Droit des applications mobiles : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06729

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Droit des applications mobiles : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06729
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 8

ARRET DU 16 DECEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06729 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSPY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mars 2022 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 202002047

APPELANTE

S.A.S. KAIROS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Caroline GOLDBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : D369

INTIMEE

Mme [P] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Paul BILLOTEY, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Hadrien FOULON, avocat au barreau de PARIS, toque : C234, substituant Me Paul BILLOTEY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Rachel LE COTTY, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence LAGEMI, Président et par Marie GOIN, Greffier, lors de la mise à disposition.

Mme [P] [C], créatrice de l’application ‘Le grenier ludique’, application mobile de vente et location de jeux de société entre voisins, a intégré l’incubateur l’Escalator qui l’a orientée vers M. [G] [Y], gérant de la société Kairos, pour le développement de l’application. Le 12 octobre 2021, elle a signé avec la société Kairos un contrat par lequel elle lui confiait la refonte de l’application mobile pour un prix total de 20.034 euros, et a versé à ce prestataire un acompte de 10.017 euros.

Reprochant à la société Kairos d’avoir abusivement interrompu le développement de l’application et mis un terme au contrat, Mme [C] l’a en vain mise en demeure de lui rembourser l’acompte versé et l’a, par acte du 18 janvier 2022, assignée devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner au paiement, à titre provisionnel, de cet acompte.

Par ordonnance contradictoire du 23 mars 2022, le juge des référés a :

ordonné à la société Kairos de payer à Mme [C] la somme de 10.017 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal en vigueur ;

condamné la société Kairos à payer à Mme [C] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ainsi qu’aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquides a la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 31 mars 2022, la société Kairos a relevé appel de cette décision en critiquant l’ensemble des chefs du dispositif.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 30 août 2022, elle demande à la cour de :

– la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

y faisant droit,

à titre principal,

– dire que le juge des référés n’a pas fait mention de ses prétentions et moyens dans l’ordonnance entreprise ;

– dire que le juge des référés n’a pas motivé sa décision ;

en conséquence,

– juger la décision entreprise entachée de nullité et prononcer son annulation pure et simple ;

à titre subsidiaire,

– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

– dire qu’il n’existe aucun trouble manifestement illicite ou dommage imminent ;

– dire que l’ensemble des demandes de Mme [C] se heurte à des contestations sérieuses ;

en conséquence,

– dire que les demandes de Mme [C] excèdent les pouvoirs de la juridiction des référés et l’inviter à mieux se pourvoir ;

– débouter purement et simplement Mme [C] de l’ensemble de ses demandes ;

à titre très subsidiaire,

– la dire non fautive dans l’exécution de ses obligations et impayée de l’ensemble des prestations réalisées en application du contrat la liant à Mme [C] ;

en conséquence,

– débouter Mme [C] de ses demandes au titre de la restitution de l’acompte ;

à titre infiniment subsidiaire,

– dire que, si elle est responsable d’un préjudice à l’égard de Mme [C], la clause limitative de responsabilité prévue au contrat doit recevoir application ;

en conséquence,

– juger qu’elle devra restituer 50 % de l’acompte perçu, soit la somme de 5.008,50 euros TTC à Mme [C] et pas plus ;

en tout état de cause,

– réserver ses droits à conclure au fond sur les questions de responsabilité ;

– condamner Mme [C] au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– réserver les dépens.

Mme [C], par dernières conclusions remises le 30 septembre 2022, demande à la cour de :

à titre principal,

– confirmer l’ordonnance rendue le 23 mars 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a ordonné à la société Kairos de lui payer la somme de 10.017 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal en vigueur et condamné la société Kairos à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

y faisant droit,

– débouter la société Kairos de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la société Kairos à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

subsidiairement, dans l’hypothèse où la nullité de l’ordonnance serait retenue,

– ordonner à la société Kairos de lui payer la somme de 10.017 euros, majorée des intérêts de retard au taux légal en vigueur ;

– débouter la société Kairos de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner la société Kairos à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 26 octobre 2022.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de nullité de l’ordonnance entreprise

La société Kairos demande de prononcer la nullité de l’ordonnance entreprise pour défaut d’exposition de ses moyens et absence de motivation.

Mme [C] oppose qu’en admettant que les prescriptions des articles 455 et 458 du code de procédure civile concernant les jugements soient applicables aux ordonnances de référé, l’ordonnance dont appel reprend succinctement les prétentions de la société Kairos et se réfère à ses conclusions et se trouve motivée, notamment sur l’inexécution du contrat par la société Kairos.

Selon les articles 455 et 458 du code de procédure civile, inclus dans le titre XIV du livre 1er de ce code ‘Dispositions communes à toutes les juridictions’, et dès lors applicables aux ordonnances de référé, tout jugement doit, à peine de nullité, exposer succintement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, cet exposé pouvant prendre la forme d’un visa des conclusions, et être motivé.

En l’espèce, la décision déférée vise l’acte introductif d’instance ainsi que les conclusions déposées à l’audience par la société Kairos et énonce succintement, dans sa motivation, les moyens des parties.

L’ordonnance entreprise retient, par ailleurs, au visa de l’article 1217 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance nº2016-131 du 10 février 2016 : ‘que Madame [C] ait ou non utilisé le back-end n’empêche pas que le travail pour lequel elle a signé un contrat avec Kairos, pris en la personne de Monsieur [Y], n’a pas été exécuté entièrement (‘). Ainsi donc, le contrat n’a pas été exécuté, très loin de là, entrainant d’ailleurs des retards sur l’exploitation commerciale du logiciel (‘).’, éléments qui constituent une motivation au sens de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance ne méconnaissant pas, dans ces conditions, les prescriptions de l’article 455, la demande de nullité sera rejetée.

Sur la demande de provision

L’article 873 du code de procédure civile dispose que ‘le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’

La société Kairos invoque l’existence de contestations sérieuses, en ce que d’une part, la demande de remboursement de l’acompte revient à se prononcer sur sa responsabilité contractuelle, laquelle est du ressort du juge du fond, d’autre part, l’acompte litigieux ne peut être restitué sans une action judiciaire au fond aux fins de résiliation judiciaire du contrat. Elle précise qu’en tout état de cause, 70 % du travail demandé a été réalisé et que Mme [C] a eu accès au code source que lui a fourni le prestataire et sur lequel elle a pu faire travailler son collaborateur.

Mme [C] oppose qu’il n’est pas sérieusement contestable que la société Kairos n’a pas exécuté son obligation et a mis fin au contrat unilatéralement bien qu’aucune clause ne le prévoit, que le fait que la société Kairos ait pu développer une partie du code de l’application est sans importance dès lors que la prestation totale n’a pas été livrée, et qu’elle n’a aucune obligation d’accepter la chose non conforme. Elle ajoute que reprendre le code déjà développé est complexe et couteux, qu’elle a dû avoir recours à un nouveau développeur, que la version 2 de l’application est toujours en cours de développement et que la première version rencontre de nombreux bugs, générant un préjudice d’exploitation.

Si les parties admettent que le contrat n’a pas été intégralement exécuté, l’intimée ne conteste pas pour autant qu’une partie des prestations contractuelles ont été réalisées, ne discutant, à cet égard, ni que 70 % de la mission ont été exécutés comme le soutient la société Kairos, ni qu’elle a disposé des codes source remis par le prestataire. Or, d’une part, Mme [C] ne démontre pas, avec l’évidence requise, le caractère vain des travaux de la société Kairos, alors qu’elle fait état d’un fonctionnement – certes imparfait – de la version 1 de l’application (témoignages d’utilisateurs cités en page 11 de ses conclusions) et qu’elle reconnaît que le code déjà développé par la société Kairos pouvait être repris par un autre développeur ; d’autre part, le remboursement de la totalité de l’acompte versé reviendrait à prononcer la résolution judiciaire du contrat ou à statuer sur la responsabilité contractuelle de la société Kairos, demandes qui échappent au pouvoir du juge des référés.

La demande de condamnation provisionnelle au paiement de l’acompte se heurtant, dans ces conditions, à une contestation sérieuse, la cour dira n’y avoir lieu à référé et infirmera en ce sens l’ordonnance entreprise.

Mme [C] supportera les dépens de première instance et d’appel.

Au regard des circonstances de la cause, l’équité commande d’allouer à la société Kairos la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de la société Kairos tendant à l’annulation de l’ordonnance entreprise ;

Infirme l’ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau ;

Dit n’y avoir lieu à référé ;

Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d’appel ;

La condamne à payer à la société Kairos la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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