Droit de rétractation : décision du 6 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00648
Droit de rétractation : décision du 6 mars 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00648
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COUR D’APPEL D’ORLÉANS

C H A M B R E C I V I L E

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/03/2023

la SCP LAVAL – FIRKOWSKI

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES

la SCP BRILLATZ CHALOPIN

la SELARL PRUNIER-D’INDY

la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO

ARRÊT du : 06 MARS 2023

N° : – N° RG : 20/00648 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GEAR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 14 Novembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°:1265257163162911

S.A. MMA IARD immatriculée au RCS du Mans sous le n°390 203 152, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, venant aux droits de la SA COVEA RISKS qu’elle a absorbée et en sa qualité de co-assureur suite à la décision n°2015C-83 de l’ACP du 22/10/2015

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL – FIRKOWSKI, avocat postulant au barreau d’ORLEANS et par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265255533645749 et 1265255533679408

Madame [D] [V] venant aux droits de Monsieur [U] [V], notaire retiré de chargé décédé le 26 janvier 2016 et ès-qualité de liquidateur de la SCP [U] [V] suivant Procès-Verbal en date du 28 juin 2016 en lieu et place de Maître [U] [V], décédé le 26 janvier 2016.

née le 24 Novembre 1988 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

Madame [K] [V] venant aux droits de Maître [U] [V] notaire retiré de charge, décédé le 26 janvier 2016

née le 21 Mars 1991 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

Madame [F] [V] venant aux droits de Maître [U] [V] notaire retiré de charge, décédé le 26 janvier 2016

née le 18 Mai 1994 à [Localité 12]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Sofia VIGNEUX de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de VAL D’OISE

Madame [C] [E]

née le 16 Février 1981 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Caroline CHALOPIN de la SCP BRILLATZ CHALOPIN, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Marianne COCHE de la SELARL LEXACTUS, avocat plaidant au barreau de MELUN

– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265257522729204

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 379 502 644, représentée par son dirigeant social en exercice, venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) inscrite au RCS de LYON sous le n° 391 560 939 représentée par son dirigeant social en exercice, suite à une fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Constance D’INDY de la SELARL PRUNIER-D’INDY, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Philippe BOISSIER de la SCP BILLY BOISSIER BAUDON, avocat plaidant au barreau de CLERMONT-FERRAND

– Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265256933632393

S.E.L.A.R.L. SMJ es qualité de liquidateur judiciaire de la SCI LES GAUDINELLES suivant arrêt de la cour d’appel de PARIS en date du 28 mai 2015, prise en la personne de Maître [A] [P], mandataire judiciaire

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée par Me Viviane THIRY de la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat postulant au barreau de TOURS et par Me Thierry SERRA de la SELARL SERRA AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 17 Mars 2020.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du 17 Janvier 2023, à 14 heures, devant Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, Magistrat Rapporteur, par application de l’article 786 et 910 alinéa 1 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré :

Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de la chambre civile,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure- Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l’ordonnance N° 92/2020

Greffier :

Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.

Prononcé le 06 MARS 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

En 2006, Mme [C] [E] a été démarchée par la société EPI Capital en vue d’acquérir, sous le statut de loueur de meublé non professionnel, un bien immobilier situé au sein d’une résidence de tourisme à construire intitulée « le hameau de Valloire » à [Localité 8] (37) et de le donner en location commerciale à une société gestionnaire.

Mme [E] a conclu, le 4 juillet 2006, avec la SCI Les Gaudinelles représentée par la société EPI Capital, un contrat de réservation portant sur le bien à construire, prévoyant un prix de 69 959 euros, la livraison du bien étant fixée pour le 3e trimestre 2007.

Afin de financer cette acquisition, Mme [E] a contracté un prêt de 69 959 euros auprès du Crédit immobilier de France financière Rhône Ain.

L’acte de vente a été dressé par Maître [U] [V], notaire, le 4 décembre 2006, et une somme de 24 485,65 € correspondant à 35 % du prix a été débloquée le jour de la signature, sur la foi d’une attestation du cabinet d’architecture Blevin & Pryen certifiant que les travaux de terrassement et de plate-forme étaient terminés.

Le solde du prix devait ensuite être libéré à hauteur de 20 % à l’achèvement des planchers hauts du rez-de-chaussée, 15 % à la mise hors d’eau, 15 % à l’achèvement des cloisons, 10 % à l’achèvement de l’immeuble et 5 % à la remise des clés.

Après avoir annoncé à l’acquéreur du retard dans la livraison de son bien, la SCI Les Gaudinelles a fait l’objet d’un jugement de redressement judiciaire le 2 juillet 2012, converti en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012.

Le bien n’ayant jamais été livré, Mme [E] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours, par actes d’huissier des 1er, 3, 17 avril et 27 mai 2015, Me [Z] [N] en qualité de mandataire liquidateur de la SCI Les Gaudinelles, Me [U] [V] et le Crédit immobilier de France financière Rhône Ain. Puis, elle a fait assigner M. [U] [V] en qualité de liquidateur de la SCP [U] [V] et la société MMA Iard, assureur de Me [U] [V].

Le Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France financière Rhône Ain est intervenu volontairement à l’instance.

Maître [U] [V] est décédé le 26 janvier 2016.

Par acte d’huissier du 6 février 2018, Mme [E] a fait assigner Mme [K] [V], Mme [F] [V] et Mme [D] [V], ès qualités d’héritières de Me [U] [V].

Le Crédit immobilier de France développement, venant aux droits du Crédit immobilier de France financière Rhône Ain a mis en cause Mme [D] [V] tant en qualité d’héritière de Me [U] [V] qu’en qualité de liquidateur de la SCP [U] [V], et Mmes [K] et [F] [V] ès qualités d’héritières de Me [U] [V]. Le Crédit immobilier de France développement a également mis en cause la SELARL SMJ, ès qualités de liquidateur de la SCI Les Gaudinelles.

Par jugement en date du 14 novembre 2019 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Tours a :

1- constaté l’intervention de Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], notaire décédé le 26 janvier 2016, et l’intervention de Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [R] [V] ;

2- déclaré recevable l’action de Mme [E] ;

3- mis hors de cause Me [Z] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, et constaté que la SELARL SMJ a été désignée à cette fin par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mai 2015 ;

4- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 4 décembre 2006, entre la SCI Les Gaudinelles et Mme [C] [E] et portant sur un appartement lot numéro 137 au rez-de-chaussée du bâtiment X comprenant chambre, coin cuisinette, salle d’eau, wc, terrasse et les 19/10 000e des parties communes générales, et ce, pour non-respect des dispositions de l’article R261-18-b du code de la construction et de l’habitation ;

5- dit que la SCI Les Gaudinelles devrait restituer à Mme [E] la somme de 65 061,87 euros, avec intérêts à compter de la date de l’assignation du 17 avril 2015 ;

6- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil ;

7-déclaré irrecevable la demande visant à l’inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles de ladite somme ;

8- prononcé la nullité du contrat de prêt conclu entre Mme [E] et le Crédit immobilier de France développement souscrit le 14 novembre 2006 ;

9- condamné Mme [E] à restituer au Crédit immobilier de France développement le capital emprunté et débloqué de 65 061,87 euros, outre les intérêts à compter du jugement ;

10- condamné le Crédit immobilier de France développement à restituer à Mme [E] les échéances versées et les intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

11- ordonné la compensation entre ces créances respectives ;

12- dit que la SCI Les Gaudinelles et Me [V] engagent leur responsabilité à l’égard de Mme [E] sur le fondement des dispositions de l’article 1147 et 1382 anciens du code civil ;

13- dit que Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V] doivent garantir la restitution du prix à hauteur de 65 061,87 €, compte tenu de l’insolvabilité de la SCI des Gaudinelles ;

14- dit que la société MMA doit garantir son assuré, Me [V], et condamné in solidum les consorts [V] et les MMA à garantir la restitution du prix à hauteur de 65 061,87 € ;

15- ordonné le maintien de l’inscription de privilège de prêteur de deniers et d’hypothèque conventionnelle publiée à Tours 2e bureau le 17 janvier 2007 volume 2007 V numéro 163 grevant le lot numéro 137 de Mme [E] jusqu’à complet remboursement des fonds prêtés ;

16- condamné in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V] et les MMA à verser au Crédit immobilier de France développement une somme de 23 408,09 € en réparation de son préjudice ;

17- condamné in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V], et la société MMA à verser à Mme [E] une somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral ;

18- débouté Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V] et la société MMA de leurs recours en garantie à l’encontre de la SARL L’Échelle et de son assureur la MAF, et à l’égard du Crédit immobilier de France développement ;

19- condamné in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V], et la société MMA aux dépens de l’instance, qui comprendront le coût de la publication de l’assignation, dont distraction au profit de Me Chalopin, avocat au barreau de Tours ;

20- condamné in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V] en qualité d’ayants droits de Me [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V], et la société MMA à verser à Mme [E] une somme de 4 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

21- débouté les autres parties de leurs demandes d’indemnité procédure ;

22- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au jugement ;

23- ordonné la publication du jugement ayant prononcé l’annulation de l’acte de vente conclu le 4 décembre 2006 entre la SCI des Gaudinelles et Mme [E] portant sur le lot numéro 137 de l’ensemble immobilier nouvellement cadastré [Cadastre 9] au lieu-dit [Adresse 11], acte publié le 17 janvier 2007 à la conservation des hypothèques de Tours 2e bureau volume 2007 P numéro 314.

Par déclaration d’appel du 17 mars 2020, la société MMA Iard a interjeté appel de ce jugement quant aux chefs précités n° 4 à 20 et 23. L’appel était dirigé à l’encontre de toutes les parties de premières instance à l’exclusion de Maître [Z] [N], mis hors de cause.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 15 décembre 2020, la société MMA Iard demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le contrat de vente ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la responsabilité de Maître [V] ;

En conséquence,

– dire et juger qu’aucune faute ne peut être reproché à Maître [V] ou à la SCP [R] [V] ;

– dire et juger que la preuve d’un lien de causalité entre les manquements reprochés et le préjudice allégué n’a pas été rapportée ;

– dire et juger que Mme [E] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice né, actuel et certain ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu un préjudice subi par Mme [E] à hauteur de 65 061,87 € ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu un préjudice subi par le Crédit immobilier de France développement à hauteur de 23 408,09 € ;

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [E], au titre des loyers commerciaux ;

– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a admis le principe d’un préjudice moral subi par Mme [E] ;

– dire et juger qu’il n’existe aucune dette de responsabilité civile et qu’aucune condamnation ne peut être dans ces conditions, retenue à son encontre ;

– rejeter toutes demandes formées à son encontre ;

– débouter Mme [E], le Crédit immobilier de France développement de leurs appels incidents et de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

– condamner le Crédit immobilier de France développement à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

– condamner Mme [E], ou toute autre partie succombant, à lui payer la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner Mme [E] ou tout autre succombant au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés par la SCP Laval Firkowski, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 5 octobre 2020, Mme [D] [V], tant à titre personnel qu’en qualité de liquidateur amiable de la SCP [V], et Mmes [K] et [F] [V] demandent à la cour de :

– à titre préliminaire, infirmer le jugement critiqué et dire et juger irrecevables les demandes de Mme [E], celles-ci étant prescrites ;

– et pour le surplus, infirmer le jugement déféré quant aux chefs n° 2, 4 à 20 et 23 ;

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que Maître [U] [V] n’a commis aucune faute ;

– constater, en tout état de cause, l’absence de lien de causalité entre une hypothétique faute de l’étude et le préjudice invoqué ;

– dire et juger que le préjudice invoqué n’est ni actuel, ni certain ;

– déclarer Mme [E] irrecevable, en tout cas mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

– l’en débouter purement et simplement ;

– débouter le Crédit immobilier de France développement de toutes ses demandes dirigées à l’encontre du notaire et de ses ayants droits ;

Et à titre subsidiaire, si par impossible la cour venait à confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le notaire avait commis une faute, et l’a condamné à garantir la restitution du prix à hauteur de 65 061,87 € ;

– dire et juger que le Crédit immobilier de France développement est également responsable du préjudice subi par Mme [E] ;

En conséquence,

– condamner in solidum, le Crédit immobilier de France développement et toutes autres parties succombantes à les garantir de toute condamnation qui, par impossible, pourrait être prononcée à leur encontre ;

Et dans l’éventualité où des demandes d’appel en garantie seraient formulées à l’encontre des concluantes,

– déclarer le Crédit immobilier de France développement et toutes autres parties demanderesses à la garantie du notaire, irrecevables et en tout cas mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de M. [U] [V], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de liquidateur de la SCP [R] [V] ;

– les en débouter ;

Et en tout état de cause,

– condamner in solidum Mme [E] et toutes autres parties succombantes à leur payer la somme de 6 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum Mme [E] et toutes autres parties succombantes aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Sofia Vigneux, membre du cabinet Thaumas, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, le Crédit immobilier de France développement demande à la cour de :

– le dire et juger recevable et bien fondé en son appel incident ;

– dire et juger les demandes de Mme [E] recevables comme étant non prescrites ;

– débouter les consorts [V], les MMA et toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

– confirmer le jugement en ses chefs n° 4, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16 ;

Mais pour le surplus,

– infirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

fixé le point de départ des intérêts sur la somme 65 061,87 € mise à la charge de Mme [E] à compter de la date du jugement du 14 novembre 2019 ;

rejeté sa demande d’inscription de sa créance de 69 959 € à titre privilégié au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles ;

Et statuant à nouveau de ces chefs,

– condamner Mme [E] à restituer la somme de 65 061,87 €, outre intérêt au taux légal à compter de chacun des déblocages de fonds intervenus comme suit :

24 485,65 € à titre d’acompte sur le prix de vente versé au notaire le 4 décembre 2006 ;

600 € au titre des frais de dossier conservés par le prêteur le 4 décembre 2006 et 13 991,80 € le 19 mars 2007 ;

10 493,85 € le 18 février 2008 ;

8 395,08 € le 25 août 2008 ;

2 098,77 € le 2 octobre 2008 ;

5 596,72 € le 6 janvier 2009 ;

– à défaut, la condamner subsidiairement, d’avoir à payer cette somme outre intérêts au taux légal depuis les conclusions du 30 novembre 2015 qui valaient sommation de payer au sens des articles 1153 et 1154 du code civil dans leurs versions applicables à l’espèce ;

– fixer au passif de la SCI Les Gaudinelles sa créance privilégiée pour 65 061,87 € correspondant aux fonds débloqués outre la somme de 23 408,09 € correspondant à la part des intérêts conventionnels perdus ;

Subsidiairement, en cas d’infirmation de l’annulation de la vente et du prêt,

– condamner Mme [E] au paiement de la somme de 65 061,87 € au titre du capital débloqué outre intérêts conventionnels, sauf à parfaire au jour des plaidoiries ;

Très subsidiairement, sur les intérêts conventionnels perdus,

– condamner in solidum les consorts [V], la SCP [U] [V] représentée par son liquidateur et la MMA à lui payer la somme de 20 500,10 € au titre des intérêts conventionnels échus au 14 novembre 2019, et à défaut 16 016,28 € à la même date, et 80 % de la somme de 7 391,81 € au titre de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir du 10 décembre 2019 au 10 décembre 2033, et ce, en réparation de son préjudice résultant de leurs fautes ;

En toute hypothèse,

– condamner Mme [E], in solidum avec les consorts [V] dont la responsabilité sera retenue, in solidum avec la MMA Iard aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– fixer sa créance au passif de la SCI Les Gaudinelles à la somme de 4 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 septembre 2020, la SELARL SMJ agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles demande à la cour de :

– confirmer le jugement des chefs déclarant irrecevable la demande de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles formulée par Mme [E] ;

– débouter les MMA Iard, Mme [E] ainsi que toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles et tendant notamment à sa condamnation au paiement d’une somme d’argent, à la rendre garante de toute condamnation prononcée à l’encontre d’une autre partie ou à une fixation au passif de la liquidation judiciaire ;

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ordonnance du 11 mai 2021, le conseiller de la mise en état a dit irrecevables les conclusions notifiées par Mme [C] [E] le 8 octobre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

MOTIFS

I- Sur la recevabilité des demandes de l’acquéreur

Les consorts [V] et la société MMA Iard expliquent que l’acquéreur a eu connaissance du dommage le 31 mars 2008, date à laquelle le bien devait être livré ; que la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a réduit le délai de prescription antérieurement fixé à 10 ans, de sorte qu’en vertu de l’article 2222 du code civil, l’action est prescrite à compter du 18 juin 2013 ; que l’acquéreur a assigné Maître [V] et son assureur, les 17 et 19 novembre 2015, de sorte que son action est manifestement prescrite.

En l’absence de conclusions recevables de Mme [E], celle-ci est réputée s’approprier les motifs du jugement.

Le délai de prescription d’une action en responsabilité délictuelle, était fixé à 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, en application de l’article 2270-1 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, en vigueur au jour de l’acte authentique de vente.

La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 à une date à laquelle le délai de prescription n’avait pas expiré, a réduit le délai pour agir en responsabilité délictuelle à 5 ans, en application du nouvel article 2224 du code civil. L’article 26-II de ladite loi prévoit que les dispositions « qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». En conséquence, l’acquéreur disposait, à compter du 19 juin 2008, d’un délai de cinq années à compter de la manifestation du dommage pour agir en responsabilité à l’encontre du notaire.

Le seul dépassement de la date initiale de livraison annoncée par la SCI Les Gaudinelles n’est pas de nature à établir l’existence du dommage qui aurait été causé par la faute éventuelle du notaire, l’acte authentique prévoyant d’ailleurs que cette date pouvait être dépassée dans l’hypothèse de la survenance d’un cas de force majeure ou d’une suspension du délai de livraison.

Le dommage allégué par l’acquéreur qui recherche la responsabilité du notaire à ce titre, ne réside pas dans le retard de livraison mais dans l’absence de vérification de la garantie intrinsèque d’achèvement et le défaut d’information afférent à celle-ci.

L’acquéreur n’a eu connaissance du défaut d’achèvement définitif de l’immeuble et de l’impossibilité de bénéficier de la garantie intrinsèque prévue dans l’acte de vente, à compter de la dernière date annoncée d’achèvement des travaux, soit le 24 juillet 2011. Ce n’est qu’à partir de cette date que l’acquéreur a pu prendre conscience des fautes du notaire relatives à la garantie intrinsèque d’achèvement, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir.

Les assignations à l’encontre du notaire et de son assureur, comportant une demande tendant à l’engagement de la responsabilité délictuelle du notaire, ayant été délivrées les

II- Sur la nullité du contrat de vente par acte authentique

Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente conformément à l’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version en vigueur à l’époque du contrat, qui sanctionne le non-respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire et en a tiré les conséquences concernant la restitution du prix de vente et a condamné le notaire et son assureur à garantir cette restitution.

La société MMA Iard appelante poursuit l’infirmation du jugement tant en ses dispositions relatives à cette annulation qu’en celles condamnant les ayants droit et le liquidateur de M. [U] [V], son assuré.

Elle fait valoir que la responsabilité civile de M. [V] ne peut être mise en jeu, dès lors qu’il est étranger au contrat de réservation et que la fiche technique annexée à ce contrat et qui mentionnait une garantie extrinsèque, n’a pas de valeur contractuelle ; qu’en outre, son assuré a adressé à l’acquéreur un projet d’acte de vente mentionnant clairement une garantie intrinsèque quelques semaines avant la vente et qu’il appartenait à ce dernier, qui a fait choix de donner procuration pour régulariser l’acte authentique, de le lire et de s’informer ; que le notaire n’a pas à proposer une autre garantie puisque la garantie intrinsèque est licite ; que celle-ci était effective compte tenu de la commercialisation déjà très avancée du programme au moment de la signature de l’acte authentique. Il ajoute qu’il faut en prendre en compte le prix global des ventes pour évaluer le pourcentage de garantie et non les acomptes versés ; Elle estime qu’il n’existe pas de lien de causalité entre l’intervention du notaire et les faits générateurs des préjudices invoqués par l’acquéreur ; elle insiste sur le fait que le notaire n’était pas concerné par l’engagement préalable de l’acquéreur et les rapports avec la société EPI Capital représentant la SCI Les Gaudinelles ; que le notaire est également sans lien avec le déblocage des fonds ; qu’aucune solidarité ne lie le notaire à un vendeur dès lors que le notaire n’a pas personnellement perçu le prix de vente ; elle précise qu’il a été procédé au déblocage des fonds par l’établissement bancaire, sur la foi de différentes attestations des architectes qui n’en ignoraient pas la finalité ; que le notaire n’est pas à l’origine de l’arrêt du chantier, au début de l’année 2009, chantier marqué par des interruptions successives en raison des défauts ou retard de paiement des entreprises imputables à la seule SCI Les Gaudinelles ; il ajoute que la SCI était in bonis au moment de la régularisation de l’acte authentique ; elle précise que la SCI est aussi à l’origine de la résiliation du bail à construction conclu le 13 mars 2006 avec la commune.

Les consorts [V] font valoir que la preuve des trois éléments permettant de retenir la responsabilité délictuelle du notaire, n’est pas rapportée ; qu’il n’y avait pas lieu, selon elles, à information sur la suppression d’une garantie extrinsèque qui n’a jamais existé ; que la lettre de notification qui a été adressée à l’acquéreur, conformément à l’article R.261-30 du code de la construction et de l’habitation, était particulièrement claire et ceux-ci étaient parfaitement informés tant sur leur droit de rétractation que sur le contenu de l’acte lui-même, signant l’acte en toute connaissance de cause et en possession de tous les documents contractuels ; que l’acte rappelle de manière très précise et dans le détail, les conditions de la garantie d’achèvement dite intrinsèque, à l’instar de la procuration qu’ils ont signée en toute connaissance de cause ; qu’il n’appartenait pas au notaire de les mettre en garde sur le risque du défaut d’achèvement du chantier en l’absence de garantie extrinsèque ou de proposer d’autres garanties ; que l’acquéreur ne peut davantage se prévaloir d’un défaut d’information sur la nature des droits acquis et sur la quote-part résultant d’un bail à construction précisément décrit dans l’acte authentique ; qu’en outre, le notaire n’est pas tenu de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée ; que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, les conditions de la garantie intrinsèque étaient satisfaites lors de la signature de l’acte, les opérations de commercialisation étant bien avancées, l’avance de trésorerie consentie par M. [B], selon acte de prêt du 15 septembre 2006 au montant de 3 500 000 euros annexé à l’acte notarié, devant être regardée comme ayant bénéficié à la SCI à titre de fonds propres du vendeur et le prix du terrain d’assiette estimé par expert à la somme de 8 216 000 euros devant être pris en compte d’autant qu’il conférait au preneur un droit réel immobilier ; qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute du notaire et les préjudices invoqués, la source de ceux-ci se trouvant exclusivement dans la déconfiture du promoteur vendeur alors que les appartements étaient à 93 % en voie d’achèvement et les équipements collectifs à 45 %, selon le rapport de l’expert judiciaire [H] ; que les préjudices allégués ne sont ni actuels ni certains.

Afin de solliciter la confirmation du jugement en ce qu’il a jugé mal fondées les demandes dirigées à son encontre, la société Atelier L’Échelle suivie en son argumentation par son assureur, la MAF, retrace l’historique de ce chantier qui s’est totalement arrêté au début de l’année 2009 ; elle évoque une procédure à l’encontre de la SCI Les Gaudinelles pour obtenir paiement de ses propres honoraires ainsi que la résiliation de son contrat de maîtrise d”uvre à effet au 24 février 2010, acceptée par cette SCI, soutient que l’ensemble de ses adversaires est mal fondé à rechercher sa responsabilité ; que l’acquéreur, qui ne produit aucun document technique concernant son propre lot, ne démontre pas qu’elle a fourni des attestations fallacieuses, alors qu’elle a tout mis en ‘uvre pour favoriser, malgré les multiples difficultés rencontrées, l’avancement des travaux. Elle ajoute qu’il appartenait à l’acquéreur de refuser les appels de fonds intermédiaires.

La société MAF fait valoir que le fait que l’acquéreur ait signé des appels de fonds contraire au planning contractuel n’engage que ces derniers. Tant la MAF que la société L’Atelier L’échelle ajoutent qu’il ne peut être tiré argument du rapport de M. [H] du 14 avril 2014 qui ne concerne pas le lot de l’acquéreur ; elles font toutefois remarquer qu’il ne retient ni insuffisances ni négligences de la part de l’équipe de maîtrise d”uvre ni, non plus, d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies ; qu’on ne saurait reprocher aux architectes l’établissement d’attestations de pure complaisance et procéder par analogie alors qu’il conviendrait de se placer au jour précis de leur établissement pour en apprécier la pertinence et qu’au surplus l’expert judiciaire n’a pu retenir qu’un léger écart entre l’avancement réel et les 93 % qui figurent dans les attestations de trois logements étrangers au présent litige.

A- Sur le respect des règles impératives de la vente d’immeubles à construire

L’article L.261-10 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, dispose : « Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l’un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du code civil, reproduits aux articles L. 261-2 et L. 261-3 du présent code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L. 261-11 à L. 261-14 ».

L’article L.261-11 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoit que le contrat doit être conclu par acte authentique et préciser « lorsqu’il revêt la forme prévue à l’article 1601-3 du code civil, reproduit à l’article L. 261-3 du présent code, la garantie de l’achèvement de l’immeuble ou du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement ».

L’article R.261-17 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, prévoyait deux types de garanties d’achèvement de l’immeuble dans le cadre des ventes d’immeubles à construire : une garantie dite intrinsèque résultant « de l’existence de conditions propres à l’opération », et une garantie dite extrinsèque résultant « de l’intervention, […], d’une banque, d’un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier, d’une entreprise d’assurance agréée à cet effet ou d’une société de caution mutuelle constituée conformément aux dispositions de la loi modifiée du 13 mars 1917, ayant pour objet l’organisation du crédit au petit et moyen commerce, à la petite et moyenne industrie ».

L’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable à la cause, relatif à la garantie intrinsèque, dispose :

« La garantie d’achèvement résulte de l’existence de conditions propres à l’opération lorsque cette dernière répond à l’une ou à l’autre des conditions suivantes :

a) Si l’immeuble est mis hors d’eau et n’est grevé d’aucun privilège ou hypothèque ;

b) Si les fondations sont achevées et si le financement de l’immeuble ou des immeubles compris dans un même programme est assuré à concurrence de 75 % du prix de vente prévu :

– par les fonds propres au vendeur ;

– par le montant du prix des ventes déjà conclues ;

– par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédit immobilier, déduction faite des prêts transférables aux acquéreurs des logements déjà vendus.

Toutefois, le taux de 75 % est réduit à 60 % lorsque le financement est assuré à concurrence de 30 % du prix de vente par les fonds propres du vendeur.

Pour l’appréciation du montant du financement ainsi exigé, il est tenu compte du montant du prix des ventes conclues sous la condition suspensive de la justification de ce financement dans les six mois suivant l’achèvement des fondations.

En l’espèce, l’acte de vente notarié dont la nullité est soulevée comporte, en page 21 et dans les termes précisément repris par le tribunal, un chapitre intitulé « garantie d’achèvement », comportant le rappel des dispositions de l’article R.261-18 b du code de la construction et de l’habitation, s’analysant en une garantie intrinsèque d’achèvement supposant la réunion de conditions financières précises qui devaient être remplies au moment de la vente.

La société venderesse précisait notamment que « le prix de vente prévu pour tout l’ensemble immobilier dont dépendent les biens vendus s’élève à la somme de 20 292 656 euros », que « le financement dont la société demanderesse doit justifier aux termes de l’article R. 261-18 b) précité est de 60 % du prix de vente, soit 12 175 593 euros ». Elle justifiait « avoir ce financement à sa disposition ainsi qu’il suit : par le terrain sur lequel sont édifiés des constructions, lequel a été estimé par monsieur [Y] [X], expert en estimation immobilière, (…) à la somme de 8 216 000 euros » et « par la trésorerie de la SCI composée :

* des fonds versés par monsieur [J], ainsi qu’il résulte d’une reconnaissance de dette régularisée en l’étude du notaire soussigné le 1er mars 2006, d’un montant de 160 000 €,

* du prêt consenti à la SCI suivant acte reçu par le notaire soussigné le 15 septembre 2006 pour un montant de 3 700 000 €,

* par le montant total du prix des ventes réalisées, sous conditions suspensives avant ce jour, ce qui est attesté par le notaire soussigné, soit la somme de 1 192 280 €, soit une somme de 13 268 280 euros représentant un total supérieur au financement dont la SCI doit justifier ».

Si pour assurer la viabilité financière de l’opération de construction jusqu’à son achèvement, un taux de 60 % de financement suffit lorsque les fonds propres représentent 30 % du prix de vente prévu, ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article R 261-18 b) précité, force est de considérer qu’en l’espèce la SCI Les Gaudinelles ne satisfaisait pas à ces exigences.

En effet, au rang des fonds propres qui devait s’élever à 30 % du prix de vente total de l’ensemble immobilier, soit, 6 087 796,80 euros, contrairement à ce que soutiennent les consorts [V] et leur assureur, il ne pouvait être tenu compte du terrain d’assiette, lequel conférait, certes, à la SCI preneuse un droit réel immobilier mais non un droit de propriété payé par des fonds appartenant au vendeur, d’autant que le bien était grevé d’hypothèques et que le bail à construction consenti pour une durée de 99 ans était assorti d’une faculté de résiliation anticipée en cas d’inachèvement du chantier dans un délai de quatre ans, ce qui a été effectivement le cas, ainsi qu’il résulte de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 19 octobre 2015 qui a prononcé la résolution judiciaire de ce contrat en raison des manquements de la SCI Les Gaudinelles.

En outre l’estimation ainsi avancée était dénuée de pertinence puisqu’elle constituait, selon le rapport de M. [X], « une estimation en valeur de terrain à bâtir », et non d’après la valeur du droit réel immobilier constitué par le bail à construction consenti le 13 mars 2006 à la SCI.

S’agissant de la trésorerie invoquée dans l’acte authentique, le prêt au montant de 3 500 000 euros consenti le 15 septembre 2006 par un simple particulier pour une durée de huit mois et moyennant le paiement d’intérêts, ne peut être regardé comme entrant dans les fonds propres de la SCI dans la mesure où il se devait d’être disponible jusqu’au terme de l’opération. Par ailleurs, la reconnaissance de dette de M. [J] dont il est fait état, sans plus d’éléments d’explication, ne constitue qu’une autre créance à recouvrer au moyen d’un document contenant, certes, un engagement de payer mais soumis aux aléas de son exécution et, en toute hypothèse, au montant fort modeste en regard du prix de vente de l’ensemble immobilier.

Enfin, s’agissant du produit des ventes déjà conclues (qui s’ajoute aux fonds propres et dont il lui aurait fallu justifier à hauteur de 30 % également), il est patent que le montant de 1 192 280 euros porté à l’acte de vente, pour autant que les acquéreurs concernés aient été solvables, est inférieur au montant requis, et même s’il était tenu compte du produit réel des ventes réalisées à la date de l’acte authentique qui a pu être invoqué par les consorts [V] et leur assureur, sans justificatifs comptables, le taux de 75 % requis (soit, en l’espèce 15 219 492 euros) en l’absence de la justification de fonds propres à hauteur de 30 %, n’aurait pas été atteint.

Il résulte de ces éléments que le tribunal a, à juste titre, fait droit à la demande d’annulation de cette vente consentie en méconnaissance des prescriptions d’ordre public en matière de vente en état futur d’achèvement.

B- Sur les conséquences de l’anéantissement du contrat de vente

La nullité d’un contrat, emporte son effacement rétroactif, et a pour effet de remettre les parties dans leur situation initiale.

Le prix de vente débloqué doit être restitué par la société venderesse à l’acquéreur. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la SCI Les Gaudinelles doit restituer à Mme [E] la somme de 65 061,87 euros, avec intérêts à compter de la date de l’assignation soit le 17 avril 2015, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 ancien du code civil.

S’agissant du contrat de prêt souscrit par l’acquéreur, il y lieu de rappeler qu’un contrat de prêt se trouve résolu par l’annulation rétroactive de la vente en vue de laquelle il avait été accordé, vente qui est censée n’avoir jamais été conclue, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 16 décembre 1992, n° 90-18.151).

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de prêt précité conclu avec la société Crédit immobilier de France développement.

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné Mme [E] à restituer à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 65 061,87 euros. L’acquéreur étant de bonne foi, il n’y a pas lieu de fixer le point de départ des intérêts légaux au jour de la mise à disposition des fonds, mais de le fixer au jour de prononcé de la nullité du prêt. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts légaux au jour de son prononcé.

La restitution du capital restant dû à une banque, résultant de l’anéantissement d’un contrat de prêt, ne constitue pas, en elle-même, à l’inverse de la perte des intérêts conventionnels, un préjudice réparable, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 2 juillet 2014, n° 12-28.615 ; Civ. 3e, 19 mai 2016, n° 15-11.441).

Le prêteur est donc mal fondé à solliciter la fixation au passif de la SCI Les Gaudinelles la somme de 65 061,87 euros, alors qu’il ne s’agit que du capital prêté devant lui être restitué par l’emprunteur dont il n’est pas démontré qu’il serait insolvable. La demande de fixation au passif de la SCI Les Gaudinelles du capital prêté sera donc rejetée.

Il convient par ailleurs de confirmer le jugement ayant condamné la société Crédit immobilier de France développement à restituer à l’acquéreur les échéances versées et les intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la compensation entre les créances respectives de l’acquéreur et du prêteur.

III ‘ Sur les appels en garantie

A- Sur la garantie du notaire et de son assureur

Me [V] a notifié, dix jours avant de dresser l’acte authentique, un projet d’acte de vente à l’acquéreur contenant une faculté de rétractation qu’ils n’ont pas exercé et mentionnant la garantie intrinsèque d’achèvement.

Même si le notaire n’est pas intervenu à la signature du contrat préliminaire, il n’en demeure pas moins qu’il était supposé avoir une parfaite connaissance du projet, en sa qualité de « notaire de l’opération » et qu’il devait en avoir pris connaissance pour dresser le contrat de vente, de sorte que, même si la fiche technique annexée au contrat préliminaire et mentionnant l’existence d’une garantie extrinsèque ne peut être regardée comme ayant une valeur contractuelle, il reste qu’il incombait au notaire d’attirer l’attention de l’acquéreur sur les risques que comportait la substitution d’une garantie intrinsèque à la garantie extrinsèque, contrairement à ce qu’affirment consorts [V].

Si les consorts [V] soulignent le caractère licite de la garantie intrinsèque à cette date et le défaut de pouvoir du notaire dans le choix de la garantie, ce professionnel de la vente immobilière ne pouvait ignorer, à la date de la vente, que la garantie intrinsèque se révélait, dans la pratique, moins sécurisante dans les opérations de ventes en état futur d’achèvement et suscitait une perte de confiance des consommateurs, à telle enseigne que le législateur l’a supprimée en 2013.

Me [V] devait d’autant plus mettre en garde l’acquéreur sur la fragilité de la protection assurée par la garantie intrinsèque telle que détaillée dans l’acte authentique, qu’il avait nécessairement connaissance du caractère insuffisant et inadapté, voire artificiel, de cette garantie dans la mesure où il avait participé à la rédaction du bail à construction et au financement de la SCI au moyen du prêt consenti par M. [B] qu’il avait présenté aux dirigeants de la SCI et qu’il ne pouvait ignorer, en 2008, les difficultés d’avancement du chantier compte tenu des retards de paiement de la SCI.

Au surplus, si les consorts [V] se prévalent d’une information donnée par le notaire sur l’existence d’un bail à construction, elles ne démontrent pas qu’il a attiré leur attention sur la clause de résiliation en cas d’inachèvement du chantier dans le délai de quatre années suivant le démarrage du chantier, ce qui conduisait à la perte de l’assiette foncière de la construction.

Par ailleurs, le crédit de 3 700 000 euros qui, selon l’acte du 15 septembre 2006, avait pour objet « une avance de trésorerie nécessaire au démarrage du programme notamment par le paiement de différentes factures » ne pouvait être considéré comme constitutive de « fonds appartenant au vendeur » au sens de l’article R.261-18 du code de la construction et de l’habitation, de sorte que le taux réduit de 60 % n’avait pas vocation à trouver application pas plus, d’ailleurs, qu’un financement assuré à 75 % du prix de vente qui suppose, « des crédits certains, irrévocables et maintenus jusqu’à l’achèvement des travaux ».

Le notaire qui, compte tenu de son importante implication dans ce programme immobilier dès le bail à construction, ne pouvait méconnaître ces exigences. Il a, ainsi, par l’absence d’information et de conseil sur cette garantie intrinsèque d’achèvement, manqué à l’obligation d’assurer l’efficacité de l’acte auquel il a prêté son ministère, de sorte que les consorts [V] ne sont pas fondées à invoquer une absence de lien de causalité entre ces manquements et le dommage subi par l’acquéreur.

En effet, si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l’annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n’est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l’insolvabilité démontrée du vendeur, de sorte que les acquéreurs, privés de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifient d’une perte subie équivalant au prix de la vente annulée, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation (Civ. 1, 18 juin 2002, n° 99-17.122 ; Civ. 1, 5 avril 2018, n° 17-14.114).

La situation juridique et financière de la SCI Les Gaudinelles conduit à considérer qu’en dépit de la simple affirmation, non démontrée des consorts [V] sur l’absence de préjudice né et actuel et en l’absence de production d’éléments permettant à la cour de la tenir pour solvable, l’acquéreur peut se prévaloir de son insolvabilité.

En conséquence, l’acquéreur est tant recevable que fondé à rechercher la garantie du notaire, aux droits desquels viennent les consorts [V] et celle de la société MMA Iard assurant la responsabilité civile de Me [U] [V], du fait de l’engagement de la responsabilité du notaire à leur égard.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que Me [V] a engagé sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil et a condamné in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], ayants droits de [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V] et la société MMA Iard à garantir à l’acquéreur la restitution du prix de vente débloqué à hauteur de 65 061,87 euros.

B- Sur les appels en garantie à l’égard de la société d’architecture

Les consorts [V] et la société MMA Iard poursuivent l’infirmation du jugement sur ce point qui a débouté ces derniers de leurs réclamations dirigées à l’encontre de cette société d’architecture en demandant à la cour de retenir une faute commise par celle-ci et de la condamner à garantie.

Il est, en substance, reproché à la société Blevin & Pryen devenue la SARL Atelier L’Échelle, d’avoir délivré six attestations d’avancement des travaux ayant conduit au déblocage de fonds au profit de la SCI Les Gaudinelles suivant l’échéancier convenu en contradiction avec l’état d’avancement réel du chantier incluant, selon eux, la réalisation des équipements collectifs faisant partie intégrante du projet, ceci en toute connaissance de cause, les consorts [V] et leur assureur estimant que ces fautes sont à l’origine directe et exclusive du paiement du prix de vente. Il est, pour ce faire, tiré argument du rapport d’expertise judiciaire dressé par M. [H] dans une procédure concernant le même programme, qui se prononce sur l’avancement de travaux relatifs à des lots d’autres acquéreurs. La société MMA Iard fait en outre valoir que cette société d’architecture, qui écrivait elle-même à la SCI, le 3 juillet 2008, qu’elle n’était pas payée de ses honoraires depuis plus d’un an et demi, ne pouvait ignorer les difficultés financières de la SCI et les impayés subis par les entrepreneurs à l’origine de suspensions successives des travaux.

Il convient de relever que les attestations incriminées ont été émises les 19 mars 2007 (achèvement des planchers hauts, à l’exclusion de divers lots parmi lesquels ne figure pas le lot en cause), 29 novembre 2007 (mise hors d’eau pour les logements 60 à 65), 23 juin 2008 (ensemble des cloisons terminé dans les logements 60 à 65), 08 décembre 2008 (« certifions pour les logements suivants l’avancement ci-dessous : Travaux d’achèvement : avancement 93 % pour les logements 1 à 151 ») et qu’il échet de les distinguer de l’état d’avancement des travaux portant sur les travaux relatifs aux infrastructures collectives prévues dans le projet de cette résidence (piscine, restaurant, salle polyvalente…), la société d’architecture et son assureur se prévalant au surplus du fait qu’il s’agissait d’une résidence de tourisme de la catégorie deux étoiles qui ne requiert, selon le référentiel de classement applicable, qu’une surface du hall de réception d’environ 50 m².

Il est certain que cette société d’architecture ne peut raisonnablement nier qu’elle savait que les attestations qu’elle délivrait servaient au déblocage progressif des fonds au profit de la venderesse et elle ne peut se retrancher derrière l’intervention de la société Coteba dès lors qu’elle prenait seule la responsabilité de les approuver en apposant sa signature.

Force est néanmoins de considérer que les parties recherchant sa responsabilité ne prouvent, comme il leur appartient de le faire, que le contenu des attestations ne correspondait pas à l’état d’avancement effectif du lot précisément concerné au jour de leur établissement, quand bien même le chantier dans sa globalité accusait des retards ou que le promoteur connaissait des difficultés de trésorerie, et qu’il s’agirait donc, selon les termes employés, d’attestations « de complaisance ».

À cet égard, ces parties ne sauraient tirer argument seulement du rapport d’expertise de M. [H] portant sur l’avancement des travaux afférents à des lots acquis par d’autres acquéreurs et réalisée dans le cadre d’une autre instance ‘ et reprocher, incidemment, au tribunal de ne pas en avoir tenu compte – pour affirmer que la société d’architecture a, par la délivrance de ces attestations, contribué à la réalisation du dommage causé par un défaut d’achèvement que rien ne permettait sérieusement de garantir et sur lequel l’acquéreur a été tenu dans l’ignorance.

En outre, elles ne contredisent pas la société Atelier l’Échelle lorsqu’elle ajoute, en individualisant précisément onze lots de cette autre procédure, que l’expert judiciaire n’a pas trouvé d’écart significatif entre l’avancement du chantier et les attestations établies.

Il ne peut davantage lui être reproché la méconnaissance de l’échéancier prévu à l’acte de vente dans la mesure où l’initiative du déblocage des fonds tel que pratiqué, ceci avec l’accord de l’acquéreur, est imputable à la seule SCI Les Gaudinelles.

Il s’ensuit que les consorts [V] et la société MMA Iard, faute d’en justifier, ne sont pas fondés en leurs demandes de garantie à l’encontre de la société d’architecture et de son assureur.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à leur encontre.

C- Sur l’appel en garantie du prêteur

La société MMA Iard sollicite la garantie intégrale de la société Crédit immobilier de France développement au motif qu’il s’agit d’une banque sélectionnée au préalable par le promoteur.

Les consorts [V] recherchent la garantie totale du prêteur qui, selon elles, faisaient partie intégrante de l’opération projetée et elles concluent au rejet de la demande de garantie qu’ils formulent à leur encontre.

Elles soutiennent que le prêteur ne pouvait ignorer les caractéristiques de l’opération projetée dans la mesure où il les avait étudiées et avalisées avec la société chargée de sa commercialisation ; elles lui reprochent de n’avoir pas attiré l’attention de l’emprunteur sur ses caractéristiques, en particulier sur l’absence de garantie extrinsèque et sur le risque que l’endettement né de l’octroi du crédit soit supérieur à celui qu’avait envisagé l’emprunteur. Selon elles, il n’appartenait pas au notaire de procéder à des recherches particulières sur l’opportunité économique de l’opération envisagée par l’acquéreur ; elles estiment que la responsabilité de la banque, intervenant en amont de l’opération et bien avant l’intervention du notaire, préexistait nécessairement à celle du notaire qui n’est intervenu qu’au stade de la régularisation de l’acte authentique.

La société Crédit immobilier de France développement fait valoir que le prêteur de deniers n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client, et que les prêts sont toujours reçus sous la condition résolutoire de la non conclusion du contrat principal ; que c’est bien la régularisation authentique de la vente qui a rendu exigible le prix et a entraîné le déblocage des fonds.

Il est constant que le prêteur n’est tenu à l’égard de l’emprunteur qui au demeurant, ne se prévaut pas d’un manquement qui lui serait imputable, qu’à une obligation de mise en garde sur les éventuels risques liés à un endettement excessif. En revanche, il appartient au notaire d’informer l’acquéreur sur les risques résultant de l’absence de garantie extrinsèque ou sur les conséquences d’une garantie intrinsèque dont les conditions posées par les articles 261-11 et R 261-18 b) du code de la construction et de l’habitation ne sont pas réunies.

L’argument tiré de la préexistence de sa responsabilité ne saurait donc prospérer, dès lors que leurs obligations respectives ne sont pas identiques et que l’obligation d’information et de conseil sur ce dernier point pesait exclusivement sur le notaire qui devait, en particulier, assurer l’efficacité de l’acte qu’il instrumentait et qui a manqué à cette obligation en soumettant le contrat de vente litigieux à la signature d’un acquéreur profane.

La garantie du prêteur ne saurait, par conséquent, être recherchée par les consorts [V] et la société MMA Iard.

Ces demandes seront donc rejetées, et le jugement sera confirmé de ce chef.

IV- Sur la réparation des préjudices

Au regard de ce qui précède, l’échec du programme immobilier est imputable à la SCI Les Gaudinelles.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que la SCI Les Gaudinelles a engagé sa responsabilité à l’égard de l’acquéreur sur le fondement des dispositions de l’article 1147 ancien du code civil.

Le notaire – aux droits duquel viennent les consorts [V] – qui, par ses fautes en lien direct avec l’annulation du contrat de vente, en exposant les parties à un risque d’annulation de vente qui s’est finalement réalisé, a engagé sa responsabilité délictuelle ainsi que la société MMA Iard assurant la responsabilité professionnelle du notaire.

Ces parties sont donc tenues de garantir intégralement l’acquéreur.

A- Sur le préjudice de l’acquéreur

L’acquéreur est réputé s’approprier les motifs du jugement qui lui a alloué la somme de 10 000 euros chacun au titre du préjudice moral subi. La société MMA Iard et les consorts [V] s’opposent à l’allocation de dommages et intérêts au motif notamment que ce préjudice serait inexistant.

Cependant, il est établi que l’acquéreur a subi divers tracas et contraintes financières durant de longues années de procédure, outre le fait que son projet de financer sa retraite a échoué. Ces éléments constituent un préjudice distinct de celui réparé par l’annulation du contrat de vente et en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, ce dommage justifie une indemnisation spécifique, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 1re, 15 juin 2016, n° 15-14.192, 15-17.370, 15-18.113).

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à l’acquéreur la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice moral et condamné les consorts [V], le liquidateur de la SCP [U] [V], et la société MMA Iard in solidum à lui verser cette somme.

B- Sur le préjudice du prêteur

Les consorts [V], le liquidateur de la SCP [U] [V] et la société MMA Iard sollicitent l’infirmation de leurs condamnations au profit du prêteur. La société MMA Iard soutient que la banque n’établit pas l’existence d’une faute du notaire, d’un préjudice et d’un lien de causalité ; que les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat de prêt ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable ; que le préjudice de la banque, s’agissant des intérêts à échoir, ne saurait s’analyser qu’en une perte de chance ; que le tribunal a retenu un préjudice au titre des intérêts perdus sans préciser les méthodes de calcul utilisées pour aboutir au montant déterminé et sans apporter plus d’éléments sur la répartition de cette somme entre les intérêts échus et les intérêts à échoir, qui ne sont pas justifiés par la banque. Les consorts [V] et le liquidateur de la SCP [U] [V] considèrent que les fonds ont été débloqués par la banque après des manquements à ses obligations ; que le préjudice allégué n’est qu’une perte de chance qui ne peut être égale au gain espéré ; que la banque peut solliciter la réparation du préjudice résultant pour elle de la restitution des intérêts au taux conventionnel, déduction faite des intérêts au taux légal versés par l’acquéreur ; qu’il est certain qu’au regard des taux aujourd’hui pratiqués pour les prêts immobiliers, l’acquéreur aurait nécessairement renégocié son crédit, afin de bénéficier d’un taux plus avantageux ; qu’il est indéniable que la banque n’aurait pas perçu les intérêts dont elle sollicite aujourd’hui le paiement ; que le dommage allégué par la banque est nul.

La société Crédit immobilier de France développement réplique que les fautes retenues à l’encontre de la SCI Les Gaudinelles et du notaire sont nécessairement constitutives d’un préjudice à son égard ; que son préjudice est constitué des intérêts conventionnels échus à la date de la résolution judiciaire prononcée par le jugement du 14 novembre 2019 d’un montant de 16 016,28 euros ; que les intérêts échus au 14 novembre 2019, ont été dépréciés du fait des intérêts suspendus de mai 2009 à novembre 2010 en raison du taux zéro appliqué par la commission de surendettement, de sorte qu’il convient de retenir des intérêts échus d’un montant total de 20 500,10 euros ; que s’agissant des intérêts à échoir, la perte de chance de les percevoir ne saurait être inférieure à 80 % puisque Mme [E] était censée bénéficier de loyers depuis la livraison prévue au 3e trimestre 2007, ce qui aurait financé le paiement des échéances et évité un surendettement, soit une somme de 5 913,44 euros ; que du fait de la suspension du prêt pendant 18 mois, le préjudice réel s’élève à la somme de 5 913,44 euros au titre de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, soit un préjudice total de 26 413,54 euros ; qu’il convient donc de confirmer le jugement ; que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a rejeté sa demande d’inscription de sa créance de dommages et intérêts au passif de la SCI Les Gaudinelles, car elle a déclaré sa créance à titre privilégié entre les mains du mandataire judiciaire ; qu’à la suite d’une contestation du débiteur, le juge commissaire constatant qu’une instance était en cours, a ordonné, le 16 décembre 2013, un sursis à statuer dans l’attente de l’issue des procédures en cours devant les tribunaux de Paris et de Tours ; qu’elle a formé une demande de fixation de sa créance et non de condamnation au paiement, et le juge commissaire a relevé d’une part que le débat ne relevait pas de sa compétence s’agissant d’actions en nullité de contrat et en responsabilité, et d’autre part que des instances étaient en cours ; que si le juge commissaire est seul compétent pour admettre une créance au passif, le juge civil est en revanche seul compétent pour fixer le montant de ladite créance dès lors qu’aucune condamnation ne peut plus être prononcée.

Le prêteur n’a commis aucune faute à l’origine de l’annulation de la vente immobilière, et de l’annulation du contrat de prêt ainsi qu’il a été précédemment exposé. En revanche, il est établi que le notaire et la société venderesse ont commis une faute ayant conduit à l’annulation de ces contrats. En revanche, en l’absence de faute du cabinet d’architecture en lien avec le préjudice dont elle se prévaut, la banque ne peut que voir sa demande de condamnation formée à l’encontre de celui-ci et de son assureur, la MAF, rejetée. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la banque à l’encontre de la société Atelier L’échelle et de la MAF.

S’il est exact que les restitutions dues à la suite de l’anéantissement d’un contrat de prêt ne constituent pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable, de sorte que le notaire ne peut être tenu à garantir ces sommes qu’en cas d’insolvabilité des emprunteurs, la banque dont le contrat est annulé par la faute d’un tiers est fondée à agir à l’encontre du responsable en réparation du préjudice subi, sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

À la suite de l’annulation d’un contrat de prêt accessoire à un contrat de vente, la banque peut être indemnisée au titre de la restitution des intérêts échus et peut se prévaloir de la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir, la demande en paiement du montant des intérêts contractuels non perçus devant être rejetée, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ. 3e, 1er juin 2017, n° 16-14.428).

La société Crédit immobilier de France développement sollicite à titre principal la confirmation du jugement lui ayant alloué une somme de 23 408,09 euros au titre des intérêts conventionnels perdus.

Seuls les intérêts échus payés par l’emprunteur devant lui être restitués par la banque constitue le préjudice certain au titre des intérêts échus.

Mme [E] a réglé au prêteur une somme totale de 4 754,77 euros, hors frais et assurances, jusqu’au 2 décembre 2010. Ces règlements étaient inférieurs au montant des intérêts dus pendant la période de différé d’amortissement et au montant de l’échéance pendant la période d’amortissement, de sorte que la somme de 4 754,77 euros est uniquement constituée des intérêts échus jusqu’au 2 décembre 2010 au regard du tableau d’amortissement initialement convenu. Cette somme constitue donc le préjudice certain subi par le prêteur.

Le montant des intérêts à échoir est donc la différence entre le montant total des intérêts conventionnels prévu au contrat (51 197,65 euros) et les intérêts échus versés par l’emprunteur (4 754,77 euros), soit 46 442,88 euros. En l’absence d’élément propres à établir que l’emprunteur, qui a bénéficié d’un plan de surendettement, aurait remboursé jusqu’à son terme les échéances du prêt, il convient de fixer la perte de chance de percevoir les intérêts à échoir à 50 %, équivalant à un préjudice de 23 221,44 euros.

La somme totale du préjudice causé à la banque au titre des intérêts échus et à échoir ainsi calculé excédant la somme allouée par le tribunal et sollicitée par la banque, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum les consorts [V], la SCP [U] [V], représentée par son liquidateur, dont la faute est à l’origine du préjudice du prêteur, et la société MMA à payer au Crédit immobilier de France développement la somme de 23 408,09 euros en réparation de son préjudice.

Le tribunal a débouté la société Crédit immobilier de France développement de sa demande tendant à voir fixer sa créance de la banque au passif de la SCI Les Gaudinelles au motif que celle-ci a été placée en redressement judiciaire antérieurement à l’assignation.

La créance de la banque à l’encontre de la SCI Les Gaudinelles est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective. L’article L.622-24-I du code de commerce dispose que « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture, autres que celles mentionnées au I de l’article L. 622-17, sont payées à leur échéance », et qu’elles sont soumises au régime de la déclaration de créance prévue par cet article.

La créance de dommages-intérêts n’est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, de sorte qu’elle est soumise à la procédure de déclaration et de vérification de créance.

La société Crédit immobilier de France justifie avoir déclaré sa créance au mandataire judiciaire pour la somme de 69 959 euros, avant que le juge commissaire n’ordonne, par décision du 16 décembre 2013, un sursis à statuer dans l’attente de l’issue des procédures en cours devant les tribunaux de Paris et de Tours, la fixation de la créance ne relevant pas de sa compétence.

En conséquence, il convient de fixer la créance de dommages et intérêts de la société Crédit immobilier de France au passif de la SCI Les Gaudinelles à la somme de 23 408,09 euros. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a débouté le prêteur de sa demande d’inscription de sa créance au passif de la SCI Les Gaudinelles.

V- Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles. Les consorts [V] et la société MMA Iard qui succombent seront déboutés de leurs prétentions au titre des dépens et frais irrépétibles et condamnés, in solidum, à supporter les entiers dépens d’appel avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Au regard de la solution donnée au litige, il convient de condamner in solidum les consorts [V], le liquidateur de la SCP [U] [V] ès qualités ainsi que la société MMA Iard à payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à chacune des parties intimées constituées, à l’exclusion de l’acquéreur et de la SELARL SMJ ès qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles. Il n’y a pas lieu de faire supporter à la SCI Les Gaudinelles une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il a débouté le Crédit immobilier de France développement de sa demande d’inscription de sa créance de dommages et intérêts au passif la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles ;

LE CONFIRME pour le surplus des chefs critiqués ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DÉBOUTE la société Crédit immobilier de France développement de sa demande d’inscription au passif de la SCI Les Gaudinelles de la somme de 65 061,87 euros au titre de la somme prêtée et débloquée au profit de l’emprunteur ;

FIXE à la somme de 23 408,09 euros, la créance de la société Crédit immobilier de France développement devant être inscrite au passif de la SCI Les Gaudinelles ;

CONDAMNE in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], ayants droit de [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V], ainsi que la société MMA Iard à verser, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à chacune des parties intimées suivantes : la société Atelier l’Échelle (anciennement société Blevin & Pryen SARL), la Mutuelle des architectes français, la société Crédit immobilier de France développement ;

CONDAMNE in solidum Mmes [D], [K] et [F] [V], ayants droit de [U] [V], et Mme [D] [V], ès qualités de liquidateur de la SCP [U] [V] ainsi que la société MMA Iard à supporter les dépens d’appel ;

DIT que Maître [T] [G], Maître Nelly Allier, la SCP Renard-Pierné pourront recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président à la Cour d’Appel d’ORLEANS et Madame Fatima HAJBI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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