Droit des applications mobiles : 21 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00124

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Droit des applications mobiles : 21 avril 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00124
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 21 AVRIL 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00124 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC3P6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020018344

APPELANTE

SAS WAANT FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIMEE

S.A.S. BONI GROUP

[Adresse 4]

[Localité 5] / FRANCE

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 818 757 940

représentée par Me Marcin RADZIKOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1266

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marion PRIMEVERT,Conseillère,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Il sera succinctement rapporté que la sas Boni Group est un prestataire de conseil en systèmes et logiciels informatiques. La sas Waant France, pour sa part, a pour activité la prestation logistique et explique être spécialisée dans le transport « Business-to-Customer », proposant des services spécifiques haut de gamme allant du transport dernier kilomètre au transport sur-mesure.

En janvier 2019, Waant, qui disposait d’une application informatique permettant à ses chauffeurs d’organiser leurs livraisons, développée par la société Brinng, a sollicité Boni pour concevoir une application de téléphonie mobile et internet permettant la gestion et le suivi des livraisons en cours cette fois par ses clients.

Boni a rédigé un cahier des charges en février 2019.

Le devis de Boni a été accepté par Waant en mars 2019 pour un prix de 21.500 €.

Les parties s’opposent ensuite sur la date de livraison de la première version de l’application, son caractère fonctionnel, les obligations réciproques des parties et leur exécution.

Estimant n’avoir eu livraison ni d’une application fonctionnelle, ni d’aucune proposition de modification, Want a notifié à Boni la résolution du contrat par lettre recommandée avec avis de réception du 27 mai 2019 et refusé de payer toute facture.

***

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 décembre 2020 qui a :

– Condamné la SAS WAANT FRANCE à verser à la SAS BONI GROUP la somme de 21.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2019 ;

– Débouté la SAS BONI GROUP de sa demande de dommages et intérêts ;

– Condamné la SAS WAANT FRANCE à verser à la SAS BONI GROUP la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamné la SAS WAANT FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA

– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

***

Vu l’appel interjeté par la sas Waant France le 23 décembre 2020,

***

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 septembre 2021 pour la sas Waant France, par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 114, 562, 649, 656 et 659 et du Code de procédure civile

Vu les dispositions des articles 1217 et 1219 du Code civil

Vu la jurisprudence

Vu les pièces versées aux débats,

‘ Juger la société WAANT FRANCE recevable et bien-fondée en son appel;

‘ A titre liminaire, annuler le jugement entrepris, en raison de la nullité de l’acte introductif d’instance signifié à la société WAANT FRANCE le 7 mai 2020;

‘ Au fond, infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau:

– Juger que la société BONI GROUP a commis des fautes dans l’exécution du contrat conclu avec la société WAANT FRANCE à effet du 6 mars 2020;

– Juger que les fautes contractuelles commises par la société BONI GROUP justifient la

resolution dudit contrat et le refus par la société WAANT FRANCE d’avoir à payer à la société BONI GROUP la somme de 21.000 € TTC au titre du solde du prix des prestations inexécutées;

– Condamner la société BONI GROUP à rembourser à la société WAANT FRANCE la somme de 27.438,41 € prélevée sur les comptes bancaires de WAANT FRANCE au titre de la saisie attribution le 9 mars 2021 (montant des condamantions augmenté des frais);

– Condamner la société BONI GROUP à payer à la société WAANT FRANCE la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en reparation de son préjudice;

‘ Débouter la Société BONI GROUP de toutes ses demandes, fins et conclusions et de son appel incident en demande de condamnation de la société WAANT FRANCE au paiement de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

‘ Condamner la société BONI GROUP à payer à la société WAANT FRANCE la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ Condamner la société BONI GROUP aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître TEYTAUD, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 décembre 2021 pour la sas Boni Group, par lesquelles elle demande à la cour de :

Recevant la société BONI GROUP, en toutes les fins de sa demande, l’en déclarer bien fondée,

Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1231-1, 1343, 1343-1, 1344-1 et 1583 du Code civil,

Vu les dispositions des articles 907, 562, 117, 659, 658 et 656 du Code de procédure civile ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu les motifs exposés et les pièces communiquées,

A TITRE LIMINAIRE

– CONSTATER la parfaite conformité du procès-verbal de signification de l’assignation de la SAS WAANT France, introduisant l’instance devant le Tribunal de commerce de PARIS du 7 mai 2020 ;

En conséquence,

– DEBOUTER la SAS WAANT FRANCE en sa demande liminaire d’annulation du jugement de première instance ;

AU FOND

– CONFIRMER la décision déférée en ce qu’elle :

« Condamne la SAS WAANT FRANCE à verser à la SAS BONI GROUP la somme de 21 000 euros;

Condamne la SAS WAANT FRANCE à verser à la SAS BONI GROUP la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SAS WAANT FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement. » ;

– INFIRMER la décision déférée en ce qu’elle :

« Déboute la SAS BONI GROUP de sa demande de dommages et intérêts ;

Fixe les intérêts de retard au taux légal à compter du 7 mai 2019 » ;

EN CONSEQUENCE EN STATUANT A NOUVEAU

– CONSTATER la mauvaise foi de la société WAANT FRANCE dans l’exécution de ses obligations contractuelles ;

En conséquence,

– DEBOUTER la SAS WAANT FRANCE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elle est mal fondée voire infondée ;

– CONDAMNER la société WAANT FRANCE à payer à la société BONI GROUP la somme de cinq mille euros (5.000€) au titre de dommages et intérêts pour refus abusif d’exécution de son obligation de paiement ;

– CONDAMNER la société WAANT FRANCE à payer à la société BONI GROUP la somme de huit mille euros (8.000 €) sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;

– ORDONNER la majoration des factures impayées au taux d’intérêts contractuel de 10% à compter du 7 mai 2019, date de la première mise en demeure ;

– CONDAMNER la société WAANT FRANCE à payer à la société BONI GROUP les frais de recouvrements pour les deux factures, soit 80 euros ;

– ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

– CONDAMNER la société WAANT FRANCE à payer les entiers dépens.

Vu l’ordonnance sur incident du magistrat chargé de la mise en état du 28 octobre 2021 saisi d’une demande de nullité du jugement et de l’acte introductif d’instance par Waant, qui a déclaré cette dernière irrecevable à soulever devant le magistrat chargé de la mise en état la nullité de l’acte introductif d’instance et l’annulation subséquente du jugement déféré, ces demandes relevant de la compétence de la cour statuant au fond.

Vu l’ordonnance de clôture du 12 janvier 2023,

***

SUR CE, LA COUR,

1. Sur la demande d’annulation du jugement

L’article 690 du code de procédure civile prescrit que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement. L’article 693 ajoute que ce qui est prescrit par les articles 654 à 659, 663 à 665-1, 672, 675, 678, 680, 683 à 684-1, 686, le premier alinéa de l’article 688 et les articles 689 à 692 est observé à peine de nullité.

L’assignation a été délivrée par l’huissier le 7 mai 2020 (pièce 21 intimée) au [Adresse 3] à [Localité 8] (93), l’huissier indiquant que « le domicile est certain ainsi qu’il résulte des vérifications suivantes :

– le nom est inscrit que le tableau de sécurité intérieure,

– le nom est inscrit sur la boîte aux lettres, »

qui poursuit en précisant au titre des circonstances qui rendent impossible la signification à personne : « personne n’est présent ou ne répond à mes appels : société fermée ».

Si Waant explique que par décision de son président du 12 juin 2019, son siège social a été transféré du [Adresse 3] à [Localité 8] (93) au [Adresse 2] à [Localité 7] (pièce 12 appelante), elle ne produit aucune publication de ce transfert au Bodacc à cette période.

Cette publication n’a été réalisée qu’au Bodacc du 5 août 2020 produit par l’intimée (pièce 20), avec effet au 12 juin 2020, soit, dans tous les cas, postérieurement à l’assignation délivrée le 7 mai 2020. L’extrait du RCS, seul probant s’agissant du siège social de Waant, n’indiquait ainsi nécessairement pas la nouvelle adresse le 7 mai 2020 (pièces 18 et 19), de telle sorte que c’est sans fraude, et conformément aux articles 656 et suivants du code de procédure civile que l’assignation a été délivrée en première instance.

La demande de nullité de l’assignation et d’annulation du jugement de première instance sera donc rejetée.

2. Sur les obligations réciproques des parties

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Aux termes de l’article 1231-1 du même code, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

L’article 1217 du même code édicte que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;

– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;

– obtenir une réduction du prix ;

– provoquer la résolution du contrat ;

– demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1224 du même code ajoute que la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

Un premier cahier des charges rédigé par Boni après expression de ses besoins par Waant, fixe comme prestation de (pièce 3 intimée) « concevoir un support fiable et pratique avec une interface agréable pour satisfaire les demandes de Waant. Le support doit pouvoir accueillir tous les services disponibles et être déployé à l’international. Le choix a été porté sur trois applications : deux applications mobiles (iPhone et Android) et une application Web ». Les fonctionnalités prévues sont : « enlèvement ordonné maintenant ou bien planifié à l’avance. Enlèvements multiples et/ou récurrents. Le prix sera simulé lorsque le formulaire est pré-rempli et prêt à être validé ». Il est prévu également la création de comptes par Waant avec accès administrateur sur les plates-formes, avec « à chaque création de compte une sélection de critères et de fonctions pour faire apparaître uniquement les besoins du client : type de produit, produits en conditionnement spécial, type de transport préféré, taille des colis, montant estimé de l’objet ». les applications devaient prévoir la localisation du chauffeur, le suivi de la commande, l’historique des commandes passées, la notification au client du départ et de l’arrivée du chauffeur et de la signature du client final. Le cahier des charges prévoit enfin un choix design simple, pratique, esthétique et dans l’air du temps, et une livraison « user experience » en « février mars 2019 », les versions iPhone et Android en avril mai 2019, et la version Web en juin juillet 2019.

Le « contrat de prestations de conseil et gestion d’applications Android (applicable à compter du 6 mars) » conclu entre Boni et Waant (pièce 8 intimée et 4 appelante) définit en son article 2 le terme « livrable » comme « la version fonctionnelle d’une application mobile livrée par un tiers mandaté par Boni Group pour le compte du client ». L’objet du contrat est prévu à l’article 3 qui indique que « Boni s’engage à conseiller, dessiner l’architecture et le design de l’application et gérer le développement informatique par un tiers pour le compte de Waant d’un livrable conformément à la méthode Agile ». L’article quatre prévoit que Boni est soumis à une obligation de moyens et pourra sous-traiter tout ou partie de la prestation. Le client s’engage pour sa part à réagir et à fournir à Boni toutes les informations et tous les documents nécessaires à la réalisation des prestations dans un délai de 24 heures. L’article 6 indique la date de réception prévue et le 18 mars 2019 (la date du 20 mars ayant été rayée). Il est précisé qu’à cette date, Boni livre au client un livrable. Pour le prix, le contrat renvoie au devis.

Dans un mail du 11 mars 2019, Boni explique que l’API (interface de programmation d’application) existante, développée par Brinng, a été créée pour une utilisation par des chauffeurs et non des clients et ne supporte aucun développement ni aucune modification ce qui créé plusieurs difficultés : l’API déjà fonctionnelle ne comporte pas tous les services requis. Cependant, l’analyse de la solution API dont disposait Waant pour ses chauffeurs sur laquelle Boni comptait appuyer le développement commandé, lui incombait : en effet, la définition des besoins techniques pour réaliser les applications objets du contrat est à la charge du professionnel missionné à cette fin, le contrat indiquant d’ailleurs dans son titre : « contrat de prestations de conseil ». Il appartenait donc à Boni, dans le cadre de son devoir de conseil, de mener les investigations nécessaires à la définition de ces besoins techniques, en collaboration avec le client certes, mais à sa charge, en qualité de spécialiste des solutions logicielles. Or ni le cahier des charges qu’elle a rédigé, ni le contrat signé par les parties, ni les échanges, ne permettent de constater une analyse de la solution API détenue par le client avant la proposition de solution logicielle par Boni, ni aucune investigation de sa part sur ce sujet lors de la proposition faite, alors même que le contrat indique que « la version initiale comprendra : intégration de l’API Brinng (…) » (page 8 du contrat). Il ressort du mail adressé par Boni le 14 mars 2019 à 15h38 (pièce 9 intimée) que Boni n’a examiné l’API Brinng qu’à compter du 9 mars 2019 (« cela fait 5 jours que nous faisons des longs points avec Brinng ») et compris à ce moment-là qu’elle ne pourrait pas s’appuyer sur la solution existante (« par conséquent nous ne disposons d’aucun socle d’API ») et que le délai du 20 mars, qu’elle avait effectivement déjà jugé court, devenait totalement irréalisable pour livrer la version 1 ; Boni insiste pourtant dans le même message pour que Waant lui « retourne le contrat signé avant demain » au lieu de reprendre les termes de celui-ci pour intégrer ces nouveaux éléments après examen de l’API. Boni, qui reconnaît dans ce mail « nous étions partis sur l’hypothèse que tout était mis en place côté IT » et n’avait pas demandé accès à l’API avant la rédaction de la proposition du contrat, a ainsi manqué à son devoir de conseil, en qualité de professionnel spécialiste de ces applications quand son client, menant une activité de fret, n’avait aucune compétence en cette matière pour connaître la possibilité de reprise ou non de l’application utilisée par ses chauffeurs.

S’agissant de la version 1 de l’application, il n’est par ailleurs pas contesté que l’application n’a pas été livrée le 18 mars comme il ressort d’un mail du 21 mars 2019 à 0h33 de Boni à Waant, indiquant : « nous avons terminé comme prévu l’app V1 au 20 mars (soir) ! Nous sommes très contents car cela a été très difficile (…) » et transférant les « mots de passe des comptes utilisateurs » (pièce 7 intimée). Ce message établit également que l’application n’a pas plus été livrée le 20 mars alors que Waant avait plusieurs fois signalé cette échéance importante pour une présentation à un client. Quant au contenu livré, le 20 mars 2019 au soir, il ressort des mails de Boni des 14 et 20 mars 2019 qu’il ne consistera qu’en un « outil temporaire » et consiste en une version très élémentaire : « dans la plateforme Brinng, nos commandes apparaissent avec l’ID de Brinng puis sous la forme suivante : (‘) S2C1 ‘ Bijou ‘ Mr [J] » (pièce 11 intimée). Si Boni a produit des captures d’écrans correspondant à quelques étapes d’une commande par un client dans un mail du 19 mars 2019 (pièce 7 intimée), à aucun moment elle ne rapporte la preuve de la délivrance d’une « application fonctionnelle » comme prévu au contrat.

Enfin, il ressort d’un mail du 18 février 2019 antérieur à la signature du contrat, dénommé « devis plate forme client Brinng » (sic) que les parties sont d’accord sur le fait qu’était « le plus important pour la version 2 du portail client » différentes tâches dont :

– le multi enlèvement ou multi livraison dans une seule commande, précision étant alors apportée que cette notion n’existant pas dans Brinng, Boni allait « l’éclater en plusieurs » (pièce 4 intimée),

– une interface personnalisée par client.

Toutefois, s’il est ainsi établi que Waant a accepté une version 2 pour développer les fonctionnalités non abouties dans la première version en raison des modifications à apporter au système existant et au cours délai pour le faire, Boni, sur qui pèse la charge de cette preuve, n’apporte aucun élément pour établir que ces prestations avaient été exécutées le 27 mai 2019 lorsque Waant notifie la résiliation du contrat. Aucun mail n’a été échangé entre les parties après mars 2019, Boni n’ayant ni répondu au mail de Waant du 17 avril 2019 (pièce 8 appelante) faisant part de son insatisfaction et de son incompréhension de la situation, ni répondu à la résiliation du 27 mai, ni rapporté la preuve d’aucun travaux en avril et mai 2019 pour cette version 2. Sa seule réponse consiste en une mise en demeure datée du 7 mai 2019 (pièce 16 intimée) dans laquelle elle réclame les 21.000€ prévus pour l’ensemble des étapes du contrat, en visant deux factures des 20 et 21 mars 2019 : 14.400€ TTC pour la première au titre de la « version 1 » et 6.600€ TTC pour la seconde au titre de « l’architecture et la gestion du projet » (pièces 13 et 14), éludant les autres étapes d’exécution de ses propres obligations comprises dans ce budget total.

Contrairement à ce qu’avance Boni, la facture de la société Gedox produite par Waant (pièce 11), datée du 23 octobre 2019, pour le « développement de vos applications Android et Iphone » à hauteur de 13.500€ HT soit 16.200€ TTC rapporte suffisamment la preuve de la finalisation par Gedox de l’application commencée par Boni dès lors que l’objet est identique, que le contrat entre Boni et Waant n’a à aucun moment limité l’application à un client, et qu’une facture éditée entre professionnelle n’a pas à être signée et rapporte à elle seule la preuve du travail exécuté en l’absence de contestation de son destinataire.

Il résulte de ce qui précède qu’ayant manqué à son devoir d’information, Boni n’a par la suite pas exécuté les prestations auxquelles elle s’était engagée ni terminé l’application, pour laquelle aucune recette n’a jamais été réalisée. Elle a donc également manqué à son obligation de délivrance de l’application commandée. Elle ne rapporte par aucun élément la mauvaise foi qu’elle invoque à l’encontre de Waant, ni aucun manquement à l’obligation de coopération de celle-ci.

Ainsi, en raison de l’inexécution grave de deux de ses obligations par Boni, Waant a légitimement pu provoquer la résolution du contrat en application de l’article 1217 du code civil par la lettre recommandée avec avis de réception adressée le 27 mai 2019 et refuser de payer les factures présentées.

Boni a néanmoins réalisé un travail dont aucune pièce de Waant ne permet de déduire qu’il n’aurait pas été repris par Gedox pour finaliser l’application.

En conséquence le jugement sera infirmé dans toutes ses dispositions. En contrepartie du début d’exécution de l’application, non terminée, et au regard du devis initial à hauteur de 21.000€ TTC, et des travaux complémentaires que Waant a dû faire réaliser par Gedox, il y a lieu de condamner Waant à payer à Boni la somme de 5.000€ TTC et de débouter Boni du surplus de sa demande au titre de la facturation de l’application, ainsi que de sa demande d’indemnisation du préjudice subi sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, la faute lui incombant. Boni sera également déboutée de ses demandes de majoration des factures ainsi que de frais de recouvrement, la procédure ayant été nécessaire pour déterminer les droits des parties, et condamnée à rembourser les sommes payées par Waant dans le cadre de l’exécution du jugement, déduction faite des 5.000€ auxquels Waant est condamnée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement, infirmé dans l’ensemble de ses dispositions, sera également infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et frais irrépétibles de la première instance.

Statuant de ces chefs pour la première instance et en cause d’appel, Boni qui succombe sera condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile. Maître François Teytaud sera autorisé à recouvrer directement contre elle les dépens dont il a fait l’avance sans en recevoir provision, en application de l’article 699 du même code.

Boni sera en conséquence condamnée à payer à Waant la somme de 8.000€ au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS,

REJETTE la demande de nullité de l’assignation et d’annulation du jugement de première instance,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Juge que l’inexécution de son devoir de conseil et de son obligation de délivrance d’une application fonctionnelle par la sas Boni Group justifie la résolution du contrat conclu en mars 2019 avec la sas Waant France pour la réalisation d’une application mobile et internet à destination de ses clients, et le refus de paiement des factures présentées,

CONDAMNE, en contrepartie du début d’exécution partielle de réalisation de cette application, la sas Waant France à payer à la sas Boni Group la somme de 5.000€ (cinq mille euros) TTC,

CONDAMNE en conséquence la sas Boni Group à rembourser à la sas Waant France l’intégralité des sommes reçues en exécution du jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 décembre 2020, déduction faite de ces 5.000€ TTC,

DÉBOUTE la sas Boni Group de ses demandes de majoration des factures et au titre des frais de recouvrement,

DÉBOUTE la sas Boni Group de sa demande à hauteur de 5.000€ au titre du préjudice subi,

CONDAMNE la sas Boni Group aux dépens de la première instance et de l’appel,

AUTORISE Maître François Teytaud à recouvrer directement contre la sas Boni Group les dépens dont il a fait l’avance sans en recevoir provision, dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE la sas Boni Group à payer à la sas Waant France la somme de 8.000€ (huit mille euros) au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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