Droit de rétractation : décision du 28 février 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00427
Droit de rétractation : décision du 28 février 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00427
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ARRET

S.A. FLOA EXERÇANT SOUS LE NOM COMMERCIAL BANQUE DU GROUPE CASINO

C/

[B]

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 FEVRIER 2023

N° RG 21/00427 – N° Portalis DBV4-V-B7F-H7C4

JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE LAON EN DATE DU 02NOVEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. FLOA EXERÇANT SOUS LE NOM COMMERCIAL BANQUE DU GROUPE CASINO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit

siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

ET :

INTIME

Monsieur [U] [B]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assigné à l’étude le 16/03/21

DEBATS :

A l’audience publique du 13 Décembre 2022 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Février 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.

DECISION

Selon offre préalable acceptée le 24 septembre 2008 la SA Banque du groupe Casino a consenti à M. [U] [B] un crédit renouvelable d’un montant de 15000 euros au taux de 18,382 % l’an.

Se prévalant du défaut de paiement des échéances convenues, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 septembre 2019 La SA Banque du groupe Casino a adressé à M. [B] une mise en demeure de payer une somme de 8346,65 euros dans les huit jours prononçant la déchéance du terme.

Par acte d’huissier en date du 3 juin 2020 le prêteur a fait assigner M. [B] devant le juge des contentieux de la protection afin de le voir condamner au paiement de la somme de 8598,47 euros avec intérêts au taux contractuel de 18,382% l’an courus et à courir à compter du 24 septembre 2019 ainsi que la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile .

Par jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Laon en date du 2 novembre 2020, la SA Banque du groupe Casino a été déclarée recevable en son action, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels a été prononcée et M. [B] a été condamné à payer au prêteur la somme de 770,51 euros pour solde du prêt avec intérêts au taux légal à compter de la décision, la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée et M. [B] a été condamné aux dépens, le tout avec exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 janvier 202I la SA Floa exerçant sous le nom commercial Banque du groupe Casino a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et condamné l’emprunteur au paiement de la somme de 770,51 euros et rejeté sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 14 avril 2021 la SA Floa demande à la cour d’infirmer sur ces chefs le jugement entrepris et statuant à nouveau de juger que sont applicables les dispositions du code de la consommation antérieures à la loi du 1er juillet 2010 au regard de la date d’acceptation de l’offre de prêt qui en conséquence n’est entachée d’aucune irrégularité et de condamner M. [B] à lui payer la somme de 8598,47 euros avec intérêts au taux de 18,382 % à compter du 7 mai 2019 ainsi que la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Delahousse et Associés.

La déclaration d’appel a été signifiée à M. [B] par acte d’huissier en date du 16 mars 2021 remis en l’étude et les conclusions de l’appelant lui ont été notifiées par acte d’huissier en date du 15 avril 2021 remis en l’étude.

M. [B] n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.

SUR CE

Sur le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts

Le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts en relevant que la remise de la fiche d’informations précontractuelles à l’emprunteur n’est pas justifiée, ni la consultation préalable du FICP et que le prêteur ne rapportait pas la preuve du recueil d’éléments suffisants permettant d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur. Enfin il a relevé que le prêteur ne justifiait pas avoir joint à l’exemplaire du contrat de crédit remis à l’emprunteur le formulaire détachable lui permettant d’exercer son droit de rétractation dans un délai de 14 jours.

La SA Floa soutient que l’ancien article L 311-15 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 offrait à l’emprunteur la faculté de revenir sur son engagement et qu’il était joint à l’offre préalable un formulaire dit de rétractation même si la rétractation pouvait intervenir sur n’importe quel support.

Elle fait valoir que le bon sens et la jurisprudence avaient déjà considéré que le formulaire de rétractation devait essentiellement figurer dans l’exemplaire emprunteur et n’avait pas à figurer sur l’exemplaire prêteur et que cette position a été confortée par les dispositions du nouvel article L 311-12 du code de la consommation qui précisent qu’un formulaire détachable est joint à l’ exemplaire du contrat destiné à l’emprunteur.

Elle soutient par ailleurs que la reconnaissance par l’emprunteur de la remise d’un exemplaire des conditions générales et particulières du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation établit l’accomplissement de cette exigence et qu’en l’espèce M. [B] a bien reconnu être resté en possession d’un exemplaire de cette offre doté d’un formulaire détachable de rétractation, la preuve de l’irrégularité de ce bordereau incombant au demeurant à l’emprunteur conformément à une jurisprudence bien établie.

Elle fait valoir ainsi qu’il ne peut être reproché au prêteur de ne pas rapporter la preuve de la conformité du bordereau de rétractation figurant sur l’offre remise à l’emprunteur.

Elle ajoute qu’en tout état de cause la sanction de la déchéance du droit aux intérêts édictée par l’ancien article L 311-33 du code de la consommation n’est applicable qu’à la méconnaissance des anciens articles L 311-8 à L 311-13 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à la loi du 1er juillet 2010 alors que les dispositions relatives au bordereau se trouvent à l’article L 311-15 du même code et ne sont sanctionnées selon l’article L311-14 ancien que par une amende pénale en cas d’absence ou d’irrégularité qui ne pourra être prononcée qu’à la condition que soit prouvé le préjudice résultant de l’absence de bordereau.

S’agissant de l’absence de remise de la fiche d’informations précontractuelles et de l’absence de justification de la consultation du FICP elle fait valoir que ces obligations faites au prêteur sont issues de la loi du 1er juillet 2010 qui ne sont entrées en application que pour les crédits consentis à compter du 1er mai 2011 et qu’elles ne peuvent en conséquence recevoir application, le contrat de crédit utilisable par fractions ayant été consenti le 24 septembre 2008.

Il convient de relever qu’au regard de la date de signature du contrat, il convient d’appliquer les textes antérieurs à la réforme Lagarde mise en place par la loi du 1er juillet 2010.

Dès lors il ne saurait être mis à la charge du prêteur l’obligation de remettre une fiche d’informations précontractuelles.

Toutefois s’agissant d’une ouverture de crédit renouvelable utilisable par fractions il convient de retenir que les renouvellements annuels postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 soit au 1er mai 2011 se trouvent soumis aux nouvelles dispositions issues de cette loi et en particulier à l’article L 311-16 selon lequel avant de proposer à l’emprunteur de reconduire le contrat, le prêteur consulte tous les ans le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, et, tous les trois ans, il vérifie la solvabilité de l’emprunteur dans les conditions fixées à l’article L. 311-9″, cet article L 311-16 al 4 s’appliquant, selon le décret n° 2011-457 du 26 avril 2011 (article 1er, III), aux contrats de crédit renouvelable souscrits avant le 1er mai 2011 et dont la première reconduction (sous-entendu : postérieure à cette date) intervient à compter du 1er août 2011.

Alors que le présent contrat s’est poursuivi et a été renouvelé bien au-delà du 1er mai 2011 il n’est pas justifié par le prêteur des conditions des renouvellements intervenus pendant près de huit ans après l’entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 2010 et notamment de sa consultation du FICP.

Par ailleurs avant la loi du 1er juillet 2010 il était déjà admis qu’il appartenait au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur quand bien même il ne lui était pas fait obligation de vérifier préalablement le FICP.

Dès lors faute de justifier de tout recueil d’éléments quant à la solvabilité de l’emprunteur et du respect de ses obligations par le prêteur lors des renouvellements du contrat le prêteur encourt la déchéance du droit aux intérêts et la décision entreprise doit être confirmée.

De plus aux termes de l’article L.311-33 du code de la consommation en sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l’emprunteur d’une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L 311-8 à L311-13 est déchu du droit aux intérêts et l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ».

Cet article sanctionnait notamment la violation de l’ article L 311-13 du même code , qui prévoyait que les modèles types d’offre préalable de crédit sont établis par décret, à savoir par les articles R.311-6 et R.311-7.

Or, ces modèles types exigeaient la présence d’un bordereau détachable de rétractation conformément à ce qu’impose l’article L 311-15 du code de la consommation , aux termes duquel « lorsque l’offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d’agréer la personne de l’emprunteur, le contrat devient parfait dès l’acceptation de l’offre préalable par l’emprunteur. Toutefois, l’emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre, revenir sur son engagement.

Pour permettre l’exercice de cette faculté de rétractation , un formulaire détachable est joint à l’offre préalable’».

Dès lors, l’absence de bordereau de rétraction joint à l’offre laissée en possession de l’emprunteur était bien, dès avant la réforme issue de la loi du 1er juillet 2010, sanctionnée par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels.

Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles en application de l’article 1315 du code civil , la signature par l’emprunteur, comme en l’espèce, de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises .

En l’espèce l’offre préalable produite par le prêteur ne comporte pas de bordereau détachable de rétractation et si l’emprunteur reconnaît avoir reçu un exemplaire de l’offre doté d’un tel bordereau il est désormais établi que le prêteur ne peut se contenter de cette formule au demeurant en l’espèce inscrite sous la signature sous forme de note de bas de page, et doit justifier d’éléments permettant de conforter la réalité de cette remise.

Il n’est justifié d’aucun élément complémentaire par la SA FLoa.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.

Sur le montant des sommes dues

Le montant des sommes dues par l’emprunteur retenu par le premier juge en déduisant de la créance de la banque comprenant le capital emprunté et l’assurance le montant des sommes versées par l’emprunteur soit la somme de 770,51 euros n’est pas en lui-même contesté.

Il convient en conséquence de confirmer sur ce chef également la décision entreprise.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il convient de condamner la SA Floa aux entiers dépens d’appel et de la débouter de sa demande formée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Déboute la SA Floa de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens d’appel.

Le Greffier, La Présidente,

 


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