Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/02371

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Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/02371
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02371 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IP64

LR/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

28 juin 2022

RG :F 19/00332

[C]

C/

S.A.R.L. IMMO CLEAN VAUCLUSE

S.E.L.A.R.L. DE SAINT RAPT ET [B]

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT

Association UNEDIC CGEA – CENTRE DES GESTION ET D’ETUDE CGEA D ‘[Localité 9]

Grosse délivrée le 06 FEVRIER 2024 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 06 FEVRIER 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 28 Juin 2022, N°F 19/00332

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 Novembre 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [P] [C]

né le 27 Janvier 1985 à [Localité 16]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉES :

S.A.R.L. IMMO CLEAN VAUCLUSE

[Adresse 11]

[Localité 6]

Représentée par Me Alexandra DUGAS, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Marie DELOUP, avocat au barreau de MONTPELLIER

S.E.L.A.R.L. DE SAINT RAPT ET [B] représentée par Me [P] [B] es qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la S.A.R.L. IMMO CLEAN VAUCLUSE

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.E.L.A.R.L. ETUDE BALINCOURT représentée par Me [Z] [G] es qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la S.A.R.L IMMO CLEAN VAUCLUSE

Mandataire Judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 6]

Association UNEDIC CGEA – CENTRE DES GESTION ET D’ETUDE CGEA D ‘[Localité 9]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 5]

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 Août 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 06 février 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

M. [P] [C] a été engagé à compter du 1er octobre 2012, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d’inspecteur par la SARL Immo clean Vaucluse, exerçant dans le secteur du nettoyage industriel à destination des entreprises, des administrations et des copropriétés.

Le 17 janvier 2019, une rupture conventionnelle a été conclue entre M. [P] [C] et la SARL Immo clean Vaucluse.

Par requête du 22 juillet 2019, M. [P] [C] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon aux fins de voir condamner la SARL Immo clean Vaucluse au paiement de primes et diverses sommes indemnitaires.

Par jugements des 6 et 13 janvier 2021, la SARL Immo clean Vaucluse a été placée en redressement judiciaire et Me [G] et Me [B] ont été désignés respectivement en qualité de mandataire judiciaire et administrateur judiciaire.

Par jugement du 28 juin 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– mis hors de cause le CGEA de [Localité 15] et donne acte de l’intervention volontaire de l’AGS CGEA d'[Localité 9],

– dit et jugé que la prescription sur les paiements des primes de 2014 et 2015 se trouve

acquise et que M. [P] [C] ne se trouve pas fondé à les réclamer,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à payer à M. [P] [C] la somme de 3 400,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2016,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à payer à M. [P] [C] la somme de 8 000,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2017,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à payer à M. [P] [C] la somme de 7 418,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2018,

– dit et jugé que ces sommes seront fixées aux créances de la société Immo Clean Vaucluse placée en redressement judiciaire,

– dit et jugé que l’Unedic délégation AGS CGEA d'[Localité 9] devra garantir le paiement de l’intégralité des créances salariales fixées au passif de la société Immo Clean Vaucluse,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à lui payer la somme de 15.000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la mauvaise foi de son employeur durant toute la durée de la relation contractuelle,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean

Vaucluse à lui payer la somme de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi. du fait de ses accusations infondées de concurrence déloyale,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean

Vaucluse à lui payer la somme de 7 952, 48 euros au titre du rappel de l’indemnité de

rupture de son contrat de travail,

– condamné M. [P] [C] à payer la somme de 15 000, 00 euros à la SARL Immo Clean Vaucluse, via son administrateur judiciaire, Me [B] et son mandataire

judiciaire, Me [G] au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la violation de son obligation de loyauté,

– débouté M. [P] [C] de sa demande des frais irrépétibles à l’encontre de la SARL Immo Clean Vaucluse,

– condamné M. [P] [C] à payer à la SARL Immo Clean Vaucluse la somme de 3 500, 00 euros au titre de sa demande des frais irrépétibles;

– débouté M. [P] [C] de sa demande d’ordonner l’exécution provisoire du

présent jugement,

– condamné M. [P] [C] aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 12 juillet 2022, M. [P] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 mars 2023, M. [P] [C] demande à la cour de :

– statuant sur l’appel formé par M. [P] [C], à l’encontre du jugement rendu le 28 juin 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon,

– le déclarant recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit et jugé que la prescription sur les paiements des primes de 2014 et 2015 se trouve acquise et que M. [P] [C] ne se trouve pas fondé à les réclamer,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à payer à M. [P] [C] la somme de 3 400,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2016,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à. payer à M. [P] [C] la somme de

8 000,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2017,

– condamné la société Immo Clean Vaucluse à payer à M. [P] [C] la somme de 7 418,00 euros au titre de rappel de prime pour l’année 2018,

– dit et jugé que ces sommes seront fixées aux créances de la société Immo Clean Vaucluse

placée en redressement judiciaire,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à

lui payer la somme de 15.000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du

préjudice moral subi en raison de la mauvaise foi de son employeur durant toute la durée

de la relation contractuelle,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à

lui payer la somme de 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du

préjudice moral subi du fait de ses accusations infondées de concurrence déloyale,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à

lui payer la somme de 7 952, 48 euros au titre du rappel de l’indemnité de rupture de son

contrat de travail,

– condamné M. [P] [C] à payer la somme de 15 000, 00 euros à la SARL Immo Clean

Vaucluse, via son administrateur judiciaire, Me [B] et son mandataire judiciaire,

Me [G] au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de

la violation de son obligation de loyauté ;

– débouté M. [P] [C] de sa demande des frais irrépétibles à l’encontre de la SARL Immo Clean Vaucluse,

– condamné M. [P] [C] à payer à la SARL Immo Clean Vaucluse la somme de

trois mille cinq cent (3 500, 00 euros) euros au titre de sa demande des frais irrépétibles;

– débouté M. [P] [C] de sa demande d’ordonner l’exécution provisoire du présent

jugement,

– condamné M. [P] [C] aux entiers dépens de l’instance.

Statuant à nouveau,

– juger non prescrite la demande de M. [P] [C] en paiement de ses primes sur

chiffre d’affaires pour les années 2014 et 2015,

– voir fixer au passif de la SARL Immo clean Vaucluse placée en redressement judiciaire, la créance salariale de M. [P] [C] au titre du rappel des primes sur le chiffre d’affaires, à la somme de 40 248 euros,

– juger recevable et bien-fondée la demande présentée par M. [P] [C] au titre du rappel de l’indemnité spécifique de rupture de son contrat de travail,

– voir fixer au passif de la SARL Immo clean Vaucluse placée en redressement judiciaire, la créance salariale de M. [P] [C] au titre du rappel de l’indemnité de rupture de son contrat de travail, à la somme de 7 952,48 euros,

– juger recevable et bien-fondée la demande présentée par M. [P] [C] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier en raison de la mauvaise foi de son employeur durant toute la durée de la relation contractuelle,

– voir fixer au passif de la SARL Immo clean Vaucluse placée en redressement judiciaire, la créance de M. [P] [C] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier en raison de la mauvaise foi de son employeur durant toute la durée de la relation contractuelle, à la somme de 15 000 euros,

– juger recevable et bien-fondée la demande présentée par M. [P] [C] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier du fait des accusations infondées de concurrence déloyale portées à son encontre par son ancien employeur,

– voir fixer au passif de la SARL Immo clean Vaucluse placée en redressement judiciaire, la créance de M. [P] [C] au titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi par ce dernier du fait des accusations infondées de concurrence déloyale portées à son encontre par son ancien employeur, à la somme de 15 000 euros,

En tout état de cause :

– débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires et de tout appel incident,

– voir fixer au passif de la SARL Immo clean Vaucluse placée en redressement judiciaire, la créance de M. [P] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 5 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

M. [P] [C] soutient que :

-sur le rappel de primes sur le chiffres d’affaires de la société depuis 2014 :

-sur la prescription pour les années 2014 et 2015 au visa de l’article L. 3245-1 du code du travail : aucune date ne peut être retenue comme point de départ du délai de prescription dans la mesure où le contrat de travail ne fixe aucune date d’échéance du versement de ladite prime, date à laquelle la prime devient exigible; subsidiairement la demande est recevable sur le fondement de l’article 2240 du code civil

-sur le fond : le contrat prévoit le versement d’une prime sur le chiffres d’affaires de la société sans poser de condition, contrairement à ce que soutient l’employeur et il avait en charge le suivi et la gestion de tous les contrats de la société et, dans ce cadre, il assurait le maintien et l’augmentation du chiffres d’affaires

-il a contesté son solde de tout compte par courrier recommandé du 14 mars 2019

-le conseil de prud’hommes n’a pas appliqué la formule de calcul prévue par le contrat

-sur l’indemnité spécifique de rupture :

-l’employeur tout comme les juges de première instance ont confondu le délai d’action de 12 mois et celui de rétractation de 15 jours laissé aux parties signataires de la convention de rupture; en outre, l’absence de demande d’annulation de la rupture conventionnelle n’interdit pas au salarié d’exiger le respect par l’employeur des dispositions sur le montant minimal de l’indemnité spécifique de rupture

-elle doit être recalculée dans la mesure où la prime sur le chiffre d’affaires doit être comptabilisée dans la moyenne de salaire

-il a droit à des dommages et intérêts en raison des préjudices subis du fait de la mauvaise foi de l’employeur qui notamment lui a fait des promesses l’ayant amené à quitter son précédent emploi mais qui ne les a pas tenues

-sur la demande reconventionnelle de l’employeur et sa condamnation à 15000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l’obligation de loyauté:

-son contrat ne prévoyant aucune clause de non-concurrence, qui aurait pu interdire son installation, il a créé la société Prest’hyg propreté immatriculée le 5 février 2019

-si le tribunal de commerce l’a condamné à payer la somme de 34 495 euros au titre de la perte de portefeuille clientèle, il n’a pas reconnu l’existence de concurrence déloyale et il a été condamné uniquement parce qu’il a créé sa société trop tôt

-en vertu du principe de l’autorité de la chose jugée, il ne pouvait être condamné une seconde fois pour les mêmes raisons par le juge prud’homal

-au surplus, la juridiction prud’homale n’est pas liée par la décision de la juridiction commerciale

-il n’y a en outre aucune intention de nuire

-il est fondé à demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des accusations infondées de concurrence déloyale.

En l’état de ses dernières écritures du 19 décembre 2022, contenant appel incident, la SARL Immo clean Vaucluse demande de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [C] de sa demande de prime pour les années 2014 et 2015 en l’état de la prescription de sa demande,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de prime de M. [P] [C] pour les années 2016, 2017 et 2018 en l’état de la progression du chiffre d’affaires qui fonde sa demande sur ces deux années,

– infirmer le quantum des sommes allouées et fixer la créance à la somme de 1106.6 euros au passif de la SARL Immo clean Vaucluse,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [C] de sa demande au titre de l’indemnité spéciale de licenciement en l’état du caractère définitif de la rupture conventionnelle signée et du caractère erroné de son chiffrage,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [C] de sa demande indemnitaire au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [P] [C] de sa nouvelle demande de réparation d’un prétendu préjudice moral à réception de la demande reconventionnelle formulée par l’employeur sur l’exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de 15 000 euros,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné M. [P] [C] au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l’obligation de loyauté par le salarié en commettant des actes préparatoires de concurrence pendant le cours de la relation de travail,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [P] [C] au paiement à un article 700 d’un montant de 3500 euros et aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

– le condamner au paiement d’un article 700 en cause d’appel d’un montant de 3500 euros,

– le condamner aux entiers dépens.

L’intimée fait valoir que :

-sur la demande de prime sur le chiffre d’affaires :

-sur la prescription d’une partie des demandes :

-le salarié ne peut revendiquer des salaires au-delà des 3 années précédant la date de la rupture de son contrat de travail

-la rupture du contrat de travail de M. [C] a pris effet le 17 janvier 2019 de sorte que le salarié ne peut formuler de demandes relatives à l’exécution de son contrat de travail que sur les 3 années précédant la rupture de son contrat de travail soit avec une date butoir se situant au 17 janvier 2016.

-sur le fond :

-le contrat ne précise pas s’il s’agit de la progression du chiffre d’affaires de la société ou de celui du salarié

-le chiffre d’affaires généré par M. [C] pendant le cours de la relation contractuelle n’a cessé de baisser sur les années 2017 et 2018

-ce n’est que grâce à l’entrée de contrat de nettoyage avec des hôtels que la société a pu afficher une augmentation du chiffre d’affaires sur ces années-là mais cela a été le fruit du travail de M. [K]

-il n’était pas dans l’intention des parties d’intéresser M. [C] sur une augmentation du chiffre d’affaires du secteur d’activité de l’hôtellerie ,secteur développé par le gérant

-la société tire son chiffre d’affaires de 3 sources : la première, des contrats récurrents qu’elle a signés avec ses clients, la deuxième, d’interventions ponctuelles et non récurrentes auprès de clients, la troisième, le nettoyage des hôtels

-la mission de M. [C] était d’assurer la gestion et le développement des contrats récurrents et non la mission de développement des hôtels

-M. [C] n’a jamais fait de demande préalable de paiement de prime pendant le déroulement de la relation de travail soit pendant six années, ni non plus pendant les négociations menées dans le but de signer une rupture conventionnelle ou pendant le délai de rétractation

-concernant l’indemnité spécifique de rupture : le salarié a signé la rupture conventionnelle et n’a pas contesté le montant de cette indemnité pendant le délai de rétractation qui lui aurait permis de le faire; la convention est devenue définitive depuis son homologation par la Direccte

-sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté :

-le lendemain de la prise d’effet de la rupture du contrat de travail, le 18 janvier 2019, M. [C] a déposé les statuts de la société Prest’hyg dont l’activité est strictement semblable à celle de la société Immoclean qui l’employait

-dès le 1er février 2019, elle a reçu plusieurs courriers de ses clients, entreprises ou syndics de copropriétés, lui notifiant la résiliation des contrats de prestations

-systématiquement et quelques jours plus tard, elle était informée par un courrier d’une société Prest’hyg propreté que cette dernière avait été choisie comme nouveau prestataire pour l’entretien et le nettoyage des marchés résiliés quelques jours auparavant, laquelle sollicitait la liste du personnel affecté au marché dans le cadre des dispositions relatives à la garantie d’emploi (ancienne annexe 7 de la convention collective des entreprises de nettoyage), courriers signés de la main de M. [P] [C]

-c’est ainsi qu’elle a notamment perdu les marchés suivants, et vu la société Prest’hyg propreté lui succéder : le 1er février 2019, [18], le 5 février 2019, [19], le 5 février 2019, la société IDCapt, le 21 février 2019, la [17], le 28 mars 2019, la [20]

-le dépôt des statuts de la société, le 18 janvier 2019, suppose la réalisation d’actes préalables à la préparation de cette activité concurrente pendant l’exécution du contrat de travail.

-en conséquence, par des manoeuvres dolosives, le salarié a obtenu la signature d’une rupture conventionnelle et le versement d’une indemnité de rupture conventionnelle d’un montant de 5210 euros

-il a détourné de l’entreprise qui l’employait plusieurs salariés qu’il a ensuite employés au sein de l’entreprise concurrente qu’il a créée.

-cette demande est distincte de celle formulée devant le tribunal de commerce, dirigée contre la nouvelle société créée par M. [C] au titre des actes de concurrence déloyale commis par cette dernière à l’encontre de la société Immo clean; l’action diligentée devant le tribunal de commerce visant à indemniser la société pour les actes de concurrence déloyale commis par la société de M. [C], pour la période postérieure à la création de cette société; en l’espèce, il est demandé l’indemnisation du préjudice subi sur la période antérieure à la création de l’entreprise. du fait de la réalisation d’actes préparatoires à la création d’une future société concurrente.

Les administrateur et mandataire judiciaire ainsi que l’Unedic CGEA d'[Localité 9] n’ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS

Sur le rappel des primes sur chiffre d’affaires

-Sur la prescription

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail :

« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ».

En application de ces dispositions, la rupture du contrat de travail étant intervenue le 17 janvier 2019 et le salarié ayant saisi la juridiction prud’homale, dans le délai de trois ans, le 22 juillet 2019, l’intéressé est recevable à revendiquer le paiement des primes dues au titre des trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail, soit à compter du 17 janvier 2016.

M. [P] [C] ne peut invoquer les dispositions de l’article 2240 du code civil et ne saurait tirer du fait que « l’employeur n’a jamais opposé le non bénéfice de cette prime en raison de l’absence d’augmentation du chiffre d’affaires », ou du fait que « l’employeur ne conteste pas le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande au titre de rappel de ses primes » comme valant reconnaissance par l’employeur du droit du salarié au sens de cet article.

Il convient donc, par ces motifs ajoutés, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la prescription est acquise pour le paiement d’un rappel de prime pour les années 2014 et 2015.

Toutefois, la demande étant ici irrecevable, le conseil n’avait pas à dire que «  M. [P] [C] ne se trouve pas fondé à les réclamer ».

– Sur les primes dues sur la période non prescrite

L’absence de réclamation des primes pendant la relation contractuelle ou au moment de la rupture conventionnelle ne prive pas M. [C] de son action en paiement. Au demeurant, il a contesté son solde de tout compte par courrier recommandé du 14 mars 2019 dans le délai légal.

Les parties s’opposent sur le calcul de la prime réclamée.

Selon le contrat de travail, « M. [C] [P] bénéficiera d’une rémunération mensuelle brute de 2590,52 € bruts plus Un système de primes calculées en annexe 1 (…)

Le calcul de la prime de fin d’année est ainsi effectué :

« 1 – La prime est calculée sur la progression du chiffre d’affaires HT constatée le 31 décembre de chaque année.

2 – Elle sera cumulée chaque année en cas de progression du chiffre d’affaires

3 – Exemple

Progression de 80 000 € ht de CA au 31/12 de l’année

Calcul : 80 000 € * 20% de marge = 16 000 €

16 000 € 20% de prime brute = 3 200 €

Année 2

Maintien des 80 000 € de progression et 50 000 € de progression sur l’année 2

Calcul : 80 000 € année 1 = 3 200 € de primes

50 000 € année 2 * 20% de marge = 10 000 € soit à 20% = 2 000 €

Total 3200 € + 2 000 € = 5 200 € »

Le contrat de travail ne déterminant pas sur la base de quels chiffres d’affaires la prime est calculée, l’employeur ne saurait limiter celle-ci au chiffre d’affaires «dégagé par les contrats récurrents et leur développement ».

En outre, la SARL Immo clean Vaucluse n’explique pas comment une « Progression de 80 000 € » prise pour exemple dans le contrat de travail pourrait être comprise au regard d’un autre chiffre d’affaires que celui de l’entreprise.

Mme [M] ancienne responsable administrative de la société Immo clean atteste:

« avoir été présente lors de la signature du contrat de travail de M. [C] [P] et confirme que le système de prime de ce dernier était calculé sur le CA de la société Immo clean Vaucluse. De ce fait j’ai dû moi même refaire le contrat de M. [C] [P] afin d’y ajouter ce système de prime. Je me souvient que M. [K] ne souhaité plus ajouté la fonction de « cadre » à M. [C] [P] malgré leur accord oral. De plus, au sein de la société, il était convenu des discussions ainsi des promesses tels « part d’actionnaire, reprise de la société lors de son départ à la retraite (de M. [K]). (…) M. [C] [P] avait pour fonctions dans la société de gérer la relation clientèle, les devis, les salariés (mise en place et contrôle) ; l’hôtel [8], à [Localité 6] ainsi que les mises en place des salariés et remplaçants. M. [K] se reposait beaucoup sur M. [C] lors de ses absences quotidiennes. M. [C] a demandé à plusieurs reprises ses primes à M. [K] lors de réunion en fin d’année ».

Si Mme [M] évoque ensuite les difficultés qu’elle a rencontrées avec l’employeur, ses propos n’invalident pas les éléments précis rapportés précédemment.

Par ailleurs, l’attestation de Mme [L] [W] qui déclare notamment que c’est M. [K] qui a trouvé les hôtels Ibis, [Localité 10] et autres, ne vient pas contredire ces éléments, dès lors que M. [P] [C] n’avait pas un poste de commercial mais de responsable de suivi qualité des chantiers.

ll ressort du contrat de travail qu’il a été engagé en qualité d’inspecteur exerçant au sein de l’entreprise les fonctions suivantes : organisation des chantiers, gestion des horaires, contrôle qualité, relationnel avec les clients, devis, gestion du personnel.

Mme [U], ancienne salariée, témoigne encore : « M. [C] était en gestion de tous les contrats et aussi des hôtels (IBIS, [Localité 12], [Localité 6]) gestion du personnel (recrutement, mise en place), livraisons, établissement de devis, gestion des pointages des salariés, gestion commerciale avec les directeurs d’établissement ».

M. [S], également ancien salarié d’Immo clean atteste :

« Il (M. [C]) traitait tous les clients dont il avait la gestion de manière égale y compris les hôtels. Il assurait la relation client et de ce fait, Mr [K] se reposait sur lui sur ce point. Ayant aussi assisté à plusieurs réunions de réorganisation, je peux attester que Mr [C] a toujours essayé d’améliorer l’organisation du travail, ce qui répondait toujours aux attentes de Mr [K] mais ce dernier revenait souvent sur ses décisions et mettait en porte à faux Mr [C] qui de ce fait souhaita quitter l’entreprise». Cette attestation a bien été produite en première instance.

Le contrat de travail ne prévoit pas pour mission la souscription de nouveaux contrats, pas plus que des objectifs déterminés à atteindre et son emploi n’était pas rattaché à une « source de chiffre d’affaires spécifique ». Il importe donc peu que l’augmentation du chiffre d’affaires de la société ait été généré notamment par la souscription de nouveaux contrats auprès d’hôtels par M. [K], le contrat de travail prévoyant le versement d’une prime sur le chiffre d’affaires sans précision d’un secteur d’activité concerné et le salarié, participant par son travail, à la progression du chiffre d’affaires de la société.

Enfin, le tableau en pièce 7 n’est pas un document comptable et la SARL Immo clean Vaucluse reconnaît elle-même dans ses conclusions « Il en résulte, au regard des bilans définitifs établis par le cabinet comptable de la société que le chiffre d’affaires récurrent réalisé entre 2017 et 2018 a effectivement augmenté et non diminué comme indiqué dans la pièce 7 produite aux débats. »

Toutefois, ces éléments ne permettent pas simplement, comme prétendu par l’employeur, de considérer M. [P] [C] comme « éligible au paiement d’une prime mais seulement sur la somme de 27 665 (Cumul des augmentations jusqu’en 2016 : 845939 ‘ 873 604 €). (20% de 27 655 € = 5533, 20 % de 5533 € = 1106.6 €) ».

En effet, la lecture des bilans de la société Immo clean permet de constater qu’elle a eu comme chiffre d’affaires:

-au 31/12/2015 : 1 198 000 euros

-au 31/12/2016 : 1 215 000 euros

-au 31/12/2017 : 1 421 873 euros

-au 31/12/2018 : 1 607 329 euros

Il conviendra dès lors, retenant le calcul opéré par le salarié, de fixer les primes dues comme suit:

– Prime suite à augmentation du chiffre d’affaires 2016 :

Progression au 31/12/2016 par rapport au 31/12/2015:

1 198 000 euros – 1 215 000 euros = 17 000 euros

17 000 x 20% de marge : 3 400 euros

3 400 x 20% de prime brute : 680 euros

Cumul avec prime année n-1 : 680 + 3 480 = 4 160 euros

Prime 2016 : 4 160 euros

– Prime suite à augmentation du chiffre d’affaires 2017 :

Progression au 31/12/2017 par rapport au 31/12/2016 :

1 215 000 euros – 1 421 873 euros = 206 873 euros

206 873 x 20% de marge : 41 375 euros

41 375 x 20% de prime brute : 8 275 euros

Cumul avec prime année n-1 : 8 275 + 4 160 = 12 435 euros

Prime 2017 : 12 435 euros

-Prime suite à augmentation du chiffre d’affaires 2018 :

Progression au 31/12/2018 par rapport au 31/12/2017 :

1 421 873 euros – 1 607 329 euros = 185 456 euros

185 456 x 20% de marge : 37 091 euros

37 091 x 20% de prime brute : 7 418 euros

Cumul avec prime année n-1 : 7 418 + 12 435 = 19 853 euros

Prime 2018 : 19 853 euros

Il sera donc accordé à M. [P] [C], par infirmation du jugement sur le quantum, la somme de : 4160 + 12 435 + 19 853 = 36 448 euros.

Sur l’indemnité spécifique de rupture

Aux termes de l’article L. 1237-13 du code du travail :

« La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.

Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.

A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie. »

L’article L. 1237-14 du même code dispose que :

« A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.

L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.

La validité de la convention est subordonnée à son homologation.

L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention. »

L’absence d’exercice de la faculté de rétractation dans les 15 jours, de même que l’absence de demande en annulation de la rupture conventionnelle, n’interdit pas la demande de rectification du montant de l’indemnité de rupture.

L’homologation de la convention étant intervenue le 8 janvier 2019 et M. [P] [C] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 22 juillet 2019, soit dans les 12 mois, son action est recevable.

Le calcul de l’indemnité est effectué au regard des articles L. 1234- 9 ainsi que L. 1234-1 et suivants du code du travail.

En l’espèce, M. [P] [C] a été recruté avec son ancienneté au 17 octobre 2007. Son contrat de travail ayant été définitivement rompu au 17 janvier 2019, son ancienneté est donc de 11 ans et 3 mois. Son indemnité de rupture ne pouvait donc être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années, et 1/3 à compter de la 11ème année.

Il convient d’intégrer dans la rémunération des 12 derniers mois la prime sur le chiffre d’affaires dont M. [P] [C] aurait dû bénéficier, soit 12’435 euros.

Le montant du salaire de référence s’élève à la somme de 4512,85 euros, de sorte que l’indemnité de rupture s’élève à :

[(4 512.85 x 1/4) x 10] + [(4 512.85 x 1/3) x 1] + [(4 512.85 x 1/3) x (3/12)] = 13 162,48 euros

M. [P] [C] ayant perçu une indemnité de rupture de 5210 euros, il a droit au différentiel de 7952,48 euros, auquel sera condamné l’employeur par réformation du jugement entrepris.

Sur les dommages-intérêts en raison des préjudices subis pendant la relation de travail

M. [P] [C] évoque ici la mauvaise foi de l’employeur, indiquant avoir été manipulé et avoir accepté d’être débauché de la société Alter service dans laquelle il occupait un emploi depuis 5 ans en qualité de chef de secteur, en raison des promesses qui lui avaient été faites, à savoir le maintien de son statut cadre, des primes d’activité calculées selon l’évolution du chiffre de la société afin de compenser la perte de salaire, être actionnaire à hauteur de 5 % de la société afin de l’impliquer pleinement et dès le début de son contrat dans la gestion de la société et la reprise de celle-ci dès le départ en retraite de M. [K]. Il précise avoir démissionné, déménagé dans le Gard avec sa famille pour occuper ce nouvel emploi mais l’employeur est revenu sur sa décision de le maintenir dans son statut cadre afin de réduire ses charges sociales. Il indique que ces faits sont confirmés par le témoignage de Mme [M] et par le placement en redressement judiciaire de la société en raison d’une dette auprès de l’URSSAF. Il ajoute que l’employeur a également délibérément méconnu ses obligations contractuelles en ne lui réglant pas les primes sur le chiffre d’affaires.

La SARL Immo clean Vaucluse fait valoir que les griefs reprochés ne sont pas établis, que l’on voit mal en quoi le reproche d’avoir dû quitter son précédent emploi puisse fonder des demandes indemnitaires et, concernant les primes, il s’agit d’une divergence d’interprétation du contrat de travail.

Si effectivement, le contrat de travail ne correspond pas à la promesse d’embauche du 16 août 2012, notamment en ce qui concerne le statut cadre, il n’est pas démontré que cela résulterait de la mauvaise foi de l’employeur, ce qui ne ressort pas plus du témoignage de Mme [M]. Enfin, le non paiement des primes ne caractérise pas la mauvaise foi, étant relevé qu’il n’est produit aucun courrier du salarié qui exigerait le règlement des primes pendant la relation contractuelle.

Il convient, par ces motifs substitués, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté

En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La cour n’est pas liée par le jugement rendu le 7 avril 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes à l’égard de M. [P] [C] et de la SAS IR2j, anciennement dénommée SASU Prest’hyg propreté, ayant condamné les deux in solidum au paiement de la somme de 34’495 euros au titre de la perte du portefeuille de clientèle, lequel n’a pas autorité de la chose jugée à l’égard de la juridiction prud’homale compétente concernant les manquements reprochés au salarié pendant la relation contractuelle.

Il n’est pas contesté que, le lendemain de la prise d’effet de la rupture conventionnelle du contrat de travail, ainsi que cela ressort de l’extrait K bis de la SASU Prest’hyg et des statuts constitutifs de celle-ci, M. [P] [C] a créé une société ayant pour activité principale le nettoyage industriel, soit une activité concurrente à celle de la société précédemment employeur.

La SARL Immo clean Vaucluse produit plusieurs courriers de résiliations intervenues dans les mois ayant suivi cette création, émanant de ses clients ainsi que des courriers de la société Prest’hyg propreté signés par son président, M. [P] [C], mentionnant qu’elle est le nouveau prestataire, au regard de l’annexe 7 de la convention collective des entreprises de nettoyage.

La SARL Immo clean Vaucluse fait valoir que le dépôt des statuts de la société, le 18 janvier 2019, suppose la réalisation d’actes préalables à la préparation de cette activité concurrente pendant l’exécution du contrat de travail.

Or, il appartient à l’intimée de démontrer l’existence de tels actes pendant la relation contractuelle, ce qui ne saurait résulter de cette seule concomitance et du projet que le salarié pouvait avoir depuis le mois de novembre 2018.

Ainsi, si en l’absence de clause de non-concurrence, un salarié n’en est pas moins tenu à une obligation de loyauté, la simple constatation que M. [P] [C] a signé une rupture conventionnelle pour intégrer un secteur d’activité directement concurrent ne saurait permettre de déduire la commission d’actes déloyaux pendant l’exécution du contrat de travail aux fins de détournement ultérieur de la clientèle.

M. [P] [C] produit pour sa part plusieurs pièces montrant que d’anciens clients se sont rapprochés de lui après la rupture du contrat de travail pour obtenir un devis ou l’inviter à concourir à un appel d’offres.

Ainsi, par courriel du 23 août 2019,l’agence immobilière Square habitat, syndic de la copropriété Le Donat à [Localité 13] écrivait : « je reviens de cette copropriété, ou malgré nos multiples mails d’avertissement le ménage n’est pas fait régulièrement et est très mal fait. Pouvez-vous me fournir un devis pour l’entretien , dès réception je convoque le conseil syndical afin de résilier Immoclean sans préavis »

Le président de la société IDCApt atteste « après être insatisfait de la prestation et du suivi par la société Immoclean, avoir consulté sur le marché d’autres prestataires. Lors de cette démarche j’ai appris la création de la société Presthyg Propreté par M. [C]. Mon choix de prestataire s’est porté sur la société qui m’apporte le service et la qualité attendue et cela encore aujourd’hui ».

M. [Y], PDG de la société Syndic’Actif déclare :« suite à ma prise de fonction de syndic à la [19] ([Localité 14] ), les prestations d’Immoclean été contestées par les copropriétaires. Une mise en concurrence sur le contrat d’entretien des parties communes a été faite en février 2019. Ayant appris la création de la société de M. [C] ,il a fait partie de l’appel d’offres. Le contrat a été signé en avril après validation des copropriétaires . Suite à la qualité des prestations, j’ai demandé plusieurs propositions de contrat pour des petits immeubles. A ce jour, M. [C] a signé 4 contrats avec des immeubles que j’ai en gestion ».

M. [A], syndic de la copropriété Convergence à [Localité 6] atteste : « pendant des années nous avons travaillé avec la société Immoclean qui faisait le ménage des parties communes de l’immeuble après le départ de M. [C], les prestations se sont dégradées, le problème le plus important est le manque de relations dont nous avons souffert. L’absence de contact empêchait que les actions correctives soient menées. Nous avons appris quelques mois après son départ que M. [C] avait créé une entreprise, nous sommes spontanément rapproché de lui. Nous sommes satisfaits de ses prestations. Précisons que les prix que nous avons acceptés sont du même niveau que ceux payés antérieurement. Il n’y a eu aucun dumping. »

Mme [D] [X] atteste : « -ne jamais avoir été démarché par M. [C] pendant la durée de son contrat chez Immoclean

-avoir pris l’initiative de le solliciter pour des mises en concurrence (Ne concernant nullement Immo clean) et ce dès le 21 janvier 2019 suite au passage de M. [C] dans le bureau la veille, m’annonçant la création de sa société; contrat non validé et à ce jour non plus

-que les demandes suivantes n’étaient que la conséquence d’une insatisfaction de mes clients me sollicitant une mise en concurrence

-être pleinement satisfaite des prestations du suivi des contrats par M. [C] toujours réactif et à l’écoute

-que ses propositions tarifaires sont conformes aux tarifs pratiqués par la concurrence (et souvent supérieurs) et si sa société est choisie cela est lié à la qualité de ses prestations et non aux tarifs»

Mme [O] [N] , directrice générale adjointe du cabinet immobilier Foncia à [Localité 21] atteste : « lorsque [P] [C] m’a fait part de la création de son entreprise en février 2019, j’ai autorisé les gestionnaires du cabinet à le consulter en cas de besoin pour la réalisation de prestations d’entretien ménage. Nous avions des relations professionnelles lorsque M. [C] travaillait chez Immoclean et nous étions satisfaits. Nous l’avons donc consulté. En qualité de syndic, nous consultons des entreprises régulièrement pour réaliser les mises en concurrence des contrats des immeubles que nous gérons ».

En outre, la SARL Immo clean Vaucluse fait état de courriers et de résiliations intervenues dès le 1er février 2019, toutefois, les pièces qu’elle produit ne concernent que la période à partir de mai 2019.

Il n’est produit aucune pièce démontrant que le salarié se serait livré, pendant la relation contractuelle, à des actes déloyaux, par exemple des démarchages, des dénigrements, un détournement de matériel de l’entreprise en vue du futur projet.

Ainsi le manquement à l’obligation de loyauté par le salarié durant la relation contractuelle n’est pas démontré.

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [P] [C] à payer des dommages-intérêts à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts formulée par le salarié « au titre des accusations infondées de concurrence déloyale »

S’il n’est pas démontré une déloyauté pendant la relation contractuelle, M. [P] [C] ne peut cependant arguer d’accusations infondées de concurrence déloyale, dès lors qu’il a été condamné par le tribunal de commerce et a accepté la sanction intervenue.

En l’absence de démonstration d’une faute de l’employeur qui invoquait simplement devant la juridiction saisie l’existence d’actes préparatoires pendant la relation contractuelle, la demande de dommages-intérêts ne peut prospérer. Le jugement sera donc confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la procédure collective.

L’équité ne justifie pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

-Confirme le jugement rendu le 28 juin 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a :

– mis hors de cause le CGEA de [Localité 15] et donné acte de l’intervention volontaire de l’AGS CGEA d'[Localité 9],

– dit et jugé que la prescription concernant la demande de paiement des primes de 2014 et 2015 se trouve acquise,

-admis le droit au rappel de primes pour les années 2016, 2017 et 2018,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi en raison de la mauvaise foi de son employeur durant toute la durée de la relation contractuelle,

– débouté M. [P] [C] de sa demande de condamner la société Immo Clean Vaucluse à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de ses accusations infondées de concurrence déloyale,

– débouté M. [P] [C] de sa demande d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement,

-L’infirme pour le surplus,

-Statuant à nouveau et y ajoutant,

– Fixe ainsi que suit la créance de M. [P] [C] :

– 36 448 euros au titre du rappel des primes sur le chiffre d’affaires

– 7 952,48 euros au titre du rappel de l’indemnité de rupture conventionnelle

-Rejette le surplus des demandes,

– Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire judiciaire sur l’état des créances de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société,

– Dit qu’en application des articles L 622-28 et L 641-3 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

– Dit que la garantie de l’AGS – CGEA s’exerce dans les conditions, limites et plafonds définis aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,

-Déboute la SARL Immo clean de sa demande de dommages et intérêts pour déloyauté,

-Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

-Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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