Droit de suite : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03302

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Droit de suite : 9 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/03302

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 09 FÉVRIER 2023

N° 2023/125

Rôle N° RG 22/03302 N° Portalis DBVB-V-B7G-BI7NU

[E] [D]-[W]

C/

[I] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Philippe BRUZZO

Me Joseph MAGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l’exécution d’Aix-en-Provence en date du 24 Février 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 19/05296.

APPELANTE

Madame [E] [D]-[W]

née le 16 Juillet 1948 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO / DUBUCQ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me François ROBAGLIA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

Monsieur [I] [N]

né le 04 Octobre 1960 à [Localité 8],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Gaëlle MERIC de l’AARPI MERIC LEVY-BISSONNET, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Décembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2023,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [I] [N], petit fils du peintre et plasticien, [M] [O], décédé en mars 1997 a été assisté et représenté par Me Martine [D]-[W], avocate à Marseille, dans différentes procédures, pour faire valoir ses droits sur l’exploitation de l’oeuvre de son parent, ce selon ses dires, depuis l’année 2005.

Il a par la suite, contesté le montant des honoraires qui lui étaient réclamés par son avocate et remis en cause la décision en date du 1er septembre 2016 du Bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Marseille, de sorte que par arrêt en date du 9 janvier 2018, la cour d’appel sur cette opposition à taxe a :

– confirmé la décision en ce qu’elle a dit que M. [I] [N] est redevable envers Mme [E] [D]-[W] d’un honoraire de résultat de 5% des droits d’exploitation de l’oeuvre pendant une durée de 10 années à compter du 28 octobre 2015 au titre de l’action en attribution du droit moral sur l’oeuvre de [M] [O];

– ajouté que M. [I] [N] sera tenu de faire connaître à Mme [E] [D]-[W] dans le mois de la signification de la décision, l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 28 octobre 2015, au titre de l’exploitation de l’oeuvre de [M] [O] ainsi que les bilans et comptes d’exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaître les revenus perçus par lui de cette exploitation et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard, à compter de l’expiration du délai d’un mois de la signification de la décision, et que M. [I] [N] devra communiquer chaque année, à la date anniversaire de cette décision, à Mme [D]-[W] ces mêmes éléments pour chaque année écoulée et ce jusqu’au 28 octobre 2025;

– infirmé la décision déférée pour le surplus et, statuant à nouveau,

– fixé le montant des honoraires de diligences dus par M. [I] [N] à Mme [E] [D]-[W], à la somme de 319 780 € TTC dont il convenait de déduire celle de 92 500€

déjà réglée, soit un solde restant dû de 227 280 € TTC ;

– rejeté une demande de dommages intérêts, celles formées en application de l’article 700 du code de procédure civile et toutes autres demandes ;

– condamné monsieur [I] [N] aux dépens.

L’arrêt a été signifié par huissier de justice le 20 mars 2018 à M. [I] [N] avec délivrance d’un commandement de payer.

Le 23 octobre 2019, madame [D]-[W] a saisi le juge de l’exécution d’Aix en Provence en liquidation de l’astreinte prononcée, ce pour la période du 20 avril 2018 au 2 février 2022, lequel par jugement du 24 février 2022 a :

– rejeté la demande en liquidation d’astreinte et en dommages et intérêts,

– dit n’y avoir lieu à réserver les droits de madame [D]-[W] pour revenir en liquidation d’astreinte en cas de persistance de M. [I] [N] à refuser d’exécuter ses obligations,

– dit n’y avoir lieu à frais irrépétibles,

– débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

– condamné madame [D]- [W] aux dépens.

Il retenait que l’astreinte ne pouvait être mise en oeuvre que pour la première partie de la condamnation, et non pour l’obligation de transmettre à l’avenir, chaque année, les documents énumérés, et qu’il était justifié de la communication des pièces requises, sans que ces éléments ne puissent être contredits, au titre des revenus d’exploitation obtenus par monsieur [I] [N].

La décision a été notifiée par le greffe le 25 février 2022, ainsi qu’en atteste la signature portée sur l’avis de réception postal, et madame [D] [W] a fait appel de la décision par déclaration du 3 mars 2022.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 20 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé, elle demande à la cour de :

– réformer la décision entreprise,

A titre principal,

– liquider l’astreinte à la somme de 768 600 euros au titre de deux obligations de faire,

Entre le 20 avril 2018 et le 03 mars 2022 (date de la déclaration d ‘ appel) soit 1413 jours X300 = 423 900 €

Entre le 9 janvier 2019 et le 03 mars 2022 (date de la déclaration d ‘ appel) soit 1149 jours X 300 = 344 700 €

Sauf à parfaire, avec le nombre de jours de retard échus pendant l ‘ instance d’appel jusqu’à la décision,

– condamner monsieur [A] à payer cette somme de 768 600 euros sauf à parfaire avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil, à compter de l’assignation introductive d’instance le 23 octobre 2019,

Y ajoutant,

– ordonner une astreinte définitive de mille euros (1 000 €) par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir pour assortir l’obligation d’avoir à communiquer l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 28 octobre 2015, au titre de l ‘exploitation de l”uvre de [M] [N] ainsi que les bilans et comptes d’exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette exploitation ainsi que l’obligation d’avoir à faire connaitre à date anniversaire, l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 9 janvier 2019, au titre de l’exploitation de l”uvre de [M] [O] ainsi que les bilans et comptes d exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette exploitation,

A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer que l’obligation de communiquer à date anniversaire à compter de l ‘ordonnance du 19 janvier 2019 n’était pas assortie de l’astreinte,

– ordonner la liquidation de l’astreinte provisoire prononcée par l ‘ordonnance du 9 janvier 2018 concernant l’obligation d’avoir à communiquer l’ ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 28 octobre 2015, au titre de l’exploitation de l”uvre de [M] [N] ainsi que les bilans et comptes d’exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette exploitation à la somme 423 900 €,

– condamner monsieur [N] à lui payer cette somme de 423 900 €, sauf à parfaire avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil, à compter de l’assignation introductive d’instance le 23 octobre 2019,

Y ajoutant,

– ordonner une astreinte provisoire de cinq cents euros (500 €) par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir la condamnation de monsieur [I] [N] à faire connaitre à date anniversaire, l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 9 janvier 2019, au titre de l ‘exploitation de l”uvre de [M] [O] ainsi que les bilans et comptes d’exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette exploitation,

– ordonner une astreinte définitive de mille euros (1 000 €) par jour de retard pour l’obligation d’avoir à communiquer l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 28 octobre 2015, au titre de l’exploitation de l”uvre de [M] [N] ainsi que les bilans et comptes d ‘exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette

En tout état de cause,

– condamner monsieur [I] [N] à payer la somme de 50 000 euros à madame [D] pour résistance abusive,

– condamner monsieur [I] [N] à payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à tous les frais et dépens de l ‘ instance.

L’attitude peu constructive de monsieur [N] justifie que l’astreinte porte à la fois sur la période du 28 octobre 2015 au 9 janvier 2018, mais aussi sur l’avenir, dans le cadre d’une communication annuelle, à chaque date anniversaire de l’ordonnance ce jusqu’en 2025, afin de lui permettre de vérifier les ressources obtenues et les honoraires qui en découlent pour elle. Les bilans et comptes de résultat des sociétés dans lesquelles il est associé n’ont pas été communiqués et l’interessé a créé des sociétés écran au nom de sa famille et de son partenaire d’affaires, monsieur [L] [T]. Ces pièces comptables ne peuvent être remplacées par une simple attestation de l’ADAGP. Il n’a pas justifié alors qu’il est gérant de la SARL [I] [O], créée en 2003 de cette activité, pas davantage de celle de l’entreprise individuelle [I] [N], créée en 2016. Madame [P] [Y], épouse de l’intimé, apparait dans une société SAS [O] Editions, qui a nécessairement signé un contrat avec monsieur [I] [N] pour qu’il autorise l’exploitation de l’oeuvre au titre du droit moral. Ce contrat n’a pas été communiqué (article L131-2 du code de la propriété intellectuelle), et son épouse dispose de 50 % de la société, bien que séparée de biens, son mari en tire nécessairement avantage. Une autre société exploitée par la famille [T], dont il est très proche existe depuis 2018, la SARL Emmanuel Alexandre, qui présente majoritairement des oeuvres de [O] et a nécessairement signé un contrat avec monsieur [I] [O], fut-ce à titre gratuit, pour présenter ces oeuvres et les vendre. Cette convention n’est pas produite. Plusieurs galeries à [Localité 8] et [Localité 4], présentent également des oeuvres à la vente ce qu’elles ne peuvent faire sans contrat écrit. De même les musées sont débiteurs en principe d’un droit de monstration ou d’exposition qui relève d’un contrat écrit…il n’en est pas justifié malgré des expositions en 2019 et 2020 notamment au [3], au [Localité 6], à [Localité 5]. La collection printemps été 2022 de [S] [J] s’est directement inspirée de l’oeuvre [O], les conventions n’ont pas été présentées. Elle n’a été réglée de ses droits que sur l’activité de l’ADAGP, mais c’est très incomplet compte tenu du comportement de monsieur [N]. Dans ses conclusions elle reprécise qu’il ne s’agit pas ici du droit de suite applicables au titre des alienations successives de l’oeuvre elle même, mais du droit moral qui constitue un monopole d’exploitation lequel comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions en date du 23 juin 2022, auxquelles il est renvoyé, monsieur [I] [N] demande à la cour de :

– confirmer la décision du Juge de l’exécution entreprise dans toutes ses dispositions,

En consequence,

– juger qu’il a exécuté les obligations mises à sa charge, qu’il n’y a pas lieu à liquider l’astreinte ni à en prononcer une nouvelle,

– débouter Mme [D]-[W] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Mme [D]-[W] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Il rappelle qu’il a désormais acquitté toutes les sommes qui étaient dues au titre des honoraires fixés par la cour d’appel dans le cadre d’une taxe mais qu’il reste à arbitrer sur les honoraires de 5% des droits d’exploitation de l’oeuvre, que madame [D] réclame sur 10 ans à compter du 28 octobre 2015, ce pourquoi il a l’obligation de justifier des ressources obtenues de ce chef à titre personnel ou au travers de sociétés. L’astreinte prononcée en janvier 2018 ne concerne que la période déjà écoulée (28 octobre 2015 au 30 avril 2018) au moment de la décision, et non pas l’avenir. Il n’y a pas lieu de dénaturer le titre et son dispositif. L’appelante continue de confondre droits d’exploitation et droits de suite, ce qui a été tranché par la cour d’appel dans l’arrêt du 28 octobre 2021, le droit d’exploitation englobe la présentation au public et la reproduction de l’oeuvre sur différents supports. Il partage ses droits patrimoniaux avec un oncle, monsieur [H] [O] et la veuve de son père, madame [Z], mais c’est l’ADAGP (société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques) spécialement créée pour ce faire qui les gère et les répartit, selon convention signée depuis 1991. Il a justifié par une attestation du directeur administratif de cette société des ressources obtenues. Il ne dissimule pas ses revenus et a communiqué les pièces exigées par la décision judiciaire, tous ses revenus sont personnels et déclarés à l’administration fiscale, il est de bonne foi. Les sociétés visées par madame [D]-[W] dans ses écritures ne lui rapportent aucun revenu au titre de l’exploitation de l’oeuvre et il s’en explique. Il produit ses avis d’imposition annuels.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2022.

La cour a invité les parties en cours de délibéré et à toutes fins, à présenter leurs observations sur certains points et à communiquer certaines pièces, ce qui a été fait contradictoirement via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Me Martine [D]-[W] avait saisi, à la demande de monsieur [I] [N], le tribunal de grande instance d’Aix en Provence en 2005, afin que lui soit attribué le droit moral sur l’oeuvre de son parent, [M] [O], ce qui a été définitivement jugé en sa faveur à la suite d’un rejet de pourvoi en cassation, le 28 octobre 2015.

Ainsi que les parties s’en expliquent dans leurs conclusions, leur contentieux a pour origine une contestation des honoraires de son conseil par monsieur [I] [N] qui a donné lieu à une saisie attribution (arrêt 20-12760 du 28 octobre 2021) et dans le présent dossier, à la nécessité d’arbitrer la liquidation d’une astreinte ordonnée par le délégué du premier président de la cour d’appel de ce siège, le 9 janvier 2018, (Ordonnance 16-16746) dont la signification à personne, est intervenue le 20 mars 2018 et produite aux débats de sorte que l’astreinte pourrait avoir couru à partir du 20 avril 2018 et non du 30 avril 2018, comme indiqué par erreur dans certaines écritures et dans la décision du juge de l’exécution.

Selon convention du 14 septembre 2007 entre Me [D]-[W] et monsieur [I] [N], étaient stipulés des honoraires au temps passé et un honoraire de résultat à hauteur de 5% des droits d’exploitation sur l’oeuvre pendant une durée de 10 ans. Les parties ne remettent pas en cause, à la suite en particulier des décisions de taxation intervenues, compte tenu de la date de rejet du pourvoi en cassation, que le début de la période à prendre en compte sur dix années pour le calcul des honoraires de résultat, est le 28 octobre 2015, ce qui suppose que soient connus les droits d’exploitation jusqu’au 28 octobre 2025.

C’est dans ce contexte que madame [E] [D]-[W], dénonçant la résistance et la mauvaise foi de son ancien client à lui donner les éléments utiles à la détermination de ses honoraires, a obtenu le prononcé d’une astreinte.

Le titre servant de base à la demande de liquidation d’astreinte, prononcé le 9 janvier 2018, expose ‘au regard de l’attitude peu constructive de monsieur [I] [N]’ qu’il y a lieu de condamner monsieur [I] [N], à faire connaitre à madame [E] [D]-[W], dans le mois de la signification de la décision, l’ensemble des contrats en cours souscrits tant en son nom personnel que par le biais de sociétés, depuis le 28 octobre 2015, au titre de l’exploitation de l’oeuvre de [M] [O] ainsi que les bilans et comptes d’exploitation établis tant à titre personnel que dans le cadre de sociétés, faisant apparaitre les revenus perçus par lui de cette exploitation et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard, à compter de l’expiration du délai d’un mois de la signification de la décision et de communiquer chaque année, à la date anniversaire de la décision ces mêmes éléments pour chaque année écoulée et ce jusqu’au 28 octobre 2025.

L’ordonnance vise à cerner les revenus personnels de monsieur [I] [N], perçus directement ou indirectement par l’entremise de sociétés auxquelles il serait interessé à charge que ces sociétés lui versent des revenus, condition justifiant alors que leurs bilans et comptes d’exploitation soient produits.

La rédaction du dispositif de la décision du 9 janvier 2018 oppose les parties. Il convient cependant de retenir, comme l’a fait le premier juge que la construction rédactionnelle, assortit d’une astreinte uniquement le premier membre de phrase, qui se rapporte à la période passée, et non à l’avenir, auquel cas, la condamnation à l’astreinte aurait été finale. La condamnation pécuniaire ne pouvait courir pour des documents non encore établis ou détenus lors de l’ordonnance, sauf à préciser de manière plus claire le point de départ, de l’astreinte future, ce qui n’a pas été le cas. Madame [D]-[W] ne sera donc pas suivie en ce qu’elle réclame que l’astreinte assortisse tout le dispositif sur la communication de pièces.

Par ailleurs, dans l’arrêt précité du 28 octobre 2021, pour ordonner mainlevée d’une saisie attribution, la cour a jugé que le calcul des honoraires de résultat de Me [D]-[W], ne devait être basé que sur les droits d’exploitation de l’oeuvre qui selon l’article L122-1 du CPI sont constitués du droit de représentation et du droit de reproduction mais excluaient le droit de suite sur lequel elle prétendait les asseoir également.

L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie, s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.

Alors que la charge de la preuve de l’exécution de l’obligation pèse sur lui, monsieur [I] [N] établit ce que reprend le juge de l’exécution dans ses jugements et qui n’est pas contesté par l’appelante, avoir communiqué à la date du 10 avril 2018, date à laquelle l’astreinte n’avait pas encore couru en raison de la date de signification de la décision, 23 pièces correspondant notamment :

– à ses déclarations de revenus et avis d’imposition,

– une lettre Arteum récapitulant les sommes versées à l’hoirie [N] entre 2015 et 2017 et indiquant la fin de la relation contractuelle,

– un contrat avec la société Chanel du 14 avril 2016,

– un contrat d’édition avec la société Hermann du 5 mai 2016,

– une convention à titre gratuit avec la société Renault du 25 octobre 2016,

– un contrat d’édition avec la SARL Gimpel et Muller du 9 mai 2016.

Ces pièces par lecture et recoupement, permettent un contrôle des revenus perçus par monsieur [I] [N] repris sur ses avis d’imposition, sauf comme il le souligne, à le soupçonner de fraude.

Il est également communiqué les contrats d’adhésion de [M] [O] à l’ADAGP, le 10 décembre 1991, et celui signé le 19 septembre 2003 par [I] [N] qui stipulent dans des termes similaires, l’apport à la société en tous pays et pour la durée de celle-ci, des droits de l’article 2 des statuts, lesquels correspondent en particulier, au droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de l’oeuvre, et la gérance du droit à rémunération pour copie privée, reprographie, exposition, prêt public, publicité etc.

Ces conventions visent donc un apport total des droits à l’ADAGP sauf dérogation de l’article 3 et sauf, selon l’article 4, cession exclusive des droits patrimoniaux uniquement pour la durée de cette cession. Les articles 2 à 5 s’appliquent selon la convention, tant aux auteurs qu’à leurs héritiers, légataires et cessionnaires.

Selon attestation du 22 décembre 2022, monsieur [F] [V], directeur administratif et financier de l’ADAGP atteste d’ailleurs de la gestion de la totalité des droits patrimoniaux des oeuvres, percevoir et reverser les droits d’auteur liés à l’exploitation des oeuvres de [M] [O] à ses trois ayants droit, dont le tiers des revenus d’exploitation à [I] [N], son petit fils.

Il en résulte que l’ADAGP a un principe d’exclusivité à intervenir, et qu’en communiquant à la fois ses déclarations de revenus, les différents contrats signés et les relevés annuels des droits versés par l’ADAGP à [I] [N], ce dernier a satisfait à l’injonction judiciaire et n’encourt pas la liquidation de l’astreinte.

Le cabinet Lubrano, expert comptable, par l’attestation qu’il a délivrée répond aux suspicions avancées par madame [D] concernant la SARL [I] [N], en indiquant qu’il ne s’agit que de prestations de services et de la délivrance de certificats d’authenticité sur des oeuvres artistiques, revenus qui ne relèvent donc pas du contentieux actuel.

Par la suite, monsieur [N] justifie de manière régulière continuer de communiquer ses avis d’imposition, les attestations de versements ADAGP annuellement, les contrats qui ont pu intervenir au titre de ses droits d’exploitation et des revenus qu’il en a tirés. Il n’apparait pas une résistance à exécuter les termes de l’ordonnance justifiant le prononcé d’une astreinte.

En définitive la cour confirmera la décision de première instance adoptant également la motivation du juge de l’exécution.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’intimé les frais irrépétibles engagés dans l’instance, une somme de 2 000 euros lui sera allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de l’appelante qui succombe en son recours.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision contradictoire, mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision déférée,

Y ajoutant,

CONDAMNE madame [D]-[W] à payer à monsieur [I] [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE madame [D]-[W] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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