Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel de Pau RG n° 22/02851

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Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel de Pau RG n° 22/02851
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SF/SH

Numéro 24/00409

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 06/02/2024

Dossier : N° RG 22/02851 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ILDW

Nature affaire :

Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité

Affaire :

[R] [Y]

C/

S.A.S. ALCOPA AUCTION

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 06 Février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 04 Décembre 2023, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l’appel des causes,

Madame [P], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [R] [Y]

née le 03 Juin 1977 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée et assistée de Maître BERTIZBEREA de la SCP UHALDEBORDE-SALANNE GORGUET VERMOTE BERTIZBEREA, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMEE :

S.A.S. ALCOPA AUCTION agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Maître LEFEBVRE, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 05 SEPTEMBRE 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 11-21-000582

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 14 mai 2021, Mme [R] [Y] s’est portée adjudicataire sur un site internet, auprès de la SAS ALCOPA AUCTION pour le prix de 17’800 € dont 2 700 € de frais de vente, d’un véhicule utilitaire Volkswagen mis en circulation le 8 octobre 2019 et comptant 30789 km, dont elle a pris possession le 31 mai 2021 auprès d’un dépositaire situé à [Localité 5].

Faisant état de la détérioration de la carrosserie, constatée une fois entrée en possession du véhicule, Mme [Y] a fait estimer les travaux nécessaires à sa remise en état dont le montant s’élève à 5 453,88 €.

Par acte du 25 octobre 2021, Mme [Y] a assigné la SAS ALCOPA AUCTION devant le tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 5 453,88 € en principal et 1 500 € au titre de son préjudice moral outre 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du 5 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Bayonne a :

– débouté Mme [Y] de ses demandes

– condamné Mme [Y] à payer la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Dans sa motivation, le tribunal a retenu que Mme [Y] avait acheté le véhicule sans avoir pu l’examiner sur la foi de photographies qui ne montraient pas toutes les parties de la carrosserie mais qu’en signant le bon de sortie sans aucune réserve ni observation à la réception du véhicule elle était réputée l’avoir accepté en l’état et ne pouvait donc réclamer des frais de remise en peinture de la carrosserie.

Mme [Y] a relevé appel par déclaration du 20 octobre 2022, critiquant le jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 mars 2023, Mme [Y] appelante, demande à la cour de :

– à titre principal, constater le caractère dolosif de la vente,

– à titre subsidiaire, constater la non-conformité entre la description du véhicule et l’état du véhicule livré,

– en tout état de cause,

Condamner la SAS ALCOPA AUCTION à payer à Mme [Y] les sommes de :

*5 453,88 € à titre principal

*1 500 € en réparation du préjudice moral

*3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens

Au soutien de ses prétentions Mme [Y] fait valoir principalement, sur le fondement des articles1137, 1231-1 et 1604 et suivants du Code civil, que :

– le véhicule acquis était détérioré de manière importante et ce avant la vente ainsi qu’il ressort du procès-verbal de réception du gestionnaire du parc établi le 12 février 2021, alors que les photos produites pour la vente aux enchères laissaient supposer une carrosserie en parfait état ;

– la proposition de remboursement de la somme de 1 000 € à titre commercial par la société demanderesse est insuffisante au regard des propres constatations du carrossier mandaté par la SAS ALCOPA AUCTION ;

– Mme [Y] fondant son action sur le dol, l’absence de contestation à la réception du véhicule ne peut lui être opposé ;

– la SAS ALCOPA AUCTION détenait des informations sur le véhicule avant la vente relative à de nombreuses anomalies en particulier au niveau de la carrosserie qui n’ont pas été communiquées à Mme [Y], et qui ont même été dissimulées par des photographies aux angles particulièrement choisis, informations déterminantes de son consentement précisément parce que le prix était attractif pour un véhicule en bon état ;

– elle conteste le rapport d’expertise amiable fait à la demande de la SAS ALCOPA AUCTION, totalement partial ;

– quant au document signé par elle lors de la prise de possession du véhicule, aucune mention sur des réserves n’est prévue sur celui-ci, qui ne constituent donc pas un document contractuel d’acceptation en l’état, ayant formalisé dès son retour à son domicile le 2 juin 2021 un mail de contestation sur la non-conformité du véhicule ;

– le vendeur n’était pas présent sur le lieu où était entreposé le véhicule où elle est venue le chercher dans l’Ain près de [Localité 5] ;

– elle réclame en outre le coût de la mise en conformité du véhicule, une indemnité pour le préjudice moral subi face à l’attitude de la SAS ALCOPA AUCTION.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2023, la SAS ALCOPA AUCTION intimée, demande à la cour de :

Déclarer Mme [R] [Y] irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter ;

Confirmer la décision le jugement du 05 septembre 2022 en ce qu’elle a jugé que Mme [R] [Y] est déboutée de ses demandes, et condamnée au paiement de la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

Ajouter, pour la procédure d’appel

Condamner Mme [R] [Y] à payer la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Mme [R] [Y] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions la SAS ALCOPA AUCTION fait valoir principalement, sur le fondement des articles 1103, 1154, et 2062 du Code civil, que :

– Mme [Y] pouvait dès le moment où elle a été mise en présence du véhicule refuser sa prise de possession, le contrat prévoyant aussi qu’elle pouvait émettre des réserves lors de la reconnaissance visuelle en les faisant mentionner sur le bon de sortie, condition pour effectuer les réclamations après la vente aux enchères ;

– que la vente s’est déroulée aux enchères en ligne sur le site de la SAS ALCOPA AUCTION, Mme [Y] ayant surenchéri le 14 mai 2021 après avoir accepté les conditions générales de vente; qu’elle est allée ensuite directement chercher le véhicule qui était stocké non pas dans les bureaux de la SAS ALCOPA AUCTION mais chez un mandataire ;

– que la carrosserie endommagée a permis une décote sur le prix réel (26’000 € aux dires de l’expert), élément déterminant dans cette vente, ce véhicule utilitaire devant servir à transporter des jarres et pots en terre pour son activité professionnelle, et que Mme [Y] a disposé d’un délai de réflexion prévu au contrat ;

– que l’expert amiable a convoqué les parties à un rendez-vous contradictoire auquel Mme [Y] s’est rendue avec son conseil, s’engageant ainsi à ‘uvrer de bonne foi à la résolution amiable de son différend ;

– ce n’est que le 9 juin 2021 que Mme [Y] a manifesté son mécontentement par téléphone, la SAS ALCOPA AUCTION lui proposant alors à titre commercial un dédommagement de 1 000 €, et même la reprise du véhicule contre remboursement, ce que Mme [Y] a refusé ;

– Mme [Y] ne rapporte pas la preuve d’un dol, ni d’un défaut de conformité du véhicule, les désordres de carrosserie étaient apparents au moment du retrait.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages intérêts présentée par Mme [Y] ‘:

*Sur le fondement du dol :

Selon l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.

En l’espèce, Mme [Y] a acquis le véhicule litigieux par le moyen d’enchères publiques sur internet, sur la foi de trois photos publicitaires communiquées par le vendeur (pièces n° 2 de Mme [Y]), versées au dossier. La Cour constate qu’elles sont des captures d’écran, en noir et blanc, une seule photo présente la carrosserie du véhicule vue de 3/4 de face avec des reflets dus au soleil, ne permettant pas de distinguer l’état de la carrosserie blanche, ni des rayures ou impacts sur la carrosserie.

Les photos prises ensuite par Mme [Y] lors de sa prise de possession sont plus nettes et plus nombreuses et permettent de constater des enfoncements de la carrosserie, des points d’impact et rayures. Ces défauts sont confirmés par le procès- verbal de réception du 12 février 2021 du gérant du parc de dépôt des véhicules devant être remis aux enchérisseurs, qui localise, sur un schéma, plusieurs rayures et points d’impact sur la carrosserie.

Incontestablement, les photos du site d’enchères, trop peu nombreuses et de mauvaise qualité, ne permettaient pas d’apprécier l’état réel du véhicule acquis.

Toutefois, pour caractériser le dol, Mme [Y] doit démontrer l’intention frauduleuse du vendeur dans la présentation de ces publicités, or, précisément la mauvaise qualité des photos publicitaires est manifeste, elle ne caractérise donc pas en soi de manoeuvres ou mensonges, la mauvaise qualité informant suffisamment l’acquéreur par enchères sur internet du risque pris en se fiant à 3 photos peu claires de découvrir les détails de carrosserie du véhicule après son achat.

Aucun dol n’est caractérisé en l’espèce.

* Sur le fondement du défaut de conformité :

Les conditions générales du contrat de vente aux enchères, qu’elle a acceptées en y participant, rappelle que ce type de contrat est exclu du champ du droit de rétractation prévu par le code de la consommation et notamment des articles L217-1 et suivants relatifs à la garantie légale de conformité, puisqu’il relève des dispositions L321-1 et suivant du code de commerce sur les ventes aux enchères. Il est également indiqué que des photos commerciales accompagnent chaque description du véhicule permettant d’apprécier au mieux l’état général du véhicule, mais n’excluent pas que certains défauts mineurs ne soient pas visibles sur les clichés.

Cependant, en l’espèce les photos prises par Mme [Y] et le procès verbal de réception du dépositaire du véhicule mentionnant tous les points d’impact démontrent que les défauts constatés lors de la prise de possession n’étaient pas mineurs : les flancs droites et gauches du véhicule sont enfoncés et rayés, des points d’impact sont présents sur le capot avant du véhicule, ces défauts pour un véhicule âgé de 2 ans sont donc importants.

Mais il est prévu qu’au moment de l’enlèvement du véhicule, une reconnaissance visuelle de 3 minutes est accordée par véhicule, avant la signature du bon de sortie, celui-ci devant mentionner les réserves en vue de réclamations à formuler ensuite dans les 8 jours le cas échéant.

Or, Mme [Y] a pu effectuer des photos du véhicule au moment de sa prise de possession le 31 mai 2021 mais n’a pas formulé par écrit de réserves sur le bon de sortie à côté de sa signature, et a accepté de prendre possession du volkswagen dont la carrosserie était dégradée de manière très apparente.

Ce faisant, elle a validé son acquisition du véhicule en l’état, et sa demande d’indemnisation, formulée par mail le 2 juin auprès de la SAS ALCOPA AUCTION après cette prise de possession, puis le 10 juin 2021 par courrier, ne pouvait plus aboutir, cette dernière lui ayant néanmoins offert à titre commercial d’abord une remise de 1 000 € sur le prix de vente, qu’elle a refusée, puis d’annuler la vente, qu’elle a également refusé au regard des frais de restitution et de rapatriement du véhicule qui lui auraient incombé.

La demande de dommages-intérêts fondée sur un défaut de conformité doit donc être également rejetée.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les mesures accessoires :

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

Y ajoutant :

Mme [Y] devra payer à la SAS ALCOPA AUCTION une indemnité de 800€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, et supporter les dépens d’appel.

La cour déboute Mme [Y] de ses demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 5 septembre 2022 ;

y ajoutant,

Condamne Mme [R] [Y] à payer à la SAS ALCOPA AUCTION la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme [R] [Y] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [R] [Y] aux entiers dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE

 


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