Droit de rétractation : Décision du 28 septembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03094

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Droit de rétractation : Décision du 28 septembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03094

N° RG 20/03094 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ISBZ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE BERNAY du 14 Septembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. SEFOB

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Delphine DREZET, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

Madame [M] [R] épouse [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

présent

représenté par Me Olivier COTE de la SELARL COTE JOUBERT PRADO, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Juillet 2023 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame ALVARADE, Présidente

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme WERNER, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 07 juillet 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 septembre 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 28 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [M] [R] épouse [Z] a été engagée par la SAS Sefob en qualité de secrétaire dans le cadre de contrat de mission d’intérim à compter du 16 juin 2000, puis suivant contrat de travail à durée indéterminée du 16 octobre 2000. La durée du temps de travail a subi plusieurs modifications et aux termes du dernier avenant régularisé le 31 janvier 2019, il était convenu d’un passage à 45 heures par semaine à raison de 9 heures par jour du lundi au vendredi.

Le 22 mars 2019, la salariée a signé une rupture conventionnelle.

Le 15 juillet 2019, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Bernay aux fins de voir requalifier la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la société au paiement d’indemnités et de dommages et intérêts ainsi qu’à un rappel de salaire.

Par jugement du 14 septembre 2020, le conseil a :

– dit que le contrat de travail de Mme [M] [Z] a été rompu de manière abusive et que la rupture conventionnelle intervenue le 22 mars 2019 est nulle, requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [M] [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société SEFOB à lui verser les sommes suivantes :

indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 963,54 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 5 393,63 euros,

indemnité au titre des congés payés afférents : 539,36 euros,

complément d’indemnité de licenciement : 1 749,76 euros,

rappels de salaire sur heures supplémentaires : 7 193,58 euros,

congés payés afférents : 719,35 euros,

indemnité compensatrice de repos compensateur : 7.956,06 euros,

indemnité pour travail dissimulé : 18 963,54 euros,

prime d’ancienneté : 111,45 euros,

prime d’assiduité : 150 euros,

indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros,

– débouté Mme [M] [Z] du surplus de ses demandes (dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, au titre des séances de sophrologie, au titre du manquement à l’obligation de formation, débouté la société SEFOB de sa demande reconventionnelle au titre des heures supplémentaires (trop perçu), et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– ordonné la rectification du bulletin de salaire d’avril 2019, l’attestation Pôle emploi et la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et jusqu’à la délivrance de la totalité des documents ainsi que jusqu’à la régularisation auprès des organismes sociaux au bénéfice desquels ont été acquittées les cotisations mentionnées sur les bulletins de salaire, se réservant le pouvoir de liquider l’astreinte,

– ordonné le remboursement par la société SEFOB aux organismes concernés des indemnités chômage payées à Mme [M] [Z] du jour de son licenciement fixé au 22 mars 2019 au jour du jugement dans la limite de 6 mois,

– mis les dépens à la charge de la société SEFOB .

La SAS SEFOB a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 20 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions remises le 28 décembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SAS SEFOB demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

y faisant droit,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle a requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [M] [Z] en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

– dès lors, infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] les sommes suivantes :

indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 18 963,54 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 5 393,63 euros,

indemnité au titre des congés payés afférents : 539,36 euros,

complément d’indemnité de licenciement : 1 749,76 euros,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de 7 193,58 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 719,35 euros au titre des congés payés afférents,

– à titre principal, statuant à nouveau,

– condamner Mme [M] [Z] à lui verser la somme de 12 629,65 euros correspondant au trop perçu au titre des heures supplémentaires,

– à titre subsidiaire, limiter le rappel d’heures supplémentaires à la somme de 1514,37 euros,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de 7 956,06 euros au titre d’indemnité compensatrice de repos compensateur,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de 18 963,54 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de 111,45 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de150 euros au titre de la prime d’assiduité du mois d’avril 2019,

– infirmer la décision déférée en ce qu’elle l’a condamnée à verser à Mme [M] [Z] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– condamner Mme [M] [Z] à lui verser la somme de 4 707,23 euros en remboursement du trop perçu trop-perçu au titre des heures supplémentaires,

– à titre subsidiaire, condamner Mme [M] [Z] à lui verser la somme de 302,50 euros en remboursement du trop-perçu de prime d’ancienneté,

en tout état de cause,

– condamner Mme [M] [Z] aux entiers dépens sur le fondement de l’article 696 du code de procédure civile,

– condamner Mme [M] [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, condamner Mme [M] [Z] à lui verser le montant des sommes retenues par l’huissier chargé de l’exécution forcée au titre de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers), modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– confirmer le jugement déféré pour le surplus.

La société expose qu’elle a toujours fait preuve de souplesse et de compréhension envers la salariée, en particulier lorsqu’il s’est agi d’adapter son temps de travail pour congé parental d’éducation de 2006 à 2009 ou lorsqu’elle a, de sa propre initiative, sollicité des changements d’horaires pour ses intérêts personnels,

que la relation de travail s’est toujours déroulée sans difficultés jusqu’à la fin de l’année 2018 lorsque la salariée a fait part de sa volonté de quitter l’entreprise et s’est totalement désinvestie de son travail,

qu’elle a découvert au début de l’année 2019 qu’elle l’avait abusée et commis une fraude au détriment de la caisse primaire d’assurance-maladie, alors qu’elle avait retravaillé les lundi 18 et mardi 19 février 2019, après un arrêt de travail de trois jours, qu’elle avait vu son médecin le 19 février 2019 qui lui avait délivré un arrêt de travail antidaté au 18 février 2019 et qu’elle avait adressé à la caisse son arrêt de travail pour la semaine, obtenant de ce fait en plus de son salaire une indemnisation au titre de la maladie,

qu’en raison de cette perte de confiance, elle s’est résolue à envisager une rupture du contrat de travail comme elle le réclamait depuis plusieurs mois,

qu’elle a donc signé la rupture conventionnelle en parfaite connaissance de cause, après un délai de réflexion qui lui a été accordé et n’a d’ailleurs pas fait valoir son droit de rétractation, ayant en outre été assistée du délégué du personnel,

qu’elle conclut à la confirmation du jugement qui n’a pas retenu l’existence d’un harcèlement moral, au débouté de la salariée relativement aux heures supplémentaires qu’elle soutient avoir accomplies,

que pour le surplus, la salariée a été remplie de ses droits et ne saurait réclamer aucune somme.

Par conclusions remises le 12 mars 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [R] épouse [Z] demande à la cour de :

– débouter la société SEFOB de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a fixé à 18 963,54 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral et au titre du manquement à l’obligation de formation,

en conséquence et statuant à nouveau,

– condamner la société SEFOB à lui verser une somme de 60 000 euros,

– condamner la société SEFOB à lui verser en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral la somme de 18.000 euros,

– condamner la société SEFOB à lui verser une somme de 18 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de formation,

– condamner la société SEFOB à lui verser une somme de 275 euros au titre des frais de sophrologie exposés d’avril à juin 2019,

– condamner la société SEFOB à lui remettre une attestation Pôle emploi rectifiée sans autre précision et,

statuant à nouveau,

– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi mentionnant, dans le cadre 4 une durée d’emploi à compter du 12 juillet 2000, dans le cadre 6.1 un tableau récapitulatif des salaires conforme au tableau de la pièce n° 43 et dans le cadre 6.3 un nombre de jours de congés égal à 30 et non à 34, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt,

– condamner la société SEFOB à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la société SEFOB aux dépens de première instance et d’appel.

La salariée indique que la relation de travail s’est dégradée à compter du lundi 11 mars 2019, date à laquelle l’employeur lui a fait part de son souhait de la voir quitter l’entreprise lors d’un entretien informel au cours duquel il lui était remis une lettre lui demandant de ne plus se présenter à son poste de travail,

que le 13 mars 2019, la société lui a adressé une lettre datée du 12 mars 2019 mentionnant en objet notification de rupture conventionnelle, indiquant que lors de l’entretien du 11 mars 2019, il était convenu de conclure une rupture conventionnelle, dont la date de signature était fixée au 19 mars 2019 à18h30 au siège social,

que sous choc de cette décision brutale et inattendue, elle sera placée en arrêt de travail du 13 au 24 mars 2019, en raison d’un syndrome dépressif,

que par courrier du 15 mars 2019, elle a contesté le principe d’un accord sur une rupture conventionnelle,

que menacé d’un licenciement pour faute grave, elle s’est résignée à signer la convention le 22 mars 2019,

qu’à la suite de la rupture de son contrat de travail, son état de santé s’est dégradé au point qu’elle a été placée sous antidépresseurs et anxiolytiques et a dû suivre une thérapie,

qu’elle estime avoir été victime de harcèlement moral, sollicitant l’indemnisation de son péjudice,

qu’elle ajoute avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires restées impayées et sollicite également des rappels de primes d’ancienneté et d’assiduité,

ainsi que des dommages et intérêts pour défaut de formation et défaut d’information sur le compte personnel de formation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur les demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

1-1 Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

En application des dispositions de l’article L.1152-1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes du même article et de l’article L.1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Lorsqu’une telle situation est alléguée, il revient à cour de rechercher si le salarié rapporte la preuve de faits qu’il dénonce au soutien de son allégation d’un harcèlement moral, si les faits qu’il présente, appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, si l’employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L’article 1154-1 précité présuppose donc que les éléments de fait présentés par le salarié soient des faits établis puisqu’il n’est pas offert à l’employeur de les contester mais seulement de démontrer qu’ils étaient justifiés.

La salariée fait valoir que le dirigeant de la société Sefob lui a, dans un premier temps, ordonné brusquement, sans que rien ne soit prélablement annoncé de cesser son activité et de ne plus revenir travailler, en vue de conclure une rupture conventionnelle,

qu’elle a été sous le choc de cette véritable « voie de fait », sa santé s’en étant trouvée compromise pour avoir été placée en arrêt de travail,

qu’elle a été à cette occasion, menacée d’un licenciement pour faute grave si elle refusait de signer la convention de rupture,

qu’elle a été empêchée de travailler sans raison ou privée de travail de manière répétée, en faisant pourvoir son poste par un autre salarié recruté en vue de la remplacer, ce comportement de l’employeur étant constitutif de man’uvres ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Elle sollicite une somme de 18.000 euros en réparation de son préjudice et celle de 275 euros au titre de remboursement du coût des séances de sophrologie qu’elle a dû suivre du 12 avril au 11 juin 2019.

Elle verse aux débats les pièces médicales montrant qu’elle a été totalement déstabilisée par cette situation :

– le certificat médical du 12 mars 2019 faisant état d’un syndrome dépressif sévère réactionnel,

– les avis d’arrêt de travail jusqu’au 24 mars et de prolongation au 30 avril puis au 19 mai 2020,

– l’ordonnance de prescription médicale du 25 avril 2019,

– la facture de la thérapeute / sophrologue relative aux séances des 12 et 25 avril 2019,

– la lettre de la CFDT et l’enquête menée par la commission régionale normande « Souffrance au travail – harcèlement moral » du 23 avril 2019, indiquant qu’elle était en souffrance « du fait du choc psychologique provoqué par la violence de la rupture de son contrat de travail’ et le certificat médical du 30 avril 2019 du docteur [H],

– l’attestation de Mme [Y] du 6 mai 2019 témoignant d’une situation d’épuisement, de crises d’angoisse et d’absence d’appétit.

Il résulte du dossier que le lundi 11 mars 2019, ainsi que la salariée le souligne dans ses écritures, la société lui a fait part de son souhait de la voir quitter l’entreprise lors d’un entretien informel au cours duquel il lui était remis une lettre lui demandant de ne plus se présenter à son poste de travail, ce, en vue d’une rupture conventionnelle. A ce stade, aucun élément ne permet de caractériser la pression qu’aurait pu exercer l’employeur par la menace d’un licenciement pour faute grave. Il apparaît que celle-ci s’est révélée postérieurement lors de l’entretien du 19 mars 2019, alors que la salariée avait été placée en arrêt maladie à compter du 11 mars 2019. Il n’est pas établi au cas d’espèce que la salariée a été sous la pression constante de son employeur, depuis les premiers faits dénoncés. En l’absence d’élément suffisant pour laisser supposer l’existence d’agissements répétés de harcèlement moral de la part de son employeur, ses demandes de reconnaissance et en indemnisation d’une telle situation, outre ses demandes au titre du remboursement de ses séances de sophrologie, seront rejetées, l’altération avérée de son état de santé n’apparaissant pas à elle seule suffisante pour caractériser l’existence de tels agissements, alors que le médecin du travail n’a établi aucun lien entre ses arrêts de travail, délivrés au titre de la maladie de droit commun, et ses conditions de travail.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

1 – 2 Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectués, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles;

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

La salariée fait valoir qu’elle était amenée à effectuer de nombreuses heures supplémentaires au-delà de son contingent,

que la société n’est pas fondée à réclamer une quelconque somme au titre d’un trop-perçu à raison d’une demi-heure qui aurait été rémunérée pendant la pause déjeuner, alors qu’il a été convenu de déduire une demi-heure par jour,

qu’elle n’est pas non plus fondée à réclamer la déduction de pauses qu’elle se serait prétendument octroyées aux fins de vaquer à ses occupations personnelles, alors que le dirigeant, dont le bureau est à proximité du sien, n’a jamais émis la moindre remarque, ni la demi-heure passée chaque matin à distribuer le courrier des sociétés Europalettes et [W], selon les instructions qui lui avaient été données.

A l’appui de ses prétentions, elle produit :

– ses bulletins de salaire,

– les plannings de janvier 2016 à mars 2019, remis en fin de chaque mois à l’employeur,

– les tableaux récapitulatifs des heures travaillées en 2016, 2017, 2018 et pour le mois de janvier 2019

– le tableau récapitulatif de l’ensemble des heures supplémentaires réalisés sur l’ensemble de la période à hauteur de 7193,58 euros,

– la note manuscrite relative à ses horaires de travail rédigée par Mme [C],

– les fiches de fonctions redéfinissant ses tâches éditées les 10 octobre 2012 et 1er décembre 2015,

– l’attestation de Mme [T] qui confirme qu’elle était souvent dérangée pendant la pause déjeuner par les transporteurs et que pendant les pauses cigarettes, qu’elle prenait en accord avec l’employeur, elle était équipée d’un casque sans fil pour répondre aux éventuels appels téléphoniques,

– les attestations de ses collègues de travail (Mme [P], en poste au sein de la société Europalettes du 12 janvier 2004 au 4 novembre 2018, et Mme [T]) confirmant qu’elle distribuait le courrier de la société Europalettes et collectait des factures auprès de cette dernière ainsi que de la société [W].

Les éléments produits par la salariée sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répliquer en faisant valoir ses propres arguments.

La société soutient que le contrat de travail conclu entre les parties prévoyait 13 heures supplémentaires forfaitisées, lesquelles ont toujours été payées avec majoration,

que des changements sont intervenus entre les parties à la demande de la salariée pour sa seule convenance personnelle, ainsi qu’en atteste Mme [C], comptable de l’entreprise,

qu’elle n’a jamais formulé la moindre réclamation en presque dix-neuf ans d’exécution de son contrat de travail,

qu’elle se borne à verser aux débats des tableaux écrits de sa main, qui n’ont pas été validés par elle,

que la salariée n’était pas en contact avec les clients ou les fournisseurs et travaillait au bureau où elle était censée être joignable,

que son décompte d’heures supplémentaires englobe des temps de pause pendant lesquelles elle vaquait à ses occupations personnelles, prétendant être payée pour la demi-heure de pause déjeuner, alors que celle-ci se fixait à une heure pour tout le personnel, à hauteur de 4707,23 euros, ainsi que pour les heures effectuées les samedis à travailler à domicile sans contrôle, soit 1814,67 euros,

que la mauvaise foi de la salariée est caractérisée alors qu’elle réclame le paiement d’heures supplémentaires pour des périodes pendant lesquelles elle était à mi-temps thérapeutique (février et mars 16) ou en arrêt maladie (février mars 2019),

que des relevés horaires de sa remplaçante, il résulte que celle-ci n’a jamais effectué d’heures supplémentaires pour exécuter le même travail sans avoir aucune expérience,

que selon son tableau récapitulatif, le trop-perçu s’établit à 12.629,65 euros, et subsidiairement, en l’absence de déduction de temps de pause, la salariée ne pourrait solliciter un rappel d’heures supplémentaires que de 1 514,37 euros, étant tenu compte des sommes apparaissant sur les bulletins de paie sous la mauvaise dénomination de prime, qui intègre la majoration de 25 %.

Le fait que le décompte soit établi par le salarié lui-même et que celui-ci n’ait pas formé de réclamation durant l’exécution du contrat de travail ne sont pas de nature à le priver de son droit au paiement des heures de travail accomplies ni à exonérer l’employeur de son obligation de prouver les horaires de travail du salarié.

Il sera retenu que la salariée a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit à la majoration, à hauteur de la somme réclamée, alors que l’employeur n’apporte aucun élément venant contredire les décomptes et pièces présentées, les feuilles d’heures ayant été établies en respectant les temps de pause déjeuner de 45 minutes et de 30 minutes à compter de 2019, comme convenu entre les parties, alors qu’il est justifié qu’elle procédait à la distribution du courrier selon les instructions de l’employeur, prenait ses pauses cigarettes équipée d’un téléphone, que les heures effectuées à son domicile à la demande de ce dernier lui ont été réglées sans aucune contestation, étant ajouté que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement des heures supplémentaires.

L’employeur ne saurait contester utilement le décompte au motif qu’il intégre les périodes de mi-temps thérapeutique (février et mars 2016) et d’arrêt maladie en février et mars 2019, alors que les heures supplémentaires sont décomptées à partir de mai 2016 et pour partie en février 2019, la période d’arrêt en mars étant exclu du décompte.

Le jugement sera confirmé sur ce point, la société étant condamnée au paiement d’une somme de 7 193,58 euros, outre celle de 719,35 euros au titre des congés payés y afférents, et déboutée de sa demande au titre d’un trop-perçu sur les heures supplémentaires, injustifiée.

1 – 3 Sur la demande au titre repos compensateur

La société fait valoir qu’elle relève de la convention collective du 13 décembre 1951 concernant les exploitations forestières des départements de la Seine-Maritime et de l’Eure, qui apparait donc sur les bulletins de salaire de la salariée et qui correspondait au moins pour partie à son activité,

que c’est tort que le conseil de prud’hommes a décidé de faire application de la convention collective Bois et Scieries du 28 novembre 1955 pour la condamner au paiement d’une somme au titre du repos compensateur,

qu’en tout état de cause, la salariée a bien bénéficié desdits repos, comme cela ressort de son propre courriel du 15 mars 2018 et de l’attestation de la comptable de la société.

La salariée revendique l’application de la convention collective Bois et Scieries (IDCC 158) qui prévoit un contingent d’heures supplémentaires de 220 heures par an :

« b) Contrepartie obligatoire en repos :

pour les heures effectués au-delà de 190 heures et jusqu’à 220 heures (au-delà de 130 heures et jusqu’à 150 heures dans le cadre de l’annualisation), contrepartie égale à 35 % par heure, pouvant être attribué sous forme de majoration de salaire en accord avec l’employeur. »,

qu’elle peut prétendre à une somme de 7 956,06 euros selon le tableau récapitulatif versé au dossier.

Elle conteste avoir pu bénéficier de ses temps de repos, ce qui aurait supposé que les heures supplémentaires qu’elle réclame aient été comptabilisées, ainsi que la valeur probante des attestations produites par l’employeur, en particulier, de celle établie par Mme [C], s’ur de M. [W].

L’application d’une convention collective est déterminée par l’activité exercée réellement par l’employeur, et non par la profession déclarée par celui-ci, ni par les mentions contenues dans les statuts de la personne morale dont elle dépend. L’entreprise est par ailleurs soumise à la convention ou à l’accord collectif qui correspond à son activité principale.

La salariée invoque l’avenant du 5 septembre 2006, des fiches de fonction pour 2012 et 2015 et fait état de ses bulletins de paie qui reprennent l’intitulé de la classification indiquée dans la convention Bois et Scierie, soit celle de : secrétaire commerciale ACT 3 coefficient 135 puis coefficient 150, et observe sans être utilement contredite qu’il est indiqué dans la convention collective concernant les exploitations forestières des départements de la Seine-Maritime et de l’Eure que : « les dispositions de la présente convention ne s’appliquent pas aux travaux effectués dans les entreprises à caractère industriel (scieries fixes ou autres industries de transformations ou de débitage de produits forestiers) », ce qui est le cas de la société.

En vertu de l’article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires ouvrent droit à une majoration salariale dans les conditions prévues à l’article L.3121-33 du code du travail, sans que cette majoration puisse être inférieure à 10 %, ou à l’octroi d’un repos compensateur équivalent, lequel ne se confond pas avec la contrepartie obligatoire en repos prévue à l’article L. 3121-30 du code du travail, à laquelle le salarié peut prétendre lorsque le contingent annuel d’heures supplémentaires est dépassé.

Les pièces produites par l’employeur, en particulier le courriel adressé par la salariée le 16 mars 2018 à Mme [C], indiquant « …remercie l’employeur de lui accorder 4 jours de congé par an pour 2016 et 2017 et « se retrouver à 0 au niveau de ses congés » et l’attestation de cette dernière faisant état d’absences payées, récupérées sur plusieurs mois, ne permettent pas d’établir que la salariée a été remplie de ses droits à raison de heures supplémentaires accomplies, celle-ci contestant au demeurant avoir en définitive obtenu ces jours de récupération. Il lui sera alloué la somme sollicitée telle que figurant à son décompte, par confirmation du jugement déféré.

1 – 4 Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

L’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code relatif au travail dissimulé adroit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L’article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Au cas d’espèce, il y a lieu de retenir le caractère systématique des heures supplémentaires non rémunérées accomplies sur une longue période, l’absence d’heures supplémentaires majorables à 50%, alors que l’employeur ne pouvait ignorer l’amplitude horaire pratiquée, alors en outre qu’il résulte de son décompte récapitulatif que des heures supplémentaires payées apparaissent sous la dénomination de « primes », l’ensemble de ces éléments caractérisant l’intention dissimulatrice et la volonté de ne pas déclarer les heures réellement effectuées, ce, en toute connaissance de cause.

Le jugement en conséquence sera confirmé en ce qu’il a octroyé la somme de 18.963,54 euros, à titre d’indemnité pour travail dissimulé.

1 – 5 Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de formation et défaut d’information sur le CPF

La salariée fait valoir qu’au cours de la relation salariale, soit pendant plus de dix-huit ans, elle n’a bénéficié que d’une seule action de formation en 2013, d’une durée de 21 heures (attestation de formation Tricard conseil), qu’elle n’a bénéficié d’aucune formation sur les prix alors même qu’elle était chargée du chiffrage des commandes et de répondre aux questions des clients, qu’il lui a même été refusé une formation sollicitée en novembre 2018, au motif qu’elle se désinvestissait de son rôle dans l’entreprise,

qu’elle n’a pas non plus bénéficié d’entretiens individuels, ni d’information relativement au DIF et au CPF.

Elle sollicite, en réparation de son préjudice, le paiement d’une somme de 18.000 euros.

En application de l’article L. 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Les articles L. 4141-1 et L 4141-2 lui font en outre obligation de dispenser une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier ainsi que d’organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité.

La salariée a bénéficié de formation pour se maintenir dans son emploi, en l’adaptant à de nouveaux outils, et notamment d’une formation au poste de travail et à la maîtrise du logiciel Wavesoft, participant à la connaissance de son emploi.

Il n’est pas discutable qu’en près de dix-neuf ans, elle n’a pas bénéficié de formations adaptées en vue de la préparer à des évolutions de carrière et aux fins de lui permettre de développer ses compétences dans son domaine d’activité, qu’elle a subi un préjudice, sans toutefois que le lien entre la baisse significative de salaire qu’elle perçoit dans un tout autre secteur d’activité (automobile), soit 1 800 euros brut, par rapport à son salaire antérieur, 3 160,59 euros, ne soit établi.

L’employeur par ailleurs ne conteste pas n’avoir pas délivré les informations relatives au DIF, ni communiqué le solde du compte à la suite de la rupture du contrat de travail, contraignant la salariée à financer par elle-même une formation.

Le préjudice résultant du manquement à l’obligation de formation en vue de permettre à la salariée de développer ses compétences et du défaut d’information quant au droit individuel de formation et au solde retranscrit sur son compte personnel de formation, est caractérisé et sera réparé par l’allocation d’une somme de 500 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

1 – 6 Sur la demande au titre du rappel de prime d’ancienneté

La salariée fait valoir que le calcul de la prime d’ancienneté doit être effectué selon la convention collective Bois et Scierie (IDCC 158) et non celle des exploitations forestières de Haute Normandie (IDCC 8231),

qu’après actualisation de la valeur du point (au 1er avril 2014 : 6,05 euros ; au 1er juillet 2016 : 6,10 euros ; au 1er juillet 2017 : 6,15 euros), il lui est dû une somme de 111, 45 euros.

Il apparaît toutefois qu’aux termes de la convention collective revendiquée par la salariée, la prime d’ancienneté est plafonnée à quinze ans, ce qu’elle ne conteste pas utilement, que se référant au décompte reconstitué par la société, la salariée a perçu une prime supérieure, soit 3430,35 euros, au lieu de 3127,50 euros, de sorte que le jugement qui lui a alloué une somme de 111,45 euros sera infirmé.

1 – 7 Sur la demande au titre de la prime d’assiduité du mois d’avril 2019

La salariée sollicite le versement de la prime d’assiduité que l’employeur ne lui a pas versée au titre de ce mois, alors qu’elle était réglée y compris pendant les périodes d’arrêt de travail.

Elle sollicite le paiement de la somme de 150 euros à ce titre.

La société répond que la prime d’assiduité a été instituée en vue de récompenser la présence effective du salarié dans l’entreprise,

que l’usage en vigueur au sein de la société consistait à opérer une « décote » sur la prime d’assiduité en fonction de la durée de l’absence du salarié, ainsi qu’elle en atteste par la production de bulletins de salaire d’un salarié de l’entreprise, M. [F].

Il n’est pas contesté qu’une prime d’assiduité était attribuée aux salariés. L’employeur ne justifie toutefois pas de l’existence d’une disposition instituant une décote de ladite la prime en fonction des absences, les bulletins produits concernant un seul salarié et relativement à l’année 2020, n’apparaissant pas suffisamment pertinents. La salariée établit, pour sa part, par la production de ses bulletins de salaire de février 2016 à avril 2019 que les absences n’étaient pas déduites, de sorte que le jugement qui a fait droit à sa demande sera confirmée.

2 – Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail :

2 – 1 Sur les modalités de la rupture

La salariée fait valoir qu’en application de l’article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur, du salarié ou d’un commun accord,

qu’à l’initiative de l’employeur, il ne peut s’agir que d’un licenciement ou d’une proposition de rupture conventionnelle,

qu’elle a fait l’objet d’un licenciement par la remise lors de l’entretien informel du 11 mars 2019, d’une lettre du même jour,

que dès le 14 mars 2019, la société a fait publier des annonces en vue de recruter une secrétaire pour un poste à pourvoir immédiatement et le 15 mars 2019, son adresse courriel ne figurait plus sur les bons de commande, ni sur les confirmations de commande,

que son départ de l’entreprise était acté dès le 11 mars 2019, les contrats de mission versés au dossier par l’employeur indiquant comme motif de recours ‘accroissement temporaire d’activité’ et non ‘ remplacement d’une salariée pour absence maladie’, ce dernier ayant clairement manifesté son intention de rompre le contrat en lui imposant une rupture conventionnelle avant tout entretien,

que son contrat de travail, qui a été rompu sans motif avant toute signature d’une rupture conventionnelle, s’analyse, de première part, en un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

que la rupture conventionnelle encourt la nullité alors que son consentement a été vicié l’employeur ayant usé de contrainte à son égard, cette rupture abusive produisant, de seconde part, les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle produit à l’appui de ses allégations d’un licenciement irrégulier et injustifié,

– la lettre du 11 mars 2019 remise le même jour libellé en ces termes : « en vue de signer une rupture conventionnelle le mardi 19 mars 2019, je vous demande de ne plus venir travailler pour la société dès aujourd’hui. Je vous demande de nous restituer toutes les affaires appartenant à l’entreprise et récupérer vos effets personnels dès ce soir.»,

– la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 mars, ayant pour objet la notification de la rupture conventionnelle, fixant la signature au 19 mars 2019,

sur le caractère abusif de la rupture conventionnelle,

– la lettre du 15 mars 2019 adressée à son employeur indiquant : «je vous rappelle que nous n’avons jamais convenu de conclure une rupture conventionnelle. C’est vous-même qui êtes venu me voir lundi 11 mars en fin d’après-midi dans mon bureau pour m’indiquer que vous souhaitiez que l’on mette fin à mon contrat de travail en signant une rupture conventionnelle. Vous m’avez alors dit que l’on se verrait mardi 19 mars 2019 et qu’en attendant, j’étais dispensé de venir travailler et que je devais vous restituer immédiatement mes affaires de travail et reprendre mes effets personnels (…) je réfute totalement la manière dont vous présentez les choses. C’est vous qui souhaitez imposer la rupture du contrat de travail. Je n’entends donc pas accepter les conditions que vous proposez. Je reprendrai donc mon contrat à l’issue de mon arrêt qui a été remis le 14 mars 2019.»,

– le compte-rendu d’entretien établi le 19 mars 2019,

– l’acte portant rupture conventionnelle signé le 22 mars 2019,

– les pièces médicales attestant de la dégradation de son état de santé à la suite de la décision de l’employeur démontrant qu’elle n’envisageait pas de quitter l’entreprise.

La société fait valoir que la salariée n’a pas été licenciée par lettre du 11 mars 2019 et son consentement donné lors de la signature de la rupture conventionnelle n’a pas été vicié,

qu’elle procède par affirmations sans les corroborer par le moindre élément objectif,

que concernant le licenciement, il est admis en jurisprudence qu’il est possible de conclure une rupture conventionnelle postérieurement à la notification d’un licenciement, de sorte que la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue,

que la lettre du 11 mars 2019 de l’employeur ne renfermait du reste aucune décision définitive de mettre un terme au contrat de travail de la salariée puisqu’il l’invitait au contraire à un entretien fixé 8 jours après « en vue de signer une rupture conventionnelle »,

que la salariée n’a pas non plus été remplacée dès le 12 mars 2019, alors que son poste a été occupé par un intérimaire et qu’une nouvelle secrétaire n’a été recrutée suivant contrat à durée indéterminée qu’à compter du 19 août 2019, observant qu’en application de l’article L.1251-5 du code du travail, un salarié absent pour maladie peut être remplacé par un intérimaire,

que s’agissant de la rupture conventionnelle, la salariée éait parfaitement informée de ses droits, sollicitant un délai de réflexion, et a signé l’acte sans s’être rétractée,

que les éléments qu’elle produit aux fins de justifier de l’existence d’un vice du consentement ayant affecté la validité de l’acte sont dépourvus de valeur probante, alors qu’elle verse aux débats des attestations de collègues de travail à qui elle confiait passer des entretiens d’embauche.

Il résulte des dispositions des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-2 du code du travail, qu’à défaut de lettre de licenciement, la rupture à l’initiative de l’employeur constitue un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

que le licenciement est irrégulier dès lors que la procédure prévue à l’article L1232-2 du code du travail n’a pas été respectée.

Il est communément admis qu’il est possible de conclure une rupture conventionnelle postérieurement à la notification d’un licenciement et que la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue.

En l’espèce, la salariée soutient avoir fait l’objet d’un licenciement par lettre du 11 mars 2019 remise le jour d’un entretien informel avec le dirigeant de l’entreprise. La salariée a par suite signé une convention de rupture du contrat de travail le 22 mars 2019, homologuée par l’autorité administrative le 29 avril 2019, dont elle conteste la validité.

La cour ne peut toutefois se prononcer sur le licenciement allégué à la date du 11 mars 2019, tant qu’il n’a pas été statué sur la validité de la convention emportant rupture conventionnelle.

2 – 2 Sur la validité de la rupture conventionnelle

Aux termes de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle exclusive du licenciement ou de la décision ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.

En application des articles L. 1237-12 et L. 1237-13 du code du travail, les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister. La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure à celui de l’indemnité prévue à l’article L 1234-9 du code du travail. A compter de la date de la signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. L’article L 1237-14 prévoit qu’à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative laquelle dispose d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s’assurer des conditions légales et de la liberté de consentement des parties.

L’existence d’un différend contemporain de la signature de la convention de rupture n’affecte pas par elle-même la validité de la convention.

Pour voir prononcer la nullité d’une rupture conventionnelle, le salarié doit démontrer que son consentement a été donné par erreur, extorqué par violence ou surpris par dol.

A l’examen des pièces du dossier, il ne peut être considéré comme le soutient l’employeur que la salariée a été à l’initiative de la rupture conventionnelle, quand bien même celle-ci aurait confié à plusieurs salariés ‘fin 2018″ son souhait de quitter l’entreprise et qu’elle passait des entretiens d’embauche, ce qu’elle conteste au demeurant, alors que le consentement doit s’apprécier à la date de la conclusion de la rupture conventionnelle et qu’il n’est pas justifié qu’elle se soit trouvée dans le même état d’esprit en mars 2019, alors encore qu’elle produit le témoignage de Mme [G] qui atteste de son envie d’aller travailler et qu’elle a souhaité alors en arrêt maladie, reprendre son poste en accord avec l’employeur les 18 et 19 février 2019.

Du reste, les termes du courrier de l’employeur du 11 mars 2019, ‘lui demandant de ne plus venir travailler …dès aujourd’hui, de restituer toutes les affaires appartenant à l’entreprise et de récupérer ses effets personnels dès ce soir’ sont peu compatibles avec un départ négocié amiablement et encore moins à la seule initiative de la salariée, dont la santé s’est par suite dégradée, au point d’avoir été placée en arrêt de travail du 11 au 24 mars 2019.

La cour observe par ailleurs que la salariée produit son courrier du 15 mars 2019, dans lequel elle indique que cette rupture lui est imposée, et si l’employeur en conteste la valeur probante au motif que ‘nul ne peut se constituer une preuve à soi-même’, il résulte du compte-rendu d’entretien établi par le délégué du personnel, M. [K], à la suite de l’entretien du 19 mars 2019, qu’il a fait usage de pression sur la salariée, la menaçant de la licencier pour faute grave si elle ‘refusait de signer la rupture conventionnelle selon les termes définis par M. [W]’, compte-rendu qu’il n’a pas remis en cause, le joignant à son courrier du 20 mars 2019 convoquant la salariée dans les locaux de l’entreprise le 22 mars 2019, qu’en raison des incidences que pouvait avoir une telle décision sur sa vie professionnelle et des conséquences financières induites, la salariée n’a eu d’autre choix que de s’exécuter.

Il en résulte qu’est caractérisée la contrainte constitutive de violence morale déterminante du consentement de la salariée à la rupture conventionnelle lequel n’était donc ni libre, ni déterminé, peu important qu’elle ait bénéficié de l’assistance d’un délégué syndical et peu important encore qu’elle n’ait pas exercé son droit de rétractation, la nullité étant encourue dès la conclusion de l’acte.

Le jugement qui a fait droit à sa demande d’annulation sera confirmé.

La nullité de la convention de rupture emporte en conséquence obligation de restituer l’indemnité perçue en exécution de cette convention et produit par ailleurs les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 – 3 Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

En application des articles L. 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l’espèce, la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 5393,63 euros, outre une somme de 539,36 euros au titre des congés payés y afférents. Il conviendra de confirmer le jugement qui lui a alloué les sommes en cause.

L’article L1234-9 du code du travail énonce que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte huit mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

La somme accordée non discutée de 1749,85 euros (17.119,85 euros indemnité due – 15.370 euros versée au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle), à titre de complément sera confirmée.

La salariée sollicite une somme de 60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle estime insuffisante la somme allouée par les premiers juges, compte tenu de son ancienneté, des circonstances de la rupture et de la situation dans laquelle elle s’est par suite trouvée, n’ayant en outre retrouvé qu’un emploi bien moins rémunéré.

En application de l’article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, la salariée comptait dix-huit ans d’ancienneté et la société employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail précité, la salariée peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure à 3 mois, ni supérieure à 14 mois et demie.

En raison de l’âge de la salariée, comme étant née en 1977, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, soit la somme de 3160,59 euros, incluant les heures supplémentaires, du fait qu’elle a retrouvé un emploi suivant contrat à durée indéterminée, rémunéré toutefois par un salaire nettement inférieur, il conviendra de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi, la somme de 30.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce qui concerne le montant de la condamnation.

3 – Sur la remise des documents sociaux

La cour ordonne à la société de remettre à la salariée les documents de fin de contrat rectifiés, les points suivants n’étant pas contestés par la société : l’attestation Pôle emploi devant mentionner : une ancienneté débutant au 12 juillet 2000, un récapitulatif des salaires des 12 derniers mois conforme : déduction des absences maladies en octobre 2018 (318,67 euros), en novembre 2018 (337,80 euros) et en février 2019 (739,31 euros) ; prise en compte du rappel d’heures supplémentaires sur la période des 12 derniers mois, nombre de jours de congés payés se chiffrant à 30, le cadre 6 relatif aux salaires des 12 derniers mois conforme au tableau reconstitué par la salariée.

La cour ordonne en outre la remise du certificat de travail et d’un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

4 – Sur les frais du procès

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a alloué à Mme [M] [R] épouse [Z] une somme de 111,45 euros au titre de la prime d’ancienneté, rejeté la demande de dommages et intérêts pour défaut de formation et défaut d’information sur le CPF et en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SAS SEFOB à payer à Mme [M] [R] épouse [Z] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS SEFOB à payer à Mme [M] [R] épouse [Z] la somme 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de formation et défaut d’information sur le CPF,

Déboute Mme [M] [R] épouse [Z] de sa demande au titre de la prime d’ancienneté,

Y ajoutant,

Ordonne à la SAS SEFOB de remettre à Mme [M] [R] épouse [Z] les documents de fin de contrat rectifiés, l’attestation pôle emploi devant mentionner une ancienneté débutant au 12 juillet 2000, le récapitulatif des salaires des douze derniers mois conforme – la déduction des absences pour maladie en octobre 2018 (318,67 euros), en novembre 2018 (337,80 euros) et en février 2019 (739,31 euros) – la prise en compte du rappel d’heures supplémentaires sur la période des douze derniers mois, le nombre de jours de congés payés se chiffrant à 30, le cadre 6 relatif aux salaires des douze derniers mois conforme au tableau reconstitué par la salariée,

Ordonne la remise d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Condamne la SAS SEFOB à payer à Mme [M] [R] épouse [Z] la somme une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la salariée de sa demande d’indemnité de procédure en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande.

La greffière La présidente

 


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