Opposition au dépôt d’une marque

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image_pdfEnregistrer (conclusions, plaidoirie)

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 AVRIL 2022

(n°64, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/09777 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDXH5

Décision déférée à la Cour : décision du 29 avril 2021 – Institut National de la Propriété Industrielle – Numéro national et référence : DC 20-0124 / 3832614 / SGU

DECLARANTE AU RECOURS

Société BRAIDA BY BRAYDA, société de droit italien, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

Viale Monte Santo 4 CAP 20124

MILAN

ITALIE

Représentée par Me Michel ARTZIMOVITCH de la SELARLU CABINET D.A, avocat au barreau de PARIS, toque C 2318

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)

15, rue des Minimes

CS 50001

92677 COURBEVOIE CEDEX

Représenté par Mme Caroline LE PELTIER, chargée de mission

APPELEE EN CAUSE

Société LUVANIS, société de droit luxembourgeois, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

4, rue Dicks

L-1417 LUXEMBOURG

GRAND-DUCHE DU LUXEMBOURG

Représentée par Me Thibault LANCRENON de la SELARL TRIPTYQUE LAW, avocat au barreau de PARIS, toque C 2511

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, en présence de Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mmes Brigitte CHOKRON et Laurence LEHMANN ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Le dossier a préalablement été transmis au Ministère Public, représenté lors des débats par Mme Monica D’ONOFRIO, Avocate Générale, qui a fait connaître son avis

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu la décision rendue le 29 avril 2021 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) qui, statuant sur la demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux présentée le 16 novembre 2020 par la société Luvanis (de droit luxembourgeois) contre la marque verbale française ‘YENDIS 29, rue Cambon.Paris’ n°11/ 3832614, déposée le 19 mai 2011, l’a reconnue justifiée et a déclaré la société Braida by Brayda (de droit italien) déchue de ses droits sur cette marque à compter du 11 mai 2017 pour l’ensemble des produits désignés dans l’enregistrement.

Vu le recours formé par la société Braida by Brayda le 25 mai 202, et les conclusions contenant l’exposé des moyens à l’appui du recours remises au greffe le 24 août 2021 aux termes desquelles il est demandé à la cour de réformer la décision du directeur général de l’INPI du 29 avril 2021, de dire que la requérante a apporté la preuve d’un commencement d’usage de la marque n°11/3832614 interrompu par un juste motif de non usage causé par les règles nationales de lutte contre la pandémie de Covid 19 en France en 2020, à titre subsidiaire, de déclarer l’action en déchéance engagée par la société Luvanis irrecevable en ce qu’elle constitue un abus de procédure, en tout état de cause, de condamner la société Luvanis à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions (n°2) remises au greffe le 8 janvier 2022 par la société Luvanis qui demande à la cour de :

A titre principal,

– juger que les prétentions de la société Braida by Brayda sont irrecevables en application des articles R.712-24 du code de la propriété intellectuelle et 125 du code de procédure civile, faute de renouvellement de la marque et, de ce fait, faute de qualité et d’intérêt à agir,

En conséquence,

– confirmer la décision attaquée et, très subsidiairement, prononcer la déchéance à compter de la date de la demande en déchéance soit le 16 novembre 2020,

A titre subisidiaire,

– juger que les prétentions de la société Braida by Brayda sont nouvelles en cause d’appel et, en conséquence, irrecevables en application de l’article R.411-38 du code de la propriété intellectuelle,

A titre infiniment subisidiaire,

– juger que les prétentions de la société Braida by Brayda au titre de supposés justes motifs de non usage sont infondées,

– juger que la société Luvanis n’a commis aucun abus de droit et /ou de procédure en initiant son action en déchéance des droits de la société Braida by Brayda sur la marque,

En tout état de cause,

– condamner la société Braida by Brayda au paiement de la somme de 4.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI remises au greffe de la cour pour l’audience du 24 février 2022 estimant sa décision justifiée.

Le ministère public ayant été entendu.

Le représentant du directeur général de l’INPI et le conseil de la société Luvanis ayant été entendus à l’audience mais non pas le conseil de la société requérante qui, par message RPVA, s’est excusé de son absence et a déclaré s’en remettre à son dossier.

SUR CE :

La demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux de la marque, présentée au directeur général de l’INPI le 16 novembre 2020, porte sur la totalité des produits pour lesquels la marque a été enregistrée à savoir :

– classe 14 : joaillerie, à l’exception de la joaillerie fantaisie ; bijouterie, à l’exception de la bijouterie fantaisie ; pierres précieuse ; horlogerie et instruments chronométriques, à savoir horlogerie et instruments chronométriques de luxe et de precision ; métaux précieux et leurs ullages ; monnaies ; objets d’art en métaux précieux ; coffrets à bijoux ; boîtes en méaux précieux ; boîtiers, bracelets, chaînes, ressorts ou verres de montre de luxe ou de precision ; statues ou figurines (statuettes) en métaux précieux ; étuis ou écrins pour l’horlogerie ; médailles ;

– classe 18: Cuir et imitations du cuir ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies de luxe, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; portefeuilles de luxe ; porte-monnaie de luxe ; sacs à main de luxe, sacs à dos de luxe, sacs à roulettes de luxe ; sacs d’alpinistes de luxe, sacs de campeurs de luxe, sacs de voyage de luxe, sacs de plage de luxe, sacs d’écoliers de luxe ; coffrets de luxe destinés à contenir des affaires de toilette ; colliers ou habits pour animaux ; filest ou sacs à provisions ; sacs ou sachets (enveloppes, pochettes) en cuir pour l’emballage.

Elle est fondée sur l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel, dans la version en vigueur depuis le 15 décembre 2019, applicable en la cause, énonce que : Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque (…).

Selon la décision du 29 avril 2021, objet du recours, le directeur général de l’INPI, ayant rappelé que l’article R.716-16 du code de la propriété intellectuelle précise dans son 1° que les pièces produites par le titulaire de la marque doivent établir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la demande en déchéance , a constaté en l’espèce que la marque contestée a été déposée le 16 novembre 2020 et enregistrée le 11 mai 2012 (publication au BOPI 2012/19 du 11 mai 2012) soit depuis plus de cinq ans à la date de la demande en déchéance formée le 16 novembre 2020. Il en a conclu, sans être critiqué sur ce point, que le titulaire de la marque contestée doit prouver l’usage sérieux de sa marque au cours de la période des cinq années précédant la date de la demande en déchéance soit du 16 novembre 2015 au 16 novembre 2020 inclus, pour l’ensemble des produits désignés dans l’enregistrement ou justifier d’un juste motif de non -exploitation de la marque.

Pour déchoir le titulaire de la marque contestée de ses droits, le directeur général de l’INPI a relevé que nulle preuve, ni justification, ni observation ne lui a été communiquée par le titulaire de la marque qui n’a pas répondu à ses demandes et ne s’est aucunement manifesté au terme du délai d’instruction de la procédure expirant le 9 février 2021.

En outre, le directeur général de l’INPI a fixé au 11 mai 2017 la date à laquelle la déchéance des droits produit effet, faisant droit ainsi à la requête de la société Luvanis qui sollicitait, au sens du dernier alinéa de l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, que la déchéance soit prononcée à cette date soit cinq ans après la date d’enregistrement de la marque.

Ceci posé, il doit être rappelé, et il n’est pas discuté, que, selon les dispositions de l’article R. 411-19 du code de la propriété intellectuelle, le présent recours, exercé à l’encontre d’une décision visée au deuxième alinéa de l’article L. 411-4 de ce même code, est un recours en réformation qui défère à la cour la connaissance de l’entier litige, la cour statuant en fait et en droit.

Il s’ensuit que, doit être d’emblée rejetée comme mal fondée, la fin de non-recevoir opposée par la société Luvanis à la société Braida by Brayda qui est recevable à former un recours même si elle ne s’est pas manifestée au cours de la procédure ayant abouti à la décision objet de ce recours, et qui, en outre, contrairement à ce qu’il est soutenu, n’émet pas de prétentions nouvelles au sens des dispositions de l’article R.411-38 du code de la propriété intellectuelle mais invoque des moyens de défense pour contester la demande en déchéance formée à son encontre.

La société Luvanis soulève, en outre, un second chef d’irrecevabilité tiré du défaut d’intérêt et de qualité à agir. Elle observe que la marque en cause, déposée le 19 mai 2011, devait être renouvelée pour le 19 mai 2021. Or, selon elle, la base de données de l’INPI ne fait pas mention, en janvier 2022, d’un renouvellement de la marque. La société requérante ne répond pas sur ce point dans ses écritures et le directeur général de l’INPI, dans ses observations, ne fournit pas davantage de précision.

En toute hypothèse, la société Luvanis a formé sa demande en déchéance le 16 novembre 2020. La société Braida by Brayda, titulaire à cette date des droits sur la marque visée par la demande en déchéance, justifie ainsi de la qualité et d’un intérêt à agir en défense à cette demande. Elle est en conséquence recevable en son recours contre la décision du directeur général de l’INPI qui y a fait droit.

Au soutien de son recours, la société Braida by Brayda se prévaut d’un juste motif de non-usage constitué selon elle par la pandémie de Covid 19 survenue au début de l’année 2020 qui, d’une façon indépendante de sa volonté, a rendu impossible et/ou déraisonnable l’usage de la marque.

Force est de constater qu’elle ne conteste pas que la marque n’a pas été exploitée et qu’elle ne justifie, en toute hypothèse, de la moindre preuve d’un usage de la marque.

Elle produit :

– des factures rédigées en italien et émises à Milan en septembre, octobre et novembre 2020 pour des produits ‘Yendis’ qui ne constituent pas des preuves d’usage sur le territoire français de la marque française objet de la demande en déchéance. (Pièce n°10).

– une attestation d’un entrepreneur individuel immatriculé au registre du commerce de l’Ukraine qui déclare, en date du 1er juillet 2021, attester ‘par la présente qu’en application du contrat passé le 12 octobre 2020 avec la société estonienne Bbevgoymer OU, j’ai travaillé au développement d’une application mobile (contenant des smileys originaux) présentant la marque YENDIS’. Il n’est précisé dans ce document ni les produits concernés ni le territoire visé par l’application dont il n’est aucunement indiqué qu’elle aurait été finalisée. (pièce n°9).

– un document en langue anglaise portant la date à Paris du 17 décembre 2019 d’où il ressort qu’une personne originaire de Russie est chargée par la société Braida by Brayda de lui présenter au cours du premier semestre 2020 des locaux commerciaux en vue de l’ouverture d’une boutique ‘YENDIS’ à Paris, qui, étant rappelé qu’un usage à titre d’enseigne ne vaut pas un usage à titre de marque, n’est d’aucune pertinence pour justifier d’un projet d’utiliser la dénomination en cause à titre de marque et ne renseigne pas, en toute hypothèse, sur les produits concernés. (Pièce n°8).

En conséquence, il ne résulte pas de l’examen de ces pièces que la pandémie de Covid 19 apparue à compter du premier trimestre 2020 a constitué un obstacle rendant impossible ou déraisonnable l’usage de la marque et caractérisant un juste motif de non usage de la marque dans la période considérée des cinq années précédant la demande en déchéance.

La demande en déchéance est en conséquence bien fondée et le directeur général de l’INPI n’est pas critiquable pour y avoir fait droit avec effet à compter du 11 mai 2017, cette date n’étant pas discutée par la société requérante.

Il découle du sens de l’arrêt que la société Luvanis n’a pas abusé de son droit en formant une demande en déchéance parfaitement justifiée au regard des textes applicables. La société Braida by Brayda est en conséquence mal fondée à soutenir qu’elle serait, motif pris d’un abus de droit, irrecevable en sa demande en déchéance.

La décision attaquée est dès lors confirmée.

L’équité commande de condamner la société Braida by Brayda à payer à la société Luvanis une indemnité de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Confirme la décision rendue le 29 avril 2021 par le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle,

Condamne la société Braida by Brayda à payer à la société Luvanis une indemnité de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au requérante et au directeur général de l’INPI par lettre recommandée avec accusé de réception.

La Greffière La Présidente