoque un tel abus, d’en justifier. Ainsi que le fait observer la société Vialaudis, ses demandes ne sont pas fondées sur le droit des bases de données. Le fait qu’elle ne communique pas ses bilans ou qu’elle sollicite des montants élevés au titre de la réparation de son préjudice ne permet pas de caractériser un quelconque abus. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la société Meteoconsult de sa demande reconventionnelle.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Vialaudis qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel.

Au regard des frais irrépétibles déjà alloués en première instance, il n’est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu’elle a dû engager en appel pour faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 11 décembre 2020,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Vialaudis aux dépens de la procédure d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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