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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°71
DU : 07 Février 2024
N° RG 22/01824 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F4DS
VTD
Arrêt rendu le sept Février deux mille vingt quatre
Sur APPEL d’une décision rendue le 09 août 2022 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (N° RG 22/00289)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
S.A. CREATIS
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 419 446 034
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (avocat plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [L] [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représenté, assigné à étude
Mme [B] [Y] épouse [G]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représentée, assignée à étude
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 14 Décembre 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 07 Février 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat en date du 29 décembre 2010, la SA Créatis a consenti à M. [L] [G] et Mme [B] [Y] épouse [G] un prêt personnel d’un montant de 15 400 euros amortissable sur une durée de 144 mois, avec intérêts au taux contractuel annuel de 6,35 %.
Par acte en date du 15 mai 2022, la SA Créatis a fait assigner M. et Mme [G] devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en paiement.
Par jugement réputé contradictoire du 9 août 2022, le JCP a :
– déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la SA Créatis ;
– prononcé la déchéance du droit de la SA Créatis aux intérêts sur le contrat de prêt consenti à M. et Mme [G] le 29 décembre 2010 ;
– condamné M. et Mme [G] à payer solidairement à la SA Créatis la somme de 3 022,54 euros, outre intérêts au taux légal non soumis à la majoration de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, à compter du 23 février 2022 ;
– condamné in solidum M. et Mme [G] au paiement des entiers dépens de l’instance;
– rappelé que la présente décision était de droit exécutoire à titre provisoire ;
– débouté la SA Créatis du surplus de ses demandes.
Pour rejeter l’exception d’incompétence, le JCP a relevé que la SA Créatis ne l’avait pas soulevée in limine litis.
Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts, le JCP a indiqué que le contrat produit ne comportait pas de bordereau de rétractation et que le prêteur ne fournissait aucun autre élément probant laissant supposer que l’exemplaire remis aux emprunteurs était doté d’un tel formulaire. Le JCP a ajouté que, même à supposer qu’un formulaire détachable avait bien été remis aux emprunteurs, il n’existait aucune pièce permettant de s’assurer que ce bordereau était conforme au modèle-type prévu par l’article R.311-7 ancien du code de la consommation.
Enfin, pour rejeter la demande d’intérêts au taux légal majoré, le JCP a estimé que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points, nonobstant la déchéance des intérêts, n’étaient pas suffisamment inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations découlant de la directive 2008/48, le taux de l’intérêt légal majoré de cinq points étant légèrement inférieur supérieur à celui sollicité par le prêteur (8,12 %), de sorte que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne revêtait pas de caractère effectif et dissuasif.
La SA Créatis a interjeté appel du jugement par déclaration du 13 septembre 2022.
Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1347, 1902 du code civil en leur version alors applicable, L.311-1 et suivants du code de la consommation, L.313-3 du code monétaire et financier, de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– y faisant droit, réformer le jugement en ce qu’il :
> a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur le contrat de prêt consenti à M. et Mme [G] le 29 décembre 2010, en retenant que l’offre de crédit ne comportait pas de bordereau de rétractation ;
> a condamné solidairement M. et Mme [G] à lui payer la somme de 3 022,54 euros avec intérêts au taux légal non soumis à la majoration de l’article L.313-3 du code monétaire et financier à compter du 23 février 2022 ;
> l’a déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts et du surplus de ses demandes;
– en conséquence et statuant à nouveau :
– à titre principal, condamner solidairement M. et Mme [G] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 4 avril 2022 :
> capital restant dû : 8 497,55 euros
> intérêts : 62,09 euros
> pénalité légale : 679,80 euros
Total : 9 239,44 euros, outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;
– à titre subsidiaire, si par impossible la déchéance du droit aux intérêts devait être confirmée, assortir toute condamnation en paiement à l’encontre de M. et Mme [G], des intérêts au taux légal, avec majoration de 5 points en application des dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et réformer en ce sens le jugement entrepris ;
– en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner in solidum M. et Mme [G] à lui payer et porter la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
– dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
L’appelante conteste la déchéance du droit aux intérêts et soutient qu’en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Elle indique que les emprunteurs ont reconnu, sous leur signature, rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation et que, corroborant cette attestation, elle verse au débat un exemplaire vierge des offres emprunteurs régularisés à l’époque, lequel comporte ledit bordereau.
A titre subsidiaire, si la cour devait prononcer la déchéance du droit aux intérêts, elle sollicite l’application du taux légal majoré, estimant que seul le juge de l’exécution est compétent pour prononcer une telle sanction. Elle ajoute en outre que le juge doit comparer les montants et non les taux pour juger du caractère non dissuasif de la sanction.
La déclaration d’appel a été signifiée à M. [L] [G] et Mme [B] [Y] épouse [G] le 28 octobre 2022 à étude. La SA Créatis leur a fait signifier ses conclusions le 14 décembre 2022 (à étude). Ils n’ont pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 novembre 2023.
MOTIFS
A titre liminaire il sera observé que l’appelante ne conteste pas la décision en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir qu’elle avait présentée en première instance. La cour n’est donc pas saisie de ce point.
L’offre préalable ayant été signée le 29 décembre 2010, le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction et codification antérieures à l’entrée en vigueur de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010.
L’article L.311-33 ancien du code de la consommation sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts contractuels le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L.311-8 à L.311-13.
L’article L.311-15 ancien prévoit qu’afin de permettre l’exercice du droit de rétractation, un formulaire détachable est joint au contrat de crédit. L’article R.311-7 ancien énonce que le formulaire détachable de rétractation susmentionné est établi conformément au modèle type joint en annexe et qu’il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.
La déchéance du droit aux intérêts conventionnels est applicable au défaut et à l’irrégularité du bordereau de rétractation. Le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts de droit en l’absence de formulaire de rétractation sur l’exemplaire de l’emprunteur ou de non-conformité de celui-ci au modèle imposé par le pouvoir réglementaire.
Il appartient au prêteur de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation de remettre à l’emprunteur un exemplaire doté d’un formulaire de rétractation conforme aux dispositions ci-avant énoncées.
M. et Mme [G], en signant le 29 décembre 2010 l’exemplaire de l’acte contractuel resté en possession de la SA Créatis et produit aux débats, ont reconnu selon une formule pré-imprimée ‘rester en possession d’un exemplaire de cette offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation’.
Ainsi que l’affirme l’appelante, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Cass. Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n°19-18.971).
Cette formule pré-imprimée, bien que lacunaire, contient une reconnaissance des emprunteurs, laissant présumer qu’ils ont effectivement reçu le formulaire détachable. Cependant cette présomption ne s’étend pas à la régularité du formulaire (notamment sur son contenu ou sur sa conformité au modèle type annexé à l’ancien article R. 311-4 du code de la consommation). Toutefois, en produisant devant la cour un spécimen vierge de la liasse pré-imprimée ayant servi à la rédaction de l’acte, la SA Créatis permet ainsi à la juridiction de vérifier que le formulaire de rétractation joint à l’exemplaire destiné aux emprunteurs était conforme aux textes en vigueur.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
En vertu de l’article L.311-30 ancien du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret (8 % du capital restant dû à la date de la défaillance).
En l’espèce, la SA Créatis produit notamment à l’appui de sa demande :
– l’offre préalable de crédit signée le 29 décembre 2010 ;
– la notice d’assurance ;
– les justificatifs d’identité et de revenus et charges ;
– le justificatif de consultation du FICP ;
– le tableau d’amortissement ;
– les plans de surendettement 2016, 2018 et 2020 ;
– l’historique du prêt ;
– un décompte de créance.
Elle justifie par ailleurs de l’envoi à M. et Mme [G] le 5 janvier 2022 à chacun, d’un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement dans un délai de 15 jours des sommes impayées à hauteur de 925,88 euros, sous peine de caducité du plan de surendettement.
La déchéance du terme est intervenue et un courrier recommandé de mise en demeure de payer a été adressé le 21 février 2022 à M. et Mme [G], à hauteur de 9 177,35 euros.
Aussi, au vu des pièces justificatives produites, la créance de la SA Créatis s’établit de la façon suivante au 21 février 2022 :
– capital restant dû : 7 325,55 euros ;
– échéances en retard : 1 172 euros ;
soit la somme totale de 8 497,55 euros.
M. et Mme [G] seront ainsi solidairement condamnés à payer la somme de 8 497,55 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,35 % l’an à compter du 21 février 2022.
Aux termes de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l’indemnité avec d’autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l’espèce, l’indemnité de 679,80 euros réclamée par la SA Créatis apparaît manifestement excessive, d’une part en ce qu’elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu’il ressort de l’historique du compte, et d’autre part, en ce que le taux d’intérêt de 6,35 % était bien supérieur à la dépréciation monétaire, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.
Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 50 euros.
M. et Mme [G] seront solidairement condamnés au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2022.
La sanction de déchéance du droit aux intérêts n’étant pas prononcée, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l’application de la majoration du taux légal prévue par l’article L.313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.
De surcroît, la capitalisation des intérêts n’est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SA Créatis ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.
Succombant à l’instance, M. et Mme [G] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel.
Toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le droit proportionnel de recouvrement prévu par les articles R.444-3 tableau 3-1 et A.444-32 du code de commerce sera laissé à la charge du créancier conformément à l’article R.444-55 du même code et à l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,
Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement déféré ;
Statuant à nouveau ;
Condamne solidairement M. [L] [G] et Mme [B] [Y] épouse [G] à payer à la SA Créatis la somme de 8 497,55 euros avec intérêts au taux contractuel annuel de 6,35 % à compter du 21 février 2022, et celle de 50 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2022 ;
Déboute la SA Créatis de ses demandes au titre de la capitalisation des intérêts et de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [L] [G] et Mme [B] [Y] épouse [G] aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le Greffier La Présidente