Droit de rétractation : Décision du 26 septembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/00690

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Droit de rétractation : Décision du 26 septembre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/00690

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 26 septembre 2023

N° RG 22/00690 – N° Portalis DBVU-V-B7G-FZD6

-LB- Arrêt n°

S.A.S. TRADIECO / [S] [T]

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MOULINS, décision attaquée en date du 01 Mars 2022, enregistrée sous le n° 20/00444

Arrêt rendu le MARDI VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. TRADIECO

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Christophe GALAND de la SARL TRUNO & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [S] [T]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Maître Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Stéphane MESONES, avocat au barreau de MOULINS

Timbre fiscal acquitté

INTIME

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 22 juin 2023, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme BEDOS, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 septembre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme DHOME, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 14 mai 2019, la SAS Tradieco et M. [S] [T] ont conclu un contrat de construction d’une maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan moyennant le paiement du prix forfaitaire et définitif de 128’740 euros TTC.

Le permis de construire a été délivré le 19 décembre 2019.

Par courrier du 26 février 2020, la SAS Tradieco a informé M. [T] de la levée de toutes les conditions suspensives contenues au CCMI permettant de planifier sans délai l’ouverture du chantier.

En l’absence de réponse, la SAS Tradieco, par lettre recommandée du 25 mai 2020, a interrogé M. [T] sur ses intentions, lui indiquant que dans le cas où il souhaiterait annuler le projet, il serait redevable de la pénalité d’annulation (12’874 euros) et du montant des frais exposés pour les besoins de l’instruction du dossier, soit un total de 18’574,72 euros.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 juin 2020, le conseil de M. [T] a indiqué à la SAS Tradieco que son client se trouvait dans l’impossibilité de poursuivre le projet de construction, invoquant l’existence d’un cas de force majeure constitué par son état de santé et a contesté, pour la même raison, la demande financière.

Par courrier du 25 juin 2020, le conseil de la SAS Tradieco, rappelant qu’il appartenait à M. [T] de rapporter la preuve de la cause d’exonération invoquée, a réclamé la communication de tout justificatif de l’état de santé de ce dernier, ajoutant qu’en toute hypothèse, les frais exposés avant le problème médical rencontré par M. [T] étaient dus, soit la somme de 5673,72 euros (frais d’étude thermique, de permis de construire et d’assurance).

Sans réponse à ce courrier, la SAS Tradieco, par acte d’huissier en date du 22 septembre 2020, a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Moulins M. [T] afin d’obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 12’874 euros au titre de l’indemnité de résiliation contractuelle, 5673,72 euros au titre des dépenses engagées pour l’instruction du projet de construction outre 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er mars 2022, le tribunal judiciaire a statué en ces termes :

-Déboute M. [S] [T] de ses demandes tendant à l’annulation du contrat de construction de maison individuelle et de ses demandes tendant à constater que le délai de rétractation n’aurait pas valablement couru ;

-Dit que M. [S] [T] s’est trouvé dans un cas de force majeure justifiant l’inexécution du contrat ;

-Déboute en conséquence la SAS Tradieco de ses demandes en paiement de l’indemnité de résiliation contractuelle et des frais engagés ;

-Déboute les parties de leurs demandes faites sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la SAS Tradieco aux dépens ;

-Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

-Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

La SARL Tradieco a relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 5 avril 2022.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 6 avril 2023.

Vu les conclusions en date du 17 juin 2022 aux termes desquelles la SAS Tradieco demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

-Dit que M. [S] [T] s’est trouvé dans un cas de force majeure justifiant l’inexécution du contrat ;

-Débouté en conséquence la SAS Tradieco de ses demandes en paiement de l’indemnité de résiliation contractuelle et des frais engagés ;

-Débouté les parties de leurs demandes faites sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné la SAS Tradieco aux dépens ;

-Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Et, statuant à nouveau des chefs du jugement critiqués,

-Condamner M. [S] [T] à lui payer les sommes suivantes :

-5673,72 euros au titre du travail réalisé et des dépenses engagées dans le cadre du projet de construction ;

-12’874 euros au titre de l’indemnité de résiliation contractuelle à la charge du maître d’ouvrage ;

-3000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour ;

-Condamner M. [S] [T] aux entiers dépens de l’instance ;

-Débouter M. [S] [T] de toute demande plus ample ou contraire.

Vu les conclusions en date du 12 juillet 2022 aux termes desquelles M. [T] demande à la cour de :

Sur son appel incident,

-Infirmer la décision dont appel sur les moyens tirés des irrégularités formelles du CCMI ;

-Juger que le CCMI présente des irrégularités formelles ;

-Juger que le CCMI ne contient pas de date avant la signature des parties ;

-Lui donner acte qui l’invoque et exerce son droit de rétractation prévu par l’article L. 271-1 alinéa 1 du code de la construction et de l’habitation ;

-Juger que le CCMI est nul et de nul effet en raison de l’absence de mention détaillée de la nature du terrain à construire (article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation) ;

-Juger enfin que le CCMI est nul et de nul effet en raison de l’absence de mention du titre de propriété (article R. 231-1 du code de la construction et de l’habitation) ;

-Annuler en conséquence le contrat de construction litigieux ;

-Débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Sur l’appel principal de la SAS Tradieco,

-Débouter la SAS Tradieco de l’ensemble de ses demandes ;

-Si par impossible la cour ne déboutait par la SAS Tradieco de ses demandes, ramener la pénalité correspondant à une clause pénale à UN euro ;

Sur la demande reconventionnelle,

-Condamner la SARL Tradieco à lui payer une somme de 20’000 euros à titre de dommages et intérêts ;

-Condamner la SAS Tradieco à lui payer une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Rahon.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera rappelé en premier lieu qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu’elle n’a pas à se prononcer sur les demandes de « constater que… » ou de « dire et juger que…» lorsque celles-ci ne correspondent pas à des prétentions au sens des articles 4, 31 et 954 du code de procédure civile, mais en réalité à des moyens ou arguments invoqués au soutien des véritables prétentions.

-Sur la demande d’annulation du contrat de construction de maison individuelle :

-Sur la date du contrat :

M. [T] fait observer que le contrat signé avec la SAS Tradieco ne comporte pas de date avant l’apposition de la signature des parties. Il apparaît en effet que la date apparaît uniquement sur la page 4 de l’acte, qui ne contient d’ailleurs que cette seule mention, en ces termes : « contrat établi en trois exemplaires Moulins le 14/05/2019 », alors que la signature des parties figure en page 3 de l’acte.

M. [T] souligne que dans ces conditions, il n’est pas possible de connaître la date d’acceptation du contrat.

Il convient de rappeler toutefois que, sauf exception prévue par la loi, l’indication de la date dans un acte sous signature privée n’est pas une condition de validité de celui-ci, étant précisé qu’en l’occurrence la date ne fait pas partie des mentions obligatoires prévues à peine de nullité par les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives au contrat de construction d’une maison individuelle.

Il peut être relevé en outre que M. [T] indique lui-même dans ses écritures, en page 6, en caractères soulignés, que le contrat a été signé le 14 mai 2019, de sorte qu’il peut difficilement remettre en cause la date d’acceptation des conditions du contrat.

-Sur les mentions obligatoires du contrat de construction d’une maison individuelle :

L’article L. 231-2 a) du code de la construction et de l’habitation prévoit que le contrat doit comporter les énonciations relatives à « la désignation du terrain destiné à l’implantation de la construction et la mention du titre de propriété du maître de l’ouvrage ou des droits réels lui permettant de construire ».

L’article R231-2 du même code précise qu’il est satisfait aux obligations prévues au a de l’article L. 231-2 par les énonciations suivantes portées au contrat :

« 1. En ce qui concerne la désignation du terrain : sa situation avec l’indication de son adresse ou lieudit ainsi que sa surface et sa désignation cadastrale ;

2. En ce qui concerne le titre de propriété ou les droits réels permettant de construire : la nature des droits, la nature du titre, sa date, l’indication des nom et adresse du rédacteur de l’acte. »

Il est constant que la violation des règles d’ordre public édictées par l’article L. 231-2 du code de la construction et de l’habitation relatives aux énonciations que doit comporter le contrat avec fourniture de plan est sanctionnée par une nullité relative, susceptible d’être couverte.

M. [T] fait valoir que le CCMI ne contient pas de « détails précis sur la nature du terrain à construire ». Or, cette mention n’est pas exigée par les dispositions auxquelles il se réfère.

Il soutient encore que le contrat n’est pas régulier alors qu’il ne contient pas une mention complète du titre de propriété.

Il est exact en effet que le contrat ne comporte pas d’informations quant à « la nature des droits, la nature du titre, sa date, l’indication des nom et adresse du rédacteur de l’acte », contrairement aux exigences posées par les dispositions précitées.

Toutefois, il est expressément indiqué dans la convention : « Le maître de l’ouvrage doit remettre au constructeur une copie du titre de propriété certifiée conforme, dans le délai prévu pour la réalisation des conditions suspensives », ce dont il résulte que M. [T] a entendu renoncer à se prévaloir de la nullité du contrat pour ce motif.

Il ressort de ces explications que le premier juge a à juste titre débouté M. [T] de sa demande tendant au prononcé de la nullité du contrat. Le jugement sera confirmé sur ce point.

-Sur l’écoulement du délai de rétractation :

M. [T] soutient encore que la SAS Tradieco ne démontre pas lui avoir notifié le contrat, comme l’impose l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, de sorte que le délai de rétractation prévu par ce texte n’a selon lui jamais couru et qu’il est fondé à exercer la faculté de rétractation.

La SAS Tradieco justifie cependant par sa pièce n°7, qui n’est pas commentée par M. [T], avoir notifié à ce dernier le CCMI par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été signé le 25 mai 2019, étant précisé que la signature figurant sur ce document est parfaitement identique à celle figurant sur le contrat.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté ce moyen.

-Sur l’inexécution du contrat par M. [T] :

L’article 1218 du code civil dispose :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Selon l’article 1351 du code civil, « L’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure. »

Il est établi en l’espèce que M. [T] n’a pas exécuté les obligations lui incombant en vertu du contrat signé le 14 mai 2019 alors qu’il a renoncé à poursuivre le projet de construction et ne s’est pas acquitté de l’indemnité mise à la charge du maître d’ouvrage en cas de résiliation.

M. [T], pour justifier l’inexécution de ses obligations, invoque un cas de force majeure constitué par les problèmes de santé dont il a souffert en février 2020, à savoir une affection cardiaque sévère.

Il produit au soutien de ses prétentions :

-Un bulletin d’hospitalisation démontrant qu’il a été hospitalisé du 30 janvier 2020 à 19h55 au 1er février 2020 ;

-Un document de protocole de soins établi le 17 février 2020, avec une durée de validité jusqu’au 30 janvier 2030, en raison d’une « cardiopathie ischémique chronique », en application des articles L. 324-1, L. 160-14-3° et 4° et D.160-4 du code de la sécurité sociale relatifs aux affections de longue durée (ALD), définies comme les affections nécessitant une interruption de travail ou des soins continus d’une durée prévisible égale ou supérieure à six mois ;

-Une prescription médicale de transport en date du 6 février 2020 pour des consultations de suivi en cardiologie, dans le cadre d’une affection de longue durée exonérante ;

– Un certificat médical établi le 9 octobre 2020 par le docteur [F] en ces termes : « Je soussigné certifie que l’état de santé de M. [S] [T], victime d’un grave souci de santé début février 2020, ne lui permet pas de donner suite aux travaux engagés dans le cadre d’une construction de résidence principale ».

Il résulte de ces pièces que M. [T] a été victime d’un grave malaise cardiaque le 30 janvier 2020, s’inscrivant dans le cadre d’une pathologie nécessitant une prise en charge à long terme.

Il est également établi par les éléments du dossier que la survenue de ce problème de santé a eu comme conséquence l’impossibilité pour M. [T] de poursuivre le projet de construction de sa maison, ainsi que cela résulte du certificat médical établi le 9 octobre 2020 par le docteur [F]. Il convient de relever à cet égard d’une part que M. [T] était âgé de 80 ans au moment où est survenu son accident de santé, d’autre part que le contrat signé le 14 mai 2019 l’engageait à s’investir particulièrement dans cette entreprise puisqu’il était prévu qu’il réalise lui-même une partie des travaux, pour un montant évalué à 34’528 euros, correspondant donc à près de 27 % du montant total du marché, dont notamment les travaux de « VRD » (voiries et réseaux divers), estimés à un coût de 17’500 euros.

M. [T] apporte ainsi la preuve qu’en raison d’un événement échappant à son contrôle, au sens de l’article 1218 du code civil, il s’est trouvé dans l’impossibilité définitive d’exécuter ses obligations.

La SAS Tradieco considère cependant que le caractère imprévisible de cet événement au moment de la conclusion du contrat n’est pas établi, alors que, selon elle, M. [T] était manifestement déjà atteint d’une affection de longue durée exonérante à cette époque et en était parfaitement instruit.

Au soutien de cette argumentation, elle souligne que la prescription médicale de transport en date du 6 février 2020 s’inscrivait déjà dans le cadre d’une affection de longue durée exonérante, ce qui démontrerait que le protocole établi le 17 février 2020 correspondait nécessairement à une procédure de renouvellement après une première période initiale d’exonération de cinq ans, renouvelable tous les 10 ans.

Toutefois, cette argumentation ne résiste pas à l’analyse alors d’une part qu’un protocole de soins dans la perspective de la reconnaissance d’une affection de longue durée peut être établi concomitamment pour plusieurs maladies distinctes, et qu’il n’est en l’occurrence nullement démontré que, dans l’hypothèse où M. [T] aurait déjà bénéficié d’un tel régime pour une autre affection, celle-ci aurait été en lien avec la pathologie cardiaque qui s’est manifestée en 2020 et a fait obstacle à la poursuite du projet, d’autre part que, contrairement à ce que soutient l’appelante, il résulte de l’annexe à l’article D160-4 du code de la sécurité sociale que les cardiopathies sévères relèvent d’une exonération initiale accordée pour une durée de dix ans, renouvelable.

Il sera observé en outre que le protocole de soins en date du 17 février 2020 prévoit une durée de validité jusqu’au 30 janvier 2030, soit exactement 10 ans après l’hospitalisation de M. [T] du 30 janvier 2020, ce qui permet sans aucun doute d’établir un lien entre l’accident de santé survenu à cette date et le déclenchement de la procédure « ALD ».

En considération de ces explications, il apparaît que M. [T] rapporte la preuve que les conditions d’application des dispositions de l’article 1218 du code civil sont réunies et que l’inexécution de ses obligations est justifiée par la force majeure.

Il en résulte que M. [T] ne peut être tenu au règlement de l’indemnité forfaitaire prévue au contrat et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Tradieco de sa demande.

S’agissant des prestations déjà réalisées par la SAS Tradieco, et dont celle-ci réclame le paiement (« sommes dues relatives au travail effectué et aux travaux réalisés », selon les termes de l’article XIV C des conditions générales du contrat), il appartient à M. [T] d’en régler le coût, sauf à faire supporter les risques de l’événement constitutif de la force majeure au créancier de l’obligation inexécutée. La réclamation à ce titre doit cependant être justifiée au regard des circonstances et des pièces communiquées.

En l’occurrence, M. [T] fait valoir à juste titre que la SAS Tradieco doit être déboutée de sa demande relative aux frais de l’assurance dommages-ouvrage et de la garantie de livraison à prix et délai convenus.

En effet, ces frais ne correspondent pas aux « sommes dues relatives au travail effectué et aux travaux réalisés », mis expressément à la charge du maître d’ouvrage selon les termes contractuels, mais aux « frais engagés par le constructeur », compris dans l’indemnité forfaitaire, correspondant à 10 % du prix des travaux, définie comme le « dédommagement des frais engagés par le constructeur et en compensation de la perte du bénéfice qu’il aurait pu retirer de la réalisation complète des travaux à sa charge ».

Par ailleurs et en toute hypothèse, de telles garanties, qui doivent être souscrites avant l’ouverture du chantier, sont inutiles si cet événement ne se produit pas, ce qui est le cas en l’espèce. Or, la SAS Tradieco n’avait aucune certitude lui permettant de souscrire un quelconque engagement à ce titre puisqu’elle attendait depuis le 26 février 2020 l’aval de M. [T] précisément « pour planifier l’ouverture du chantier », selon les termes du courrier adressé ce jour-là à ce dernier, et qu’elle a en définitive été prévenue par lettre du 12 juin 2020 de l’arrêt définitif du projet de construction. Enfin, la société Tradieco n’apporte aucune réponse aux interrogations émises par M.[T] quant au fait que, en l’absence de chantier à garantir, les sommes exposées ont probablement été remboursées par la compagnie d’assurance.

Le jugement sera dès lors confirmé, par substitution de motifs, en ce qu’il a rejeté cette demande.

S’agissant des autres sommes réclamées (frais d’étude thermique et facturation des heures de travail réalisées, dont l’élaboration du dossier de permis de construire par un architecte), M. [T] fait observer justement que les pièces produites par la SAS Tradieco ne permettent aucunement de démontrer que celle-ci ait effectivement exposé les sommes dont le paiement est réclamé, alors qu’aucune facture acquittée portant le cachet du prestataire extérieur désigné n’est versée aux débats devant la cour, nonobstant le fait que M. [T] ait déjà soulevé cette contestation devant le premier juge, comme il en est justifié par la production de ses conclusions de première instance (pièce n°11).

En définitive, la SAS Tradieco doit être déboutée de sa demande, qui n’est pas suffisamment justifiée par les pièces versées aux débats.

– Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par M. [T] :

L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation qu’en cas de faute, que le seul fait de relever appel d’un jugement ne suffit pas à caractériser et dont l’existence n’est pas démontrée en l’espèce.

M. [T] sera débouté de sa demande et il sera ajouté au jugement sur ce point, cette prétention indemnitaire n’ayant été formulée qu’à hauteur d’appel,

– Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement sera confirmé sur les dépens et le rejet des demandes présentées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS Tradieco sera condamnée aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [T] la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, par substitution partielle de motifs,

Ajoutant au jugement,

Déboute M. [S] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la SAS Tradieco aux dépens d’appel, cette condamnation étant assortie au profit de maître [O] [V] du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision, en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SAS Tradieco à payer à M. [S] [T] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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