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28/03/2023
ARRÊT N°
N° RG 21/04048
N° Portalis DBVI-V-B7F-OMSS
J.CG / RC
Décision déférée du 01 Septembre 2021
Juge des contentieux de la protection de TOULOUSE (11-19-004250)
MME RAINSART
[R] [S]
[G] [S]
C/
S.E.L.A.S. ALLIANCE MISSION
S.A. FRANFINANCE
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Monsieur [R] [S]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Clément POIRIER, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [G] [S]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Clément POIRIER, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
S.E.L.A.S. ALLIANCE MISSION
Es-qualités de Mandataire liquidateur de la SAS IC GROUPE, société à action simplifiée inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 798 133 989 et dont le siège social est [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Sans avocat constitué
S.A. FRANFINANCE
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 719 807 406, prise en la personne de son réprésentant légal domicilé en cette qualité audit siége.
[Adresse 4]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. DEFIX, président
J.C. GARRIGUES, conseiller
A.M ROBERT, conseiller
Greffier, lors des débats : N. DIABY
ARRET :
– RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre
******
FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS
Le 10 mai 2017, M. [R] [S] et Mme [G] [S], demeurant [Adresse 3] à [Localité 7], ont conclu avec la société Immo Confort, un contrat d’installation d’un kit photovoltaïque et d’un ballon thermodynamique pour un montant total de 22.900 euros TTC.
Le même jour, ils ont signé un contrat de crédit affecté avec la Sa Franfinance prévoyant un remboursement en 125 mensualités pour un montant total de 29 312, 40 euros avec un TAEG de 4,80 %.
Aux termes d’une assemblée du 15 décembre 2017, la société Immo Confort a changé de dénomination et est devenue IC Groupe.
Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société IC Groupe et désigné la Selas Alliance Mission en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d’huissier en date des 15 et 16 octobre 2019, M. et Mme [S] ont fait assigner la Sas IC Groupe prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la Selas Alliance Mission, et la sa Franfinance devant le tribunal d’instance de Toulouse afin d’entendre ordonner la nullité du contrat de vente et la nullité consécutive du contrat de prêt affecté.
Par jugement contradictoire du 1er septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
– rejeté l’exception d’incompétence et déclaré le juge du contentieux de la protection compétent;
– déclaré l’action de M. [R] [S] et Mme [G] [S] irrecevable ;
– condamné in solidum M. [R] [S] et Mme [G] [S] à payer à la Selas Alliance prise en la personne de Maître [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe et à la Sa Franfinance une somme de 500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. [R] [S] et Mme [G] [S] aux dépens ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l’article L.622-21 du code de commerce, a relevé que M. [S] et Mme [S] avaient introduit une instance à l’encontre de la société IC Groupe postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective et ne justifiaient d’aucune déclaration de créance, que ce soit antérieurement ou postérieurement à leur action.
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Par déclaration du 27 septembre 2021, M. et Mme [S] ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il a :
– déclaré l’action de M. [R] [S] et Mme [G] [S] irrecevable,
– débouté M. [R] [S] et Mme [G] [S] de leurs plus amples demandes,
– condamné in solidum M. [R] [S] et Mme [G] [S] à payer à la Selas Alliance prises en la personne de Maître [U] est qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe et de la Sa Franfinance une somme de 500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [R] [S] et Mme [G] [S] aux dépens.
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Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 21 novembre 2022, M.[R] [S] et Mme [G] [S], appelants, demandent à la cour, au visa des articles L.111-1 et suivants, L.221-1 et suivants, L.312-48 et suivants et L.242-1 du code de la consommation (rédaction en vigueur au 1er juillet 2016) et des articles 1103 et suivants et 1224 et suivants du code civil (rédaction postérieure au 1er octobre 2016), de :
– infirmer le jugement du 1er septembre 2021 rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu’il :
* a déclaré leur action irrecevable,
* les a condamnés in solidum à payer à la Selas Alliance prise en la personne de Maître [U] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe et à la Sa Franfinance une somme de 500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* les a condamnés in solidum aux dépens,
* a rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
Statuant de nouveau,
A titre principal, sur la nullité des contrats,
– ordonner la nullité du contrat de vente conclu entre eux et Immo Confort au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile,
– ordonner la nullité consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre eux et Franfinance,
Par conséquent,
– condamner Franfinance à restituer toutes sommes d’ores et déjà versées par eux-mêmes au titre de l’emprunt souscrit, soit la somme de 9 359,52 euros au mois de septembre 2020, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir et des versements effectués,
– priver Franfinance de fait de tout droit à remboursement contre eux s’agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Immo Confort en raison des fautes commises par l’organisme de crédit,
– si par extraordinaire, la faute du prêteur n’était pas retenue, fixer leur créance au passif de la société IC Groupe à la somme de 22 900 euros correspondant au coût du contrat, outre le coût de dépose du matériel et de remise en état des existants et priver rétroactivement Franfinance de son droit aux intérêts,
– fixer leur créance à raison de la somme de 5 390 euros au titre de la dépose et remise en état de l’installation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
A titre subsidiaire, sur la résolution des contrats,
– ordonner la résolution du contrat de vente conclu entre eux et Immo Confort au titre de la violation des lois régissant le démarchage à domicile,
– ordonner la résolution consécutive du contrat de prêt affecté conclu entre eux et Franfinance,
Par conséquent,
– condamner Franfinance à restituer toutes sommes d’ores et déjà versées par eux-mêmes au titre de l’emprunt souscrit, soit la somme de 9 359,52 euros au mois de septembre 2020, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir et des versements effectués,
– priver Franfinance de fait de tout droit à remboursement contre eux s’agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société Immo Confort en raison des fautes commises par l’organisme de crédit,
– si par extraordinaire, la faute du prêteur n’était pas retenue, fixer leur créance au passif de la société IC Groupe à la somme de 22 900 euros correspondant au coût du contrat, outre le coût de dépose du matériel et de remise en état des existants et priver rétroactivement Franfinance de son droit aux intérêts,
– fixer leur créance à raison de la somme de 5 390 euros au titre de la dépose et remise en état de l’installation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société IC Groupe,
A titre infiniment subsidiaire,
– priver Franfinance de son droit à restitution du capital pour avoir octroyé un contrat de crédit abusif,
En toutes hypothèses,
– condamner solidairement la Selas Alliance Mission Conduite, ès qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe, et Franfinance à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens,
– dire que sur le fondement de l’article R631-4 du code de la consommation, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par l’adversaire, en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité de leur action, M et Mme [S] font valoir que le contrat de vente n’étant ni annulé ni résolu à ce jour, ils n’ont pas de créances à déclarer au passif de la procédure collective de la société IC Groupe, que ce soit au titre de la créance de restitution du prix de vente ou de la dépose et remise en état. Ils sollicitent en conséquence l’infirmation de la décision entreprise sur ce point.
Sur le fond, ils sollicitent la nullité du contrat principal conclu avec la société Immo Confort pour non respect des dispositions du code de la consommation dès lors qu’ayant été conclu à leur domicile, le contrat litigieux était soumis aux dispositions impératives du code de la consommation concernant le formalisme et l’exercice du droit de repentir :
– violation des mentions obligatoires devant figurer dans le bon de commande ;
– violation des règles afférentes au droit de repentir.
Subsidiairement, ils sollicitent la résolution du contrat principal en raison des manquements graves de la société Immo Confort à ses obligations contractuelles :
– l’installateur a raccordé l’installation au réseau Enedis mais a manqué à son obligation d’obtenir un contrat de rachat de l’électricité produite, de sorte qu’ils ne peuvent pas vendre l’électricité produite ;
– la société Immo Confort n’a pas déposé de déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux, de sorte que l’installation est illégale et expose le propriétaire à des sanctions pénales, civiles, administratives et fiscales.
Ils concluent en conséquence à la nullité subséquente du contrat de crédit affecté.
Ils soutiennent en outre que la société Franfinance est à l’origine de multiples fautes contractuelles qui la privent du droit de demander le remboursement du capital dès lors qu’ils justifient d’un préjudice. Sur ce point, ils font valoir que si la société Franfinance n’avait pas libéré les fonds de manière anticipée, avant le raccordement de l’installation et l’obtention du contrat de rachat d’électricité, ils ne se seraient pas retrouvés à financer un contrat de crédit pour une installation inefficace en l’absence de possibilité de rachat de l’électricité produite, qu’ils auraient pu se dégager d’une opération financière ruineuse et que la liquidation judiciaire de l’entreprise les prive de leur créance de restitution du prix en l’état d’une installation inutile dont ils ne sont plus les propriétaires et qu’ils doivent déposer.
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 mars 2022, la Sa Franfinance, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134, 1184, 1382, 1315 du code civil et L.312-2 du code de la consommation, de :
A titre principal,
– confirmer le jugement rendu par le juge chargé des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 1er septembre 2021,
Y ajoutant :
– condamner M. et Mme [S] au versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens taxables de l’instance,
A titre subsidiaire,
Si la Cour devait juger recevables les demandes de M. et Mme [S],
Si la Cour fait droit à la demande de nullité ou résolution du contrat principal :
– prononcer la nullité ou résolution subséquente du contrat de crédit affecté,
– condamner M. et Mme [S] au remboursement du capital prêté,
– fixer au passif de la société IC Groupe anciennement dénommée Immo Confort la somme de 6 412,40 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamner la société IC Groupe anciennement dénommée Immo Confort à garantir la restitution du capital emprunté par les consorts [S],
– débouter M. et Mme [S] de leur demande au titre du coût des travaux,
En toutes hypothèses,
– constater qu’elle n’a commis aucune faute lors du déblocage des fonds,
– débouter M. et Mme [S] de leur demande d’exonération de leur obligation de remboursement du capital prêté,
– débouter M. et Mme [S] de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,
Plus subsidiairement, si la Cour fait droit à la demande d’exonération de l’obligation de remboursement du capital prêté :
– fixer au passif de la société IC Groupe la somme de 29 312,40 euros,
En tout état de cause,
– condamner solidairement M. et Mme [S] ou à défaut tout succombant, au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La Sa Franfinance sollicite à titre principal la confirmation du jugement entrepris. Elle fait observer que contrairement à ce que soutiennent les appelants, leur demande ne tend pas uniquement à l’annulation du contrat de vente puisque, comme en première instance, ils demandent la fixation de leur créance au passif de la société IC Groupe pour 22.900 €, et que c’est donc à juste titre que le tribunal les a déclarés irrecevables en leurs demandes.
A titre subsidiaire, sur l’annulation ou la résolution du contrat de vente, elle s’en remet à l’appréciation de la cour et rappelle que si la nullité du contrat de vente et la résolution subséquente du contrat de crédit affecté étaient prononcées, les parties devraient être remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.
Sur les conséquences de la résolution du contrat de crédit à l’égard de l’emprunteur, elle expose que les consorts [S] ne peuvent se considérer libérés par compensation de leur obligation de restituer le capital emprunté qu’en démontrant que les conditions de la responsabilité civile sont réunies.
Elle estime qu’aucun des griefs évoqués par M et Mme [S] ne saurait caractériser une faute de l’établissement prêteur de nature à le priver de son droit à restitution, qu’il s’agisse du défaut de vérification de la validité du contrat principal au regard des dispositions du code de la consommation, du défaut de contrôle de l’exécution complète et parfaite du contrat principal ou du fait que le contrat de crédit affecté contreviendrait lui-même à des dispositions impératives issues du code de la consommation. Elle précise que M et Mme [S] ont accepté la livraison et la pose du matériel tout en sollicitant le financement auprès d’elle et qu’au vu de l’attestation de conformité, elle pouvait légitimement considérer que les démarches de raccordement avaient été entreprises. Elle considère ainsi que les emprunteurs ont entendu couvrir les prétendues irrégularités formelles affectant le contrat de vente et que dans un tel contexte elle n’a commis aucune faute en accordant son concours et en libérant les fonds.
Elle ajoute à titre subsidiaire que sa faute ne pourrait être sanctionnée qu’à la mesure du préjudice causé aux acquéreurs et elle soutient que M et Mme [S] ne justifient pas de l’existence d’un préjudice de nature à écarter son droit à restitution.
Par acte d’huissier en date du 7 janvier 2022, M. [S] et Mme [S] ont fait signifier la déclaration d’appel à la Selas Alliance Mission, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas IC Groupe, et l’ont faite assigner devant la cour.
Par acte d’huissier en date du 15 mars 2022, la Sa Franfinance a fait signifier ses conclusions et ses pièces à la Selas Alliance Mission en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société IC Groupe.
Assignée à personne, la Selas Alliance Mission n’a pas constitué avocat.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes de M et Mme [S]
L’article L. 622-21 du code de commerce dispose que le jugement d’ouverture interdit toute action en justice de la part des créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution du contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société IC Groupe et désigné la Selas Alliance Mission en qualité de liquidateur judiciaire.
Par actes d’huissier en date des 15 et 16 octobre 2019, M. et Mme [S] ont fait assigner la Sas IC Groupe prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la Selas Alliance Mission, et la Sa Franfinance devant le tribunal d’instance de Toulouse afin d’entendre ordonner la nullité du contrat de vente et la nullité consécutive du contrat de prêt affecté.
M et Mme [S] fondent leur demande d’annulation du contrat de vente sur la violation des dispositions du code de la consommation et leur demande subsidiaire de résolution sur l’inexécution de prestations, sans demander à titre principal de condamnation du vendeur au paiement d’une somme d’argent ni invoquer le défaut de paiement d’une telle somme, ni même réclamer la restitution du prix de vente, de sorte que leurs demandes ne se heurtent pas à l’interdiction des poursuites.
Les demandes de nullité du contrat de vente et de nullité consécutive du contrat de prêt affecté sont en conséquence recevables.
Le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé.
Sur la demande d’annulation du contrat liant M et Mme [S] à la Sas IC Groupe venant aux droits de la Sas Immo Confort et la demande d’annulation du contrat de prêt affecté conclu avec la Sa Franfinance
Selon l’article L. 221-1 du code de la consommation en vigueur au jour du bon de commande :
‘I. – Pour l’application du présent titre, sont considérés comme :
(…)
2° Contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui ou le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur’.
En vertu de l’article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au cas d’espèce : ‘ avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu
numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en
oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues
au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
(‘)’.
En cas de manquement à cette obligation précontractuelle d’information, le code de la consommation ne prévoit que des sanctions administratives, à l’article L. 131-1, sans y attacher
de sanction civile. Sur le fondement de ce seul texte, le juge ne peut prononcer la nullité du contrat de vente.
Cependant, M et Mme [S] se prévalent des dispositions de l’article L. 221-5 du code de la consommation, susceptible, selon eux, compte tenu du manquement qu’ils imputent au vendeur, d’entraîner la nullité du contrat de vente.
L’article L. 221-5 du code de la consommation, tel qu’applicable au cas d’espèce, dispose :
‘ préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
(‘) ‘.
L’article L. 221-5 du code de la consommation est visé expressément par l’article L.221-9 qui dispose que ‘ le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L.221-5 ‘.
L’article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que ‘ les dispositions des articles L.221-9 et L. 221-10 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ‘.
Il s’agit en l’espèce d’un contrat conclu hors établissement tel que cela est allégué par M et Mme [S] et confirmé par les dispositions visées au dos du contrat de vente conclu avec la société Immo Confort le 10 mai 2017, de sorte que l’article L. 221-5 du code de la consommation est effectivement applicable en l’espèce.
Sur le bon de commande signé le 10 mai 2017 par M. [S], il est indiqué :
‘ Photovoltaïque : le kit comprend :
– Panneaux photovoltaïques (300WC) Soluxtec ou puissance équivalente
– Coffret AC/DC
– Onduleur (Schneider ou équivalent)
– Etanchéité GSE ou équivalent agréé CEIAB
– Câbles, connectiques,
– Raccordement à la charge de Immo Confort
– Obtention du contrat de rachat de l’électricité produite
– Frais et démarches administratives au raccordement Enedis
– Frais et démarches pour l’obtention du consuel.
Revente totale. Vous vendez l’intégralité de votre production photovoltaïque à EDF pour bénéficier d’un revenu.
12 panneaux, puissance 3000 WC
Montant TTC : 14000 euros,
A la charge de Immo confort : frais et démarches administratives au raccordement Enedis + frais
et démarches pour l’obtention du consuel ‘.
‘ Chauffe-eau thermodynamique. Montant TTC 6000 euros ‘.
‘ Autres produits . Adoucisseur 1100 € TTC.’
‘ Date prévue d’installation : 2 à 8 semaines’.
‘Vente à crédit auprès de Franfinance’.
‘ Total HT 20818,18 euros. TVA 10% : 2081,82 euros. Total TTC : 22900 euros’.
En vertu de l’article L. 111-1 du code de la consommation, le professionnel doit informer le consommateur des caractéristiques essentielles du bien ou du service. En l’espèce, les caractéristiques essentielles du bien et du service ne sont pas précisément détaillées dès lors que le descriptif du kit photovoltaïque commandé est succinct, sa marque et sa puissance sont incertaines, puisque suivies du terme « ou équivalent », il n’est pas indiqué la taille et le poids des panneaux, et la marque de l’onduleur, pièce maîtresse de l’installation, n’est pas précisée (Schneider ou équivalent)
En outre, les modalités de livraison sont insuffisamment décrites, la date d’installation étant prévue entre deux à huit semaines, alors que cette condition est importante puisqu’elle permet à l’organisme de crédit de vérifier la cohérence avec l’attestation de fin de travaux, et la durée des travaux et celle des démarches pour le consuel et le raccordement ne sont pas précisées.
De surcroît, alors que l’article L. 221-5 du code de la consommation exige que le vendeur fournisse au consommateur un certain nombre d’informations relatives à son droit de rétractation et que l’article L. 121-21 du même code dispose que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours à compter de la livraison des biens pour les prestations de services incluant la livraison de biens, en l’espèce le bon de commande indique que le délai de rétractation court à compter de la commande, ce qui entraîne sa nullité conformément aux dispositions des articles L. 221-9 et L.242-1 du code de la consommation.
Dans ces conditions, au regard des irrégularités présentées par le bon de commande, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de vente.
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La violation du formalisme prescrit par les dispositions précitées du code de la consommation, protégeant les intérêts du consommateur démarché, est sanctionnée par une nullité relative à laquelle il peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement.
Il résulte de l’article 1338 du code civil tel qu’en vigueur lors de la conclusion du contrat, que la confirmation tacite d’un acte nul est subordonnée à la double condition que son auteur ait eu connaissance du vice l’affectant et qu’il ait eu l’intention de le réparer.
Le seul fait que les conditions générales figurant au verso du bon de commande reprennent les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler à l’emprunteur les vices qui affectant le contrat dès lors que les dispositions des articles L.111-1, L.221-5 et L.221-9 du code de la consommation.
Les acquéreurs ne savaient donc pas que le contrat conclu encourait la nullité pour non-respect de dispositions d’ordre public.
La mention que ‘conformément à l’article L.111-1 du code de la consommation, le client reconnaît avoir reçu, avant signature du contrat, toute information susceptible de l’intéresser sur les caractéristiques du bien, produit ou service, et notamment une brochure détaillée’, figurant en caractères minuscules au bas de la première page du contrat de vente, ne peut valoir renonciation à se prévaloir des vices affectant le contrat.
Parmi les pièces produites aux débats figure une ‘attestation de livraison – demande de financement’ signée par M. [S] le 26 mai 2017, indiquant qu’il a accepté en date du 10/05/2017 le contrat de crédit enregistré par Franfinance, qu’il a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation, objet du financement, conforme au bon de commande, qu’il a demandé conformément aux modalités légales la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, et qu’il autorise ainsi Franfinance à régler le vendeur en une seule fois (pièce n° 2 de la Sa Franfinance).
M. [S] a certes accepté la livraison des biens, mais il ne ressort d’aucune pièce qu’il a ainsi agi en connaissance des vices affectant le contrat litigieux, de la nullité encourue par le contrat de vente et avec la volonté de les réparer.
Les actes positifs accomplis par M. [S] ne peuvent donc valoir confirmation du contrat de vente.
– – – – – – – – – –
En vertu de l’article L.312-55 du code de la consommation, le contrat de vente étant annulé, le contrat de crédit affecté est lui-même annulé.
La Sa Franfinance doit être condamnée à restituer à M et Mme [S] toutes les sommes déjà versées par eux au titre de l’emprunt souscrit, soit 9359,52 € au mois de septembre 2020, outre les mensulaités qui auraient été payées depuis cette date.
Sur la demande de restitution du capital formée par la Sa Franfinance
Lors de l’annulation d’un contrat de prêt, le prêteur doit restituer à l’emprunteur les mensualités payées et l’emprunteur lui rembourser le capital prêté, peu important que le capital ait été versé directement au vendeur par le prêteur.
M et Mme [S] s’opposent à la restitution du capital, invoquant des fautes de la part de la Sa
Franfinance.
Le devoir de non-immixtion du prêteur de deniers qui lui interdit de contrôler l’opportunité du contrat principal conclu par l’emprunteur ainsi que la rentabilité de l’opération projetée est limité par le devoir de vigilance qui lui incombe dans l’exécution de son obligation de mise à disposition des fonds prêtés.
Le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1, 31 août 2022, n°20-18102).
En l’espèce, le contrat de vente était affecté de plusieurs causes d’irrégularités exposant ledit contrat à la nullité relative, irrégularités que le prêteur aurait dû déceler. La Sa Franfinance qui n’a pas procédé aux vérifications nécessaires et n’a pas informé M et Mme [S] à ce titre avant de débloquer les fonds a commis une faute.
En vertu de l’article L.312-48 du code de la consommation, applicable au contrat de crédit affecté, ‘ les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, les obligations prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d’interruption de celle-ci ‘.
Sur le bon de commande signé le 10 mai 2017 par M. [S], il est indiqué que la Sas Immo Confort doit fournir un kit photovoltaïque et un chauffe-eau thermodynamique, et que sont mises à la charge du vendeur les démarches de raccordement, les démarches pour l’obtention du consuel ainsi que l’obtention du contrat de rachat de l’électricité produite.
La Sas Franfinance a remis les fonds à la société Immo Confort le 7 juin 2017, alors qu’à cette date les biens étaient livrés mais l’installation non raccordée, que le contrat de revente d’électricité n’avait pas été obtenu et que la déclaration attestant de l’achèvement et de la conformité des travaux n’avait pas été déposée.
La banque se devait de réaliser une vérification élémentaire et à tout le moins de contacter M.[S] pour s’assurer que toutes les prestations promises avaient bien été exécutées, ce que la Sa Franfinance ne démontre pas avoir fait.
L’organisme de crédit, soumis à un devoir de vigilance à l’égard de ses clients lui imposant de s’assurer que les démarches indispensables à l’efficience du contrat principal ont été accomplies et que la livraison effective induisait non seulement la pose des panneaux photovoltaïques, mais encore les démarches à accomplir en vue du raccordement au réseau Enedis et de l’obtention d’un contrat de rachat de l’électricité produite, ne s’est assurée ni de l’exécution complète du contrat principal qu’elle devait financer ni de la mise en service du dispositif, et a ainsi, en libérant la totalité des fonds entre les mains de l’installateur au vu d’une simple attestation de livraison du 26 mai 2017, commis une faute.
Cependant, toute faute n’entraîne de sanction que lorsqu’elle a causé un préjudice que les juges doivent apprécier .
Le préjudice réparable dans un tel cas consiste dans le fait, pour l’acquéreur, de devoir payer le prix d’une installation qui n’assume pas sa fonction et sans perspective pour le consommateur de pouvoir se retourner contre le fournisseur en liquidation judiciaire. A ce jour, M et Mme [S] sont contraints de payer la somme de 3303,36 € par an au titre du contrat de crédit pour une installation totalement inutile à défaut de vente de l’électricité produite, situation non régularisable sans modification de l’installation par un autre installateur qui accepterait d’intervenir sur un tel ouvrage.
La faute de la Sa Franfinance a donc causé à M et Mme [S] un préjudice équivalent au capital emprunté. Ce préjudice doit être réparé par la privation du prêteur du droit à restitution de ce capital.
Sur les frais de dépose de l’installation et de remise en état
La nullité du contrat de vente implique que les panneaux photovoltaïques et le ballon thermodynamique soient déposés et que le toit et le système d’eau chaude sanitaire soient remis en état.
Le coût de ces travaux a été estimé à 5390 € TTC suivant devis de la société Autan Solaire en date du 16 septembre 2020 (pièce n° 12 de M et Mme [S]).
Il y a lieu de fixer à ce montant la créance de M et mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas IC Groupe (Immo Confort).
Sur la demande de la Sa Franfinance à l’égard de la société IC Groupe (Immo Confort)
La nullité du contrat de prêt suite à l’annulation du contrat principal entraîne un préjudice pour l’organisme de crédit par la faute du responsable de la nullité du contrat principal.
En l’espèce, s’agissant du prêt affecté d’un montant de 22.900 € , le coût total du crédit s’élevait à la somme de 29.312,40 € .
L’organisme de crédit étant privé de son droit à restitution du capital, le préjudice subi s’élève à la somme de 29.312,40 € qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société IC Groupe.
Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
La Sa Franfinance, partie principalement perdante, doit supporter les dépens de première instance et les dépens d’appel.
Elle se trouve redevable d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.
Elle ne peut prétendre à une indemnité sur ce même fondement.
La Sa Franfinance se trouvant débitrice de M et Mme [S], les frais de l’exécution forcée éventuelle du présent arrêt sont par principe à sa charge en application de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution dans les strictes limites d’ordre public prévues par ce texte de telle sorte que les frais laissés par les textes réglementaires à la charge du créancier de l’exécution qui ne sont pas des dépens et ne revêtent pas le caractère d’un dommage ne sauraient être mis à la charge du débiteur de l’exécution autrement que dans le cadre des prévisions de l’article 700 du code de procédure civile. M et Mme [S] seront donc déboutés de leur demande présentée au titre des dispositions relatives au tarif des huissiers.
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 1er septembre 2021.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes de nullité du contrat de vente et de nullité consécutive du contrat de prêt affecté.
Prononce la nullité du contrat conclu le 10 mai 2017 entre M et Mme [S] et la Sas IC Groupe (anciennement Immo Confort) prise en la personne de son liquidateur judiciaiore, la Selas Alliance.
Prononce la nullité du contrat de crédit affecté souscrit par M et Mme [S] auprès de la Sa Franfinance le 10 mai 2017.
Condamne la Sa Franfinance aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne la Sa Franfinance à payer à M et Mme [S] la somme de 2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la Sa Franfinance à restituer à M et Mme [S] la somme de 9359,52 € au titre des mensualités versées au titre de l’emprunt souscrit au mois de septembre 2020, outre les mensualités qui auraient été payées depuis cette date.
Déboute la Sa Franfinance de sa demande de remboursement du capital prêté à M et Mme [S].
Fixe à la somme de 5390 € TTC la créance de M et Mme [S] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas IC Groupe au titre des travaux de dépose de l’installation et de remise en état.
Fixe à la somme de 29.312,40 € le montant de la créance de la Sa Franfinance au passif de la liquidation judiciaire de la Sas IC Groupe.
Condamne la Sa Franfinance aux dépens de première instance et d’appel.
Condamne la Sa Franfinance à payer à M et Mme [S] la somme de 2500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute M et Mme [S] de leur demande présentée au titre des dispositions relatives au tarif des huissiers.
Le Greffier Le Président
N. DIABY M. DEFIX