Droit de rétractation : Décision du 8 février 2024 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02393

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Droit de rétractation : Décision du 8 février 2024 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/02393
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/02/2024

la SELARL CELCE-VILAIN

ARRÊT du : 08 FEVRIER 2024

N° : 34 – 23

N° RG 21/02393

N° Portalis DBVN-V-B7F-GNZ3

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection de MONTARGIS en date du 01 Juillet 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265268227487408

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 6]

Ayant pour avocat Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d’ORLEANS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Madame [H] [L] épouse [R]

née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Défaillante

Monsieur [V] [R]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Défaillant

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 06 Septembre 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 07 DECEMBRE 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 08 FEVRIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 14 octobre 2014, la société Sygma banque a consenti à M. [V] [R] et Mme [H] [L], son épouse, un prêt destiné à un regroupement de crédits d’un montant de 37 909 euros, remboursable en 144 mensualités de 330,22 euros incluant les intérêts au taux nominal de 3,79 % l’an.

Des échéances étant restées impayées, la SA BNP Paribas Personal Finance, venue aux droits de la société Sygma banque, a provoqué la déchéance du terme le 4 septembre 2020 et mis en demeure chacun de M. et Mme [R], par courriers recommandés du même jour, de lui régler la somme totale de 28 602,36 euros.

Par acte du 7 avril 2021, la SA BNP Paribas Personal Finance (ci-après la société BNP Paribas) a fait assigner M. et Mme [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montargis qui, par jugement du 1er juillet 2021 assorti de l’exécution provisoire, en reprochant au prêteur de ne pas avoir produit l’original du contrat de prêt, puis d’avoir communiqué une offre dépourvue du bordereau de rétractation prévu à l’article L. 311-12, devenu L. 312-21, du code de la consommation, a :

– déclaré la SA BNP Paribas Personal Finance recevable en ses demandes,

– constaté que la déchéance du terme est acquise,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt n°44493107939001 consenti le 14 octobre 2014 à Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R],

– condamné solidairement Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, en deniers ou quittances, la somme de 17 534,56 euros au titre du capital restant dû à la date du 23 mars 2021,

– dit que cette somme ne portera pas intérêt au taux légal,

– autorisé Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R] à apurer la dette en 24 mensualités de 500 euros au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la dernière mensualité étant constituée du solde de la dette,

– dit qu’à défaut de paiement d’une mensualité, l’intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse,

– rappelé qu’au cours du délai fixé pour apurer la dette, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues et les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues,

– rappelé qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixés par ladite procédure,

– débouté la SA BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes,

– rejeté la demande d’indemnité formulée par la société SA BNP Paribas Personal Finance au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R] aux dépens.

La SA BNP Paribas a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 6 septembre 2021, en ce qu’elle a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt n°44493107939001 consenti le 14 octobre 2014 à Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R],

– condamné solidairement Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, en deniers ou quittances, la somme de 17 534,56 euros au titre du capital restant dû à la date du 23 mars 2021,

– dit que cette somme ne portera pas intérêt au taux légal,

– autorisé Mme [H] [L] épouse [R] et M. [V] [R] à apurer la dette en 24 mensualités de 500 euros au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la dernière mensualité étant constituée du solde de la dette,

– débouté la SA BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes,

– rejeté la demande d’indemnité formulée par la société SA BNP Paribas Personal Finance au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 3 octobre 2022 par voie électronique, qui ne comportent aucune prétention qui ne figurait pas dans ses précédentes écritures remises le 9 novembre 2021, signifiées le 24 novembre 2021 à chacun de M. et Mme [R], la SA BNP Paribas demande à la cour de :

Vu les pièces produites,

– déclarer l’appel de BNP Paribas Personal Finance recevable et bien fondé,

En conséquence,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Montargis (RG 21/00541) en date du 1er juillet 2021 en ce qu’il a déchu le prêteur de son droit à percevoir les intérêts conventionnels et réduit d’autant sa créance,

Statuant à nouveau,

Vu les anciens articles 1134 (1193 nouveau), 1240 (2240 nouveau), 1184 (1227, 1228 et suivants nouveaux) du code civil,

– condamner solidairement M. [V] [R] et Mme [H] [R], à verser à BNP Paribas Personal Finance la somme de 26 596,39 euros, assortie des intérêts au taux annuel conventionnel de 3,79 % sur la somme de 24 876,54 euros (26 596,39 ‘ 1 719,84) à compter du 27 août 2020 date de la mise en demeure jusqu’à complet paiement au titre du contrat souscrit le 14 octobre 2014,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et in solidum aux entiers dépens d’appel,

– les débouter de toutes conclusions plus amples et contraires.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 novembre 2023, pour l’affaire être plaidée le 7 décembre suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. et Mme [R], assignés l’un et l’autre en l’étude de l’huissier instrumentaire, aient constitué avocat.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que la cour doit statuer sur les prétentions de première instance de l’intimé lorsque celles-ci ont été accueillies par le premier juge, puisqu’elle en est saisie par l’effet dévolutif de l’appel.

Sur la demande principale en paiement :

L’article L. 311-12 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l’article L. 312-21 du même code, énonce que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18 et précise que, afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

Depuis un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 18 décembre 2014 CA Consumer Finance, C-449/13), il est de jurisprudence assurée que la preuve par le prêteur de la communication à l’emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l’emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise. Une telle reconnaissance ne constitue qu’un simple indice que le prêteur doit compléter par d’autres éléments pour établir l’exécution de son obligation envers l’emprunteur (v. par ex. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.971). A défaut, la sanction encourue par le prêteur est la déchéance de son droit aux intérêts.

En l’espèce, la société BNP Paribas produit en cause d’appel l’original de l’exemplaire de l’offre de prêt qui lui était destiné, et la liasse contractuelle communiquée, établie sur papier carbone, montre que l’original conservé par le prêteur est identique à l’exemplaire destiné à être conservé par les emprunteurs.

Cette offre comporte la reconnaissance écrite, par les emprunteurs, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, mais aussi, en bas de la dernière page, le formulaire détachable de rétractation prévu à l’article L. 311-12, en tous points conforme aux prescriptions de l’article R. 311-4 et au modèle type figurant en annexe 6 du code de la consommation.

Rien ne justifie donc de déchoir l’appelante de son droit à intérêts.

Selon l’article L. 311-24 ancien du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l’emprunteur, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité de 8 % calculée sur le capital restant dû.

En l’espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels, cette indemnité de 8 %, qui répond à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d’office à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 200 euros.

Etant rappelé que selon les prescriptions de l’article L. 311-23, aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux prévus à l’article L. 311-24 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur, la créance de l’appelante sera arrêtée, au vu des pièces versées aux débats, notamment l’offre de crédit, l’historique du compte, le tableau d’amortissement et le décompte arrêté au 23 mars 2021, ainsi qu’il suit :

– mensualités échues et impayées : 5 378,44 euros

– capital restant dû à la déchéance du terme : 21 498,10 euros

– indemnité de 8 % (réduite d’office) : 200 euros

– règlements à déduire : 2 000 euros

Soit un solde de 25 076,54 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 3,79 % l’an sur la somme de 21 498,10 euros à compter du 4 septembre 2020, date de déchéance du terme, et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la mise en demeure du même jour

Par infirmation du jugement, et dès lors que le contrat de prêt comporte en son article 4f) une stipulation expresse de solidarité, M. et Mme [R] seront solidairement condamnés à payer à la société BNP Paribas, pour solde du prêt litigieux, la somme sus-énoncée.

Sur la demande de délais de paiement :

En dépit des chefs du jugement entrepris critiqués dans sa déclaration d’appel, la société BNP Paribas ne sollicite pas, dans ses dernières écritures, l’infirmation du chef du jugement ayant accordé des délais de paiement aux intimés. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce chef.

Sur les demandes accessoires :

M. et Mme [R], qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de l’instance.

Nonobstant la charge des dépens, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la société BNP Paribas la charge des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

L’appelante sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise, mais seulement en ce qu’elle a prononcé la déchéance des intérêts contractuels et, en conséquence, condamné solidairement M. et Mme [R] à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 17 534,56 euros et dit que cette somme ne porterait pas intérêt au taux légal,

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés :

Condamne solidairement M. [V] [R] et Mme [H] [L] épouse [R] à payer à la société BNP Paribas personal finance, pour solde du prêt souscrit le 14 octobre 2014 arrêté au 23 mars 2021, la somme de 25 076,54 euros, avec intérêts à compter du 4 septembre 2020 au taux conventionnel de 3,79 % l’an sur la somme de 21 498,10 euros et au taux légal sur le surplus,

Confirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y ajoutant,

Rejette la demande de la société BNP Paribas personal finance formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. [V] [R] et Mme [H] [L] épouse [R] aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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