N° RG 22/00036 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7CS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE DE LA PROXIMITE
ARRET DU 08 DECEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00230
Jugement du JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE HAVRE du 08 Novembre 2021
APPELANTE :
S.A. COFIDIS Agissant pour suite et diligence de ses représentants légaux domicilé en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
Monsieur [K] [T]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 5] (94)
[Adresse 1]
[Localité 4]
n’ayant pas constitué avocat, bien qu’assigné par acte d’huissier de justice en date du 21/02/2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 17 Novembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame GOUARIN, rapporteur.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Madame GOUARIN, Présidente
Madame TILLIEZ, Conseillère
Madame GERMAIN, Conseillère
Madame DUPONT greffière lors des débats et lors de la mise à disposition
DEBATS :
A l’audience publique du 17 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 08 Décembre 2022
ARRET :
Réputé contradictoire
Prononcé publiquement le 08 Décembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame GOUARIN, Présidente et par Madame DUPONT, Greffière.
Exposé des faits et de la procédure
Suivant acte sous seing privé du 23 septembre 2015, la SA Cofidis a consenti à M. [K] [T] un contrat de regroupement de crédits d’un montant de 30 900 euros remboursable en 119 mensualités de 377,52 euros et une mensualité de 376,63 euros au taux contractuel de 8,16% et au taux effectif global de 8,23%.
Par lettre recommandée du 4 mars 2021, la société Cofidis a mis en demeure M. [T] de régulariser les échéances impayées d’un montant de 263,56 euros dans un délai de huit jours sous peine de prononcé de la déchéance du terme du prêt.
Par lettre recommandée du 18 mars 2021, la société Cofidis a notifié à M. [T] le prononcé de la déchéance du terme et l’a mis en demeure de lui verser la somme de 26 278,82 euros.
Par acte d’huissier du 31 mai 2021, la société Cofidis a fait assigner M. [T] en paiement du solde du prêt.
Par jugement réputé contradictoire du 8 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du Havre a :
– déclaré la société Cofidis recevable en son action ;
– constaté la déchéance du terme du crédit ;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à compter de la date de conclusion du contrat ;
– condamné M. [T] à payer à la société Cofidis la somme de 10 827,06 euros au titre du solde du prêt au 28 avril 2021, avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 3 avril 2021 ;
– débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes ;
– condamné M. [T] à payer à la société Cofidis la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [T] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que la déchéance du droit aux intérêts contractuels était encourue faute pour le prêteur de justifier du respect de son devoir d’explication et en l’absence de preuve de la remise d’une offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation.
Par déclaration du 5 janvier 2022, la société Cofidis a relevé appel de cette décision, critiquant partiellement ses dispositions.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.
Exposé des prétentions des parties
Par dernières conclusions reçues le 29 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé des moyens de celles-ci, la société Cofidis demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels, condamné M. [T] au paiement de la somme de 10 827,06 euros et débouté la société Cofidis du surplus de ses demandes;
Statuant à nouveau
– condamner M. [T] à lui verser la somme de 26 500,28 euros arrêtée au 28 avril 2021 avec intérêts au taux de 8,16% sur la somme de 24 161,29 euros jusqu’à parfait paiement ;
– condamner M. [T] à lui verser la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;
– condamner M. [T] aux dépens d’appel.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait principalement valoir qu’elle justifie par les pièces produites avoir satisfait à son devoir d’explication conformément aux dispositions de l’article L. 311-8 ancien du code de la consommation et qu’elle produit la copie de l’exemplaire du contrat remis à l’emprunteur corroborant la preuve de la remise reconnue par l’emprunteur.
MOTIFS DE LA DECISION
Les dispositions du jugement déféré ayant déclaré recevable l’action du prêteur, constaté la déchéance du terme du prêt et condamné M. [T] aux dépens et au paiement de la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont pas dévolues à la cour qui statuera dans les limites de l’appel.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
En application des dispositions des articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles.
La reconnaissance écrite par l’emprunteur, dans une clause type figurant dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre ne permet pas de présumer de sa remise effective à l’emprunteur et constitue seulement un indice qu’il appartient au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
En l’espèce, M. [T] a apposé sa signature sous la mention suivante :
‘ Je (nous) soussigné (e)(s) Monsieur [T] accepte(ons) la présente offre : après avoir pris connaissance des conditions du contrat (…), rester (chacun) en possession d’un exemplaire de ce contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation’.
La société Cofidis verse aux débats un exemplaire de l’offre préalable de prêt conservé par l’emprunteur comportant un bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation.
Si cet exemplaire comporte l’ensemble des éléments d’identification de l’emprunteur et du crédit consenti, il n’est cependant pas authentifié par la signature de M. [T].
Nul ne pouvant se constituer de preuve à lui-même, ce document ne constitue pas un élément corroborant la preuve de la remise d’une offre régulière au regard des dispositions relatives au droit de rétractation de l’emprunteur.
Si le prêteur soutient à juste titre qu’il n’est nullement tenu de conserver un exemplaire du contrat doté d’un bordereau détachable de rétractation, il lui appartient cependant de justifier de la remise à l’emprunteur d’une offre comportant ce bordereau.
Or il ne résulte d’aucune pièce que le document produit est celui qui a été envoyé à l’emprunteur, la seule production du courrier d’envoi étant insuffisante à cet égard en l’absence de preuve de l’envoi effectif du dossier de financement à M. [T], laquelle pourrait être rapportée par la justification d’un envoi par voie recommandée avec demande d’avis de réception.
C’est en conséquence à juste titre que le premier juge a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts du prêteur et condamné M. [T] au paiement de la somme de 10 827,06 euros outre les intérêts au taux légal non majoré, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point sans qu’il soit nécessaire d’analyser l’existence d’un manquement du prêteur à son devoir d’explication.
Sur les frais et dépens
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la charge des dépens d’appel sera supportée par la société Cofidis qui sera déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant
Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel ;
Déboute la société Cofidis de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente
C. Dupont E. Gouarin