Droit de suite : 5 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-13.865

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Droit de suite : 5 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 17-13.865

COMM.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 juin 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 469 F-D

Pourvoi n° X 17-13.865

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Converse Inc., dont le siège est […] ([…]),

2°/ la société All Star CV, dont le siège est […] ([…]),

contre l’arrêt rendu le 3 février 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société International sport fashion (ISF), société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

2°/ à la société Sport négoce international, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

3°/ à la société Bonneuil exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

4°/ à la société Sodiam exploitation, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

5°/ à la société Clermont-Ferrand distribution (Clerdis), société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

6°/ à la société Saint-Herblain distribution, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

7°/ à la société Varedis, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 9 avril 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat des sociétés Converse Inc. et All Star CV, de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat des sociétés International sport fashion, Sport négoce international, Bonneuil exploitation et Sodiam exploitation, de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Clermont-Ferrand distribution, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 février 2017), que la société Converse Inc. (la société Converse), propriétaire de la marque internationale « Converse All Star » n° 924 653 enregistrée le 16 mai 2007 et renouvelée le 24 mars 2017, désignant l’Union européenne et couvrant notamment des articles chaussants en classe 25, de la marque internationale « All Star » n° 929 078 enregistrée le 15 mai 2007 et renouvelée le 21 mars 2017, désignant l’Union européenne, afin de désigner ces mêmes produits, et de la marque française « Converse All Star Chuck Taylor » n° 1 356 944 déposée le 30 mai 1986 et régulièrement renouvelée les 22 mars 2006 et 5 février 2016, également pour désigner des chaussures, a assigné la société Clermont-Ferrand distribution-Clerdis (la société Clerdis), la société SODIAM exploitation (la société SODIAM) et les sociétés Saint-Herblain distribution, Varedis et Bonneuil exploitation, qui exploitent des magasins de grande distribution, en contrefaçon de ces marques ; que celles-ci ont appelé en garantie leurs fournisseurs, les sociétés Sport négoce international et International sport fashion (les sociétés SNI et ISF) ; que les marques servant de fondement aux demandes lui ayant été cédées, la société All Star CV (la société All Star) est intervenue à l’instance ; que les sociétés Clerdis, SODIAM, Saint-Herblain distribution, Varedis, Bonneuil exploitation, SNI et ISFont invoqué l’épuisement des droits des sociétés Converse et All Star sur les marques susvisées pour les produits en cause ;

Attendu que les sociétés Converse et All Star font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que le titulaire d’une marque ne peut interdire l’usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu’il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l’Espace économique européen ; que la preuve de l’épuisement du droit de marque incombe à celui qui l’allègue ; que toutefois, dans l’hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’Espace économique européen ; qu’en décidant néanmoins, pour faire peser sur les sociétés Converse et All Star la charge de la preuve d’établir que les produits avaient été mis dans le commerce en dehors de l’Espace économique européen, puis les débouter de leurs demandes, que les défendeurs à l’action en contrefaçon pouvaient se prévaloir d’un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux plusieurs années avant la mise sur le marché des produits revêtus de sa marque, la cour d’appel a violé les articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que le titulaire d’une marque ne peut interdire l’usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu’il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l’Espace économique européen ; que la preuve de l’épuisement du droit de marque incombe à celui qui l’allègue ; que toutefois, dans l’hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’Espace économique européen ; qu’en décidant néanmoins, pour débouter les sociétés Converse et All Star de leurs demandes, qu’il appartenait à ces dernières d’établir que le risque réel de cloisonnement des marchés nationaux constaté plusieurs années avant la mise sur le marché des produits en cause, avait cessé, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil, L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ que le titulaire d’une marque ne peut interdire l’usage de celle-ci sans son autorisation pour des produits qu’il a mis dans le commerce ou qui ont été mis dans le commerce avec son consentement sous cette marque dans l’Espace économique européen ; que la preuve de l’épuisement du droit de marque incombe à celui qui l’allègue ; que toutefois, dans l’hypothèse où le tiers poursuivi parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’Espace économique européen ; que la preuve du risque réel de cloisonnement des marchés nationaux doit être établie à la date de la mise sur le marché des produits en cause ; que si cette preuve est rapportée, il incombe alors au tiers d’établir l’existence d’un consentement du titulaire à la commercialisation ultérieure des produits dans l’Espace économique européen ; qu’en se bornant, pour débouter les sociétés Converse et All Star de leurs demandes, à relever que plusieurs années avant la mise sur le marché des produits litigieux, il existait un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, sans constater que ce risque avait perduré à la date de la mise sur le marché des produits, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2, L. 713-4, L. 716-1 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l’arrêt retient, d’abord, que la société Converse segmente territorialement la distribution de ses produits sur le marché européen via un réseau de distribution exclusive, à raison d’un seul distributeur par pays, soit la société E… pour la France, ou par groupe de pays, et que cette segmentation permet la pratique, par les sociétés Converse et All Star, de prix différenciés en les adaptant au pouvoir d’achat des consommateurs selon le territoire ; qu’il retient, ensuite, que, si l’éviction du réseau Converse du distributeur exclusif pour l’Autriche, dont le contrat n’avait pas été renouvelé en 1992 après avoir vendu des produits Converse en dehors de son territoire, est bien antérieure aux faits litigieux, elle n’en constitue pas moins un fait avéré, de nature à générer, encore aujourd’hui, des craintes chez les distributeurs, d’autant qu’il n’est pas démontré que ce risque est à écarter dans la mesure où il n’est ni démontré ni même allégué que les contrats de distribution en vigueur seraient différents de celui dont bénéficiait le distributeur autrichien ou auraient été depuis lors modifiés ; qu’il retient, encore, que les huit courriels invoqués par les sociétés Clerdis, SODIAM, Saint-Herblain distribution, Varedis, Bonneuil exploitation, SNI et ISF, par lesquels des distributeurs exclusifs indiquaient n’avoir pas l’autorisation de vendre les produits Converse en dehors du territoire qui leur était imparti, bien que datés de 2009, démontrent sans équivoque la situation des distributeurs qui ne peuvent commercer en dehors de leur territoire d’exclusivité sans l’accord des sociétés Converse et All Star ; qu’il retient, en outre, que les sociétés Converse et All Star ont refusé de produire devant le tribunal les contrats de distribution, en invoquant des difficultés, non crédibles s’agissant de ce type de contrats, cependant que la production de ces contrats aurait eu le mérite de permettre d’apprécier la liberté octroyée par ces sociétés à leurs distributeurs et, notamment, de vérifier que les éléments établis par les sociétés Clerdis, SODIAM, Saint-Herblain distribution, Varedis, Bonneuil exploitation, SNI et ISF n’avaient plus cours au moment des faits litigieux ; qu’il retient, enfin, que les factures fournies par les sociétés Converse et All Star pour la période de 2007 à 2015, qui sont relatives à des opérations ponctuelles ou spécifiques dont certaines sur des produits autres que des chaussures, représentent un nombre limité de ventes, au regard de l’importance du marché en cause et du nombre de ventes réalisées annuellement par ces sociétés en Europe et en France, et ne démontrent pas l’autonomie du distributeur par rapport à elles, ni ne mettent en évidence une règle générale d’organisation du réseau mettant à l’abri le distributeur des instructions lui faisant défense de vendre en dehors de son secteur, sauf leur accord préalable, de sorte qu’il n’est pas démontré d’évolution dans les règles mises en place par la société Converse puis par la société All Star, précédemment mises en évidence ; qu’il en déduit qu’en l’absence de production des contrats de distribution passés avec les distributeurs exclusifs pour combattre les éléments de preuve apportés par les sociétés Clerdis, SODIAM, Saint-Herblain distribution, Varedis, Bonneuil exploitation, SNI et ISF établissant l’existence d’un risque avéré de cloisonnement du marché, la politique de la société Converse puis de la société All Star est restée constante ; qu’il retient, par ailleurs, que les campagnes de promotion, alléguées par la société Converse sur l’ensemble du marché européen, ne concernent que les distributeurs allemands, italiens et français et ne sont donc pas représentatives du marché dans sa globalité et encore moins de l’ensemble des distributeurs européens, et ajoute que ces trois distributeurs ont pu, à raison de ces opérations publicitaires menées de concert, passer des accords de réapprovisionnement réciproque avec l’accord des sociétés Converse ou All Star, démontrant de plus fort le défaut de pertinence des factures produites par celles-ci, qui ne peuvent se substituer à l’analyse des contrats ; qu’en cet état, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et sans en inverser la charge, que la cour d’appel a retenu que l’existence d’un risque réel de cloisonnement des marchés n’avait pas cessé à la date de la mise sur le marché des produits litigieux ; que le moyen n’est pas fondé ;

 


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