Droit de rétractation : Décision du 27 septembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03652

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Droit de rétractation : Décision du 27 septembre 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/03652

AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 20/03652 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NBGC

[E]

C/

Société ALLIANZ VIE

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 18 Juin 2020

RG : 19/00325

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2023

APPELANT :

[O] [E]

né le 23 octobre 1968 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Elise LAPLANCHE de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Marc TURQUAND D’AUZAY, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société ALLIANZ VIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Céline CHILEWSKI de la SELEURL CELINE CHILEWSKI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Juin 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Joëlle DOAT, Présidente

Nathalie ROCCI, Conseiller

Anne BRUNNER, Conseiller

Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 27 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 3 décembre 1999 à effet du 1er  2000, M. [O] [E] a été embauché par la société Assurances Générales de France (AGF), désormais société Allianz, en qualité d’inspecteur d’assurances, statut cadre, classe 6 de la convention collective nationale de l’inspection d’assurances.

Le salarié a occupé ensuite divers postes avant d’être nommé directeur régional Sud Est courtage, responsable des délégations de [Localité 6] et [Localité 5], le 1er avril 2014, son lieu de travail étant fixé à [Localité 5].

Le 1er janvier 2015, il a été nommé ‘Allianz France Executive’ et le 1er janvier 2016, ‘Allianz Executive’ et il est entré au comité de direction (CODIR) du courtage d’Allianz France.

M. [E] expose que :

– le 6 avril 2018, son responsable hiérarchique lui a annoncé par téléphone qu’il n’était plus directeur régional Sud-Est et qu’il ne faisait plus partie du CODIR

– le dimanche 8 avril 2018, le nouveau directeur commercial, M. [X], lui a demandé par message téléphonique écrit de se présenter à son bureau le 10 avril 2018

– lors de l’entrevue du 10 avril 2018, M. [X] lui a proposé un poste de délégué ‘grand courtage’ situé à [Localité 7]

– au cours d’une réunion plénière du 11 avril 2018, la direction a présenté aux 200 collaborateurs présents le ‘plan courtage 2020″ et les salariés ont alors découvert qu’il n’était plus au CODIR et n’était plus directeur régional Sud-Est.

– par message téléphonique écrit du 20 avril 2018, son nouveau supérieur hiérarchique lui a demandé d’écrire à M. [X] ‘avec ce que tu souhaites’

– après un entretien du 31 mai 2018, il a transmis le 4 juin 2018 à M. [X] ses demandes relatives au poste qui était envisagé pour lui.

Par lettre du 21 septembre 2018, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Par requête du 6 février 2019, il a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant, à titre principal, de déclarer son licenciement nul, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser des indemnités et des dommages et intérêts à ce titre, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de faits de harcèlement moral et diverses sommes au titre de la part variable et du bonus 2018.

Par jugement du 18 juin 2020, le conseil de prud’hommes a :

– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’une démission

– débouté Monsieur [E] [O] de l’intégralité de ses demandes 

– débouté la SA ALLIANZ VIE de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité compensatrice de préavis 

– débouté la SA ALLIANZ VIE de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

– condamné Monsieur [E] [O] aux dépens de l’instance.

M. [E] a interjeté appel de ce jugement, le 10 juillet 2020.

Il demande à la cour :

– d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a débouté la SA ALLIANZ VIE de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile

– de dire que la prise d’acte de rupture s’analyse en un licenciement nul, à tout le moins privé de cause réelle et sérieuse

– de condamner la société Allianz à lui payer :

* indemnité conventionnelle de licenciement : 265 081,78 euros

* indemnité compensatrice de préavis : 56 357,04 euros bruts, outre 10 % au titre des congés payés, soit 5 635,70 euros bruts

* part variable 2018 : complément de 2 834,16 euros bruts, outre 10 % de la prime totale au titre des congés payés, soit 2 121,73 euros bruts

* bonus 2018 : complément de 14 697,25 euros bruts, outre 10 % de la prime totale au titre des congés payés, soit 2 523,83 euros bruts

* dommages et intérêts pour licenciement nul (à titre principal) : 320 000 euros nets

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (à titre subsidiaire) : 200 000 euros nets

– dommages et intérêts pour harcèlement moral (à titre principal) : 160 000 euros nets

– dommages et intérêts pour préjudice moral (à titre subsidiaire) : 160 000 euros nets

– article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros

– d’ordonner la remise d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard après un délai de deux mois suivant la notification du ‘jugement’

– de débouter la société Allianz de ses demandes.

La société Allianz Vie demande à la cour :

à titre principal,

– de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnation de Monsieur [E] à lui payer une indemnité compensatrice de préavis 

statuant à nouveau :

– de condamner Monsieur [E] à lui payer la somme de 56 357 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

à titre subsidiaire,

– de limiter le montant des indemnités allouées à de plus justes proportions 

en tout état de cause,

– de condamner Monsieur [E] à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d’appel, ceux d’appel étant distraits au profit de Maître Romain LAFFLY ‘ LEXAVOUE [Localité 5] sur son affirmation de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mai 2023.

SUR CE :

Sur le harcèlement moral

A l’appui de sa demande, M. [E] invoque les faits suivants :

* une annonce téléphonique impromptue et lapidaire d’une rétrogradation le 6 avril 2018

* suivie d’un SMS reçu un dimanche le convoquant à un entretien à 8 heures du matin deux jours après à [Localité 7]

* suivie d’une proposition inconsistante de rétrogradation

* suivie d’une humiliation publique devant 200 personnes

* suivie d’une parodie, toujours par SMS, de recherche d’une solution qui n’existe pas

* suivie d’une exclusion publique avec disparition de l’organigramme

* suivie par un refus réitéré de répondre à ses demandes ou à celles de son avocat

* suivie d’une privation totale de travail pendant deux mois, fût-ce avec maintien de sa rémunération (mais une réduction drastique de part variable et de bonus).

La société Allianz Vie fait valoir que :

– à compter du mois de janvier 2018, elle a décidé de renforcer la direction grand courtage et, dans le cadre de son pouvoir de direction, de confier à M. [E] un poste de délégué grand courtage

– alors que les demandes du salarié concernant le poste proposé justifiaient que le directeur commercial prenne le temps de les étudier, sans attendre son retour, ni le relancer, M. [E], contre toute attente, a finalement indiqué qu’il refusait le poste, si bien qu’elle a été prise au dépourvu

– compte tenu du niveau de qualification et de rémunération du salarié et de son revirement soudain et inattendu, elle avait besoin d’un certain délai pour pouvoir lui proposer un nouveau poste, mais le salarié n’a pas souhaité attendre une nouvelle proposition de sa part 

– rien n’a été imposé à M. [E] qui avait accepté de se positionner sur le poste proposé de délégué grand courtage avant de revenir sur son acceptation, ce dont elle a pris acte

– il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir eu d’autre poste à lui proposer dans les quarante-huit heures 

– le salarié a été dispensé d’activité à sa demande et à la demande de son avocat ; ce n’est pas elle qui lui a imposé cette dispense

– le salarié ne démontre pas que la situation a eu des conséquences sur son état de santé 

– le changement soudain de comportement du salarié et sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat s’expliquent par le fait qu’il a trouvé un nouvel emploi.

****

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L1154-1 dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 dispose que, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l’obligation de rapporter la preuve d’éléments précis et concordants ; ce n’est qu’à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.

Le salarié rapporte la preuve des faits qu’il expose à l’appui de sa demande.

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [E] exerçait la fonction de directeur commercial régional sud-est depuis le 1er janvier 2014 et avait perçu un bonus de 22 610,84 euros pour l’année 2016 et un bonus de 25 238 euros pour l’année 2017, que son changement de fonction lui a été annoncé téléphoniquement le 6 avril 2018, qu’il a été convoqué chez son responsable hiérarchique, M. [X], directeur commercial de la société Allianz Courtage, par message téléphonique écrit reçu un dimanche pour un entretien fixé au surlendemain, que, par courriel du 10 avril 2018, M. [X] a remis à M. [E] une lettre de mission ‘délégué régional-délégué grand courtage’, mentionnant que le titulaire de ce poste était le représentant d’Allianz France auprès des courtiers de la délégation régionale qui lui étaient confiés ou des grands courtiers dont il avait la responsabilité, sous l’autorité hiérarchique du directeur commercial régional ou du directeur commercial grand courtage, que, lors d’une réunion du 11 avril 2018, la direction a annoncé aux collaborateurs, notamment ceux qui travaillaient directement sous la responsabilité de M. [E], que ce dernier ne serait plus leur directeur commercial et qu’il ne ferait plus partie du comité de direction (CODIR) et que  M. [E] a été immédiatement remplacé à son poste par M. [Y].

Il est établi que le salarié s’est alors retrouvé sans activité, ni attribution, puisque, le 20 avril 2018, M. [F] a indiqué à M. [E] par message téléphonique écrit : ‘j’espère que tu fais ton chemin, moi j’avance dans la construction du Co dir Grand courtage avec de nouveaux talents hors scope et je trouve de plus en plus que ton profil

serait très complémentaire et amplificateur de valeurs ajoutées’ ‘vu avec [B] hier soir, peux-tu lui faire un mail avec ce que tu souhaites et il te répond’, ce qui montre qu’à cette date, le nouveau poste annoncé était toujours en cours de définition et qu’aucune proposition concrète n’avait été faite au salarié.

M. [E] a écrit le 25 avril 2018 à M. [F] qu’à la suite d’une discussion du 24 avril 2018 avec ‘[L]’ et ses préconisations, il ‘se positionnait sur le poste de délégué grand courtage sous réserve de l’issue favorable des discussions à venir sur lesquelles il transmettra ses propositions au plus tard à la fin du mois de mai.’

Le 31 mai 2018, M. [X] a présenté aux directeurs régionaux le plan de transformation Courtage 2020 dont le contenu avait été annoncé lors de la réunion du 11 avril 2018 auquel est joint un organigramme sur lequel M. [Y] figure en tant que directeur commercial sud-est et M. [E] en tant que délégué grand courtage sous la hiérarchie de M. [F], directeur commercial grand courtage.

Le 4 juin 2018, M. [E] a exposé à M. [X] les conditions dans lesquelles il souhaitait occuper le poste de délégué grand courtage (rémunération, positionnement, bonus, lieu de travail à [Localité 5] et non à [Localité 7], droit de rétractation), puis, le 11 juin 2018, il a écrit à ce dernier qui ne lui avait pas encore répondu qu’après réflexion et vu le contexte, il refusait le poste de délégué grand courtage qui lui était imposé.

Il est ainsi démontré que l’employeur a retiré à M. [E] ses fonctions de directeur régional sud-est sans préavis pour les confier immédiatement à un autre salarié, a annoncé publiquement ce remplacement au cours d’une réunion à laquelle participaient 200 collaborateurs dont faisait partie l’équipe du salarié destinée à présenter la réorganisation du service courtage pour le 1er septembre 2018, lui a proposé un poste dont, ni le contenu, ni les conditions n’avaient encore été précisément définis, positionné à un niveau hiérarchique inférieur (sous la hiérarchie d’un directeur commercial, fonction qui était la sienne précédemment) et n’a pas répondu au salarié quand il a fait connaître les conditions dans lesquelles il était susceptible d’accepter le poste de délégué grand courtage proposé.

A compter du 11 avril 2018, M. [E] n’avait plus de poste, plus de travail à accomplir, plus d’équipe à encadrer. Il a dû demander lui-même une dispense officielle d’activité qui lui a été accordée immédiatement.

Ces faits pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’un harcèlement.

L’employeur n’apporte aucun élément de nature à justifier sa décision par des éléments objectifs.

En effet, il n’explique pas pour quels motifs :

– il n’a pas prévenu M. [E] qu’il envisageait de le remplacer au poste de directeur régional sud-est

– il lui a annoncé son remplacement de la manière ci-dessus décrite

– il lui a proposé un poste positionné à un niveau hiérarchique inférieur, situé à [Localité 7] et non plus à [Localité 5], sans attributions clairement définies, ce qui constituait une modification unilatérale du contrat de travail

– il a confié sur le champ à quelqu’un d’autre le poste de directeur régional sud-est alors qu’il n’avait aucun autre poste de niveau équivalent à attribuer au salarié et l’a donc privé de travail, de statut et de responsabilités

– il a attendu de M. [E] qu’il fasse lui-même des propositions quant au poste qu’il était susceptible d’occuper

– il l’a laissé dans l’incertitude sur son avenir dans la société malgré une ancienneté de dix-huit années et les bons résultats de son activité, lui écrivant notamment le 25 juillet 2018 : ‘nous reviendrons vers toi dès que possible dans l’intervalle et pour rappel, tu es en dispense d’activité payée. Je ne crois pas qu’on puisse considérer ce traitement comme du harcèlement. Cette considération est très exagérée’

– il n’a pas répondu aux lettres envoyées par l’avocat de M. [E] le 15 juin, le 11 juillet et le 12 septembre 2018, l’invitant notamment à envisager une solution amiable à la situation qu’il avait lui-même créée.

Les agissements de l’employeur ont porté atteinte aux droits et à la dignité du salarié.

Les deux certificats médicaux datés des 30 août et 5 septembre 2018 produits aux débats par M. [E] démontrent en outre que ce dernier a présenté un syndrome anxieux important en lien, selon le patient, avec un changement de poste brutal sans préparation préalable au sein de son entreprise.

Le harcèlement moral est dès lors constitué.

Il convient de condamner la société Allianz Vie à payer à M. [E] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement dont il a été victime.

Le jugement qui a rejeté ce chef de demande doit être infirmé.

Sur la rupture du contrat de travail

L’article L.1152-2 du code du travail dispose qu’aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Aux termes des dispositions de l’article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Aux termes de sa lettre de prise d’acte en date du 21 septembre 2018, M. [E] impute la rupture de son contrat de travail aux agissements ci-dessus caractérisés à l’encontre de l’employeur, constitutifs de harcèlement moral.

Dans ces conditions, la prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement nul.

Il convient en conséquence de condamner l’employeur à payer à M. [E] les sommes suivantes :

– 56 357,04 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice du préavis de 6 mois, outre l’indemnité de congés payés afférente

– 171 504, 01 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 145 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l’illicéité de la rupture, en application de l’article L 1235-3-1 du code du travail issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, tenant compte de l’ancienneté du salarié, de son âge à la date de la rupture (50 ans) et du fait qu’il a rapidement retrouvé un emploi.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la part variable

M. [E] estime que, pour l’année 2018, il est en droit de prétendre au versement d’une part variable équivalente à celle perçue pour l’année 2017.

Or, lorsqu’une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice.

La société a versé au salarié pour l’année 2018 une part variable d’un montant de 18 383,15 euros, correspondant à la rémunération variable dûe jusqu’au 21 septembre 2018, date à laquelle il a quitté l’entreprise.

Dès lors, M. [E] a été rempli de ses droits et il convient de confirmer le jugement qui a rejeté cette demande.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du bonus 2018

Pour le même motif que ci-dessus, la demande doit être rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel d’indemnité au titre de l’accord GPEC

M. [E] invoque les dispositions de l’article 13 de l’accord intitulé GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) conclu le 19 septembre 2017 dont il soutient qu’elles lui sont applicables et revendique à ce titre l’allocation d’une somme de 93 577,77 euros.

La société Allianz Vie fait valoir que la situation de M. [E] ne constitue pas un cas de « mobilité dynamique » tel que prévu dans l’accord de GPEC.

****

L’article 13 de l’accord énonce qu’en cas d’échec du reclassement interne des salariés, (c’est à dire la situation où ils refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations du présent accord relatives à la mobilité dynamique et qui n’acceptent aucun poste de reclassement disponible), leur licenciement reposera alors sur un motif économique et se trouvera être prononcé sur les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et que les salariés dont le contrat est rompu dans le cadre d’un licenciement individuel pour motif économique perçoivent une indemnité forfaitaire additionnelle à l’indemnité conventionnelle de licenciement.

La prise d’acte de M. [E] produit les effets d’un licenciement nul, indemnisé comme tel, et non ceux d’un licenciement pour motif économique.

Les conditions de versement d’une indemnité conventionnelle additionnelle ne sont pas réunies et la demande doit être rejetée.

Il convient d’ordonner à la société Allianz Vie de remettre à M. [E] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Le recours de M. [E] étant accueilli pour l’essentiel, la société Allianz Vie, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes en paiement d’un solde de rémunération variable, d’un solde de bonus et d’un supplément d’indemnité conventionnelle de licenciement au titre de l’accord GPEC

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la société Allianz Vie à payer à M. [O] [E] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice causé par le harcèlement moral

DIT que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul

CONDAMNE la société Allianz Vie à payer à M. [O] [E] les sommes suivantes :

– 56 357,04 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 5 635,70 euros à titre d’indemnité de congés payés afférente

– 171 504,01 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

– 145 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l’illicéité de la rupture

ORDONNE à la société Allianz Vie de remettre à M. [E] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi rectifiés au vu des dispositions du présent arrêt

REJETTE la demande en fixation d’une astreinte

CONDAMNE la société Allianz Vie aux dépens de première instance et d’appel

CONDAMNE la société Allianz Vie à payer à M. [O] [E] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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