Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04423

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Droit de rétractation : Décision du 6 février 2024 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/04423
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ARRET

S.A. CREATIS

C/

[O]

[U]

OG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 06 FEVRIER 2024

N° RG 22/04423 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ISEJ

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS EN DATE DU 04 JUILLET 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CREATIS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant, Me Francis DEFFRENNES, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMES

Monsieur [E] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Assigné à étude, le 29 novembre 2022

Madame [F] [U] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Assignée à étude, le 29 novembre 2022

DEBATS :

A l’audience publique du 28 Novembre 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Février 2024.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 20 Février 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Selon offre préalable acceptée le 5 avril 2018 la SA Créatis a conseni à M. [E] [O] et Mme [F] [U] épouse [O] un contrat de regroupement de crédits sous forme de prêt personnel pour un montant de 43600 euros au taux débiteur fixe de 4,31% l’an remboursable en 144 mensualités d’un montant de 388,33 euros hors assurance.

Se prévalant d’échéances impayées la SA Créatis a par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 15 novembre 2021 mis en demeure M. [O] et son épouse de régulariser les mensualités de retard à peine de déchéance du terme.

Par courriers recommandés en date du 18 janvier 2022 présentés le 19 janvier la SA Créatis a prononcé la déchéance du terme et sollicité le paiement de la somme de 39610,13 euros.

Par exploit d’huissier en date du 23 février 2023 la SA Créatis a fait assigner les époux [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons aux fins de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 39676,49 euros avec intérêts au taux de 4,31% l’an à compter du 4 février 2022 ainsi que la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons en date du 4 juillet 2022, la SA Créatis a été déclarée recevable à agir, la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée et les époux [O] ont été condamnés solidairement au paiement de la somme de 28133,16 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2022, l’application de l’article L 313-3 du code monétaire et financier étant écartée et les époux [O] ont été autorisés à se libérer de leur dette en 23 mensualités de 300 euros et le solde sur la 24ème mensualité. Il a été dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et les époux [O] ont été condamnés in solidum aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 26 septembre 2022 la SA Créatis a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et accordé des délais et du chef des frais irrépétibles.

Aux termes de ses conclusions remises le 19 décembre 2022 expurgées des demandes ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens invoqués, la SA Créatis demande à la cour d’infirmer la décision entreprise sur ces chefs et statuant à nouveau, de débouter les époux [O] de leurs demandes, de dire n’y avoir lieu au prononcé de la déchéance du terme au titre de l’existence d’un bordereau de rétractation ou au titre de l’information sur le coût de l’assurance facultative et de condamner en conséquence solidairement les époux [O] à lui payer une somme de 38575,98 euros avec intérêts au taux de 4,31% à compter du 16 avril 2022 ainsi qu’une somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum aux entiers dépens y compris ceux d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse & associés.

La déclaration d’appel a été signifiée aux époux [O] par deux actes d’huissier en date du 29 novembre 2022 remis en l’étude et les conclusions de l’appelante leur ont été signifiées par actes d’huissier en date du 5 janvier 2023 remis en l’étude.

Les intimés n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2023.

SUR CE,

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts le premier juge a relevé que l’encadré du contrat mentionné à l’article L 312-28 du code de la consommation mentionnait exclusivement le montant des échéances hors assurance alors que les emprunteurs ont souscrit l’assurance ainsi que le révèlent la proposition d’adhésion par eux signée et l’historique de compte et qu’en conséquence le contrat ne respecte pas les prescriptions de l’article R 312-10 du code de la consommation.

Il a retenu en outre que le contrat de prêt conclu avec les époux [O] et versé aux débats par le créancier ne comporte pas de bordereau de rétractation et ne respecte donc pas davantage l’article R 312-10 du code de la consommation.

La SA Créatis soutient en premier lieu que l’existence du bordereau de rétractation sur le seul exemplaire de l’emprunteur seul bénéficiaire du droit de rétractation est suffisante ainsi que l’ont reconnu la jurisprudence puis les textes applicables.

Elle indique justifier par la production de la liasse contractuelle intégrale ‘dossier de financement’ adressée aux emprunteurs, de la présence sur l’exemplaire à conserver d’un tel bordereau de rétractation et ce alors que les emprunteurs ont reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation selon une mention préimprimée précédant immédiatement leur signature .

Elle rappelle qu’elle ne peut faire mieux que de produire la copie de l’exemplaire destiné aux emprunteurs pré-rempli mais non signé par ceux-ci, l’original devant rester en leur possession.

Aux termes de l’article L312-21 du code de la consommation, afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L312.19, un formulaire détachable est joint à l’exemplaire du contrat de crédit.

Il est admis que si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et appliquée par les juridictions françaises.

En l’espèce outre la reconnaissance par les emprunteurs du fait qu’ils sont restés en possession d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation , il est produit par la SA Créatis le dossier de financement entier comportant les trois exemplaires de l’offre de crédit destinée aux époux [O] dont les deux exemplaires à conserver par les emprunteurs comportent bien un bordereau de rétractation.

Il ne saurait être exigé que l’exemplaire du prêteur conservé par lui comporte ce formulaire détachable dès lors que ce formulaire n’est qu’un document accessoire au contrat et qui échappe à l’exigence d’identité des exemplaires détenus par chaque partie.

Par ailleurs il ne peut être exigé davantage du prêteur que de produire la copie de l’exemplaire destiné à chacun des emprunteurs rempli mais non signé, l’original devant être conservé par chacun des emprunteurs.

Il convient de considérer que les éléments produits par la SA Créatis suffisent à corroborer la reconnaissance faite par les emprunteurs qu’ils sont restés en possession d’une offre contenant un formulaire leur permettant d’exercer leur faculté de rétractation et la SA Créatis justifie ainsi avoir satisfait à son obligation en qualité de prêteur d’assortir son offre d’un bordereau de rétractation.

La SA Créatis soutient par ailleurs que le coût de l’assurance facultative ne figure pas parmi les informations essentielles énumérées par l’article R 312-10 du code de la consommation et qu’elle n’avait donc pas à faire figurer dans l’encadré reprenant les caractéristiques essentielles du prêt le montant des échéances de remboursement assurance comprise.

A toutes fins utiles elle précise qu’elle a pris soin d’informer les emprunteurs du montant mensuel de la prime d’assurance facultative et du montant de la mensualité assurance facultative comprise au paragraphe ‘ coût et adhésion à l’assurance facultative’ qui comprend ces indications alors même que ce paragraphe est immédiatement suivi et précédé de la signature des emprunteurs.

Aux termes de l’article L.312-28 du code la consommation un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit, sous peine de déchéance du droit aux intérêts.

L’article R.312-10 du code de la consommation fixe la liste des informations figurant dans l’encadré, à l’exclusion de toute autre, doivent être mentionnés notamment :

d) le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser ;

h) les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant »

Il est admis que le montant qui figure dans l’encadré au titre des informations sur les caractéristiques essentielles du contrat de crédit n’inclut pas le coût mensuel de l’assurance souscrite par l’emprunteur accessoirement à ce contrat.

En l’espèce, l’adhésion à l’assurance n’étant pas exigée pour l’octroi du crédit souscrit par l’emprunteur accessoirement au contrat de crédit, et partant facultative, le montant de la cotisation mensuelle n’a pas à figurer parmi les mentions figurant dans l’encadré limitativement énoncées par l’article R.312-10 du code de la consommation ci-dessus rappelé.

Par ailleurs l’offre comporte sous le paragraphe ‘ acceptation de l’offre de contrat de crédit portant la date et la signature des emprunteurs un paragraphe V intitulé ‘ coût et adhésion à l’assurance facultative’ dans lequel figure l’information relative au montant total de la mensualité intégrant ce coût assuranciel. Le tableau d’amortissement édité sur la base de cette offre renseigne également sur le coût mensuel de l’adhésion à l’assurance.

Outre le fait qu’il importe peu que la SA Créatis n’ait pas mentionné dans l’encadré se trouvant en page 1 le montant mensuel de l’assurance facultative, il est établi que cette information a été communiquée à M.et Mme [O] au paragraphe V de l’offre.

Il convient en conséquence d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur le montant des sommes dues

Au regard des documents versés aux débats , contrat de prêt, tableau d’amortissement, historique de compte et décompte il reste dû à la SA Créatis la somme de 39403,61 euros se décomposant comme suit :

capital restant dû 33115,04 euros

échéances impayées 3412,18 euros dont 2010,33 en capital

intérêts au 03.02.22 66.36 euros

indemnité conventionnelle 2810,03 euros

Il convient d’infirmer la décision entreprise et de condamner solidairement les époux [O] à payer à la SA Créatis la somme de 39403,61 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,31% à compter du 4 février 2022 sur la somme de 35125,37 euros.

Il sera relevé que si la SA Créatis sollicite l’infirmation de la décision entreprise du chef des délais accordés aux emprunteurs elle ne motive aucunement son appel et ne développe aucun moyen au soutien de son appel.

Il n’y a pas lieu d’infirmer la décision entreprise qui a accordé un délai de 24 mois aux emprunteurs qui justifiaient de leur bonne foi en s’acquittant régulièrement malgré la déchéance du terme d’une somme de 450 euros qu’ils souhaitaient voir diminuer à 300 euros par mois.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer la décision entreprise du chef des dépens et des frais irrépétibles et de condamner in solidum les emprunteurs au paiement des entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse & associés et de dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut,et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise sauf en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en conséquence sur le montant de la condamnation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [E] [O] et Mme [F] [U] épouse [O] à payer à la SA Créatis la somme de 39403,61 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,31% à compter du 4 février 2022 sur la somme de 35125,37 euros ;

Les condamne in solidum aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse & associés ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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