Droit de rétractation : Décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Bordeaux RG n° 23/03238

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Droit de rétractation : Décision du 9 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Bordeaux RG n° 23/03238

Du 09 janvier 2024

53F

SCI/SMH

PPP Contentieux général

N° RG 23/03238 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YJ2Z

S.A. CREDIPAR

C/

[X] [G]

– Expéditions délivrées à

Me Brigitte CHEMIN-DUFRANC
Mr [X] [G]

– FE délivrée à

Le 09/01/2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité

JUGEMENT EN DATE DU 09 JANVIER 2024

JUGE : Monsieur Julien BAUMERT-STORTZ

GREFFIER : Madame Souad MOHAMED-HAMROUN

DEMANDERESSE :

LA COMPAGNIE GENERALE DE CREDIT AUX PARTICULIERS – CREDIPAR
RCS VERSAILLES 317 425 981
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

Représentée par Me Brigitte CHEMIN-DUFRANC (Avocat au barreau de BORDEAUX)

DEFENDEUR :

Monsieur [X] [G]
né le [Date naissance 3] 0952 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Comparant

DÉBATS :

Audience publique en date du 21 novembre 2023

PROCÉDURE :

Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

QUALIFICATION DU JUGEMENT :

Contradictoire premier ressort

1

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte de commissaire de justice en date du 22 septembre 2023, la société CREDIPAR a saisi le tribunal de céans d’une demande en paiement à l’encontre de Monsieur [X] [G].

A l’audience du 22 novembre 2023, la société CREDIPAR, représentée par son conseil, demande au tribunal, avec exécution provisoire, de :

– Condamner M. [G] à lui payer la somme de 5.965,22 € avec intérêts au taux de 4,70 % sur la somme de 5.488,86 € et taux légal pour le surplus, le tout à compter de la déchéance du terme ;
– Condamner M. [G] à lui payer 800 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers frais et dépens ;

A l’appui de ses prétentions, la partie demanderesse expose avoir consenti à M. [G], le 22 septembre 2018, un prêt personnel d’un montant de 19.100 € remboursable en 60 mensualités de 427,54 € et moyennant un taux d’intérêt de 4,70 %.

Elle ajoute que M. [G] n’a pas respecté le remboursement régulier de ses échéances de sorte que, par courrier recommandé avec accusé de réception datant du 17 avril 2023, elle a invoqué la déchéance du terme du contrat de prêt.

Elle en déduit qu’elle est bien fondée à réclamer l’intégralité des sommes restant dues.

Le tribunal a soulevé d’office la question de l’éventuel non respect des dispositions des articles L 312-12, L 312-14 et de l’article L 312-16 du code de la consommation, et sur la déchéance du droit aux intérêts qui pourrait en résulter, en application des articles L 341-1 et suivants du même code.

La société CREDIPAR a répondu que toutes les obligations légales pesant sur elle avait été respectées.

M. [G] a comparu.

Il sollicite des délais de paiement compte tenu de sa situation familiale et financière et propose d’effectuer des versements mensuels de 250 €.

Les parties ayant comparu ou s’étant fait représenter, il y a lieu, eu égard à la valeur du litige, de statuer par jugement contradictoire en premier ressort.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur la demande en paiement de la société CREDIPAR :

A – Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article R 632-1 du code de la consommation que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du même code dans les litiges nés de son application ;

Attendu qu’aux termes de l’article L 312-16 du code de la consommation, le prêteur est tenu de vérifier la solvabilité de l’emprunteur, « à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier », le prêteur ayant notamment l’obligation, à ce titre, de consulter le fichier prévu par l’article L 751-1 du même code ;

Qu’ainsi, pèse sur tout organisme prêteur, une obligation de vérifier, en rassemblant les informations nécessaires, l’adéquation du crédit qu’il propose à la situation financière, et personnelle de l’emprunteur ;

Que le respect de cette obligation doit être assuré par la réalisation de démarches positives de la part du prêteur qui doit s’enquérir de la situation réelle de l’emprunteur en obtenant des informations concrètes relatives à ses revenus, aux charges déjà existantes, à la composition de sa famille, au nombre de personnes à sa charge (…) et à son statut professionnel ;

Attendu que l’article L 312-29 du même code dispose que lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, une notice est fournie à l’emprunteur, sur support papier, ou tout autre support durable, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus ;

Attendu que la preuve du respect de l’ensemble de ces dispositions d’ordre public (article L 314-26 du code de la consommation), pèse sur l’organisme prêteur, qui est assujetti au respect des obligations légales ainsi rappelées ;

Attendu que les articles L 341-1 et suivants du code de la consommation disposent que, notamment, le prêteur qui accorde un crédit sans avoir communiqué les informations précontractuelles de l’article L 312-12 du même code ou sans avoir respecté l’obligation d’explication fixée par l’article L 312-14 du même code ou sans avoir procédé à la vérification de la solvabilité de l’emprunteur, requise par l’article L 312-16 du même code ou sans avoir remis à l’emprunteur une notice d’assurance ou une offre de crédit non assortie d’un formulaire détachable permettant l’exercice de son droit de rétractation, conformément aux articles L 312-21 et L 312-29 du même code, encourt la déchéance du droit aux intérêts du prêt, l’emprunteur n’étant alors tenu qu’au remboursement du capital emprunté ;

Attendu qu’en l’espèce, il est établi par les pièces produites par la société CREDIPAR que M. [G] a, le 22 septembre 2018, accepté une offre préalable de crédit personnel d’un montant de 19.100 €, remboursable en 60 échéances mensuelles de 427,54 €, selon un taux d’intérêts de 4,70 % ;

Que, cependant, d’une part, la société CREDIPAR ne produit qu’une notice de l’assurance facultative proposée avec le crédit, mais non paraphée ou signée par M. [G], et dont rien ne permet, par conséquent, d’affirmer qu’elle aurait bien été remise à l’emprunteur ;

Que la mention stipulée par l’offre préalable du 22 septembre 2018, signée par M. [G], selon laquelle il reconnait avoir reçu « la notice d’assurance », ne suffit pas à établir que c’est la fiche versée aux débats qui a bien été remise au défendeur ;

Que, d’autre part, pour rapporter la preuve de vérification de la solvabilité de l’emprunteur, par le biais notamment de la consultation du fichier prévu par l’article L 751-1 du code de la consommation, qui permet de s’assurer que la situation financière de ce dernier n’est pas déjà obérée, le prêteur ne peut se contenter de produire un document qu’il a lui-même établi, ne permettant pas de garantir les conditions dans lesquelles le FICP aurait été consulté, et dans quelles conditions les données qui auraient pu être ainsi obtenues ont été conservées, et comportant des indications lacunaires ;

Que statuer différemment reviendrait à méconnaitre le principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ;

Qu’en l’espèce, à ce titre, la société CREDIPAR verse aux débats un document comportant son en-tête, manifestement établi par ses soins, mentionnant, une consultation du fichier qui aurait été réalisée le 2 octobre 2018 ;

Que ce document n’est pas daté, de sorte que sa date d’édition est invérifiable, d’autant que les conditions de conservation des données qu’il relate, dont il appartient à l’organisme prêteur d’assurer l’intégrité, conformément à l’article 13 I de l’arrêté du 26 octobre 2010, relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, ne sont pas justifiées ;

Qu’ainsi, la société CREDIPAR ne rapporte ni la preuve d’une consultation du FICP à la date de conclusion du prêt, ni la preuve des conditions dans lesquelles les données dont elle se prévaut ont été conservées, ni la vérification effective et suffisante de la solvabilité de M. [G] ;

Attendu qu’il résulte de ces considérations que la société CREDIPAR ne rapporte pas la preuve du respect des dispositions légales sus visées ;

Que la société CREDIPAR a ainsi manqué aux obligations lui incombant, en sa qualité de prêteur ;

Qu’il convient, par conséquent, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société CREDIPAR au titre du prêt conclu le 22 septembre 2018 par M. [G] ;

B – Sur les sommes restant dues :

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L 341-8 du code de la consommation qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ce qui exclut également toute forme d’indemnité contractuelle ;

Que les sommes perçues au titre des intérêts sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant du ;

Attendu que plusieurs échéances du prêt souscrit par M. [G] sont demeurées impayées, sans que la plus ancienne échéance non régularisée par des paiements ultérieurs ne soit antérieure à la date d’introduction de la présente instance minorée de deux ans, de sorte que la forclusion de l’action de la partie demanderesse prévue à l’article R 312-35 du code de la consommation n’est pas encourue ;

Que la société CREDIPAR a invoqué la déchéance du terme à la date du 17 avril 2023 ;

Attendu que, compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts, et au regard du décompte versé aux débats, la société CREDIPAR est fondée à réclamer payement du capital emprunté par M. [G], soit 19.100 €, déduction faite de l’ensemble des paiements effectués par celui-ci, soit 20.059,43 € ;

Attendu que le cumul des paiements effectués par M. [G] est supérieur au capital emprunté, la société CREDIPAR sera déboutée de sa demande en paiement à son encontre ;

II – Sur les demandes accessoires :

Attendu qu’il n’est pas fait droit à la demande en paiement, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Que la société CREDIPAR supportera les frais et dépens de l’instance, conformément à l’article 696 du Code de Procédure Civile ;
Qu’il convient de constater l’exécution provisoire du dit jugement, en application de l’article 514 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX, statuant publiquement, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts à l’encontre de la société CREDIPAR pour le crédit accordé à Monsieur [X] [G] le 22 septembre 2018 ;
 
DEBOUTE la société CREDIPAR de sa demande en paiement à l’encontre de M. [G] ;

DIT qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNE la société CREDIPAR aux entiers frais et dépens ;

CONSTATE que le présent jugement est immédiatement exécutoire par provision ;

Le présent jugement est signé par le président et le greffier

Le GreffierLe Président

 


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