Droit de rétractation : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02231
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COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 30 Novembre 2023

N° RG 21/02231 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G3CH

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ANNECY en date du 04 Octobre 2021, RG 21/00307

Appelante

S.A.S.U. IDELEC, dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SARL THEMIS AVOCATS, avocat postulant au barreau d’ANNECY et Me Marinne ERHARD, avocat plaidant au barreau de LIMOGES

Intimés

M. [L] [W]

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SCP MAX JOLY ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Joseph CZUB, avocat plaidant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

S.A. COFIDIS, dont le siège social est sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL HKH AVOCATS, avocat plaidant au barreau de L’ESSONNE

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 03 octobre 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par suite d’un démarchage à domicile, M. [L] [W] a, suivant bon de commande en date du 5 juin 2018, conclu avec la SASU Idelec un contrat d’équipement portant sur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, avec la mise en place de 17 m² d’isolation, pour un prix global de 24 900 euros.

Ces travaux ont été financés en intégralité par le biais d’un prêt affecté, consenti le même jour par la SA Cofidis, au taux annuel de 4,48%, remboursable en 84 mensualités de 358,82 euros chacune hors assurance après une période de différé de six mois.

Le 18 juin 2018, la société Idelec, mandatée à cette fin, a déposé une déclaration préalable de travaux en mairie.

Le 21 juin suivant, les panneaux photovoltaïques ont été installés en sous-traitance par la société Eco Système Durable. M. [W] a, le même jour, signé deux attestations aux termes desquelles il acceptait l’installation sans réserve et sollicitait du prêteur la libération des fonds au profit de l’installateur.

Le raccordement au réseau s’est avéré effectif à compter du 8 novembre 2018, date à laquelle a pris effet le contrat d’achat d’énergie électrique signé entre M. [W] et la société Energie et Services de Seyssel.

La société Cofidis a débloqué le montant du prêt au profit de la société Idelec le 19 novembre 2018.

Le 10 décembre 2018, M. [W] a obtenu un remboursement de TVA à hauteur d’une somme de 3 598 euros. À compter du 6 juin 2019, ce dernier a commencé à s’acquitter des échéances du prêt.

Par avenant, le contrat de prêt a été modifié en ce que la durée a été portée à 120 mois en avril 2020, les mensualités étant ramenées à 307,57 euros hors assurance puis à 263,47 euros hors assurance à partir de la 77ème mensualité.

Mandaté par M. [W], M. [N] [J], technicien spécialisé en matière d’énergies renouvelables, se rendait sur les lieux le 17 septembre 2020 en vue d’un diagnostic. Il rendait subséquemment un rapport, en date du 28 septembre 2020, pointant plusieurs anomalies et concluant au caractère ‘ruineux’ de la vente pour le maître d’ouvrage.

Consécutivement, par acte du 4 février 2021, M. [W] a fait assigner la société Idelec et la société Cofidis devant le tribunal judiciaire afin, à titre principal, de voir prononcer la nullité ou la résolution des conventions d’équipement et de prêt conclues entre les parties ainsi que l’octroi de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 4 octobre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Annecy a :

– prononcé la nullité du contrat de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques conclu le 5juin 2018 entre M. [W] et la société Idelec,

– constaté la nullité subséquente du contrat de crédit conclu le même jour entre M. [W] et la société Cofidis, ainsi que du contrat de regroupement de crédits n°28901000915795 d’un montant de 24 500 euros conclu ensuite entre les mêmes parties, ayant pris effet en avril 2020,

– dit que les fautes commises par la société Cofidis la privent de son droit à restitution du capital prêté,

– dit qu’en conséquence, M. [W] sera dispensé de restituer à la société Cofidis le montant en capital des deux contrats de crédit annulés,

– dit que la société Idelec devra procéder à ses frais à la dépose et l’enlèvement de l’ensemble des matériels installés au domicile de M. [W] et remettre en l’état les lieux tels qu’ils étaient avant la pose de l’installation, en informant M. [W] de son passage au moins quinze jours à l’avance,

– condamné la société Cofidis à payer à M. [W] l’ensemble des mensualités payées au titre des deux contrats de prêt annulés, soit une somme totale de 9 260,29 euros, somme arrêtée au 31 août 2021, intégrant la mensualité d’août 2021,

– dit que la société Idelec a engagé sa responsabilité délictuelle envers la société Cofidis,

– condamné la société Idelec a payer à la société Cofidis la somme de 24 900 euros à titre de dommages et intérêts,

– rejeté le surplus des demandes formées par les parties,

– condamné in solidum la société Idelec et la société Cofidis à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la société Idelec et la société Cofidis aux dépens,

– constaté l’exécution provisoire du jugement, en toutes ses dispositions.

Par acte du 16 novembre 2021, la société Idelec a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Idelec demande à la cour de :

– la dire recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y faisant droit,

– infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau,

Sur l’avis technique de l’expert, M. [J],

– juger que cet avis technique du 28 septembre 2018 ne respecte pas les exigences du contradictoire, d’impartialité et d’objectivité et en conséquence l’écarter des débats,

Sur la demande d’annulation du contrat,

– juger que les dispositions prescrites par les articles L.221-9, L.221-5, L.111-1 et L.242-1 du code de la consommation ont été respectées et que les documents contractuels soumis aux demandeurs sont conformes à ces dispositions,

– juger que les informations sur les caractéristiques essentielles de la prestation, le prix à payer, le délai de livraison sont précisées au contrat de vente conclu le 5 juin 2018 entre elle et M. [W],

– juger que les caractéristiques en terme de rendement ne font pas partie des caractéristiques essentielles visées à l’article L.111-1 du code de la consommation,

– juger n’y avoir lieu à annulation du contrat pour quelque cause qu’il soit,

– juger qu’en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus hors établissement imposées par le code de la consommation, et en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), l’acquéreur ne pouvait ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit,

– juger qu’en possession de sa facture du 28 juin 2018, détaillant précisément les caractéristiques de chaque matériel installé, le prix du matériel fourni, et le coût de la main d”uvre, l’acquéreur ne pouvait ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit,

– juger qu’en laissant libre accès à son domicile aux techniciens, qu’en acceptant sans réserve des travaux effectués par elle, qu’en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du crédit affecté, l’acquéreur a manifesté sa volonté de confirmer les actes prétendument nuls,

– juger que par tous les actes volontaires d’exécution du contrat accomplis postérieurement à sa signature, l’acquéreur a manifesté sa volonté de confirmer le bon de commande prétendument nul,

– juger que la rentabilité économique n’est pas une qualité essentielle de la prestation,

– juger que les demandeurs succombent totalement dans l’administration de la preuve des man’uvres et des réticences dolosives qu’ils invoquent,

– juger l’absence de dol affectant la signature du contrat de vente,

– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et notamment de celles tendant à faire prononcer l’annulation ou la résolution du contrat conclu avec elle,

– condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [W] aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 26 juillet 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Cofidis demande à la cour de :

A titre principal,

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit,

– confirmer le jugement dont appel sur la nullité des conventions et la faute commise par elle d’avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité flagrantes,

– infirmer le jugement sur les conséquences de la nullité des conventions,

Statuant à nouveau,

– condamner M. [W] à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 24 900 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, en l’absence de préjudice et de lien de causalité,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement sur la nullité des conventions et la faute commise par elle d’avoir financé un bon de commande entaché de causes de nullité flagrantes,

– confirmer le jugement sur la responsabilité de la société Idelec,

– infirmer le jugement sur le quantum de la condamnation de la société Idelec,

Statuant à nouveau,

– condamner la société Idelec à lui payer la somme de 30 140,32 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

A titre plus subsidiaire,

– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à infirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [W] à lui rembourser l’intégralité des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire,

En tout état de cause,

– condamner la société Idelec à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge au profit de M. [W],

– condamner tout succombant à lui payer une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner tout succombant aux entiers dépens.

Dans ses conclusions adressées par voie électroniquele 7 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [W] demande à la cour de :

– juger autant irrecevable que mal fondé l’appel interjeté par la société Idelec,

– débouter la société Idelec et la société Cofidis de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement déféré,

– juger que les règles applicables en matière de démarchage à domicile n’ont pas été respectées,

– juger que les prestations n’ont été que partielles et que la société Cofidis, en débloquant les fonds très rapidement sans vérifier les règles élémentaires et d’ordre public du code de la consommation sur le démarchage à domicile, a commis une ou plusieurs fautes, en lien avec le préjudice subi par le requérant qui doit priver cette banque de son droit au remboursement du crédit,

– juger que le bon de commande avec la société Idelec en date du 5 juin 2018 comporte plusieurs irrégularités, notamment l’absence de désignation précise de la nature et des caractéristiques essentielles des biens offerts ou des services proposés,

– juger qu’il n’existe aucun détail ou chiffrage poste par poste du matériel à livrer ou installer et des prestations à assurer, qu’il n’y a aucune précision sur les caractéristiques ou marques des différents matériels, micro-onduleurs et accessoires,

– juger que le bon de commande litigieux ne comporte pas de date précise de livraison et installation et raccordement mise en service,

– dire et juger que les caractéristiques techniques sont de plus largement insuffisantes et ne mentionnent ni la marque et ni les références des produits vendus, la surface et le poids des panneaux, les caractéristiques des panneaux en termes de rendement, de capacité de production et de performances,

– dire et juger que le formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation du consommateur est irrégulier,

– juger que font défaut les mentions sur les garanties légales au sens de l’article L.111-1 5° du code de la consommation et R.111-1 et R.111-2 9° du code de la consommation,

– juger que le bon de commande litigieux est par conséquent nul,

– juger que la société Idelec n’a pas respecté son obligation précontractuelle de conseil,

– juger que le contrat d’achat et d’exécution de la prestation relatif à l’installation litigieuse souscrit le 5 juin 2018 avec la société Idelec et le contrat de crédit accessoire conclu avec la société Cofidis forment un tout indivisible,

– juger que la société Cofidis en sa qualité de professionnel du crédit aurait du s’assurer de la validité du bon de commande au regard des règles sur le démarchage à domicile,

– juger que la société Cofidis ne saurait utilement contester une telle obligation en invoquant qu’il est tiers au contrat principal, qu’il n’existe pas d’obligation expresse en ce sens et qu’elle n’a pas nécessairement à sa disposition le bon de commande,

– juger en effet qu’en application de l’article L.311-1 11° du code de la consommation le contrat principal et le contrat de crédit forment une opération commerciale unique, si bien que du fait de l’indivisibilité des contrats, l’établissement de crédit doit procéder préalablement aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et des consommateurs en réclamant au besoin le bon de commande qui en l’espèce lui aurait permis de déceler immédiatement que le contrat principal était affecté de plusieurs causes évidentes de nullité,

– juger que la société Cofidis a fautivement omis de vérifier l’opération qu’elle finançait et la validité du bon de commande, alors qu’à la simple lecture de celui-ci, elle aurait dû constater les graves carences que celui-ci présentait au regard des dispositions protectrices du consommateur, et se persuader ainsi que le contrat principal s’en trouvait nul ou à tout le moins annulable et refuser en conséquence de mettre les fonds à la disposition du vendeur,

– juger que la société Cofidis a commis une faute dans l’accord de financement, ainsi que dans le déblocage des fonds,

– prononcer en conséquence l’annulation tant du bon de commande avec la société Idelec que du contrat de crédit affecté avec la société Cofidis,

– juger que le requérant n’a jamais entendu couvrir la nullité ou renoncer en toute connaissance de cause à se prévaloir de la nullité,

– juger que la demande d’annulation ou de résolution est nécessairement rétroactive et que les parties doivent etre replacées dans la situation qui était la leur avant la signature des contrats liés,

– donner acte au requérant qu’il tient à la disposition de la société Idelec l’ensemble des matériels posés à son domicile,

Par ailleurs,

– juger en tout état de cause que le contrat encourt la résolution judiciaire,

– prononcer à tout le moins, la résolution judiciaire du contrat principal du 5 juin 2018 et du crédit affecté,

– juger que l’expert a clairement mis en relief le manquement au devoir de conseil et l’absence de pertinence économique de l’installation,

– juger que les sociétés Idelec et Cofidis ont commis des fautes qui ont causé des préjudices au requérant,

– juger qu’il existe de nombreuses malfaçons relatives à l’installation photovoltaïque et aux autres matériels installés, et un problème de rendement colossal, imputables à la société Idelec et que cette société a gravement manqué à ses obligations contractuelles et précontractuelles,

– juger que cela constitue par conséquent une inexécution des obligations de la société Idelec,

-juger que le contrat principal sera résolu, faute d’exécution par la société Idelec,

– prononcer en conséquence la résolution de la vente et, partant, du contrat de crédit affecté conclu avec la société Cofidis en ce que les deux forment une opération commerciale unique,

Par ailleurs,

– juger que lorsque la société Cofidis a débloqué les fonds, l’exécution de la prestation de service n’était que partielle et que rien ne permettait à la banque de s’assurer du caractère complet de cette exécution,

– juger que la société Cofidis en sa qualité de professionnelle du crédit a commis une faute de négligence en débloquant les fonds sans s’assurer que l’installation ne soit complètement exécutée,

– juger que la société Cofidis a ainsi libéré les fonds sans s’assurer que les prestations administratives obligatoires liées à ce type d’installation aient été exécutées,

– juger que la faute de l’organisme de crédit le prive du droit de lui réclamer le remboursement des sommes prêtées et que la privation de la créance de restitution de la banque, compte tenu de ses fautes, constitue l’exact préjudice de l’emprunteur,

– juger que les parties doivent être remises en l’état antérieur à la conclusion desdits contrats,

– donner acte au requérant qu’il offre donc de restituer le matériel en contrepartie de l’annulation ou la résolution du contrat principal et du contrat de crédit,

– juger s’agissant de la remise en l’état, que la société Idelec devra récuperer l’installation photovoltaïque et tous les biens installés et remettre bien-sûr en l’état les lieux tels qu’ils étaient avant la pose de l’installation et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard un mois après la signification du jugement,

En conséquence,

– juger que la société Cofidis devra lui rembourser la somme totale de 9 260,29 euros, à savoir 10 mensualités de 403,16 euros, puis 17 mensualités de 307,57 euros d’avril 2020 à août 2021 et sauf à parfaire,

– condamner in solidum la société Idelec et la société Cofidis à lui régler la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice distinct subi du fait de leurs fautes et négligences,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire la juridiction considérait qu’il n’y avait pas lieu de prononcer l’annulation ou la résolution judiciaire du contrat principal la société Idelec et du crédit affecté avec la société Cofidis,

– condamner in solidum la société Idelec et la société Cofidis à lui verser la somme de 34 966 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

– condamner in solidum la société Idelec et la société Cofidis à régler au requérant la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’avis technique produit par M. [W]

Il est de jurisprudence constante que les pièces régulièrement versées aux débats et contradictoirement débattues sont recevables, quoique leur valeur probante, notamment en ce qui concerne les avis techniques réalisés à l’initiative d’une des parties, puisse être discutée ou corroborée par d’autres éléments extérieurs.

Dans ces conditions, la cour dit n’y avoir lieu à écarter des débats l’avis technique du 28 septembre 2018 établi par M. [J] le 28 septembre 2018, étant rappelé que ce rapport ne saurait faire autorité à défaut d’éléments objectifs corroborant les observations et conclusions qui y sont consignées.

Sur la nullité du contrat de crédit principal puis du contrat de crédit affecté

Il a été rappelé au titre des faits constants que M. [W] a, selon bon de commande signé le 5 juin 2018, commandé auprès de la SASU Idelec la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque composée de 11 panneaux solaires d’une puissance de 3 300 WC pour un montant global de 24 900 euros, outre une isolation de 17 m² sous panneaux.

Conformément à l’article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de la signature de ce bon de commande, le professionnel communique au consommateur, avant que ce dernier ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de manière lisible et compréhensible :

1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

2° le prix du bien ou du service, en application des articles L.112-1 à L.112-4,

3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte.

L’article L.221-5 du même code relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement, dans sa version en vigueur au 5 juin 2018, rappelle en ce sens que, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2,

2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État,

3° le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste.

En l’espèce, il doit être observé que le bon de commande litigieux présente plusieurs irrégularités ciblées par le premier juge et notamment en ce qui concerne :

l’absence de délai concernant l’exécution du contrat (installation et mise en service du dispositif) à l’exception de celui de la livraison des biens commandés,

la mention d’un prix cumulant celui des panneaux solaires, de leur installation et d’une isolation thermique de 17 m²,

l’absence de précision concernant les modèles (panneaux, onduleur, connecteurs) concernés par la vente, la simple référence à une marque (‘La Francilienne ou équivalent’) ne permettant d’offrir une information suffisante au consommateur compte tenu de la multiplicité des produits existants dans le catalogue du fabricant emportant impossibilité manifeste de comparer les caractéristiques, la qualité et la fiabilité du produit commandé,

le caractère erroné des articles du code de la consommation (référence à la législation en vigueur jusqu’au 1er juillet 2016).

Il en résulte que ces irrégularités rendent le bon de commande non-conforme aux dispositions impératives du code de la consommation et constituent des causes de nullité relatives susceptibles d’entraîner l’annulation du contrat principal.

Toutefois, il importe de relever que les biens commandés ont effectivement été livrés puis installés au domicile de M. [W] par une entreprise qualifiée RGE lui ayant de permis bénéficier d’un remboursement fiscal de 3 598 euros le 10 décembre 2018.

Il n’est en ce sens pas contesté que M. [W] a renseigné, le 21 juin 2018, deux attestations de livraison et d’installation à destination du prêteur, dont une manuscrite sur 10 lignes, relatant la bonne exécution du contrat, ne mentionnant aucune réserve spécifique et sollicitant de ce dernier la remise des fonds à la société Idelec. A cette même date, la cour observe encore que M. [W] a renseigné un troisième écrit, à l’attention de la SASU Idelec, ‘attestant […] être très satisfait des prestations fournies et réalisées par [l’]entreprise [lesquelles] correspondent à la nature du bon de commande signé par [lui]-même’.

Au 28 juin 2018, la cour retient qu’une facture détaillée (n°FA1317) des équipements et de l’intervention effectuée à domicile a été émise et a assurément été transmise à son destinataire pour qu’il puisse percevoir le crédit d’impôt susvisé. Il est en outre établi que l’installation a été validée par un consuel, que des démarches administratives et commerciales (déclaration préalable à la réalisation des travaux avec obtention d’un arrêté de non-opposition, demande de raccordement) ont été effectuées par Idelec, que le raccordement au réseau électrique a bien été réalisé le 8 novembre 2018 aux frais de la société Idelec et que M. [W] a consécutivement conclu, le 3 janvier 2019, avec la société Énergie et Service de Seyssel, un contrat d’achat de l’électricité produite par l’installation au prix de 16,52 c€/kWh.

Il s’avère par ailleurs constant que l’installation s’est avérée productive d’énergie et que le litige se cristallise, en définitive et à titre principal, sur la production d’électricité jugée insuffisante par M. [W] pour assurer un auto-financement du dispositif comme en attestent le rapport de M. [J] du 28 septembre 2020, mettant en exergue le caractère ‘ruineux’ du projet (perspective de retour sur investissement supérieure à 70 ans), lequel est notamment corroboré par la demande de rééchelonnement du contrat de crédit sur 120 mois formulée par M. [W] auprès de la SA Cofidis dès le mois de décembre 2019 (ayant abouti à l’avenant mis en place à compter du 5 avril 2020) en vue d’alléger la charge mensuelle du crédit (mensualités ramenées à 307,57 euros hors assurance puis à 263,47 euros à partir de la 77ème mensualité).

Dans ces conditions, quoique l’installation diffère de celle déclarée à la commune quant à la position des panneaux sur le toit et que la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux n’ait pas été sollicitée par la société Idelec, il se déduit néanmoins de la réception de l’installation, de l’acceptation de sa mise en service, de la demande d’avoir fiscal, de la signature postérieure d’un contrat de revente d’électricité avec la société Énergie et Services Seyssel, de la poursuite de la relation contractuelle avec le prêteur en négociant un rééchelonnement du prêt sans contester préalablement, fût-ce au moyen d’un courrier recommandé adressé au vendeur, la validité du bon de commande originel, M. [W] a nécessairement entendu poursuivre l’exécution de la relation contractuelle malgré les irrégularités formelles précitées dont il a pu se convaincre dès la fin du chantier et l’établissement de la facturation.

Aussi, aucun grief n’ayant été élevé contre les sociétés Idelec et Cofidis avant les lettres recommandées du 5 novembre 2020, il doit être retenu que les causes de nullité relative dont il entend désormais se prévaloir ont manifestement été couvertes par la confirmation du contrat dans les circonstances sus-décrites.

Plus avant, l’irrégularité du bordereau de rétractation visant des articles erronés du code de la consommation induit une prorogation du délai légal et ne saurait entraîner la nullité du contrat principal. Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à la demande de nullité ou de résolution du contrat présentée par M. [W], étant ici rappelé qu’il n’est aucunement démontré par ce dernier que la SASU Idelec aurait usé de manoeuvre dolosive à son égard ou aurait, en conscience, retenu une information qu’elle savait déterminante le concernant. De même, la pose de panneaux en bas de toiture, dans une position différente de celle déclarée administrativement, et l’absence de déclaration d’achèvement des travaux ne sauraient, à elles seules et en l’absence de contentieux d’urbanisme avec la commune, constituer une inexécution contractuelle justifiant la résolution.

Pour autant, il ne peut être éludé que, pour une installation photovoltaïque commandée dans le cadre d’un démarchage à domicile, les perspectives de rentabilité consécutives à la réalisation des travaux constituent un paramètre d’importance nécessitant la délivrance d’une information pertinente au consommateur de la part du vendeur professionnel, et ce quand bien même ce dernier ne pourrait s’engager sur un calcul scientifiquement exact au regard des facteurs aléatoires (notamment météorologiques) susceptibles d’impacter ses projections.

Aussi, en ne proposant ni étude préalable ni projection réaliste au candidat acquéreur qu’il démarche dans le but avéré de réaliser une vente, et en n’appelant aucunement son attention sur le fait que cette installation était réalisée sans garantie de rentabilité, alors-même qu’il est établi que l’investissement s’est avéré économiquement peu judicieux pour l’acquéreur, la SASU Idelec a indéniablement manqué à son devoir d’information et de conseil quoique l’installation ait été réalisée sans malfaçon démontrée et se soit avérée fonctionnelle.

Faute d’établir, au moyen des factures de revente d’électricité que les fautes reprochées sont d’une gravité justifiant la résolution du contrat, il y a dès lors lieu de faire droit à la demande indemnitaire présentée à titre subsidiaire par M. [W], son préjudice étant justement et intégralement réparé par la condamnation de la SASU Idelec à lui verser la somme de 15 000 euros en dédommagement des démarches administratives non-achevées (déclaration d’achèvement et de conformité des travaux) et du préjudice résultant de l’absence d’information pertinente avant la signature du bon de commande.

La cour remarque enfin que la SA Cofidis a libéré les fonds le 19 novembre 2018 sur le fondement de deux attestations circonstanciées de l’acquéreur en date du 21 juin 2018, après raccordement (8 novembre 2018) et 5 mois après la signature du bon de commande puis la pose du dispositif photovoltaïque tant est si bien qu’aucune faute ne peut lui être reprochée au titre d’une libération hâtive des fonds. En conséquence, M. [W] sera tenu de restituer les sommes lui ayant été versées par la SA Cofidis dans le cadre de l’exécution du jugement déféré.

Sur les demandes annexes

La SASU Idelec, qui succombe en principal, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle est en outre condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. [W] au titre des frais irrépétibles qu’il a exposés. En équité, la cour dit n’y avoir lieu à condamnation, au profit de la SA Cofidis laquelle reconnaît avoir financé un projet dont le bon de commande est entaché de causes de nullité flagrante, d’une quelconque somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à écarter des débats l’avis technique de M. [N] [J] en date du 28 septembre 2020,

Condamne la SASU Idelec à verser à M. [L] [W] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d’information préalable ainsi que pour le caractère incomplet des démarches administratives effectuées,

Dit que M. [L] [W] est tenu de restituer les sommes lui ayant été versées par la SA Cofidis dans le cadre de l’exécution du jugement déféré,

Condamne la SASU Idelec aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SASU Idelec à verser à M. [L] [W] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 30 novembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

 


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