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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 08 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/03185 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OUTO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 02 JUILLET 2020
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE BEZIERS N° RG F17/00274
APPELANT :
Monsieur [I] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1] / FRANCE
Représenté par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/008236 du 02/09/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
EURL EU REC SUD
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Isabelle DAVID ALART, avocat au barreau de LYON
Ordonnance de clôture du 27 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Madame Magali VENET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Richard BOUGON, Conseiller, pour le Président empêché, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
M. [T] [I] a été embauché à compter du 10 septembre 2013 par l’Eurl Eurec Sud en qualité de conducteur d’engins manutentionnaire, ouvrier, niveau II, échelon A, coefficient 160 selon contrat de travail à durée indéterminée à raison de 39 heures par semaine, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1906,66€.
Le 10 mai 2017, le salarié a été convoqué à un entretien, fixé au 17 mai 2017, en vue d’examiner les possibilités d’une rupture conventionnelle. A l’issue de cet entretien, les parties ont signé une convention de rupture conventionnelle. Le 30 mai 2017, la société a informé le salarié de sa décision d’exercer son droit de rétractation.
Le 16 juin 2017, le salarié s’est vu notifier un avertissement, pour avoir, le même jour, quitté sans autorisation son poste de travail, fait usage de son téléphone portable en dehors de la zone autorisée et enfreint les consignes de sécurité en traversant la zone de circulation des poids lourds.
Le 24 juin 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 6 juillet 2017, en vue d’un éventuel licenciement et a été mis à pied avec effet immédiat.
Par courrier recommandé du 10 juillet 2017, présenté le 11 juillet et distribué le 12 juillet, le salarié a été licencié pour faute grave.
Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, le salarié a saisi, par requête du 10 juillet 2017, le conseil de prud’hommes de Béziers, lequel par jugement de départage du 2 juillet 2020 a :
– rejeté l’ensemble des demandes formées par M. [I] [T],
– Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une quelconque condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné M. [I] [T] aux dépens.
C’est le jugement dont M. [I] [T] a régulièrement interjeté appel le 30 juillet 2020.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 26 octobre 2020, M. [I] [T] demande à la Cour de :
Condamner l’Eurl Eurec Sud à lui verser la somme de 8470€ à titre de rappels de salaires afférents aux heures supplémentaires, outre celle de 847,00€ d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,
A titre principal,
Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts et griefs exclusifs de l’Eurl Eurec Sud et la condamner à lui verser les sommes suivantes :
* 15.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 3813,32€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 381,33€ à titre de congés payés y afférents,
* 1525,33€ à titre d’indemnité légale de licenciement,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner l’Eurl Eurec Sud à lui verser les sommes suivantes :
* 15.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
* 3813,32€ à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 381,33€ à titre de congés payés y afférents,
* 1525,33€ à titre d’indemnité légale de licenciement,
Condamner l’Eurl Eurec Sud à lui remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés et conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt,
Dire et juger que les sommes allouées ayant une nature salariale porteront intérêts, à compter de la réception par l’Eurl Eurec de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au sens de l’article 1344-1 du Code civil,
Condamner l’Eurl Eurec Sud à payer à M. [I] [T] la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner l’Eurl Eurec Sud aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 22 janvier 2021, l’EURL Eurec Sud demande à la cour de :
Confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le conseil de prud’hommes de Béziers en ce qu’il a débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes,
Sur la demande de rappel de salaire afférents aux heures supplémentaires et de congés payés afférents,
Dire et juger que M. [T] a été intégralement rémunéré des heures qu’il a effectuées durant l’exécution de son contrat de travail,
Débouter M. [T] de sa demande de rappel de salaire afférents aux heures supplémentaires et de sa demande d’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur formulée à titre principal,
Dire et juger que la Sarl Eurec Sud n’a commis aucun manquement susceptible de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [T] aux torts de l’employeur,
En conséquence,
Débouter M. [T] de sa demande de condamnation de son employeur à lui remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés et conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt.
Sur la demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse formulée à titre subsidiaire,
Dire et juger que le licenciement de M. [T] repose sur une faute grave,
En conséquence,
Débouter M. [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement denué de cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, ainsi que de sa demande d’indemnité légale de licenciement.
Débouter M. [T] de sa demande de condamnation de son employeur à lui remettre un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés et conformes à l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document manquant ou erroné qui commencera à courir passé un délai de 15 jours suivant la date de signification dudit arrêt.
En tout état de cause,
Débouter M. [T] de sa demande de paiement de la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de sa demande de condamnation aux dépens.
Condamner M. [T] à verser la somme de 3000€ à l’Eurl Eurec Sud au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.
Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 27 décembre 2022 fixant la date d’audience au 17 janvier 2023.
SUR CE
Sur l’exécution du contrat de travail,
Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires,
M. [T] conclut à l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes qui l’a débouté de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires. Il sollicite les sommes de 8470€ à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires et 847€ de congés payés afférents.
M. [T] produit aux débats :
– Un tableau récapitulant le nombre d’heures qu’il a effectuées chaque semaine pour la période du 3 octobre 2016 au 25 juin 2017,
– Une attestation de M. [V], cariste conducteur d’engins, qui indique que la société a refusé de fournir les relevés de la pointeuse permettant de vérifier les heures réalisées,
– Une attestation de M. [N] qui indique que la société a demandé de supprimer des heures de travail à certains chauffeurs pour les punir de fautes commises et que cette pratique existait également pour le personnel de la plateforme.
L’employeur produit des relevés de badgeuse.
Le tableau communiqué par le salarié ne comporte aucune indication sur les horaires qu’il effectuait, notamment ses heures de début et de fin de journée. Il se borne à reprendre les données issues des relevés de la badgeuse transmis par l’employeur pour la période d’octobre 2016 à juin 2017 tout en contestant la fiabilité de ces données. Par ailleurs, les témoignage de Messieurs [V] et [N] n’apportent aucun élément de précision sur les heures supplémentaires effectuées par le salarié.
Comme cela a été relevé par les premiers juges, ces éléments ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre. Il convient donc, au vu des éléments produits de part et d’autre, de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail,
Sur la résiliation judiciaire
Sur la chronologie des faits
Lorsqu’il est saisi d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par un salarié ultérieurement licencié, le juge doit d’abord vérifier si les faits invoqués par le salarié à l’encontre de l’employeur sont établis et, dans l’affirmative, si ces manquements présentent une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
En l’espèce, M. [T] a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail par requête du 10 juillet 2017 et il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 juillet 2017, présentée le 11 juillet, et distribuée le 12 juillet 2017.
L’employeur ne justifie pas de la date d’envoi du courrier recommandé notifiant le licenciement. Il y a donc lieu de prendre en compte la date de première présentation de la lettre le 11 juillet 2017. Le licenciement étant postérieur à la demande de résiliation judiciaire, il convient d’examiner en premier lieu la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, ce qui n’est pas contesté par les parties.
Sur le fond,
M. [T] conclut à l’infirmation du jugement qui l’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il fait valoir que, malgré ses demandes répétées, il n’a jamais été payé de l’intégralité des heures supplémentaires effectuées et n’a pas eu la possibilité de prendre connaissance des relevés de la badgeuse lui permettant de calculer précisément le nombre d’heures supplémentaires effectuées.
En réplique, la Sarl Eurec Sud fait valoir que l’ensemble des heures effectuées ont été rémunérées et que seuls les relevés de la badgeuse pour la période du 3 octobre 2016 au 26 juin 2017 ont été transmis en raison d’une attaque virale sur son parc informatique rendant irrécupérables les données antérieures.
Le manquement de l’employeur à son obligation de payer les heures supplémentaires n’étant pas établi, il ne peut fonder la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point.
Sur le licenciement pour faute grave,
M. [T] conclut à l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes qui a jugé son licenciement fondé sur une faute grave et sollicite des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur débiteur qui prétend en être libéré.
En l’espèce, M. [T] a été licencié pour faute grave le 10 juillet 2017 en ces termes :
‘ Monsieur,
Nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les motifs exposés au cours de notre entretien du 6 juillet 2017.
Ces motifs sont les suivants :
Adoption d’une attitude délibérement provocatrice et constat d’une multiplication d’incidents.
Nous avions signé une rupture conventionnelle avec vous le 17 mai 2017. Nous nous sommes rétractés le 1er juin 2017.
Visiblement, mécontent de notre décision, vous avez décidé d’adopter une attitude provocatrice en multipliant les incidents.
Le 16 juin 2017, à 10 heures vous avez délibérement quitté votre poste de travail avec votre téléphone en main, pour poursuivre votre communication personnelle. Vous vous êtes dirigé en direction du site 2, en traversant les zones de circulation des poids lourds sans respecter les règles de sécurité.
Or, comme vous le savez, notre règlement intérieur interdit l’utilisation du téléphone personnel pendant les heures de travail. Cette interdiction vous a été rappelée, par note de service du 1er juin 2017 ; cette note précisait la tolérance de l’utilisation du téléphone portable personnel en dehors des heures de travail dans les zones délimitées (local de pause et préau de la zone fumeur).
Nous vous avons ainsi sanctionné par un avertissement notifié le jour même. Nous escomptions un effet positif de ce courrier ; il n’en a rien été, bien au contraire.
Le 20 juin 2017, de 15h30 à 15h45, vous avez, à nouveau, abandonné votre poste de travail, en dehors des horaires de pause affichés dans l’entreprise, pour aller téléphoner, de surcroit, sur les voies de circulation des engins, des camions…
En agissant ainsi, vous avez enfreint les règles de discipline et de sécurité de l’entreprise.
Plus grave, en téléphonant sur les zones de circulation des engins et des camions, vous avez mis en danger votre sécurité, celles de vos collègues et celles des chauffeurs pouvant circuler sur cette zone.
Le 22 juin 2017, alors que les heures de pause sont fixées de 10 heure à 10h15 le matin, vous avez pris l’initiative sans en demander l’autorisation à la Direction, de prendre, une nouvelle fois, votre pause à 8h45 alors que vous veniez de commencer votre journée à 8h.
Lors de cette pause, vous avez été boire un café et fumer une cigarette au vu de tous vos collègues.
Enfin, le lendemain, le 23 juin 2017, vous avez quitté votre poste à 15h30, sans prévenir la Direction, vos responsables et même vos collègues, alors que votre journée se termine à 16 heures. Vos collègues de travail ont été contraints de terminer votre travail à votre place.
Nous ne sommes pas dupes que votre comportement vise à obtenir votre licenciement, à défaut de la rupture conventionnelle que nous avons finalement refusée.
Ceci étant précisé, nous ne pouvons pas laisser multiplier les provocations, les actes d’insubordination qui pénalisent le bon fonctionnement de l’entreprise et mettent en cause les règles de sécurité.
De tels comportements fautifs et répétés sont inacceptables.
Par conséquent, votre maintien dans l’entreprise s’avère totalement impossible y compris pendant votre préavis.
Votre licenciement pour faute grave prendra effet dès l’envoi de la présente.’
Il est donc reproché au salarié trois griefs :
– le 20 juin 2017, avoir quitté son poste de travail de 15h30 à 15h45 pour aller téléphoner, en dehors des horaires de pause autorisées, en traversant les zones de circulation des poids lourds sans respecter les consignes de sécurité, en dépit d’un avertissement notifié le 16 juin 2017 pour des faits similaires,
– le 22 juin 2017, avoir quitté son poste de travail à 8h45 alors que la pause autorisée est fixée de 10h à 10h15,
– Le vendredi 23 juin 2017, avoir quitté son poste à 15h30 au lieu de 16h, sans prévenir la direction.
Pour démontrer les faits, l’employeur produit :
– la copie d’une note de service du 1er juin 2017 indiquant que l’usage du téléphone portable n’est autorisé que pendant les pauses, dans le local dédié ou sous le préau de la zone fumeur,
– la copie des horaires affichés dans l’entreprise, indiquant que l’horaire de travail de M. [T] est le suivant : 8h – 12h / 13h – 16h et que deux pauses, communes à tous les salariés ont lieu de 10h à 10h15 et de 14h50 à 15h.
– un courrier de notification d’un avertissement le 16 juin 2017 pour avoir, le même jour, quitté son poste de travail sans autorisation avec son téléphone à la main en traversant sur la zone de circulation des poids lourds sans respecter les consignes de sécurité,
– les relevés de badgeuse indiquant les horaires effectuées par M. [T] le 23 juin 2017 : 7h54-11h49 / 12h33 – 15h30.
– une attestation de M. [P], responsable d’exploitation sur le site de [Localité 2], qui rapporte que M. [T] a pris des ‘pauses à répétition’ à la ‘vue des autres collaborateurs’, parfois en se cachant vers la zone de tri PL pour téléphoner ; qu’il a personnellement vu le salarié sur les voies de circulations en téléphonant et/ou en fumant une cigarette et a été dans l’obligation de le rappeler à l’ordre sur le respect du protocole de sécurité à maintes reprises et qu’enfin, le départ prématuré du salarié à 15h30 le 23 juin 2017, sans l’accord de son supérieur hiérarchique a provoqué un ‘ralentissement de l’activité’. Il a ajoute qu’il ne lui a jamais été demandé de mettre la pression ou de faire craquer le salarié, mais uniquement de signaler ses problèmes de comportement à la direction.
– une attestation de M. [C], responsable de la plateforme lavage, qui rapporte avoir constaté plusieurs fois, ‘en juin 2017″, le salarié fumant en dehors de la zone dédiée et se cachant parfois pour ne pas être surpris, avoir signalé ‘sur la même période’ des pauses à répétition, constaté un changement radical de comportement après que la direction ait décidé de ne plus conclure une rupture conventionnelle, notamment plus de motivation et d’envie de travailler, et enfin, avoir constaté le 23 juin 2017 le départ de M. [T] à 15h30 ce qui l’a ‘obligé à revoir toute l’organisation de la plateforme’, et ce qui a ‘déréglé la fin de la journée de tous’. Il ajoute qu’il n’a jamais vu sa direction mettre la pression à ses salariés.
De son côté, le salarié produit :
– une attestation de M. [V], cariste conducteur d’engins, qui rapporte qu’il lui a été demandé par M. [B], responsable de site, de mettre M. [T] de côté et de ne plus prendre de pause avec lui,
– une attestation de M. [N], chauffeur poids lourds, qui rapporte que M. [L] [G], son employeur, lui a demandé de surveiller le salarié pour ‘l’empêcher de rester sans rien faire’,’l’obliger à le faire craquer pour qu’il dégage d’une façon ou d’une autre avec la priorité à trouver de quoi le licencier pour faute grave’.
– le compte rendu d’entretien de rupture conventionnelle en date du 17 mai 2017 qui indique que, lors de cet entretien, l’employeur a indiqué au salarié qu’il l’avait affecté à des tâches d’entretien (balai, nettoyage) car il n’avait plus confiance en lui et que cela éliminerait le risque de détérioration de machines de grande valeur.
L’employeur reproche au salarié d’avoir abandonné son poste de travail en dehors des horaires de pauses affichés dans l’entreprise le 20 juin 2017 et le 22 juin 2017 et d’avoir fait usage de son téléphone portable en dehors de la zone dédiée. Ces griefs reposent sur deux attestations de Messieurs [P] et [C] qui évoquent des ‘pauses prises à répétition’, notamment ‘en juin 2017″, sans dater précisément leurs constatations contrairement aux énonciations de la lettre de licenciement. Ces griefs ne sont donc pas établis ;
S’agissant du dernier grief, il est avéré que le 23 juin 2017 le salarié a quitté son poste prématurément à 15h30 au lieu de 16h, son horaire de fin de service. Pour autant, les relevés de la badgeuse montrent que le salarié quittait fréquemment son poste plus tôt le vendredi, ce qui n’est pas contesté par l’employeur. Par ailleurs, les mêmes relevés montrent que, ce jour là, le salarié a pris son poste à 12h33 au lieu de 13h00. Le caractère volontaire de l’abandon de poste reproché au salarié n’est donc pas démontré.
Enfin, l’employeur ne s’explique pas sur le fait qu’il avait affecté le salarié, embauché en qualité de conducteur d’engins, à des tâches de nettoyage pour éliminer le risque de détérioration des machines alors qu’aucun incident de ce type ne lui avait été reproché.
En l’absence de preuve de la matérialité des faits reprochés au salarié, le licenciement pour faute grave de M. [T] sera requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Tenant l’ancienneté du salarié à la date du licenciement (4 ans), son âge (né le 11 février 1977), sa rémunération mensuelle brute (1906,66€) et sa situation professionnelle actuelle (en juin 2020 il effectuait des missions pour une entreprise de travail temporaire), il convient de lui allouer les sommes de :
– 5719,98€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspond à 3 mois de salaire brut,
– 1525,33€ à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 3813,32€ à titre d’indemnités compensatrice de préavis, correspondant à deux mois de salaire, en application de l’article 78 de la convention collective de la récupération, outre 381,33€ à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents.
Sur les demandes accessoires,
Il est équitable de condamner l’Eurl Eurec Sud à payer à M. [T] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Réforme le jugement du conseil de prud’hommes de Béziers du 2 juillet 2020 uniquement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [I] [T] fondé sur une faute grave.
Statuant à nouveau,
Requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne l’Eurl Eurec Sud à verser à M. [I] [T] les sommes suivantes :
– 5719,98€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1525,33€ à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 3813,32€ à titre d’indemnités compensatrice de préavis, outre la somme de 381,33€ à titre de congés payés afférents.
Ordonne la remise à M. [I] [T] de ses documents de fin de contrat rectifiés et conformes à l’arrêt à intervenir dans les deux mois de la notification de l’arrêr, sans qu’il n’y ait lieu au prononcé d’une astreinte,
Confirme le jugement pour le surplus,
Condamne l’Eurl Eurec Sud à verser à M. [I] [T] la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT EMPECHE