Droit des applications mobiles : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01405

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Droit des applications mobiles : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01405
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 10/11/2022

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/01405 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S6QM

Ordonnance de référé (N° 2019019645) rendue le 05 mars 2020 par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole

Arrêt (n°21/303) rendu le 07 octobre 2021 par la cour d’appel de Douai

APPELANTE

La SASU Refood Service, anciennement dénommée Oleo Recycling agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Emmanuel d’Antin et Me Bruno Robin, avocats au barreau de Paris, avocats plaidant

INTIMÉE

La SARL Quatra France, représentée par Monsieur [RM], en sa qualité de gérant, ayant tout pouvoir aux fins des présentes.

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Bruno Houssier, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

———————

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlene Tocco

DÉBATS à l’audience publique du 29 septembre 2022 après rapport oral de l’affaire par Agnès Fallenot.

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président, et Marlene Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 6 septembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

La société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, est une filiale du groupe Saria, spécialiste de la collecte et du traitement des produits alimentaires usagés. Elle est plus spécifiquement en charge du traitement des huiles alimentaires usagées (ci-après appelées HAU), sous l’enseigne ‘Allo à l’huile’.

La société Quatra SPRL est une société belge, également spécialisée dans la collecte des huiles et graisses alimentaires usagées. Elle est implantée dans plusieurs pays européens. Elle sous-traite la réalisation de ses collectes en France à la société Quatra France.

Les HAU sont des biodéchets classés comme non dangereux, règlementés par le code de l’environnement et le règlement sanitaire européen n°1069/2009, et comme tels soumis à certaines contraintes quant à leur tri, leur stockage, leur collecte et leur valorisation biologique. Les huiles récupérées sont, au terme d’un processus spécifique, mélangées avec du diesel classique pour devenir du biocarburant. La valeur des HAU brutes avant traitement varie entre 300 et 400 euros pour atteindre 600 euros la tonne voire plus une fois traitées.

Les HAU brutes sont généralement collectées chez le producteur par échange de fûts vides et propres contre des fûts pleins d’huiles usagées via des camions de collecte. La collecte se fait en fonction de la production d’HAU du restaurant client. Sa fréquence peut ainsi être très variable, entre plusieurs fois par mois pour les très gros faiseurs et une à deux fois par an pour les petits restaurants.

Affirmant avoir été alertée par un certain nombre de ses clients de collectes sauvages et de vols de ses contenants, faits illicites impliquant divers acteurs du marché, et notamment les sociétés Quatra, la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, a saisi le président du tribunal de commerce de Lille Métropole d’une requête aux fins de mesures probatoires sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 2 juillet 2019, le président du tribunal de commerce de Lille Métropole a, pour l’essentiel, commis diverses études d’huissiers situées à Lille, Thiais, Angers, Nancy, Rennes, Neuville-sur-Saône, Louvres et Ambarest Lagrave, correspondant aux ressorts des établissement de la société Quatra France respectivement situés à Lille (59), Ivry-sur-Seine (94), Angers (49), Ludres (54), Rennes (35), Saint Priest (69), Mitry Mory (77) et Saint Loubes (33), aux fins de :

-se rendre dans les établissements de Quatra France concernés,

-y constater la présence ou non de contenants Oleo Recycling et le cas échéant d’autres fûts,

-interroger toute personne sur place le cas échéant sur la provenance et la destination de ces contenants,

-se faire remettre et prendre copies des éléments de traçabilité commerciale comptables et administratifs des huiles usagées,

-autoriser l’huissier à se faire communiquer les codes d’habilitation notamment informatiques nécessaires ainsi que les mots de passe pour accéder aux ordinateurs,

-autoriser l’huissier à prendre copie papier ou numérique des éléments recueillis,

-autoriser l’huissier à se faire assister d’un commissaire de police,

-dire que tous les supports seront consignés chez les huissiers désignés et séquestrés.

Une précédente requête avait été déposée devant le président du tribunal de commerce de Chartres, lequel avait quant à lui ordonné diverses mesures d’investigation par ordonnance du 14 juin 2019, concernant un établissement Quatra France à Chateaudun et une autre société dénommée ‘Quick and Collect’.

Cette ordonnance a été partiellement rétractée et la décision de rétractation partielle a été confirmée par la cour d’appel de Versailles.

Les opérations ordonnées par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole ont été réalisées simultanément le 18 juillet 2019.

Par la suite, la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, a, le 5 août 2019, fait délivrer à la société Quatra France une sommation interpellative la mettant en demeure, pour l’essentiel, de :

-mettre un terme aux soustractions frauduleuses ou recel ou tout acte fautif relatifs aux contenants propriété de la société Oleo Recycling,

-communiquer la liste de l’ensemble des contenants Oleo Recycling en sa possession en précisant leur provenance et leur destination,

-communiquer les éléments comptables permettant de connaître le volume total d’huiles transféré par Quatra France à sa société mère, ces éléments n’ayant pas été communiqués dans le cadre de la mesure ordonnée,

-restituer l’ensemble des fûts,

-prendre toute mesure pour que ces pratiques ne se reproduisent plus.

Cette sommation étant restée sans suite, la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, a, par acte d’huissier du 10 octobre 2019, assigné la société Quatra France devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d’obtenir, sous astreinte, et au visa de l’article 873 du code de procédure civile, l’exécution forcée des demandes réclamées.

Les sociétés Quatra France et Quatra SPRL ont quant à elles, par acte d’huissier du 13 septembre 2019, assigné la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, en référé aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Lille Métropole.

Ces deux affaires ont été audiencées simultanément.

Suivant une première ordonnance du 5 mars 2020 (n°2019015083), le juge des référés a rétracté l’ordonnance du président du tribunal de commerce du 2 juillet 2019, prononcé la nullité des constats d’huissiers dressés et ordonné la restitution de tous les documents et objets appartenant à la société Quatra France.

Cette ordonnance a fait l’objet d’une déclaration d’appel de la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, du 12 mars 2020, enregistrée sous le numéro de RG 20/01406.

Suivant arrêt du 30 septembre 2021, cette cour a :

-confirmé l’ordonnance n°20190115083 du 5 mars 2020 en toutes ses dispositions,

-condamné la société Oleo Recycling à payer aux sociétés Quatra SPRL et Quatra France la somme de 6 000 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société Oleo Recycling aux dépens d’appel lesquels pourront être recouvrés directement par Maître Patrick Kazmierczak conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant une autre ordonnance du 5 mars 2020 (n°2019019645), le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole a:

-écarté du débat tout constat dressé ou document saisi par les huissiers mandatés par l’ordonnance du 2 juillet 2019 concernant la société Quatra France,

-débouté la société Oleo recycling de l’ensemble de ses demandes,

-condamné la société Oleo Recycling à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la société Oleo Recycling aux dépens.

Cette ordonnance a fait l’objet d’une déclaration d’appel de la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, du 12 mars 2020, enregistrée sous le numéro de RG 20/01405.

Par arrêt rendu le 7 octobre 2021, la cour d’appel de Douai a statué en ces termes :

« Vu l’arrêt de cette cour (n°de RG 20/ 01406) du 30 septembre 2021;

-ordonne la réouverture des débats et la révocation de l’ordonnance de clôture ;

-sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes ;

-invite les parties à fournir à la cour toutes observations sur les conséquences de l’arrêt susvisé sur le sort du présent litige ;

-les invite le cas échéant à conclure de nouveau ;

-renvoie l’affaire à la mise en état du mercredi 08 décembre 2021 à 14 h 30 ;

-réserve les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. »

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 2 septembre 2022, la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, demande à la cour de :

« Vu les articles 491 alinéa 1 et 873 alinéa 1 du Code de procédure civile,

Vu les articles 905 et suivants du Code de procédure civile

Vu les pièces versées aux débats,

(…)

– JUGER la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, recevable et bien fondée en son appel dirigé contre l’ordonnance de référé rendue le 5 mars 2020 (RG n°2019019645) par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de LILLE METROPOLE ;

– INFIRMER ladite ordonnance en toutes ses dispositions en ce qu’elle a :

o Débouté la société OLEO RECYCLING de l’ensemble de ses demandes ;

o Condamné la société OLEO RECYCLING à payer à la société QUATRA FRANCE la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

o Condamné la société OLEO RECYCLING aux dépens de l’instance, taxés et liquidés à la somme de 42.80 € en ce qui concerne les frais de Greffe.

STATUANT A NOUVEAU,

– JUGER que les faits dénoncés par la société OLEO RECYCLING (aujourd’hui REFOOD SERVICE) impliquant la société QUATRA FRANCE et reposant sur des éléments de preuve suffisants, caractérisent l’existence d’un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnées, en référé, des mesures conservatoires et de remise en état visant à le faire cesser ;

– JUGER que de telles mesures ne sont pas sont pas soumises à la démonstration d’une urgence.

EN CONSEQUENCE,

-ENJOINDRE à la société QUATRA FRANCE de :

– Dresser inventaire et communiquer à REFOOD SERVICE, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte, la liste exhaustive de l’ensemble des fûts et contenants de la société REFOOD SERVICE en sa possession, en lui précisant leur provenance, ainsi que leur destination, leur utilisation et leur destruction éventuelle, avec l’indication détaillée des clients auprès desquels ils ont été prélevés, puis acheminés, et des dates auxquelles ces prélèvements/acheminements ont été opérés;

– Communiquer à REFOOD SERVICE, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard passé le délai de 72 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte, la quantité de contenus de la société REFOOD SERVICE ayant transitée dans ses dépôts au cours des douze mois précédant l’assignation en référé signifiée à QUATRA FRANCE le 10 octobre 2019 et donner exhaustivement tous les éléments de leur traçabilité amont et aval, en lui précisant leur provenance, ainsi que leur destination ;

– Communiquer à REFOOD SERVICE, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard passé le délai de 72 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte, les éléments comptables permettant de connaitre le volume total d’huiles transférées par QUATRA FRANCE à la société QUATRA BELGIQUE SPRL-BVBA au cours des douze mois précédant l’assignation en référé signifiée à QUATRA FRANCE le 10 octobre 2019, ainsi que le volume total collecté par QUATRA sur cette même période avec la mention précise des lieux et dates de collecte ainsi que des clients concernés ;

– Restituer, à ses frais, à la société REFOOD SERVICE, sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte, l’ensemble des fûts ou « Oléo90 » et leur contenu en sa possession, propriété de cette dernière ;

– Dresser la liste des restaurants pour lesquels les salariés de QUATRA, ou les collecteurs auxquels QUATRA fait appel, ont procédé aux « transvasements d’HAU sur place » comme l’atteste le film de la vidéo surveillance du restaurant NINKASI (Pièce n°25 REFOOD SERVICE), en indiquant pour chaque restaurant une estimation du volume effectivement collecté, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte ;

– Plus généralement, mettre un terme immédiat aux soustractions ou complicités de soustractions frauduleuses et/ou recel de fûts et contenants d’huiles alimentaires usagées propriété de la société REFOOD SERVICE et plus généralement à toutes pratiques de nature à caractériser des actes fautifs, tels que des fausses déclarations, usurpations d’identité, ou usage d’une qualité fausse opérées notamment à l’égard des clients et partenaires de la requérante, sous astreinte de 15.000 euros par infraction constatée, le Juge des référés se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte ;

– Prendre les mesures nécessaires, notamment auprès de ses salariés, de ses entités affiliées, de ses partenaires et de ses sous-traitants, afin que de telles pratiques ne se reproduisent plus et en justifier auprès de la société REFOOD SERVICE, en lui transmettant notamment copie de la communication interne faite auprès des salariés de QUATRA sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte ;

– Prendre toutes dispositions pour communiquer activement, par voie épistolaire ou de presse, afin de rétablir autant que faire se peut la réalité de l’activité de REFOOD SERVICE (anciennement OLEO RECYCLING) et notamment le fait que QUATRA n’a aucun droit à collecter ses contenants et fûts, à se présenter comme représentant OLEO RECYLING (aujourd’hui REFOOD SERVICE), ou comme étant son cessionnaire ou son successeur et justifier de ladite communication sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte ;

– DEBOUTER la société QUATRA FRANCE de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– CONDAMNER la société QUATRA FRANCE à payer à la société REFOOD SERVICE la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– CONDAMNER la société QUATRA FRANCE, aux entiers dépens d’instance et d’appel. »

La société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, reproche à la société Quatra France des détournements d’HAU brutes collectées auprès de ses différents producteurs, dans un premier temps avec vol des contenants Saria (fûts bleus et containers verts « Oléo 90 »), remplacés par des contenants Quatra, puis dans un second temps par transvasement des HAU sans vol des contenants, de manière à rendre les détournements plus discrets.

Elle fait grief au premier juge d’avoir, à tort, retenu l’urgence comme une condition requise pour agir en référé afin de faire cesser un trouble manifestement illicite, erreur de droit qui ne peut conduire qu’à l’infirmation de la décision déférée.

Elle plaide qu’elle justifie de l’existence d’un trouble manifestement illicite impliquant la société Quatra, caractérisé par des collectes sauvages d’HAU pratiquées auprès de ses clients, des fausses informations colportées auprès de ces derniers, des vols de ses contenants, des transvasements d’huiles de ses contenants vers ceux de la société Quatra et l’accompagnement de ses clients et partenaires dans la résiliation massive de leurs contrats, pratique pour le moins agressive et anormale à l’égard d’un concurrent. Ces faits très graves et réitérés, perpétrés sur une longue période ainsi que sur une zone géographique étendue, impliquant systématiquement la société Quatra France, lui portent une atteinte inacceptable mettant en péril ses activités, puisqu’elle est victime d’un pillage pur et simple de son fonds de commerce.

L’arrêt rendu le 30 septembre 2021 ayant confirmé l’ordonnance de rétractation du 5 mars 2020 est sans incidence sur l’examen du litige, puisque bien au-delà des seuls constats d’huissiers qui avaient été diligentés le 18 juillet 2019, en exécution de l’ordonnance rétractée, elle rapporte la preuve des faits reprochés à la société Quatra par de nombreux autres éléments qu’elle détaille.

Elle demande que soient ordonnées des mesures visant à faire cesser le trouble manifestement illicite, de manière à obtenir le détail précis des fûts et contenants lui appartenant en possession de la société Quatra, ainsi que leur restitution, outre le détail des quantités d’huiles ayant transité dans ses dépôts, en mettant un terme à ses pratiques déloyales. Elle soutient que ses demandes sont recevables comme étant à la fois l’accessoire et le complément nécessaires des autres chefs de demandes déjà présentés en première instance.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 5 août 2022, la société Quatra France demande à la cour de :

« Vu l’article 873 alinéa 1 du Code de Procédure Civile,

Vu l’article 564 du Code de Procédure Civile,

Vu le précédent arrêt de la Cour d’appel de DOUAI dans la même affaire en date du 30 septembre 2021,

Vu les pièces produites,

(…)

CONFIRMER l’ordonnance de référé du 5 mars 2020 en toutes ses dispositions.

Subsidiairement,

DECLARER que la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, ne démontre pas l’existence d’un « trouble manifestement illicite ».

En tant que de besoin,

DECLARER IRRECEVABLES les demandes spécifiques formulées par la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, au visa de l’article 873 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

DECLARER IRRECEVABLE la nouvelle prétention suivante de la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, formulée pour la première fois en cause d’appel, à savoir :

« Dresser la liste des restaurants pour lesquels les salariés de QUATRA, ou les collecteurs auxquels QUATRA fait appel, ont procédé aux « transvasements d’H.A.U. sur place » comme l’atteste le film de la vidéo surveillance du restaurant NINKASI (Pièce n°25 OLEO RECYCLING), en indiquant pour chaque restaurant une estimation du volume effectivement collecté, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, le Juge des référés se réservant la possibilité de liquider l’astreinte ».

Par conséquent,

DEBOUTER la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, de ses prétentions en toutes fins, demandes et conclusions.

Dans tous les cas,

CONDAMNER la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, à payer à la société QUATRA FRANCE une somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER la société REFOOD SERVICE, anciennement dénommée OLEO RECYCLING, aux entiers dépens, dont ceux d’appel pourront être recouvrés par Maître Patrick KAZMIERCZAK dans les conditions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »

La société Quatra France plaide que l’urgence est sous-jacente au dommage imminent, de même que l’illicéité, et que la société Refood Service ne démontre pas l’existence d’un trouble manifestement illicite.

Elle observe que celle-ci ne rachète pas les HAU mais facture à ses fournisseurs un service de collecte. Elle n’est donc pas la propriétaire des produits, qui ne peuvent dès lors lui être volés, et elle n’a d’ailleurs déposé aucune plainte pénale. Elle n’a pas davantage déféré à la sommation de communiquer les documents contractuels afférents aux clients qu’elle a cités dans sa requête aux fins de constat.

La société Quatra France explique que la quasi-intégralité des contenants Oleo retrouvés dans ses entrepôts figuraient dans des lots achetés auprès d’autres collecteurs, ou dans les dépôts repris auprès d’autres collecteurs dont la société Quatra SPRL avait racheté le fonds de commerce et la clientèle. Dans le reste des cas, plus rarement, il s’agissait de contenants que des clients, qui travaillaient simultanément avec plusieurs collecteurs, avaient demandé à ses chauffeurs d’emmener pour les débarrasser, malgré les instructions contraires reçues. Elle souligne qu’une confusion est également tout à fait possible entre ses contenants et ceux de l’appelante, la plupart des fûts ne comportant pas d’identification. Elle a mis en place, depuis 2019, un système de traçabilité qu’elle déploie progressivement. Elle a en outre elle-même spontanément informé le dirigeant de la société Refood Service, début décembre 2018, que des fûts lui appartenant avaient été trouvés dans ses dépôts et proposé de les lui restituer, proposition à laquelle ce dernier n’a pas fait suite.

Elle revient sur chacun des faits qui lui sont reprochés par la société Refood Service, soulignant avoir racheté les fonds de commerce des sociétés BM, 10% Environnement et Bioval Huiles, et avoir en toute légalité collecté les clients de ces dernières. Elle justifie que certains des restaurants collectés sont ses propres clients. Elle observe que plusieurs des témoins de la société Refood Service sont indirects. Elle admet qu’une erreur de collecte a pu être faite par un nouveau chauffeur-collecteur, mais nie tout vol de contenant. Elle soutient que les transvasements qui ont pu être observés sont dus aux consignes données à ses chauffeurs de ne jamais emporter de contenants n’appartenant pas à la société Quatra. Elle soutient avoir été victime de vols de ses propres fûts, ensuite utilisés pour des collectes sauvages, et de contrefacteurs. Elle ajoute que c’est le personnel de la société Refood Service qui détourne volontairement ses fûts, et non l’inverse.

Elle conclut qu’il n’est pas déloyal d’assister administrativement les établissements qui veulent résilier leur contrat avec leur ancien prestataire de collecte et de les aider à formaliser leur demande. Il s’agit d’une pratique commerciale tout à fait classique, proposée par les plus grandes entreprises, dans tous les domaines d’activité.

La société Refood Service a voulu donner à cette affaire, de façon factice, des proportions qu’elle n’a pas. Les seuls cas cités sont disséminés géographiquement, étalés dans le temps sur près de deux ans, sans aucun lien entre eux et totalement fortuits. Elle n’a plus adressé le moindre reproche à la société Quatra France depuis 2019, alors même que celle-ci effectue une moyenne de 190 000 collectes chaque année.

A titre subsidiaire, la société Quatra France excipe que les demandes de la société Refood Service ne sont ni des mesures conservatoires, ni des mesures de remise en état au sens de l’article 873 alinéa 1 du code de procédure civile. Elles constituent pour l’essentiel des mesures d’instruction sous astreinte, qui ne sont pas recevables. Elles montrent une volonté d’obtenir de façon indue des informations commerciales et comptables confidentielles, au mépris du secret des affaires et du droit fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie.

Elle n’a plus, dans ses entrepôts, aucun fût, aucun contenant quelconque appartenant à la société Refood Service. Elle s’est débarrassée des vingt-neuf fûts arrivés par erreur en sa possession faute de réponse à sa proposition de restitution. Elle lui a rendu amiablement, et à ses propres frais, douze contenants qui lui avaient été remis, avec une centaine des siens, par la gendarmerie, à la suite du démantèlement d’un trafic. Aucun contenu appartenant à la société Refood Service n’a davantage transité ces douze derniers mois dans ses entrepôts. Elle a donné des instructions strictes à son personnel et en vérifie l’application, sanctionnant et réparant tout éventuel manquement.

La société Quatra France conclut que la demande la société Refood Service d’obtenir « la liste des restaurants pour lesquels les salariés de QUATRA, ou les collecteurs auxquels QUATRA fait appel, ont procédé aux « transvasements d’H.A.U. sur place », sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard » est irrecevable comme étant nouvelle en appel, et totalement injustifiée, l’appelante montant en épingle un incident isolé.

SUR CE

I – Sur l’existence d’un trouble manifestement illicite

En application de l’article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

En application de l’article 873 du code de procédure civile, il peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite peut être défini comme ‘toute perturbation résultant d’un fait qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit’.

Dans cette hypothèse, le juge des référés est invité à prendre une mesure destinée à mettre fin à une situation provoquant une atteinte dommageable et actuelle aux droits ou aux intérêts légitimes du demandeur.

Si, au moment où le juge doit statuer, le trouble allégué a pris fin, aucune mesure n’a plus lieu d’être prononcée et les demandes en ce sens sont alors dépourvues d’objet ou d’intérêt.

L’application de l’article 873, alinéa 1, n’est pas subordonnée à la preuve de l’urgence de la mesure sollicitée et l’existence d’une contestation sérieuse est indifférente, la notion de trouble manifestement illicite renvoyant toutefois tout de même à l’évidence.

Le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu’il constate.

En l’espèce, pour établir que le comportement de la société Quatra France lui cause un trouble manifestement illicite, la société Refood Service se prévaut d’une série d’événements qu’il convient d’examiner un à un.

1) Sur la collecte de deux contenants « Oléo 90 » et de 35 litres d’huile en vrac auprès du restaurant [C] (39) le 13 mars 2018

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit une attestation établie le 17 avril 2018 par Madame [OC] [L], se disant assistante administrative, sans lien de parenté, de subordination, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec les parties.

Celle-ci indique dans son attestation : « Mr [YS] [W] du [C] m’a contacté le 13/03/18 afin de me demander si on travaillait bien en partenariat avec la Sté QUATRA. Il a été très étonné lorsque je lui ai répondu dans la négative. Il m’a dit que l’agent de collecte qui s’est présenté le 13/03 lui avait certifié qu’il travaillait avec nous. Aussi, le collecteur a récupéré nos 2 poubelles vertes + 35 litres de vrac et a laissé à la place 2 fûts bleus. Il lui a laissé un bon de collecte. »

Il s’impose de constater que ce témoignage, qui émane en réalité manifestement d’une personne employée par la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, est en grande partie indirect, se contentant de rapporter des propos tenus par une tierce personne, laquelle n’a quant à elle fourni aucune attestation.

Si la société Quatra France ne rapporte pas la preuve de ses allégations selon lesquelles le restaurant litigieux faisait partie des clients de la société BM dont la société Quatra BVBA a racheté le fonds de commerce, il est établi par les pièces produites aux débats que la société [C], par l’intermédiaire de Madame [H] [Z], assistante de « Monsieur [J] », a pris contact avec la société Quatra au mois de janvier 2018 pour lui manifester son intérêt pour ses prestations de collecte d’HAU.

Celle-ci a en outre agi dans une totale transparence en laissant un bon de collecte à son nom.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

2) Sur la tentative de collecte auprès du supermarché Cora de Wittenheim (68) le 18 juillet 2018

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit un mail de Madame [V] [DA] en date du 18 juillet 2018, libellé en ces termes : « Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je vous confirme que nous avons bloqué la société Quatra qui venait illégalement chez nous récupérer des huiles alimentaires, ne laissant aucun bon d’enlèvement, ni aucun document attestant leur passage. Je vous joins un état des collectes qu’ils ont effectué pour cette années. Après une conversation téléphonique avec eux, ils m’ont indiqué avoir racheté la société BM de Sélestat et étant donné que nous étions dans leur base de données… ils estimaient que nous étions clients chez eux. Lorsque j’ai demandé qu’ils me fournissent le contrat dont ils disposaient pour affirmer cela, ils m’ont simplement envoyé un contrat à signer en ligne. »

Etait joint à ce mail l’état des collectes annoncé, lequel se révèle en réalité une pièce éditée le 18 juillet 2018 depuis l’espace client de la société Cora dans la base de la société Quatra, mentionnant trois précédentes collectes réalisées le 26 janvier 2018, le 18 avril 2018 et le 7 juin 2018, données confirmées par les bordereaux d’achat adressés à cette cliente après chacune desdites collectes.

La société Quatra a donc une nouvelle fois agi de manière transparente, accréditant ses propos selon lesquels elle s’est présentée dans ce magasin en qualité de successeur de la société BM, dont le mail de Madame [DA] ne conteste pas la qualité de collecteur de la société Cora.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

3) Sur la collecte opérée auprès de la résidence Médicis à Evry (91) le 21 novembre 2018

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit un mail de Madame [D] [K] en date du 21 novembre 2018, libellé en ces termes : « (‘) nous vous confirmons qu’un homme d’origine Bulgare est venu ce jour récupérer les huiles alimentaires usagées de l’établissement. Aucune demande n’a été faite au préalable par la résidence. Nous nous sommes rendus compte lors de la remise du Bon de collecte que le collecteur n’était pas celui habituel. Nous vous avons contacté pour vous en informer. »

Etait joint à ce mail un document portant tout à la fois les noms « Allo à l’huile », « Quatra » et « Oleo Recycling ».

C’est donc avec une parfaite légitimité que la société Quatra France observe que ce document est un faux grossier, et que la collecte a été réalisée par un contrefacteur. Elle justifie avoir adressé pour ces faits une plainte avec constitution de partie civile le 2 octobre 2019 entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance d’Evry.

Il résulte de ces éléments que les faits incriminés ne sont pas établis avec l’évidence requise devant le juge des référés.

4) Sur la « tentative de régularisation de contrats de prestation de collecte d’HAU » auprès du groupe de restauration La Criée

La société Refood Service évoque les « conditions douteuses dans lesquelles Quatra a tenté de faire régulariser des contrats de prestations de collecte d’HAU auprès du groupe de restauration La Criée, client historique d’Oleo Recycling, en y apposant d’office des signatures numériques, « empruntées » à leur propriétaire, utilisant ainsi une qualité fausse, afin de capter ses HAU au détriment d’autres acteurs du marché » le 10 mai 2019.

Afin d’établir ce fait, elle produit un mail de Monsieur [R] [X], salarié de la société Saros, exploitante des restaurants La Criée, adressé à la société Quatra en date du 10 mai 2019, libellé en ces termes :

« Bonjour, j’ai bien reçu les contrats et je m’étonne de constater que toutes les signatures sont illisibles, et qu’elles ne correspondent pas à des signatures de nos directeurs de restaurants. Je remarque également qu’aucun des contrats ne faite apparaître le cachet commercial de la société. Par conséquent, je considère que ces contrats n’ont aucune valeur et que nous n’avons aucun engagement avec votre société. »

Etaient joints à ce mail dix contrats litigieux, manifestement signés numériquement :

-le 21 avril 2017, pour le restaurant de [Localité 11] (10) ;

-le 29 juin 2017, pour le restaurant de [Localité 12] (95) ;

-le 11 juillet 2017, pour le restaurant de [Localité 17] (91) ;

-le 26 décembre 2017, pour le restaurant de [Localité 15] (77) ;

-le 11 mai 2018, pour le restaurant de Lomme (59) ;

-le 31 janvier 2018, pour le restaurant de [Localité 10] (93) ;

-le 27 avril 2018, pour le restaurant de [Localité 4] (63) ;

-le 29 mai 2018, pour le restaurant d'[Localité 6] (69) ;

-le 5 septembre 2018, pour le restaurant d'[Localité 8] (45) ;

-le 3 octobre 2018, pour le restaurant de [Localité 14] (76).

Rien ne permet de qualifier lesdits contrats de faux, une signature numérique excluant par définition l’apposition de tout cachet commercial. Aucune plainte n’a été déposée contre la société Quatra, qui a pu exécuter ses collectes sans incident jusqu’au mois de mai 2019, comme le démontrent les mails qui lui ont été adressés par les restaurants en question lui demandant de venir collecter les fûts d’huiles usagées.

Les raisons de l’intervention de Monsieur [X] et ses suites ne sont pas communiquées à la cour, l’intéressé entretenant toutefois suffisamment de liens avec la société Oleo Recycling pour lui avoir transmis ses échanges avec la société Quatra.

Il résulte de ces éléments que les faits incriminés ne sont pas établis avec l’évidence requise devant le juge des référés.

5) Sur la rédaction de lettres de résiliation

La société Refood Service justifie avoir reçu des lettres de résiliation de différents clients, rédigées en des termes parfaitement identiques, sur les conseils de la société Quatra France, comme le démontre le courriel adressé au restaurant [Adresse 7] (44) par l’adresse « [Courriel 5] », indiquant :

« Comme convenu, vous trouverez ci-jointe la lettre de résiliation par votre ancien prestataire.

Veuillez la tamponner et la signer ensuite nous la renvoyer par mail à l’adresse suivante [email protected], svp.

Ensuite, nous ferons le nécessaire. (‘) »

Cependant, la libre recherche de clientèle est de l’essence du commerce, dès lors qu’elle ne s’accompagne d’aucune man’uvre déloyale, ce que ne caractérise nullement le simple fait de proposer un courrier-type de résiliation.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

6) Sur la collecte de deux fûts d’HAU de 200 litres d’Oleo Recycling au restaurant de la Plage, Chez [FK] à Arcachon (33), remplacés par des fûts de Quatra, le 25 juin 2019

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit une attestation d’une de ses salariés, Madame [LS] [N], en date du 25 juin 2019, libellée en ces termes :

« Ce jour mardi 25 juin 2019, notre chauffeur [TX] [M] s’est présenté au [Adresse 9] pour collecter les fûts d’huiles alimentaires usagées. Il m’a appelée depuis un téléphone (‘) pour m’informer que nos 2 futs de 200 litres avaient disparu et qu’il y avait à la place des futs de Quatra (nom sur les futs). J’ai demandé à parler à un responsable. Je me suis entretenue avec [S] qui m’a confirmé qu’un chauffeur était passé semaine dernière et lui avait affirmé avoir été contacté pour qu’il vienne collecter les futs pleins. Elle a pensé que c’était un de nos chauffeurs et lui a laissé reprendre les futs. Elle va donc rappeler la société Quatra pour leur demander de ramener nos deux futs et reprendre les leurs. »

Cependant, la société Quatra France démontre, par l’attestation de son chauffeur, Monsieur [KF] [E], que lors d’une collecte chez une cliente, celui-ci a été interpellé par un employé du restaurant voisin, Chez [FK], qui lui a demandé d’emporter deux fûts d’huiles pleins, car « les cuisiniers n’avaient plus de place ». Croyant bien faire, ce dernier a répondu favorablement à cette demande, enregistrant la société comme une nouvelle cliente et échangeant les conteneurs Oleo par des contenants Quatra.

La société Quatra France précise avoir effectivement été avertie de l’erreur commise, par téléphone, le 28 juin 2018, par le propriétaire de l’établissement, et justifie avoir restitué les contenants de sa concurrente dès le lendemain.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

7) Sur la disparition de deux contenants verts « Oléo 90 » remplacés par un fût bleu comportant le logo « QUATRA » au sein du restaurant McDonald’s de Saint Germain les Corbeil (91) le 8 août 2019

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit un mail interne du 16 août 2019 indiquant que lors d’une opération de collecte du 8 août 2019 au sein du restaurant Mac Donald’s de [Localité 13], son chauffeur a constaté la disparition de deux contenants Oleo et leur remplacement par « un fût logoté QUATRA ».

Etait joint à ce mail une photographie du fût litigieux.

La société Quatra expose quant à elle n’avoir effectué aucune collecte dans ce restaurant, la chaîne Mac Donald’s ne figurant pas parmi ses clients, et ne jamais déposer de fût sale en échange des contenants enlevés. Elle observe légitimement qu’un seul fût a été échangé alors que le restaurant disposait de plusieurs fûts, qu’aucun bon de collecte n’a été établi, et produit un échange de mails avec le responsable du restaurant litigieux dans lequel elle conclut : « Nous sommes presque sûr qu’il s’agit d’un vol de notre fût chez un de nos (autres) clients, et qu’ils utilisent après pour masquer un vol chez un restaurant de McDonald’s », ce dernier lui répondant « ne pas douter « une seconde de [sa] non implication dans cette affaire » après lui avoir précisé ne pas pouvoir lui transmettre des images de la vidéosurveillance.

Il résulte de ces éléments que les faits incriminés ne sont pas établis avec l’évidence requise devant le juge des référés.

8) Sur le transvasement de trois contenants d’Oleo Recycling le 21 août 2019 à la brasserie L’Agricole de Nevers (58)

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit une attestation de Monsieur [B] [UL], en date du 2 septembre 2019, libellée en ces termes :

« Le 21/08/2019 à 12h30 un homme c’est présenté pour récupérer les huiles de friteuses environ 300 litres, il parle très peu le français (je suis espagnole). Les trois containers verts plus plusieurs bidons de 10 litres ont été vidés dans des fût bleu dans son camion, il me dit ne plus me servir des containers verts ayant repris le secteur. Il me fait signer un bon entreprise Quatra, j’ai pensé que mon partenaire habituel avait fait appel à une autre société pendant les vacances »

En réponse, la société Quatra indique que :

– ce restaurant appartient au groupe Baresto, avec lequel la société Quatra BVBA a signé un contrat de référencement le 1er juin 2019 ;

– sur la dernière page de ce contrat, il est renvoyé pour son application à l’annexe 1 « Liste actuelle des adhérents », dans laquelle le restaurant L’Agricole à Nevers est bien mentionné ;

– cette collecte a eu lieu avec l’accord du restaurant concerné et a fait l’objet d’un bon d’achat par la société Quatra SPRL.

Elle ne produit ni le contrat en cause ni son annexe.

Cependant, la signature d’un bon de collecte Quatra révèle un comportement transparent, l’intimée expliquant cette pratique de transvasement par le fait que que ses chauffeurs ont reçu l’instruction de ne pas emmener lors de leurs tournées des contenants ne lui appartenant pas. Elle justifie d’ailleurs donner des avertissements à ses chauffeurs-collecteurs ne respectant pas cette consigne et leur faire rapporter lesdits contenants.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

9) Sur la récupération des HAU du restaurant Courtepaille de [Localité 16] Sud (26) le 18 septembre 2019

Afin d’établir ce fait illicite, la société Refood Service produit une attestation de Monsieur [O] [I], en date du 18 septembre 2019, libellée en ces termes :

« un monsieur de type africain est arrivé ce jour mercredi 18 septembre sur le parking du restaurant courtepaille de valence sud et de l’hôtel mercure pour récupérer les huiles usagées de notre friteuse, je lui est demandé comment cela ce fait que la société avait changé de nom, il m’as expliqué que sa société QUATRA avait racheté la société ALLO à l’huile et que je devais les appelés pour qu’ils récupères leur ancien fûts vu que nous étions leur nouveaux clients, chose que j’ai fais c’est après midi et que la surprise j’ai été informés que la société QUATRA récupéraient les fûts de la société ALLO à l’huile à leur insu. »

En réponse, la société Quatra France justifie que la société Quatra BVBA a racheté, courant 2019, la société Bioval’huiles, et produit une attestation de son chauffeur, Monsieur [P] [U], en date du 15 janvier 2020, selon laquelle :

« Le 18/09/19 je suis passé au restaurant Courtepaille [Localité 16] Sud (‘). Ce client à faire se trouvait sur mon planning de la semaine. J’ai transvasé l’huile dans son bidons bleus pendant qu’un employé était à côté de moi en train de fumer. J’ai encodé la collecte dans mon application mobile. Le client m’a demandé pourquoi est-ce que c’est Quatra qui passe. Je lui est répondu que Quatra avait racheté Bioval’huile en lui montrant la preuve sur mon planning sur lequel il est mentionné l’origine du client qui est donc Bioval’huile ».

Ces attestations sont contradictoires. S’agissant des seuls éléments versés aux débats, elles ne permettent pas à la cour de déterminer les circonstances exactes dans lesquelles s’est effectuée cette collecte.

Il en résulte que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

10) Sur le transvasement de trois contenants d’Oleo Recycling à la brasserie Ninkasi de Champagne au Mont d’Or (69) le 18 octobre 2019

Afin d’établir ce fait, la société Refood Service produit une attestation de Monsieur [A] [PY], en date du 21 octobre 2019, libellée en ces termes :

« Depuis plusieurs mois, la société qui fait les enlèvements de nos huiles usagées, nous a prévenu que lors de leurs passages, nos poubelles de stockage d’huile étaient vides. J’ai donc décidé de vérifier chaque matin le niveau de l’huile dans nos poubelles. Jeudi 17 octobre 2019 au matin, trois poubelles étaient pleines. Samedi 19 octobre 2019 matin les poubelles étaient vides alors que le passage de la société Oleo Recylcling n’avait pas encore été effectué. J’ai décidé de visionner les enregistrements de nos caméras de vidéo surveillance pour les deux nuits. Le vendredi 18 octobre 2019 vers 6h50, j’ai vu une personne en bleu de travail de la société QUATRA venir transvaser l’huile des trois poubelles vertes vers des bidons bleu. La scène a duré environ 20 minutes. Quelques minutes après, sur une autre caméra, j’ai vu sortir de la contre allée une camionnette de la société Quatra. »

Les propos de ce dernier sont corroborés par le procès-verbal de constat d’huissier établi le 31 octobre 2019 sur visionnage des enregistrements de vidéo-surveillance.

En réponse, la société Quatra France indique que son chauffeur pensait collecter un des clients de la société Bioval’huiles, rachetée par la société Quatra BVBA, le restaurant Carlita Pizza, situé [Adresse 2]. Elle démontre avoir effectivement collecté cet établissement le 2 juillet 2019 et produit le contrat de collecte.

Cet établissement a ensuite changé de propriétaire et d’enseigne, devenant la brasserie Ninkasi, sans qu’il soit démontré que la société Quatre France en ait été informée.

La collecte litigieuse a été enregistrée au nom du restaurant Carlita Pizza, et il ressort de l’attestation de Monsieur [T] [F], chauffeur de la société Quatra France, en date du 22 décembre 2019, que ce dernier, passé très tôt le matin, n’a pas remarqué le changement d’enseigne de l’établissement, qu’il avait déjà collecté précédemment, le 5 juin 2019.

Il résulte de ces éléments que le caractère illicite du fait incriminé n’est pas établi avec l’évidence requise devant le juge des référés.

L’ensemble des griefs invoqués par l’appelante ayant été écarté, il s’impose de constater qu’il n’est pas justifié de la violation évidente de la règle de droit dont elle se prévaut.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

II ‘ Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes des articles 696 et 699 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision.

L’issue du litige justifie de condamner la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance.

En conséquence, il convient d’accorder à Maître [Y] [G] le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Oleo Recycling, devenue Refood Service, à payer à la société Quatra France la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, tenue aux dépens d’appel, sera en outre condamnée à verser à la société Quatra France la somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l’ordonnance n°2019019645 rendue le 5 mars 2020 par le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole ;

Y ajoutant,

Condamne la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, à payer à la société Quatra France la somme de 10 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société Refood Service, anciennement Oleo Recycling, aux dépens d’appel ;

Accorde à Maître Patrick Kazmierczak le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

[KF] [HV]

 


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