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N° RG 22/01359 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JB5C
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 30 NOVEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 24 Mars 2022
APPELANT :
Monsieur [O] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Julien DETTORI, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Charlotte VASSEUR, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE :
S.C.S. VS CAMPINGS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Mathieu RAIO DE SAN LAZARO, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexis FORGE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 18 Octobre 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 18 octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 novembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 30 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société VS Campings France (la société ou l’employeur) est une entreprise spécialisée dans l’hôtellerie de plein air en Europe. Elle commercialise 1 200 campings, dont 65 sont gérés en direct et, ce, dans 16 pays. Elle exploite notamment les marques Tohapi privilège, Tohapi relax et Tohapi naturist.
Elle emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective de l’hôtellerie de plein air.
M. [M] (le salarié) a été embauché par la société en qualité d’agent d’entretien au sein du camping Tohapi les Fontaines aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2014.
Son épouse, Mme [M] était directrice du camping Tohapi Les Fontaines depuis 1987.
Par avenant en date du 1er novembre 2015, le salarié a été promu aux fonctions d’adjoint de direction, statut non cadre, coefficient 3, catégorie 150.
Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 23 octobre 2018 en raison d’un syndrome dépressif.
Par mail en date du 9 novembre 2018, le salarié a formé une demande de rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Les parties ont signé un formulaire de rupture conventionnelle le 4 février 2019.
Par courrier du 8 février 2019, le médecin du travail a informé l’employeur qu’il envisageait une inaptitude de M. [M] à son emploi.
L’employeur a alors fait usage de son droit de rétractation en informant le salarié qu’il ne donnait plus suite au projet de rupture conventionnelle.
Par avis du 20 mars 2019, le médecin du travail a conclu à l’inaptitude du salarié.
L’employeur a proposé au salarié sept postes de reclassement qu’il a refusé par courrier du 21 mai 2019.
M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 juin 2019 par lettre du 29 mai précédent puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 juin 2019 motivée comme suit :
‘Suite à notre entretien préalable du 11/06/2019 auquel nous vous avions convoqué en date du 29/05/2019, nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Vous avez été déclaré inapte par avis rendu par le médecin du travail en date du 05/03/2019, mentionnant les indications suivantes: ‘Monsieur [M] [O] est inapte au poste d’adjoint de direction au sein de VS Camping France sans possibilité de reclassement au sein de TOHAPI. Ses capacités résiduelles lui permettent de travailler comme consultant dans son domaine.’
Conformément aux dispositions légales, nous avons recherché un reclassement au sein de notre entreprise qui soit approprié à vos capacités physiques et vos compétences professionnelles.
Notre entreprise appartenant à un groupe au sein duquel une permutation du personnel entre les différentes structures est envisageable, nous avons interrogé ces dernières afin d’identifier si un éventuel poste serait disponible et compatible avec vos aptitudes professionnelles.
Nous avons alors interrogé le médecin du travail par écrit en date du 15/04/2019 pour obtenir des indications complémentaires sur la possibilité de vous reclasser dans l’entreprise, et son avis sur les postes de reclassement que nous souhaitons vous proposer.
Le médecin du travail ne nous a pas répondu.
Nous vous avons laissé un délai de réflexion de 15 jours pour étudier ces propositions et avons attiré votre attention sur le fait qu’en cas d’absence de réponse écrite de votre part reçue par nos servies dans ce délai, soit avant le 26/05/2019 inclus, nous serions contraints de considérer que vous refusiez ces propositions.
Par votre courrier du 21/05/2019 reçu par nos services le 22/05/2019, vous nous indiquez refuser les postes de reclassement que nous sommes en mesure de vous proposer.
Dans ces conditions, nous n’avons pas d’autres alternatives que de vous licencier pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Votre inaptitude rendant impossible la réalisation de votre préavis, celui-ci ne pourra pas se dérouler mais sera indemnisé sous forme d’indemnité spéciale de préavis.
Votre licenciement prendra effet dès l’envoi de la présente et par conséquent, votre contrat de travail sera rompu à cette même date.
Vos congés payés non pris à la date de rupture de votre contrat seront soldés sous la forme d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Ces indemnités seront versées dans le cadre de votre solde de tout compte avec votre indemnité de licenciement. (…)’
Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux, lequel, par jugement du 24 mars 2022, a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes, a débouté l’employeur de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et a condamné le salarié aux dépens.
M. [M] a interjeté appel le 22 avril 2022 à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 30 mars précédent.
La société a constitué avocat par voie électronique le 19 mai 2022 puis nouvel avocat le 2 octobre 2023.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juin 2022, le salarié appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour, statuant à nouveau, de :
– dire et juger la rupture de son contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société à lui verser, avec exécution provisoire et intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir :
12 270 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
105 193,11 euros brut de rappel d’heures supplémentaires,
3 000 euros pour non respect des dispositions relatives au travail de nuit,
3 000 euros pour non-respect des dispositions sur le repos hebdomadaire et quotidien,
3 000 euros pour non-respect du contingent d’heures supplémentaires,
3 000 euros pour non-respect de la durée maximale de travail,
12 270 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
10 000 euros au titre du préjudice distinct de santé,
– condamner son ancien employeur à lui remettre ses documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir,
– condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, la société intimée, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et, statuant à nouveau de ce chef, requiert la condamnation de l’appelant au paiement d’une indemnité de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture en date du 28 septembre 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 18 octobre 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Le salarié soutient qu’il a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées au cours de la relation contractuelle. Il rappelle qu’il habitait sur le camping avec son épouse qui en était la directrice, qu’il travaillait et vivait au camping 24 heures sur 24,7 jours sur 7 et 365 jours par an puisqu’il ne prenait quasiment pas de congés.
Il affirme avoir dénoncé cette situation le 1er novembre 2017 à l’occasion de son entretien individuel et avoir adressé un courrier en ce sens à son employeur le 23 septembre 2018.
Il forme une demande de rappel de salaire à hauteur de 105 193,11 euros qu’il explique comme suit :
‘pendant 8 mois de l’année, 9 heures par jour du lundi au vendredi, soit 10 heures supplémentaires par semaine, outre les heures réalisées en plus le week end de l’ordre de 20 heures par week end. M. [M] a donc réalisé dans la semaine (sic) 831,36 heures supplémentaires qui auraient du être majorées à 25 % et 207,84 heures qui auraient dû être majorées à 50 % ainsi que 2 0178,40 heures durant les week-ends qui auraient dues être majorées à 50 %. Au total il est dû à M. [M] pour les heures réalisées sur 3 années pendant 8 mois hors saison une somme de 66 275,52 euros brut congés payés inclus.
Durant la saison d’une durée de 4 mois, M. [M] expliquait réaliser 5 heures supplémentaires tous les jours et, ce, 7 jours sur 7. Cela représente 35 heures supplémentaires par semaine, soit 415,68 heures majorées à 25 % et 1 402,92 heures majorées à 50 % sur 3 ans soit la somme supplémentaire de 38 917,59 euros brut congés payés inclus.’
L’employeur invoque la prescription d’une partie des demandes en application de l’article L 3245-1 du code du travail et considère que toute demande portant sur la période antérieure au 11 juin 2017 est prescrite.
Il conteste en outre la réalisation d’heures supplémentaires non rémunérées par le salarié observant qu’il ne produit aucun élément pour accréditer ses demandes et se contente d’affirmations.
Il conteste avoir reçu le courrier évoqué par le salarié observant que la copie versée aux débats est dactylographiée sur papier à en tête du camping, qu’elle ne mentionne pas de destinataire et n’est accompagnée d’aucune preuve d’envoi ou de réception.
Il observe que le salarié, qui a été placé en arrêt maladie du 27 octobre 2018 jusqu’à la fin de l’année forme une demande d’heures supplémentaires au titre d’une période non travaillée et qu’il forme ce même type de demande pour les périodes au cours desquelles il a bénéficié de congés payés.
Sur ce ;
Sur le moyen tiré de la prescription de la demande
L’article L 3245-1 du code du travail dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l’espèce, la cour observe que le salarié ne précise pas les périodes sur lesquelles il forme sa demande d’heures supplémentaires, se contentant de raisonner par année entière en précisant former une demande relative à 8 mois de l’année (hors saison) et à 4 mois de l’année (au cours de la saison).
En tout état de cause, le contrat de travail ayant été rompu le 14 juin 2019, toute demande antérieure au 14 juin 2016 est prescrite.
Sur le bien fondé de la demande
Le salarié qui, pendant la durée de son contrat de travail, ne formule pas de demande spécifique à l’employeur en paiement d’heures supplémentaires, ne renonce pas pour autant à son droit de les réclamer, dans la limite de la prescription de l’article L.3245-1 du code du travail.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le contrat de travail du salarié en date du 27 octobre 2014, non modifié sur ce point par l’avenant du 21 octobre 2015, précise que le salarié travaillait 35 heures par semaine conformément au planning établi mensuellement par la direction.
Au soutien de sa demande d’heures supplémentaires, le salarié verse aux débats un courrier en date du 23 septembre 2018 au sein duquel il formule une demande d’augmentation de salaire et évoque un rythme de travail très soutenu.
Ce courrier, qui ne mentionne pas de destinataire, n’est accompagné d’aucun justificatif d’envoi ou de réception, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il ait été adressé et reçu par l’employeur d’autant que ce dernier conteste en avoir eu connaissance.
Si le salarié affirme avoir évoqué son amplitude horaire lors de son entretien annuel d’évaluation en novembre 2017, il n’en justifie pas en ce qu’il ne communique pas le compte rendu de cet entretien.
Le salarié ne communique aucun relevé d’heures, aucun planning comportant des heures de travail, de sorte que l’employeur n’est pas en mesure de répondre utilement à la demande dirigée contre lui.
L’appelant se contente, sans préciser les périodes sur lesquelles il fonde sa demande, de procéder à un calcul forfaitisé de son temps de travail sans déduire ses temps d’absence pour congé maladie ou pour congés payés. Il ne verse pas davantage aux débats d’éléments tels que des témoignages tendant à établir qu’il effectuait des heures supplémentaires.
La demande présentée par le salarié n’étant pas suffisamment précise pour permettre à l’employeur de justifier des horaires effectivement réalisés sur certaines périodes précises, il y a lieu, par confirmation du jugement entrepris de débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires.
2/ Sur les demandes de dommages et intérêts pour non respect des dispositions sur le travail de nuit, le repos hebdomadaire et quotidien, le contingent d’heures supplémentaires, la durée maximale de travail
Le salarié soutient avoir travaillé de nuit sans être déclaré par son employeur, ne pas avoir bénéficié de son repos quotidien ou hebdomadaire et avoir effectué des heures supplémentaires au delà du contingent autorisé. Il affirme avoir travaillé 48 heures par semaine ou 44 heures par semaine sur 12 semaines sans que cela ne puisse être contesté par l’employeur.
L’employeur conclut au débouté de l’intégralité de ces demandes. Il observe que le salarié ne rapporte pas la preuve des manquements invoqués, qu’il ne verse aux débats aucune pièce au soutien de ses allégations.
Sur ce ;
Le salarié a été précédemment débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires, de sorte qu’il y a lieu, par voie de conséquence, de le débouter de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant de la violation par l’employeur des dispositions relatives au contingent des heures supplémentaires.
L’article L 3121-34 du code du travail dispose que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
L’article L 3121-35 du même code dispose qu’au cours d’une même semaine, la durée de travail ne peut dépasser quarante-huit heures. En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévues par le droit de l’union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
En l’espèce le salarié ne verse aucun élément tendant à établir qu’il a travaillé de nuit. Il ne ressort pas de ses bulletins de salaire qu’il ait été rémunéré au titre d’heures supplémentaires, la présente juridiction l’ayant débouté de sa demande à ce titre.
Les éléments produits démontrent que l’employeur a respecté ses obligations en matière de respect des seuils et plafonds et des durées maximales de travail.
En outre, l’employeur verse aux débats des courriels du salarié en date des 9 novembre et 11 décembre 2018 qui font état de la pleine satisfaction de ce dernier de ses conditions de travail, qui évoque des raisons ‘strictement personnelles’ le motivant à faire une demande de rupture conventionnelle du contrat de travail.
Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter le salarié de ses demandes de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au travail de nuit, non-respect des dispositions sur le repos hebdomadaire et quotidien, non-respect du contingent d’heures supplémentaires et non respect de la durée maximale de travail,
3/ Sur la demande au titre du travail dissimulé
Au soutien de sa demande, le salarié indique que l’employeur savait pertinemment qu’il réalisait de nombreuses heures supplémentaires, qu’ainsi la matérialité des faits est constituée comme l’élément intentionnel.
L’employeur soutient que le salarié n’apporte aucun élément, ne serait ce qu’un commencement de preuve.
Sur ce ;
En application de l’article L8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l’embauche ou à l’article L3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail.
Ainsi, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, le salarié a précédemment été débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires de sorte que la matérialité de l’infraction de travail dissimulé n’est pas établie.
Par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de le débouter de sa demande.
4/ Sur le licenciement
Au soutien de la contestation de la légitimité de son licenciement, M. [M] affirme que son inaptitude est la conséquence du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en raison du burn out dont il a été victime.
A titre subsidiaire, il considère que l’employeur n’a pas loyalement et pleinement respecté son obligation préalable de reclassement.
L’employeur considère que le salarié, qui était confronté à des difficultés personnelles en raison de la séparation d’avec son épouse et qui avait des projets professionnels précis, ne démontre pas que son inaptitude ait eu pour origine un manquement à l’obligation de sécurité.
Il soutient en outre avoir loyalement et pleinement respecté son obligation préalable de reclassement en proposant 7 postes de reclassement au salarié.
Sur ce ;
Sur le manquement de l’employeur à l’origine de l’inaptitude
Lorsque l’inaptitude physique du salarié trouve sa cause dans un comportement fautif de l’employeur, notamment parce que celui-ci n’a pas respecté son obligation de sécurité, n’a pas respecté de précédents avis ou préconisations du médecin du travail, le licenciement consécutif à cette inaptitude se trouve privé de cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, le salarié expose que sa vie privée et sa vie professionnelle étaient très largement mêlées, qu’il résidait avec son épouse sur son lieu de travail, que son épouse était sa supérieure hiérarchique en qualité de directrice du camping.
Il expose avoir connu une situation d’épuisement professionnel, avoir été frappé par un syndrome de burn out, avoir été contraint d’arrêter de travailler et avoir été successivement arrêté jusqu’au mois de février 2019.
Il verse aux débats ses arrêts de travail à compter du 23 octobre 2018 jusqu’au 27 février 2019 portant la mention d’un syndrome dépressif, le courrier du médecin du travail en date du 8 février 2019 adressé à son médecin traitant aux termes duquel il constate une TA avec diastollique élevée à 140/120 et envisage de prononcer une inaptitude, l’attestation de suivi du médecin du travail du 8 février 2019 qui envisage le prononcé d’une inaptitude.
Il ressort de ces éléments que le salarié a été victime d’un syndrome dépressif.
Il appartient cependant au salarié de démontrer que son inaptitude a pour origine le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’espèce, le salarié ne rapporte pas cette preuve.
En effet, il ne justifie pas de la dégradation de ses conditions de travail.
L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail ne mentionne pas de lien avec l’activité professionnelle.
Il ressort des éléments produits par l’employeur que M. [M] a vécu une séparation d’avec son épouse. Il verse aux débats le courriel de M. [M] en date du 9 novembre 2018 au sein duquel il indique ‘pour des raisons strictement personnelles je souhaite faire une demande de rupture conventionnelle’.
Par mail en date du 11 décembre 2018 adressé à son employeur, le salarié indique qu’il ne peut plus travailler dans ces conditions avec [K], son épouse, en désaccord total avec ses projets.
Par courrier en date du 21 mai 2019 adressé à son employeur pour refuser les postes de reclassement, le salarié fait état de son projet pour l’avenir de devenir auto entrepreneur, de faire du coaching dans les travaux de réparation dans la maison et la réparation des mobilhomes précisant ‘j’ai passé de très bons moments, j’ai donné mon maximum dans ce camping avec les moyens que l’on m’a fourni et donné, je ne regrette pas du tout toutes ces années, ça a été un plus, une très bonne expérience professionnelle.’
Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de rejeter ce moyen.
Sur l’obligation de reclassement
Aux termes de l’article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
Les propositions de reclassement faites par l’employeur doivent être loyales et sérieuses, l’employeur doit prouver qu’il a procédé à des actes positifs et concrets de recherche de reclassement en cherchant toutes les possibilités d’aménagement. Conformément aux dispositions de l’article L. 1226-2-1 du code du travail, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
En l’espèce, le salarié a été déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail le 20 mars 2019, l’avis précisant : ‘M. [M] est inapte au poste d’adjoint de direction au sein de VS Campings France sans possibilité de reclassement au sein de Tohapi. Ses capacités résiduelles lui permettent de travailler comme consultant dans son domaine’.
L’employeur justifie avoir interrogé le salarié sur ses compétences professionnelles et ses souhaits de reclassement le 27 mars 2019, M. [M] ayant renseigné le tableau proposé et ayant fait parvenir son curriculum vitae.
Il est établi que l’employeur a proposé au salarié 7 postes de reclassement dont deux postes de négociateur commercial, un poste de télé-conseiller, un poste de secrétaire commercial, un poste d’agent d’accueil, un poste de responsable animation, un poste d’assistant paramétrage.
L’employeur a communiqué au salarié pour chacun de ces postes les fiches d’emploi mentionnant le contenu du poste, sa localisation, la nature du contrat, la durée de travail et le montant du salaire.
Par courrier du 21 mai 2019 le salarié a refusé les postes proposés et a écarté toute possibilité de reclassement précisant qu’il souhaitait travailler en qualité d’auto entrepreneur, ‘faire du coaching dans les travaux de réparation dans la maison et la réparation des mobilhomes’.
Si le salarié soutient que ces postes n’étaient pas acceptables en ce qu’il ne disposait pas des compétences et diplômes requis, il n’en justifie pas.
Au regard de ces éléments, la cour considère que l’employeur a loyalement et pleinement rempli son obligation préalable de reclassement.
Par confirmation du jugement entrepris, le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
5/ Sur la demande au titre du préjudice distinct
L’appelant soutient qu’outre le dommage causé par la perte de son emploi, il a subi un préjudice de santé en que celle-ci s’est dégradée au fur et à mesure de la relation contractuelle, que cela a eu des conséquences sur sa vie personnelle en ce qu’il a été contraint de divorcer.
Il demande que son ancien employeur soit condamné à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La société conclut au débouté de la demande aux motifs que le lien opéré par le salarié entre la prétendue dégradation de ses conditions de travail et son état de santé n’est pas établi, qu’il échoue à prouver un quelconque manquement imputable à l’employeur.
Sur ce ;
Le salarié n’établit pas l’existence d’un manquement de son employeur.
Il ne justifie pas davantage de l’existence d’un lien entre la dégradation de son état de santé, son divorce et ses conditions de travail.
Au regard de ces éléments, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de le débouter de sa demande.
6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société les frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner le salarié, appelant succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [M] les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner M. [M] aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes d’Evreux du 24 mars 2022 ;
Y ajoutant:
Condamne M. [O] [M] à verser à la société VS Campings France la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [O] [M] aux dépens d’appel.
La greffière La présidente