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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 3
ARRET DU18 JANVIER 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03585 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJEL
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Janvier 2022 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2021042243
APPELANTES
S.A.S. FUTURS IO prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4]
N° SIRET : 879 998 599
Représentée par Me David CASTEL de la SELARL CAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L149
S.C.I. TURBO CEREAL FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me David CASTEL de la SELARL CAL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L149
INTIMEE
S.A.S.U. COINKAFE, exerçant sous le sigle KANT RESEARCH LAB (KRL) prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliès en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
N° SIRET : 884 06 9 8 81
Représentée par Me Inès PLANTUREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0171
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre
M. Jean-Christophe CHAZALETTE, Président
Mme Patricia LEFEVRE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Jean-Paul BESSON dans les conditions prévues par les articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Cécilie MARTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre et par Olivier POIX, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
******
La SASU Futurs IO et la SCIC Turbo Céréal France sont des sociétés spécialisées dans le domaine de l’agriculture et le négoce de céréales qui ont pour volonté de se digitaliser à travers un site web et une application mobile d’investissement agricole. Elles se sont rapprochées de la SASU Coinkafe, exerçant sous la dénomination ‘ KRL Kant Research Lab », qui se décrit comme un éditeur de logiciels applicatifs, afin de développer un site internet ainsi qu’une application d’investissement agricole. Les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France ont à ce titre versé à la société Coinkafe une somme totale, depuis 2020, de 206.000 euros, auxquels s’ajoutent 6.000 euros par mois de maintenance.
La société Coinkafe a sollicité par la suite le paiement de quatre factures à hauteur de 87.000 euros, qui lui a été refusé. Une demande d’injonction de payer a été présentée mais a été rejetée au motif de la nécessité d’un débat contradictoire.
Par acte du 16/09/2021, la société Coinkafe a fait assigner la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir la condamnation solidaire de la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France au paiement de la somme de 80.700 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 07/06/2021, de celle de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire du 19/01/2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
condamné solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France à payer à la société Coinkafe la somme de 80 700 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 07/06/2021 ;
condamné solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France à payer à la société Kant Research Lab la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné in solidum la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 58,93 euros TTC dont 9,61 euros de TVA.
Par déclaration du 11/02/2022, la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France ont relevé appel de l’ensemble des chefs du dispositif de la décision.
Elles demandent à la cour, par leurs dernières conclusions remises et notifiées le 22/04/2022, de :
infirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 19/01/2022 dans toutes ses dispositions ;
statuant a nouveau,
débouter la société Coinkafe de sa demande en paiement de la somme totale de 81.450euros TTC pour :
application Turbo Céréal indisponible ;
solde restant à payer mal fondé par la demanderesse ;
demande de pénalités mal fondée avec mise en demeure et/ou factures antidatées ;
négligences et inexécutions contractuelles graves ;
irrégularités légales, comptables et fiscales sur les factures ;
site « turbocereal.io » souffrant de nombreuses et importantes dysfonctionnalités ;
débouter la société Coinkafe, de la demande en paiement de la prestation du Product Owner pour :
facturation correspondant au travail du Product Owner « qui ne vaut rien », « inexploitable », personne « toxique » ;
négligences graves sur la facturation (Erreur sur le montant HT/TTC ; Production d’une nouvelle facture hors cadre légal et contractuel ; Erreur sur le montant HT/TTC ; Erreurs matérielles et de formalisme) ;
mauvaise rédaction du contrat correspondant ;
reconventionnellement,
ordonner une expertise judiciaire informatique aux fins de :
analyser les prestations effectuées et déterminer les prestations manquantes ;
contrôler une potentielle disproportion dans le prix déjà payé ;
contrôler une potentielle disproportion dans le prix demandé ;
condamner la société Coinkafe, au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros pour :
mauvaises exécutions contractuelles et inexécutions contractuelles graves ;
indemnisation du client pour le préjudice direct afférent à l’imparfait usage de son site turbocereal.io ainsi que l’indisponibilité de l’application sur Apple Store ;
atteinte à l’image des défenderesses et de l’application Turbo Céréal ;
perte de chances de nouveaux clients et investisseurs potentiels ;
condamner la société Coinkafe, à payer la somme de 5.000euros de dommages et intérêts au titre des pressions et menaces du dirigeant de la société Coinkafe envers celui de la société Futurs IO et de la société Turbo Céréal France ;
condamner la société Coinkafe, à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Coinkafe demande à la cour, par ses dernières conclusions remises et notifiées le 15/06/2022, et au visa de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France solidairement à payer les factures validées et l’infirmer quant au quantum de la condamnation prononcée ;
statuant à nouveau sur le quantum,
condamner solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France à lui régler la somme de 81.450euros au taux d’intérêt de 10% à compter à 25/05/2021 ;
débouter la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France solidairement à payer des frais au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’infirmer quant au quantum de la condamnation prononcée ;
statuant à nouveau sur le quantum,
condamner solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France à lui régler la somme de 4.800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
condamner solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France à lui régler la somme de 4.800 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel ;
condamner solidairement la société Futurs IO et la société Turbo Céréal France aux entiers dépens y compris d’exécution forcée à recouvrer conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er septembre 2022.
SUR CE,
– Sur l’octroi d’une provision
Selon l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, ‘ dans les cas ou l’existence d’une obligation n’est pas sérieusement contestable, le président peut accorder une provision au créancier , ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ‘.
Les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France soutiennent que les articles 1217 et 1219 du code civil justifient qu’elles refusent d’exécuter leurs propres obligations face à l’imperfection voire l’inexploitabilité du travail effectué par la société Coinkafe. Depuis 2020, elles ont versé une somme totale de 206.000 euros afin de développer un site internet ainsi qu’une application d’investissement agricole.
Or, certaines fonctionnalités des plus importantes ne sont actuellement pas fonctionnelles sur le site internet https ://turbocereal.io alors que la sortie de l’application a pourtant eu 6 mois de retard. La société Coinkafe n’a réglé les problèmes rencontrés concernant notamment l’accès au livre blanc du site. Cela constitue une inexécution contractuelle qui leur cause un préjudice.
Sur la condamnation à compter de la mise en demeure du 07/06/2021, cette dernière comportant une erreur de fond, elle n’est pas valable. La mise en demeure étant viciée, la condamnation qui se fonde sur elle ne peut pas être confirmée.
Concernant le contrat du 25/02/2021, le travail n’ayant pas été fait, et le produit livré étant sans valeur, ils ne peuvent être condamnés au paiement de ce contrat.
S’agissant du contrat du 26/01/2021, la société Coinkafe n’a pas respecté la durée, ni les échéances de paiement, qui sont de sa responsabilité contractuelle.
Des erreurs sur le montant total réclamé concernent la facture rectifiée, d’un montant de 11.250 euros TTC et non pas HT, soit un total de 81.450 euros. Or, cette rectification est faite unilatéralement. Selon l’analyse des frais déjà payés, 198.000 euros sur une dette totale de 279.450 euros, il reste 81.450 euros. Mais cette somme ne prend pas en compte le fait que la facture n°2021 – 01- TCE – 0001 a été partiellement payée. Le montant total de 81.450 euros est donc faux.
Concernant le Crédit Impôt Recherche, bien que cette demande n’ait pas été stipulée à l’écrit, elle était essentielle dans le contrat qui les liait. Le solde de Crédit Impôt Recherche aurait pu permettre de bénéficier de 75.000 euros, soit presque la totalité de la dette aujourd’hui réclamée. La société Coinkafe a usé de malice en les laissant croire que ce crédit était acquis. En tant que professionnel, la société Coinkafe a un devoir d’information envers le client, elle aurait dû être bien plus transparente, mais elle a profité de l’ambiguïté à ce sujet voyant que cela incitait à contracter avec elle.
La société Coinkafe soutient que la créance n’est pas sérieusement contestable puisqu’elle est établie par les contrats signés entre le président des deux sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France et elle.
De plus, les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France ont signé les procès-verbaux du 20 et 23/04/2021 sans réserve. En particulier celui du 23/04/2021 dans lequel le président des deux sociétés a validé les 4 factures objet du présent litige. Au regard des différentes factures, en soustrayant celles déjà réglées, et comme les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France en font la démonstration dans leurs conclusions, il reste à payer la somme de 81.450 euros. Par ailleurs elle est bien fondée à demander à la cour de dire que les intérêts courent à compter à 25/05/2021 qui est le 31ème jour après la réception du procès-verbal qui date du 23/04/2021.
L’affirmation de l’indisponibilité de l’application mobile n’est étayée par aucune preuve. Au contraire, l’application a bien été installée sur l’Apple Store depuis le mois d’avril 2021, ce qui est le meilleur gage de qualité car les exigences techniques de cette marque sont les plus sévères sur le marché. Le site internet est également fonctionnel, et les manquements allégués ne sont pas démontrés.
Le livre blanc n’est pas contesté en sa livraison mais en sa modification. C’est en attente du règlement de ses services qu’elle n’a pas transmis de livre blanc modifiable.
De plus, le président des deux sociétés a tenté de débaucher le salarié dont le travail est considéré comme inexploitable sans régler les factures, ce qui lui auraient permis de s’approprier le travail sans payer. En outre, s’il a été difficile d’exploiter son travail, ce n’est pas dû au Product Owner lui-même, mais à l’absence de réponse de Monsieur [C], puisqu’il ne se présentait pas toujours aux réunions, changeait souvent de priorité ou ne répondait simplement pas aux questions, en témoignent les échanges de mail fourni en pièces aux débats. La demande de dommage-intérêts ne peut donc pas prospérer.
La date de réalisation de la mise à disposition de « dev factory » du 1er au 09/04/2021 résulte bien du contrat et du procès-verbal de réception.
Concernant le Crédit Impôt Recherche, cet élément n’a jamais été mentionné dans les contrats conclus. Les premiers messages en faisant mention datent du 23/03/2021, au moment où les livraisons étaient presque effectuées.
Il ressort des pièces produites aux débats qu’un contrat de prestation de service a été conclu le 25 janvier 2021 entre le sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France d’une part et la SASU Coinkafe d’autre part pour recueillir les besoins des deux sociétés pour développer leurs applications afin de définir les spécifications techniques nécessaires. Un ‘Product Owner’ a ainsi été mis à disposition. Les relations commerciales entre ces sociétés se sont poursuivies par la signature de deux contrats de customisation et de service maintenance du 26 janvier 2021 pour pallier le manque de personnel qualifié au sein des deux sociétés et du mois d’avril 2021. Au fur et à mesure de l’état d’avancement des prestations réalisées, des factures ont été émises par la société Coinkafe qui ont été honorées.
Un procès-verbal de réception des livrables sur la période du mois de février au mois d’avril 2021a été signé le 20 avril 2021 par M. [C], sans aucune réserve et un dossier de presse lui a été remis. Dans un mail du 1er avril 2021 ce dernier reconnaissait la réalité de la dette mais demandait du temps pour pouvoir l’honorer. Un deuxième procès-verbal de réception des travaux a été signé par M. [C] le 23 avril 2021, toujours sans réserves. Plusieurs mails de ce dernier faisaient état de difficultés financières mais de l’imminence du paiement des factures en souffrance. A cet effet, avait été mise en place entre les parties une procédure amiable pour régler leurs différents.
C’est ainsi que les critiques sur l’application mobile, sur le site internet, sur les fonctionnalités qui ne s’ouvriraient pas et sur le livre blanc ne sont intervenues qu’à la fin du processus lorsqu’il a été demandé aux deux sociétés appelantes de payer le solde des factures. Ces critiques ne sont confirmées par aucun élément objectif ni aucun constat d’huissier de justice, ni même de capture d’écran. Il s’agit de simples affirmations qui sont contredites par la signature des deux procès-verbaux de réception des travaux effectués par le dirigeant des deux sociétés appelantes sans aucune réserve. Les critiques sur le travail du ‘ Product Owner ‘ apparaissent assez subjectives et à la fin des travaux de cette personne M. [C] les a finalement validés. A l’inverse, l’intimé apporte la preuve que le site internet fonctionne car il produit une capture d’écran selon laquelle le 24 décembre 2021 le site internet comportait 82 utilisateurs et avait 12 comptes en attente, de même que l’application mobile qui a été présentée au juge des référés du tribunal de commerce le jour de l’audience de plaidoirie. Les appelants reconnaissent eux-même dans leurs écritures qu’ils ont bien reçu un exemplaire du livre blanc, mais celui-ci était non modifiable dans l’attente du paiement des factures éditées. L’intérêt pour les sociétés appelantes d’obtenir un crédit impôt recherche n’est pas un critère qui figure dans les trois contrats passés entre les trois sociétés précitées et peut donc difficilement être invoqué aujourd’hui pour refuser de payer des prestations effectivement réalisées et non contestées initialement.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’il n’y a pas de contestation sérieuse, sur le fondement de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, sur la réalité des prestations effectuées par la SASU Coinkafe au profit des sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France et sur leur obligation de payer. L’ordonnance entreprise sera confirmée sur ce point.
– Sur le montant de la provision
La SASU Coinkafe est intimée et n’a pas formulé d’appel incident. Elle ne peut donc pas dans ses dernières conclusions d’intimé formuler une demande nouvelle consistant à solliciter l’allocation d’une somme de 81 450 euros avec intérêt au taux de 10 % à compter de la date de la mis en demeure du 25 mai 2021, à titre de provision, alors que la somme de 80 700 euros avaient été sollicités et alloués en première instance au taux légal. Faute d’appel incident, la cour n’est pas saisie de l’élévation de la demande.
Le sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France considèrent qu’aucune somme complémentaire n’est due au delà des 198 000 euros déjà payés. Elles estiment en outre que le taux d’intérêt contractuel de 10% ne peut pas partir de la date de la mis en demeure ni du 7 juin 2021 ni du 25 mai 2021 car ces mises en demeure n’existent pas ou ne sont pas valables.
Si l’on ne retient que les factures qui correspondent aux prestations validées par M. [C] à la suite des PV de réception des 20 et 23 avril 2021 qu’il a signés sans réserves, il y a lieu de retenir les sommes suivantes :
– facture n° 2021-01 TCE- 001 pour un solde de 18 000 euros car il est constant que les appelants ont déjà versé la somme de 18 000 euros sur les 36 000 euros du total de la facture
– facture n° 2021-01-TCE-0002 d’un montant de 36 000 euros
– facture n° 2021-01- TCE- 0003 d’un montant de 36 000 euros
– facture n° 2021-01- TCE-0004 d’un montant de 16 200 euros
-facture n° 2021-01- TCE-PO- 0004 d’un montant de 11 250 euros
soit un total de 117 450 euros duquel il convient de déduire les sommes versées par les sociétés appelantes qui ne sont pas contestées. Il reste donc un solde de 81 450 euros. Pour autant, faute pour l’intimé d’avoir fait appel du montant de 80 700 euros alloué en première instance. Il y a lieu de constater que seule la somme de 80 700 euros peut être allouée à titre de provision, avec intérêt au taux légal. L’ordonnance sera donc confirmée sur ce point.
Par contre, la date de point de départ des intérêts au taux légal ne peut pas être le 7 juin 2021 qui correspond à la date d’un courrier qui ne peut être considéré comme valant mise en demeure faute de comprendre les mentions obligatoires. Le point de départ du délai à partir duquel commencent à courir les intérêt au taux légal est celui de la décision de justice de première instance, soit le 19 janvier 2022. L’ordonnance entreprise sera donc infirmée sur ce point.
– Sur la demande d’expertise judiciaire
Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France sollicitent une expertise judiciaire informatique, mais ‘ les missions de la société Coinkafe relèvent d’un domaine très technique et innovant car il mêle informatique, finance et des innovations comme la Blockchain. Seuls certains experts de ce domaine peuvent comprendre la technicité de telles missions .’ Elles sollicitent donc que l’expert puisse contrôler si la société intimée a bien réalisé les prestations pourlesquelles elle s’est engagée, si le prix déjà payé est totalement justifié et si le prix réclamé est totalement jsutifié.
La société Coinkafe indique que la demande d’expertise est superflue. De plus, elle ne se base sur aucun fondement juridique et la demande est irrecevable. Enfin, c’est à tort qu’elles demandent à évaluer la proportionnalité du prix, car le contrôle du prix n’entre pas dans les compétences du juge en application de l’article 1103 du code civil.
Il y a lieu de noter que les sociétés appelantes formulent une demande d’expertise technique sans indiquer le fondement juridique de leur demande et sollicitent une mission d’expertise assez succincte qui consiste à ‘ analyser les prestations effectuées et déterminer les prestations manquantes ; contrôler une potentielle disproportion du prix déjà payé; contrôler une potentielle disproportion du prix demandé ‘.
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile suppose de constater la possibilité d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond.
Aucune pièce justificative n’est produite aux débats faisant état d’éventuelles distorsions entre les prestations prévues dans les trois contrats et les prestations effectivement réalisées qui pourraient justifier la nécessité de recourir à une expertise judiciaire, et ce d’autant plus que les deux société appelantes ont déjà accepté de verser une somme totale de 198 000 euros au titre de ces prestations. En outre, leur dirigeant a signé sans réserve les deux procès-verbaux de réception des travaux réalisés par la société Coinkafe.
Dans ces conditions, un procès potentiel sur le fond parait manifestement voué à l’échec et les conditions d’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ne sont pas réunies en l’espèce.
C’est ainsi qu’il y a lieu de rejeter la demande subsidiaire d’expertise judiciaire des prestations effectuées par la SASU Coinkafe.
– Sur la demande de dommages et intérêts pour menaces, inexécutions contractuelles, atteinte à l’image des sociétés et perte de chance d’obtenir de nouveaux clients et investisseurs
Les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France considèrent que leur dirigeant a été menacé par le dirigeant de la société Coinkafe pour le forcer à payer des sommes qui ne sont pas dues et cela leur a causé un préjudice moral justifiant l’allocation d’une somme de 5.000 euros. Elles estiment également que les inexécutions contractuelles, constatées, l’atteinte à l’image des deux sociétés et la perte de chance de trouver de nouveaux clients et de nouveaux investisseurs justifie l’allocation de dommages et intérêts pour un montant de 10 000 euros.
Il convient de rappeler que dans le cadre d’une procédure de référé, il n’est possible de solliciter que l’allocation d’une provision à valoir sur la liquidation définitive d’un préjudice et non pas la créance de dommages-intérêts elle-même.
Il n’y a pas lieu à référé de ce chef.
– Sur les autres demandes
Les appelants sollicitent l’allocation d’une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’intimé sollicite une somme de 4 800 euros sur le même fondement en première instance et en appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des société Futurs IO et Turbo Céréal France leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens et aucune somme ne leur sera alloué sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est par contre inéquitable de laisser à la charge de la SASU Coinkafe ses frais irrépétibles et il lui sera alloué une somme de 2 500 euros sur le fondement des article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France, qui succombent, seront tenues aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme l’ordonnance entreprise du juge des référés du tribunal de commerce de Paris en date du 19 janvier 2022 en toutes ses dispositions à l’exception du point de départ des intérêts au taux légal;
Statuant à nouveau,
Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 80 700 euros à titre de provision courront à compter de la décision du 19 janvier 2022 du juge des référés du tribunal de commerce de Paris;
Y ajoutant,
Rejette la demande subsidiaire d’expertise judiciaire informatique présentée par les société Futurs IO et Turbo Céréal France;
Rejette la demande des sociétés Futurs IO et Turbo Céréal France de condamnation de la SASU Coinkafe à une provision sur des dommages et intérêts pour menace, inexécution d’obligations contractuelles et atteinte à l’image des sociétés;
Condamne les sociétés Futurs IL et Turbo Céréale France à payer à la SAS Coinçage une somme de 2 500 suros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en appel;
Condamne les sociétés Futurs IO et Turbo Céréale France aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT