Droit des applications mobiles : 22 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03388

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Droit des applications mobiles : 22 juin 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/03388
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C 9

N° RG 21/03388

N° Portalis DBVM-V-B7F-K7VV

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL FDA AVOCATS

Me Emmanuelle MANZONI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 22 JUIN 2023

Appel d’une décision (N° RG 19/00658)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 juillet 2021

suivant déclaration d’appel du 21 juillet 2021

APPELANT :

Monsieur [Y] [E]

né le 11 Octobre 1979 en ISRAEL

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FDA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A. DIGIMIND, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle MANZONI, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 mai 2023,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 22 juin 2023.

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [E], né le 11 octobre 1979, a été embauché le 4 septembre 2018 par la société anonyme (SA) Digimind suivant contrat de travail à durée indéterminée du 29 juin 2018, en qualité de «’product owner’», statut cadre modalité 2, position 2.2, coefficient 130 de la convention collective Syntec.

Le contrat définit une période d’essai de quatre mois renouvelable.

Le 20 décembre 2018, M. [Y] [E] a été reçu par la société Digimind dans le cadre d’un entretien de fin de période d’essai.

A l’issue de l’entretien l’employeur a décidé, avec l’accord de M. [Y] [E], de renouveler la période d’essai jusqu’au’3 avril 2019.

Par courrier en date du 18 janvier 2019, la société Digimind a notifié à M. [Y] [E] la rupture de la période d’essai.

Par courrier avocat en date du 8 avril 2019, M. [Y] [E] a contesté cette rupture.

Par requête en date du 26 juillet 2019, M. [Y] [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble d’une demande de dommages-intérêts au titre d’une rupture abusive de la période d’essai, estimant qu’elle n’était pas liée à ses compétences professionnelles ni à sa capacité à occuper son poste mais qu’elle résultait de difficultés économiques.

Par jugement en date du 8 juillet 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

Dit que la rupture de la période d’essai est justifiée,

Débouté M. [Y] [E] de l’ensemble de ses demandes,

Débouté la SA Digimind de sa demande reconventionnelle,

Condamné M. [Y] [E] aux dépens.

Le conseil de prud’hommes a notamment retenu que la rupture de la période d’essai était justifiée au regard du poste occupé et du problème soulevé par un client, et que M. [Y] [E] n’apportait pas la preuve que la rupture de la période d’essai reposait sur des difficultés économiques.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 juillet 2021.

Par déclaration en date du 21 juillet 2021, M. [Y] [E] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 mars 2023, M.'[Y]'[E] sollicite de la cour de’:

«’Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes du 8 juillet 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la SA Digimind de sa demande reconventionnelle’;

Statuant à nouveau :

Constater que la rupture de la période d’essai de M. [Y] [E] n’est pas liée à ses compétences professionnelles, ni à ses capacités à occuper le poste’;

Dire et juger que l’employeur a procédé à une rupture abusive de la période d’essai de M.'[Y]'[E]’;

Par conséquent,

Condamner la SA Digimind à verser à M. [Y] [E] la somme de 28 399,92 € n au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive de la période d’essai’;

Condamner la SA Digimind à verser à M. [Y] [E] 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance’;

Condamner la SA Digimind à verser à M. [Y] [E] 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel’;

Ordonner la capitalisation des intérêts’;

Condamner la SA Digimind aux entiers dépens.’»

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2023, la’SA’Digimind sollicite de la cour de’:

«’Vu le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 8 juillet 2021,

Vu l’article L. 1221-20 du code du travail,

Vu l’article 9 du code de procédure civile et la charge de la preuve qui incombe à M. [Y] [E] concernant l’abus de droit qu’il estime avoir subi,

Vu la bienveillance et les aménagements exceptionnels consentis à M. [Y] [E] pour l’aménagement de son délai de prévenance,

Vu l’absence de tout abus de la part de la SA Digimind dans la mise en ‘uvre de son droit de rompre librement la période d’essai,

Vu les pièces versées aux débats, qui établissent la réalité et la concomitance entre les difficultés survenues sur plusieurs projets confiés à M. [Y] [E] durant sa période d’essai et la décision prise par la SA Digimind de rompre la période d’essai du salarié le 18 janvier 2019,

Déclarer M. [Y] [E] mal fondé en son appel’;

Confirmer en conséquence, et en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le 8 juillet 2021, notamment en ce qu’il a’:

Dit que la rupture de la période d’essai de M. [Y] [E] est justifiée

Débouté M. [Y] [E] de l’ensemble de ses demandes.

Condamner M. [Y] [E] à régler une somme de 5 000 € à la SA Digimind au titre de l’article’700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’»

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 mars 2023. L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 10 mai 2023, a été mise en délibéré au 22 juin 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1 ‘ Sur la rupture de la période d’essai

Aux termes de l’article L.’1221-20 du code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Il ressort des dispositions de l’article L.’1231-1 du code du travail que chacune des parties dispose, en principe, d’un droit de résiliation discrétionnaire du contrat de travail pendant le cours de la période d’essai, sans avoir ainsi à alléguer des motifs de sa décision.

Cependant, la rupture pendant la période d’essai peut se révéler abusive notamment si l’employeur fait preuve de légèreté blâmable en ne laissant pas au salarié le temps de faire ses preuves, telle qu’une rupture, qui interviendrait peu de temps après le début de la période d’essai, ne permettant pas réellement à l’employeur d’apprécier les capacités professionnelles du salarié.

Ainsi, lorsque le salarié invoque la rupture abusive du contrat de travail pendant la période d’essai, il revient au juge d’apprécier si l’employeur a été réellement en mesure d’apprécier les qualités professionnelles du salarié, compte tenu notamment de la durée pendant laquelle ce dernier a exercé ses fonctions.

L’employeur n’ayant pas à justifier sa décision de rompre le contrat de travail pendant la période d’essai, c’est au salarié qui conteste cette rupture de rapporter la preuve de son caractère abusif.

En l’espèce, M. [Y] [E] allègue, d’une part, que les raisons avancées par la société quant à ses compétences professionnelles ne sont pas établies et, d’autre part, que la rupture de sa période d’essai serait due à des difficultés économiques de la société.

S’agissant des raisons invoquées quant aux compétences professionnelles, il ressort de trois courriels de M. [O], N+2 de M. [E], en date des 25 avril 2019, 3 novembre 2020 et’9’janvier 2022, les deux derniers ayant été rédigés en réponse à des questions de la direction des ressources humaines dans le cadre de la procédure judiciaire engagée par M.'[E], que la société a pris la décision de rompre la période d’essai au motif que le salarié n’aurait pas donné satisfaction quant à ses fonctions de «’Product Owner’» dans plusieurs dossiers importants.

M. [E] soutient que les éléments de fait avancés par l’employeur en tant que motifs justifiant la rupture de la période d’essai, ne sont pas établis.

D’une première part, selon l’appel à candidatures sur LinkedIn produit par le salarié, les fonctions de «’Product Owner’» consistent à définir, réaliser et communiquer la roadmap produit.

Et l’employeur précise dans ses écritures qu’il s’agit de s’occuper de la conception d’un produit et de mettre en ‘uvre les actions nécessaires pour atteindre les objectifs fixés en identifiant, notamment, l’optimisation pertinente du produit.

D’une deuxième part, M. [Y] [E] produit un formulaire d’évaluation renseigné par M.[K] [J], supérieur hiérarchique du salarié, à la fin de la période d’essai initiale du salarié.

La cour note que, comme l’affirme l’employeur, plusieurs éléments mis en avant par M.'[J] concernent les qualités personnelles de M. [E], tel que le fait qu’il a «’le potentiel d’apporter beaucoup de valeur ajoutée à Digimind’», qu’il a de «’bonnes compétences en communication avec R&D et avec des clients internes ou externes’», qu’il «’apporte une nouvelle énergie’» et qu’il est «’prêt à changer’».

M. [J] ajoute également que le salarié démontre «’la capacité de comprendre les exigences fonctionnelles et techniques’» et il a également coché la case «’Tout à fait d’accord’» s’agissant de la catégorie «’Les compétences du salarié correspondent aux exigences du poste et correspondent à vos attentes’», de sorte que M. [J] a, au moins en partie, évalué les compétences professionnelles de M. [E].

Aussi, pour quatre des sept catégories, la case «’en accord’» est cochée, et non pas la case «’tout à fait d’accord’».

Et M. [J] a estimé que le salarié avait atteint”70’% de productivité quant à sa montée en compétences après plusieurs mois de période d’essai.

Ainsi, il ressort de ce document que M. [J] a mis en avant certaines compétences du salarié quand d’autres devaient être améliorées.

Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’avance le salarié, il ne découle pas de cet entretien que la rupture de la période d’essai ne serait pas fondée sur ses compétences professionnelles, d’autant qu’en tout état de cause, M. [J] a coché la case «’Reconduire la période d’essai’» et n’a donc pas immédiatement «’validé l’emploi’».

D’une troisième part, contrairement à ce qu’avance le salarié, il importe peu que les courriels de M. [O] ont été rédigés postérieurement à la rupture de la période d’essai, dès lors que l’employeur n’a pas à justifier des motifs de ladite rupture au moment de celle-ci.

Ainsi M.'[O] a uniquement énoncé les motifs qui indiquaient, selon lui, que le salarié n’avait pas les compétences requises en réponse aux demandes du salarié par l’intermédiaire de son conseil, puis à celles de la direction des ressources humaines de la société quant à la présente affaire.

Par ailleurs, quand bien même M. [O] n’a jamais rencontré M. [E], celui-ci supervisait les projets de la société, de sorte qu’il avait connaissance des problèmes rencontrés sur les projets sur lesquels avait travaillé le salarié et donc a pu juger des compétences de ce dernier.

D’une quatrième part, concernant l’incident relatif à la migration technique de données de clients américains vers des serveurs français survenu début décembre 2018, le salarié ne produit aucun élément probant permettant d’établir qu’il ne gérait pas cette migration alors que, selon l’employeur, il en était responsable en qualité de «’product owner’».

Ainsi, le seul fait que le salarié ait participé à résoudre le problème survenu n’est pas déterminant pour établir qu’il ne gérait pas l’opération, et qu’il avait les compétences nécessaires pour occuper le poste.

D’une cinquième part, s’agissant de problèmes liés à la conception d’une application mobile, M. [E] se contente d’affirmer que la pièce versée aux débats par l’employeur est dénuée de toute valeur probante sans apporter aucun autre élément.

Ainsi, le salarié indique simplement que «’ce type de dysfonctionnement surviennent souvent au moment de la mise en ligne sur les stores ANDROID ou IOS, et que des correctifs sont fréquemment librés dans les mises à jour’» sans toutefois verser aux débats des éléments permettant d’établir cette affirmation.

D’une sixième part, s’agissant du mécontentement du client CASA relatif à une difficulté technique survenu le 15 janvier 2019, le salarié soutient que «’la difficulté technique était totalement imprévisible’» et que «’les difficultés sont liées à l’outil à l’origine du dysfonctionnement’».

Aussi, M. [E] produit un courriel de M. [U] [N] du 15 janvier 2019 confirmant l’imprévisibilité de l’incident : «’la séquence scénario non anticipé côté QA est en effet un grand classique et semble monter qu’on ne maîtrise pas tous les effets de bord. Ce qui semble effectivement intellectuellement évident’: on ne maîtrise jamais rien à 100’%’».

Pour autant, celui-ci évoque aussi la nécessité d’anticiper les effets de ce type d’incident «’En revanche, et sachant cela, une optique qualité sûrement possible est d’anticiper un problème CASA sur un release aussi impactante pour eux et anticiper la mise en place d’un «’test’» en production chez eux en désactivant préalablement toutes leurs newsletters sauf 1. Bref, accompagner ce genre de changement massif dans leur environnement.’».

M. [E] verse aux débats un graphique listant les dysfonctionnements du produit «’Digimind Intelligence’» afin de démontrer qu’il existe des difficultés liées à l’outil à l’origine du dysfonctionnement.

Finalement, M. [E] produit un échange de mails en date du 15 janvier 2019 entre M.'[U]'[N] et M. [K] [J] duquel il ressort que l’incident «’semble révéler du process de mise en production / testing’».

Cependant, M. [J] précise la nécessité d’anticiper de tels incidents en indiquant dans son courriel «’on a découvert (hélas a posteriori) qu’il existe une «’règle métier’» qui change l’option des Newsletters en fonction des options de stockage des informations. Il y avait un point d’attention sur le scripti de «’nettoyage’» mais pas sur l’envoi de Newsletter qui semblait totalement décorrélé de la feature livrée. On va mettre en place une attention particulière aux scenarii de tests pour éviter ce genre d’effet de bord.’».

Or, selon la description métier produite par le salarié, les fonctions de «’product owner’» comprennent la réalisation du plan produit en collaboration avec les équipes techniques et en particulier’: «’La rédaction de spécifications fonctionnelles détaillées’», «’la mise en place de maquettes pour valider l’ergonomie et les fonctions des produits’» et la gestion des phases de réalisation afin de «’planifier et suivre les étapes (sprints de développement) ».

Ainsi, l’ensemble des éléments précédents mettent en exergue, contrairement à ce qu’avance le salarié, que M. [E] aurait dû anticiper la survenance des difficultés au regard de l’importance et de la «’fragilité technique’» de l’outil et prévenir les erreurs ; ce que ce dernier n’a pas effectué alors qu’en tant que «’product owner’», cette anticipation relevait de ses compétences.

Dès lors, quand bien même M. [E] a participé à solutionner ce dysfonctionnement important et que les relations avec le client demeuraient bonnes, le problème initial résulte d’un problème lié à ses compétences quant à un manque de spécification du projet, comme l’affirme l’employeur.

D’une septième part, M. [E] produit différents documents relatifs aux travaux effectués pendant sa période d’essai au sein de la société Digimind afin de démontrer l’étendue de ses compétences et la satisfaction de son employeur à ce titre.

Toutefois, quand bien même le salarié a développé des outils d’analyse qui n’existaient pas avant son arrivée, il ressort des énonciations précédentes qu’il n’a pas effectué correctement les spécifications de projets, alors qu’il s’agit d’une des fonctions principales du «’product owner’».

D’une huitième part, M. [E] produit une attestation de M. [V], ingénieur en développement informatique et ayant travaillé au sein de Digimind.

Toutefois, comme le soutient la société Digimind, cette attestation manque de valeur probante en ce que M. [V] et M. [E] ne travaillaient pas sur les mêmes projets, n’avaient pas les mêmes fonctions et que M. [V] ne fait que relater des éléments généraux et précise même «’concernant les autres aspects de son travail, je n’en ai pas [été] un témoin direct, mais les retours que j’avais pu glaner étaient positifs.’».

Ainsi, cette attestation est insuffisante pour établir les compétences de M. [E].

Dès lors, il résulte de l’ensemble des énonciations précédentes que M. [E] ne démontre pas que les justifications avancées par la société Digimind quant à des difficultés liées à ses compétences pour rompre sa période d’essai ne sont matériellement pas établies.

S’agissant des difficultés économiques de la société,’M. [E] produit en premier lieu un power point relatif à une stagnation de la croissance de la société Digimind en 2018 s’expliquant, selon le power-point, par une réorganisation des équipes en Europe et aux Etats-Unis, par une amélioration insuffisante du taux de rétention et par la perte de certains clients. Ce power-point précise également qu’il faut «’faire plus avec moins’».

Aussi, le salarié reproduit les finances supposées de Digimind et considère que les comptes 2019 n’ont pas été déposés et que le résultat d’exploitation de l’année 2018 était négatif. Toutefois, aucun élément ne permet d’authentifier les chiffres avancés, ni le graphique, de sorte que ces éléments sont dénués de toute valeur probante.

Ainsi, ces différents éléments ne permettent pas de démontrer que la société Digimind a rencontré des difficultés économiques en 2018 et 2019, mais établissent uniquement qu’elle n’a pas eu la croissance escomptée en 2018.

En deuxième lieu, M. [E] verse aux débats les compte rendus de réunions des délégués du personnel en date des 23 janvier, 13 février et 3 avril 2019.

Dans le cadre d’une réponse à une question concernant la rupture de la période d’essai de M.'[Y] [E], la direction a certes indiqué, lors de la réunion du 23 janvier, que la décision de rupture

« ne met[tait] pas en cause les qualités personnelles du collaborateur, ni son engagement mais bien l’adéquation de son profil avec les besoins de l’entreprise à moyen et à long terme.

La direction veut bien reconnaître une préparation de l’évaluation insuffisante lors de la première reconduction de la période d’essai.

Le départ du salarié ne présume en rien de la disparition du poste. La direction se donne un temps de réflexion afin de réfléchir à des synergies plus optimales au sein de l’équipe Produit.

Concernant le climat d’incertitudes, le DRH demande un peu de patience, qui sera de courte durée, puisqu’une intervention du DG est prévue le 31 janvier, intervention décalée afin que les équipes R1D puissent être présentes.’».

Aussi, lors de la réunion du 13 février 2019, la direction a précisé «’Lors de sa communication (trimestrielle) à l’ensemble des salariés le 31 janvier 2019, [Z] [A], notre DG a partagé avec les salariés le constat d’une année difficile, avec des résultats décevants, au niveau de ceux de l’année dernière, alors qu’une croissance de 20’% était attendue.’».

En revanche elle a réfuté un éventuel projet de réorganisation’: «’Le Délégué du Personnel serait le premier informé dans l’éventualité où la direction, pour s’adapter aux évolutions économiques du marché, envisagerait des transformations majeures de l’organisation entraînant une réduction d’effectifs en France. Ce n’est pas le cas aujourd’hui ».

Et lors de la réunion de délégué du personnel en date du’3’avril 2019,l a direction n’a pas apporté de réponse précise à la première question est ainsi rédigée’: «’Un plan de réduction d’effectif est en cours. Combien de postes ont été concernés jusqu’à présent” Combien sont encore à venir par site/services. Des recrutements R&D sont-ils envisagés”’», en se limitant à indiquer que «’des réunions collectives d’échanges’» s’étaient tenues.

Par ailleurs, le salarié produit l’attestation de M. [V] qui indique «’il est à noter que la rupture de période d’essai d'[Y] coïncide avec une période de crise pour la société Digimind. Suite à cette crise, les effectifs ont connu une forte réduction.’».

Finalement, sur la base d’un document, produit par l’employeur avec la qualification de «’registre du personnel’», sans toutefois qu’apparaissent les entrées et sorties de l’ensemble du personnel de la société, il s’évince qu’en avril 2019, les établissements de Grenoble et de Paris comptabilisaient 80 salariés, alors qu’en décembre 2019, il y avait 50 salariés.

Ainsi, il résulte de l’ensemble des énonciations précédentes que M. [E] établit suffisamment qu’une réduction d’effectifs a eu lieu en 2019.

Cependant, le salarié ne démontre pas que la réduction d’effectifs découle de difficultés économiques rencontrées par la société, ni qu’elle concernait le service au sein duquel il a travaillé.

En troisième lieu, il ressort d’un courriel de M. [O] qu’une répartition différente des tâches a été mise en place après le départ de M. [E].

Ainsi, avant l’embauche de M. [E], M. [K] [J] gérait à la fois la partie produit et la partie relation client. Avec l’embauche de M. [E], ce dernier a pris en charge la partie produit et M. [J] la partie relation clients. Après la rupture de la période d’essai de M.'[E], M. [J] a repris la gestion des deux parties pour quelques mois. Et en août 2019, la société a embauché Mme [X] [S], en charge de la partie relation clients, la partie produit étant confiée à M. [J].

Et bien qu’il ressorte du contrat de travail de Mme [X] [S] que celle-ci a été embauchée en tant que consultant manager, il ressort du profil LinkedIn de cette salariée, produit par M. [E], qu’elle affirmait s’occuper du management des projets et de la relation avec la clientèle à cet égard.

Cependant, M. [E] ne produit aucun élément pertinent permettant d’établir que Mme [S] aurait été embauchée pour d’autres fonctions que celles alléguées par la société et que M. [J] aurait récupéré depuis la rupture de la période d’essai la partie produit et la partie relation clients sans que cette dernière ne soit transférée à Mme [S].

Dès lors, M. [E] ne démontre pas qu’aucune embauche n’aurait eu lieu en lien avec son poste au sein de la société Digimind.

Ainsi, il résulte des énonciations précédentes que M. [Y] [E] n’établit pas que la société a rencontré des difficultés économiques l’ayant conduit à rompre sa période d’essai, sans embaucher une nouvelle personne en lien avec ses fonctions.

Compte tenu de ce qui précède, M. [Y] [E] ne démontre ni que la décision de rompre la période d’essai serait liée à des difficultés économiques de la société, ni que cette décision ne serait pas liée à ses compétences.

Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, M. [Y] [E] est débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre de la rupture de la période d’essai.

2 ‘ Sur les demandes accessoires

M. [Y] [E], partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenu d’en supporter les entiers dépens.

L’équité et les situations économiques des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, les demandes indemnitaires des parties au titre des frais irrépétibles qu’elles ont engagés sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE M. [Y] [E] aux entiers dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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