Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 1
ARRÊT DU 09 DÉCEMBRE 2022
(n° 2022/ , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07521 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQRA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS
RG n° 18/10932
APPELANTS
Maître [U] [P], Notaire associé de la SCP REGNIER NOTAIRES
[Adresse 1]
[Localité 6]
Maître [R] [I], Notaire
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.C.P. REGNIER NOTAIRES, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 788 105 757,
[Adresse 1]
[Localité 6]
Tous trois représentés et assistés de Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0848
INTIMÉS
Monsieur [M], [N] [E] né le 17 Mai 1988 à [Localité 7],
[Adresse 9]
[Localité 8]
Madame [V], [T], [D] [A] née le 10 Janvier 1987 à [Localité 13]
[Adresse 9]
[Localité 8]
Tous deux Représentés par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 assistés de Me Dorothée GUILLOT-TANTAY de la SELEURL IRIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0877
Monsieur [C] [Y] né le 28 Octobre 1979 à [Localité 8],
[Adresse 4]
[Localité 2]
Madame [B] [K] née le 19 Octobre 1984 à [Localité 12],
[Adresse 11],
[Adresse 11]
[Localité 10]
Tous deux représentés et assistés de Me Michèle UZAN FALLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1095
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Claude CRETON , Président de chambre, chargé du rapport et Madame Monique CHAULET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en leur rapport, composée de :
Monsieur Claude CRETON , Président de chambre
Madame Monique CHAULET, Conseillère
Madame Muriel PAGE, Conseillère
Greffier : Madame Marylène BOGAERS, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour initialement prévue le 25 novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Claude CRETON , Président de chambre et par Madame Marylène BOGAERS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Suite à la conclusion d’un acte de vente sous seing privé du 6 mars 2015, réitérée par acte du 5 juin 2015, reçu par M. [P], notaire associé de la SCP Regnier notaires, avec la participation de M. [I], M. [Y] et Mme [K] ont vendu à M. [E] et Mme [A] pour un prix de 394 000 euros différents lots composant un appartement, une cave et un garage dans un immeuble en copropriété situé à [Adresse 9].
Reprochant à M. [Y] et Mme [K] de ne pas leur avoir communiqué le procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 25 mars 2014 qui faisait état de travaux à venir relatifs à la réfection de la toiture, dont le coût représente 5 à 7 % du prix de vente, M. [E] et Mme [A] les ont assignés, ainsi que M. [P], la SCP Regnier notaires et M. [I] en paiement de la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice matériel et la somme de10 000 euros en réparation de leur préjudice moral, outre 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné in solidum M. [Y], Mme [K], M. [P], la SCP Regnier notaires et M. [I] à payer à M. [E] et Mme [A] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– rejeté la demande de sursis à statuer et de jonction avec l’instance engagée par M. [Y] et Mme [K] ;
– condamné in solidum M. [Y], Mme [K], M. [P], la SCP Regnier notaires et M. [I] aux dépens et à payer à M. [E] et Mme [A] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de M. [E] et Mme [A] contre M. [Y] et Mme [K] fondée sur le dol, le tribunal a retenu que s’il n’est pas contesté que les acquéreurs ont eu connaissance avant la signature de l’acte de vente du 5 juin 2015 des procès-verbaux des assemblées générales de la copropriété des 3 avril 2012, 21 février 2013, et 5 juin 2014, il apparaît que M. [Y] et Mme [K] leur ont volontairement dissimulé le procès-verbal de l’assemblée générale du 25 mars 2014 puisqu’il a été produit aux débats un courriel qu’ils ont adressé le 16 mars 2015 à l’agent immobilier auquel ils avaient donné mandat en expliquant que l’assemblée générale du 25 mars 2014 avait pour seul objet le renouvellement du syndic alors que la décision de refuser de renouveler le syndic avait eu pour effet de rendre sans objet le vote de travaux de réfection de la toiture, ce procès-verbal comportant en outre un paragraphe intitulé ‘information’ dans lequel l’ancien syndic indiquait qu’il entendait se dégager de sa responsabilité en cas de non-réalisation de ces travaux en indiquant que des infiltrations subies par un copropriétaire de l’immeuble voisin étaient dues au mauvais état de cette toiture.
Pour retenir la responsabilité des notaires, le tribunal a retenu qu’ils ne contestent pas que le procès-verbal du 25 mars 2014 n’avait pas été communiqué aux acquéreurs et que la lecture des procès-verbaux du 3 avril 2012, 21 février 2013 et 5 juin 2014 aurait permis d’attirer leur attention sur les incohérences de cette chaîne de procès-verbaux puisque les comptes de l’exercice 2013 n’ont pas été approuvés et soumis à un vote et qu’à cette lecture il est impossible de déterminer quant il a été mis fin au mandat de l’ancien syndic avant la nomination du nouveau syndic en juin 2014.
Le tribunal a ensuite évalué à 15 000 euros la perte de chance subie par M. [E] et Mme [A] de ne pas contracter ou de contracter à un prix moindre.
M. [P], la SCP Regnier notaires et M. [I], d’une part, M. [Y] et Mme [K] d’autre part, ont interjeté appel de ce jugement.
Ces deux instances ont été jointes.
Contestant d’abord avoir commis une faute, les notaires soutiennent qu’ils n’étaient pas chargés de la purge du droit de rétractation qui incombait à l’agent immobilier qui a notifié aux acquéreurs l’ensemble des procès-verbaux en sa possession. Ils ajoutent qu’ils n’ont pu connaître l’existence de l’assemblée générale du 25 mars 2014 puisque lors de la désignation du nouveau syndic par l’assemblée générale du 5 juin 2014, il n’a été fait état ni de l’assemblée générale du 25 mars ni des travaux de réfection de la toiture. Ils font également valoir qu’ils n’étaient pas tenus de procéder à la lecture intégrale des procès-verbaux dès lors que rien ne permettait d’attirer leur attention sur un élément essentiel de nature à remettre en cause la conclusion de la vente.
Ils contestent ensuite l’existence d’un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice, la faute de M. [Y] et Mme [K] les exonérant de la responsabilité qu’ils pourraient encourir.
Ils contestent enfin l’existence du préjudice.
M. [Y] et Mme [K], contestant avoir commis une réticence dolosive, concluent à l’infirmation du jugement. Ils déclarent justifier avoir transmis à l’agent immobilier les procès-verbaux des l’assemblées générales des années 2012, 2013 et 2014 ainsi qu’il résulte du courriel adressé à l’agent immobilier le 16 mars 2015 dans lequel ils écrivent ‘comme demandé, vous trouverez en PJ le pré-état daté demandé ainsi que le procès-verbal d’AG par lequel le cabinet Bérard évidence n’a pas été renouvelé dans ses fonctions de syndic’, cette dernière mention établissant qu’ils avaient transmis à l’agent immobilier le procès-verbal du 25 mars 2014 qui a refusé ce renouvellement.
Ils ajoutent que M. [E] et Mme [A], qui ont visité l’immeuble en présence de l’agent immobilier, ont pu prendre connaissance de l’état de la toiture, ce qui les a conduits à négocier le prix de vente et à obtenir une réduction du prix.
Ils soutiennent ensuite que l’assemblée générale ayant approuvé les comptes de l’exercice le 25 mars 2014, M. [E] et Mme [A] n’auraient pas accepté d’acquérir le bien si ce procès-verbal ne leur avait pas été communiqué.
M. [E] et Mme [A] ont formé un appel incident pour solliciter l’infirmation du jugement en ce qu’il a limité à la somme de 15 000 euros l’indemnisation de leur préjudice qu’ils évaluent à 20 000 euros au titre du préjudice matériel et 10 000 euros au titre du préjudice moral.
SUR CE :
1 – Sur la responsabilité de M. [Y] et Mme [K]
Attendu qu’il est constant que n’ont pas été communiqués aux acquéreurs le procès-verbal de l’assemblée générale du 25 mars 2014 qui a refusé de donner quitus au syndic et de renouveler celui-ci dans ses fonctions; que ce procès-verbal contient en outre une ‘information sur l’état de la toiture et ses conséquences’ donnée par l’ancien syndic , indiquant que ‘Tout d’abord, nous avons été saisis par l’avocat Maître [H], conseil de Mme [X], propriétaire au [Adresse 3]. Il nous a été rapporté par ce conseil qu’elle subit d’importantes infiltrations dans son logement en raison d’un manque d’entretien de la toiture du [Adresse 9]. D’autre part, la vétusté de la toiture peut provoquer des fuites qui dégradent le clos de la copropriété et ainsi que les appartements. Et, après avis auprès d’un couvreur, l’état de la couverture est tel que les appartements peuvent subir des dégâts. D’ailleurs, M. [W], copropriétaire et membre du conseil syndical a attiré l’attention du syndic sur la présence d’importantes moisissures très peu de temps après l’embellissement de son appartement. Enfin, il appartient désormais au syndicat des copropriétaires du [Adresse 9] d’engager éventuellement sa responsabilité vis-à-vis de sa voisine envers ses propres copropriétaires en votant la résolution qui suit. Et le syndic se dégage de toute responsabilité à l’égard des voisins qui sont mitoyens à l’immeuble et ainsi que des infiltrations apparaissant dans les appartements des copropriétaires’ ; que les résolutions suivantes, relatives aux ‘Travaux de réfection de la toiture entière’ sont devenues sans objet compte tenue du non-renouvellement du syndic ; que le procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 5 juin 2014, qui a été communiqué aux acquéreurs, porte essentiellement sur la nomination du nouveau syndic et sur le vote du budget prévisionnel sans faire référence aux désordres causés à l’immeuble voisin et à la nécessité de réaliser les travaux de réfection de la toiture ;
Attendu qu’il est ainsi établi que M. [Y] et Mme [K] n’ont pas transmis le procès-verbal de l’assemblée générale des copropriétaires du 25 mars 2014 qui, en l’absence d’autres éléments, aurait seul permis d’informer M. [E] et Mme [A] de l’existence des importants désordres affectant la toiture et de la nécessité de procéder à sa réfection ; qu’en effet, s’il justifient avoir adressé à l’agent immobilier les procès-verbaux des assemblées générales de 2012, 2013 et 2014, celui-ci a déclaré dans un courriel adressé à M. [E] le 9 février 2018 que ces procès-verbaux ‘sont uniquement ceux du 1er mars 2012, du 21 février 2013 et du 5 juin 2014″, à l’exclusion donc de celui du 25 mars 2014, M. [E] et Mme [A] ayant d’ailleurs indiqué à l’agent immobilier le 16 mars 2015 que le procés- verbal du 25 mars 2014 n’avait pas pour objet que le renouvellement du syndic;
Attendu qu’en omettant de transmettre ce procès-verbal contenant des informations essentielles pour les acquéreurs, M. [Y] et Mme [K], qui ne justifient pas avoir autrement informé ces derniers sur l’état de la toiture qui, en outre, ne pouvait être constaté lors des visites du bien avant la vente, ont commis une réticence dolosive engageant leur responsabilité civile délictuelle envers M. [E] et Mme [A] ; que le tribunal a justement évalué à 15 000 euros leur préjudice constitué par la perte de chance d’acquérir le bien à un moindre prix et rejeté leur demande d’indemnisation d’un préjudice moral dont l’existence n’est pas justifiée ;
2 – Sur la responsabilité des notaires
Attendu que le notaire est tenu d’une obligation de conseil et d’assurer l’efficacité des actes qu’il reçoit ; qu’en présence de l’obligation légale à laquelle étaient tenus les vendeurs de transmettre les procès-verbaux des assemblées générales des trois derniers années, il appartenait à M. [P] et M. [I] de s’assurer de la bonne exécution de cette obligation; que l’examen des trois procès-verbaux qui avaient été transmis les aurait amenés à constater l’absence du procès-verbal d’une assemblée générale entre celle tenue le 21 février 2013 et celle tenue le 5 juin 2014 puisque cette dernière, lors de laquelle a été, notamment, désigné un nouveau syndic, renouvelé les membres du conseil syndical, voté le budget prévisionnel et fixé le montant de l’avance de trésorerie, ne contient aucune résolution sur l’approbation des comptes de l’exercice précédent ; que M. [P] et M. [I] n’ayant pas décelé l’absence de ce procès-verbal intermédiaire, il est ainsi établi qu’ils n’ont pas procédé à cet examen et ainsi manqué à leurs obligations, causant à M. [E] et Mme [A] un préjudice puisque la lecture du procès-verbal manquant leur aurait révélé le mauvais état de la toiture et la nécessité de réaliser rapidement des travaux de réfection de la toiture ; que la responsabilité de M. [P], de M. [I] et de la SCP Regnier est ainsi engagée, in solidum avec celle de M. [Y] et Mme [K] ;
PAR CES MOTIFS : statuant publiquement
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [Y] et Mme [K] ainsi que la demande de la SCP Regnier, M. [P] et M. [I] et condamne in solidum M. [Y] et Mme [K] d’une part, la SCP Regnier, M. [P] et M. [I], d’autre part, à payer à M. [E] et Mme [A] la somme de 3 000 euros ;
Les condamne in solidum au dépens d’appel
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT