Droit de rétractation : Décision du 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00667

·

·

Droit de rétractation : Décision du 26 octobre 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00667

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/10/2023

la SELARL CASADEI-JUNG

Me Julie HELD-SUTTER

ARRÊT du : 26 OCTOBRE 2023

N° : 194 – 23

N° RG 21/00667

N° Portalis DBVN-V-B7F-GKAG

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Orléans en date du 03 Février 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262822823366

S.A.S.U. FRANFINANCE LOCATION

[Adresse 4]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel POTIER membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Nicolas CROQUELOIS, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉS : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265271189850724

Monsieur [C] [L]

né le [Date naissance 3] 0197 à [Localité 7]

de profession avocat

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Julie HELD-SUTTER, avocat au barreau d’ORLEANS

Madame [P] [N]

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 8]

de profession avocat

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant pour avocat Me Julie HELD-SUTTER, avocat au barreau d’ORLEANS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 01 Mars 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 Décembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 07 SEPTEMBRE 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 26 OCTOBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 4 mars 2010, la société Franfinance location a conclu avec M. [C] [L] un contrat de location financière numéro 000419119-00 d’une durée de 63 mois, portant sur un serveur de communication Alcatel ECS Premium (n° de série R100410PFEU0004) fourni par la société Copwell France. Le loyer trimestriel stipulé est de 727 euros HT.

Le même jour, la société Franfinance location a conclu avec Mme [P] [N] un contrat de location financière numéro 000419122-00 d’une durée de 63 mois, portant sur un serveur de communication étendue Alcatel OMNIPCX (n° de série CPUFF01A40E), pareillement fourni par la société Copwell France. Le loyer trimestriel stipulé est également de 727 euros HT.

Des loyers étant restés impayés, la société Franfinance location a mis en demeure chacun de Mme [N] et de M. [L] de régulariser la situation sous peine de résiliation de leurs contrats par courriers recommandés des 25 septembre et 4 octobre 2013.

La société Franfinance a provoqué la résiliation anticipée du contrat numéro 000419119-00 le 30 juillet 2014, et tenté de mettre en demeure M. [L] de lui payer la somme totale de 8’625,66 euros et de lui restituer le matériel loué par courrier du 4 août suivant, adressé sous pli recommandé retourné par les services de La Poste avec la mention «’destinataire inconnu à l’adresse’».

La société Franfinance avait pareillement provoqué la résiliation anticipée du contrat numéro 000419122-00 dès le 14 novembre 2013 et indique avoir mis en demeure Mme [N], par courrier recommandé du 3 novembre 2014 dont il n’est justifié ni de la réception, ni de l’expédition, de lui régler la somme totale de 8’413,53 euros et de lui restituer le matériel loué.

Par actes du 2 janvier 2018, la société Franfinance location a fait assigner M. [L] et Mme [N] en paiement et restitution du matériel devant le tribunal de grande instance d’Orléans.

Par jugement du 3 février 2021 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire d’Orléans a’:

– dit que les créances de la société Franfinance Location à l’égard de M. [C] [L] au titre du contrat de location n° 00419119-00 conclu le 4 mars 2010 étaient prescrites à la date de son action en paiement par assignation en date du 2 janvier 2018,

– dit que les créances de la société Franfinance Location à l’égard de Mme [P] [N] au titre du contrat de location n° 00419122-00 conclu le 4 mars 2010 étaient prescrites à la date de son action en paiement par assignation en date du 2 janvier 2018,

– déclaré par conséquent irrecevables les demandes en paiement de la société Franfinance Location à l’encontre de M. [L] et de Mme [N] au titre des contrats signés le 4 mars 2010 par M. [C] [L] sous la référence n° 000419119-00 et par Mme [P] [N] sous la référence n° 000419122-00,

– condamné M. [C] [L], sous astreinte de 450 euros par mois de retard à compter de la signification de la présente décision, à restituer à la société Franfinance Location les matériels suivants : un serveur de communication Alcatel ECS Premium, numéro de série R100410PFEU0004,

– condamné Mme [P] [N], sous astreinte de 450 euros par mois de retard à compter de la signification de la présente décision, à restituer à la société Franfinance Location les matériels suivants : un serveur de communication étendue Alcatel OMNIPCX Office Compact & Advance, numéro de série CPUFF01A40E,

– autorisé la société Franfinance Location à appréhender les matériels suivants en quelque lieu et quelques mains qu’ils se trouvent, au besoin avec le recours à la force publique’:

*un serveur de communication Alcatel ECS Premium, n° de série R100410PFEU0004,

*un serveur de communication étendue Alcatel OMNIPCX Office Compact & Advance, n° de série CPUFF01A40E,

– débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

– débouté les parties de leurs demandes indemnitaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Franfinance Location et M. [C] [L] et Mme [P] [N] au paiement des entiers dépens de l’instance, qui seront partagés pour moitié à la charge de la société Franfinance Location et pour moitié à la charge de M. [C] [L] et Mme [P] [N].

La société Franfinance location a relevé appel de cette décision par déclaration du 1er mars 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2022 par voie électronique, la société Franfinance demande à la cour, au visa des articles 2224, 1134 ancien et suivants du code civil, 700 du code de procédure civile, de’:

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Orléans le 3 février 2021 en ce qu’il a jugé en les termes suivants :

* dit que les créances de la société Franfinance Location à l’égard de M. [C] [L] au titre du contrat de location n° 00419119-00 conclu le 4 mars 2010 étaient prescrites à la date de son action en paiement par assignation en date du 2 janvier 2018,

* dit que les créances de la société Franfinance Location à l’égard de Mme [P] [N] au titre du contrat de location n°00419122-00 conclu le 4 mars 2010 étaient prescrites à la date de son action en paiement par assignation en date du 2 janvier 2018,

* déclare par conséquent irrecevables les demandes en paiement de la société Franfinance Location à l’encontre de M. [L] et de Mme [N] au titre des contrats signés le 4 mars 2010 par M. [C] [L] sous la référence n°’000419119-00 et par Mme [N] sous la référence n° 000419122-00,

* déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

* déboute les parties de leurs demandes indemnitaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamne la société Franfinance Location et M. [C] [L] et Mme [P] [N] au paiement des entiers dépens de l’instance, qui seront partagés pour moitié à la charge de la société Franfinance Location et pour moitié à la charge de M. [C] [L] et Mme [P] [N],

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Orléans le 3 février 2021 en ce qu’il a jugé en les termes suivants :

* condamne M. [C] [L], sous astreinte de 450 euros par mois de retard à compter de la signification de la présente décision, à restituer à la société Franfinance Location les matériels suivants : un serveur de communication Alcatel ECS Premium, numéro de série R100410PFEU0004,

* condamne Mme [P] [N], sous astreinte de 450 euros par mois de retard à compter de la signification de la présente décision, à restituer à la société Franfinance Location les matériels suivants : un serveur de communication étendue Alcatel OMNIPCX Office Compact & Advance, numéro de série CPUFF01A40E,

– déclarer recevable et bien fondée la société Franfinance Location,

– débouter Mme [P] [N] et M. [C] [L] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

– constater la résiliation de plein droit’:

* du contrat de location n° 000419119-00, conclu le 4 mars 2010, intervenue le 30 juillet 2014,

* du contrat de location n° 000419122-00, conclu le 4 mars 2010, intervenue le 14 novembre 2013,

En conséquence,

– condamner M. [C] [L] à payer à la société Franfinance Location, les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, date de mise en demeure :

* 9 362,03 euros TTC au titre des loyers impayés,

* 3 198,80 euros HT au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation,

* 6 073,61 euros au titre des intérêts,

– condamner Mme [P] [N] à payer à la société Franfinance Location les sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2013, date de mise en demeure :

* 11 054,14 euros TTC au titre des loyers impayés,

* 5 597,90 euros HT au titre de l’indemnité contractuelle de résiliation,

* 9 603,13 euros au titre des intérêts,

– condamner M. [C] [L] et Mme [P] [N] à payer à la société Franfinance Location une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [C] [L] et Mme [P] [N] aux entiers dépens d’appel et de première instance.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 10 novembre 2022 par voie électronique, M. [L] et Mme [N] demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 2224 du code civil, 142 et suivants du code de procédure civile, de’:

A titre liminaire,

– faire sommation à la société France Finance Location de produire le contrat la liant à la société Copwell ainsi que l’ensemble des arrêts d’appel produits dans ses dernières conclusions permettant de respecter le contradictoire,

A défaut,

– écarter les jurisprudences d’appel citées,

– conclure à l’existence d’un mandat entre la société France Finance Location et la société Copwell,

En outre,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

* dit prescrites les créances de la société Franfinance Location à l’égard de M. [L] et Mme [N],

* déclaré irrecevables les demandes en paiement de la société Franfinance Location,

– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

* condamné M. [L] et Mme [N] à restituer à la société Franfinance Location le matériel visé sous astreinte de 450 euros par mois,

En outre,

– constater que les intimés ont notifié la résiliation des contrats pour inexécution fautive le 20 juin 2012 à la société Copwell,

– constater que la société Copwell s’est comportée à l’égard des intimés comme un mandataire de la société Franfinance Location,

– constater que la société Copwell a établi par courrier du 28 juin 2012 le solde des sommes dues pour clôturer la relation contractuelle,

– juger que les deux contrats signés le 4 mars 2010 sont indivisibles,

En conséquence :

– débouter la société Franfinance Location de toute demande, fin et prétention dirigée à l’encontre de Mme [P] [N] et de M. [C] [L] du fait de la rupture de la relation contractuelle ayant existé en raison de la prescription quinquennale,

– à tout le moins, débouter la société Franfinance Location de toute demande, fin et prétention dirigée à l’encontre de Mme [P] [N] et de M. [C] [L] du fait des loyers impayés antérieurement au 1er janvier 2013 en raison de la prescription quinquennale,

A titre subsidiaire’:

– constater que la société Franfinance Location a manqué à ses obligations contractuelles en ne mettant pas en place la sauvegarde prévue,

– juger que la résiliation pour inexécution fautive notifiée le 20 juin 2012 par les intimés est fondée,

– constater que les contrats signés le 4 mars 2010 n’entrent pas dans le champ d’activité des intimés et qu’ils bénéficient donc de la qualité de non-professionnel,

– constater que les dispositions du code de la consommation relativement aux contrats conclus à distance n’ont pas été respectées par la société Franfinance Location,

– juger abusif l’article 10 des conditions générales de location annexées aux contrats signés le 4 mars 2010,

– juger que les deux contrats signés le 4 mars 2010 sont indivisibles,

En conséquence :

– débouter la société Franfinance Location de toute demande, fin et prétention dirigée à l’encontre de Mme [P] [N] et de M. [C] [L] du fait de la rupture de la relation contractuelle ayant existé,

A titre infiniment subsidiaire,

– constater que les demandes formulées par la société Franfinance Location ne sont pas justifiées,

En conséquence, limiter les condamnations comme suit :

– condamner les intimés aux sommes suivantes :

Pour Mme [N] :

* 2 loyers échus impayés : 1 738,98 euros TTC

* 7 loyers à échoir : 5 089 euros

* une indemnité de 10% des loyers HT restant à échoir, soit 508,90 euros

* les intérêts au taux légal

Pour M. [L] :

* 3 loyers échus impayés : 2 608,47 euros TTC

* 4 loyers à échoir : 2 908 euros

* une indemnité de 10% des loyers HT restant à échoir, soit 290,80 euros

* les intérêts au taux légal

En tout état de cause,

– condamner la société Franfinance Location à 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Franfinance Location aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 15 décembre 2022.

A l’audience, la cour a observé que dans le dispositif de leurs dernières conclusions, M. [N] et Mme [L] font référence à une société dénommée «’France Finance Location’», qui n’est pas à la cause, et a invité les parties à indiquer, au moyen d’une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, si les conclusions des intimés pouvaient être tenues comme affectées d’une erreur purement matérielle en ce sens qu’au lieu de «’France Finance Location’», il conviendrait de lire «’Franfinance location’».

Aucune des parties n’a cru utile de répondre dans le délai imparti.

SUR CE, LA COUR :

La cour rappelle à titre liminaire qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’examinera donc pas les demandes que les intimés ont pu formuler dans le corps de leurs écritures, sans les reprendre à leur dispositif.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en paiement :

Aux termes de l’article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Selon l’article 2224 du code civil, ce délai de cinq ans court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Aux termes de l’article 2233, 3° du même code, la prescription ne court pas à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé.

Il en résulte que, si l’action en paiement des loyers impayés d’un contrat de location financière se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives, l’action en paiement de l’indemnité de résiliation anticipée se prescrit à compter de la date de résiliation, qui emporte son exigibilité.

En l’espèce, chacun des contrats litigieux contient à l’article 10 de ses conditions générales intitulé «’résiliation’», une clause rédigée ainsi qu’il suit’:

«’le présent contrat ainsi que tous les contrats conclus antérieurement ou postérieurement par le bailleur, seront résiliés de plein droit si bon semble au bailleur sans que celui-ci ait à remplir de formalités préalables ou à adresser de mise en demeure, celle-ci étant constituée par la seule arrivée du terme, [notamment] en cas de non-paiement à l’échéance d’un seul terme des loyers’».

Si les premiers juges ont retenu à raison que la date de résiliation des contrats ne correspond pas à la date de la notification à M. [L] et Mme [N] de cette résiliation, c’est de manière inexacte, en revanche, qu’ils ont considéré, en suivant l’argumentation des preneurs, que les termes de la clause de résiliation précitée emportaient résiliation de plein droit à la date du non-paiement des premiers loyers impayés, alors que cette clause, qui prévoit qu’à défaut de paiement d’un seul terme des loyers, le contrat sera résilié de plein droit «’si bon semble au bailleur’», offre à ce dernier la faculté de provoquer la résiliation du contrat, mais ne l’y oblige pas et que, s’il décide de provoquer la résiliation anticipée du contrat, cette résiliation prend effet au jour de son prononcé, et non, rétroactivement, à la date du premier loyer resté impayé.

En l’espèce, la société Franfinance a provoqué la résiliation du contrat de location conclu avec M. [L], qu’elle avait vainement mis en demeure de régulariser sa situation par courrier recommandé du 25 septembre 2013, le 30 juillet 2014.

Quant au contrat de location conclu avec Mme [N], qu’elle avait mise en demeure de lui régler les loyers impayés sous peine de résiliation du contrat le 4 octobre 2013, ladite société en a effectivement provoqué la résiliation dès le 14 novembre 2013.

L’action en paiement de la société Franfinance ayant été engagée par assignation du 2 janvier 2018, moins de cinq ans après la résiliation de chacun des contrats litigieux, l’appelante est recevable en sa demande en paiement des indemnités de résiliation anticipée rendues exigibles à la date de résiliation des contrats, ainsi qu’en sa demande en paiement des termes de loyers restés impayés échus entre le 2 janvier 2013 et la date de résiliation de chacun des contrats.

Sur la demande en paiement :

-sur l’allégation d’un mandat apparent

Pour s’opposer aux prétentions de la société Franfinance, les intimés soutiennent que la société Copweel s’est comportée à leur égard comme le mandataire de la société Franfinance, voire comme leur cocontractant.

En expliquant qu’en raison des difficultés rencontrées avec le fonctionnement du matériel loué, notamment un problème dans la sauvegarde de certaines données du serveur, ils ont notifié à la société Copwell, par courrier recommandé du 20 juin 2012, la résiliation de leurs contrats, et que le fournisseur en a pris acte en leur demandant en retour de lui adresser paiement des sommes restant dues en raison de cette résiliation anticipée, les intimés soutiennent que cette résiliation unilatérale est opposable à la société Franfinance et en déduisent, sans davantage d’explications, que l’appelante doit être déboutée de l’ensemble de ses prétentions.

La cour observe que la pièce 12 que les intimés présentent comme le courrier de notification de résiliation des contrats de location est un courrier qui a été adressé à la société Copwell par Mme [N], seule, par lequel celle-ci fait référence au contrat qu’«’elle’» a souscrit, que le courrier en réponse de la société Copwell a été adressé à la seule attention de Mme [N], et qu’aucun courrier de résiliation émanant de M. [L] ou concernant le contrat de location souscrit par ce dernier n’est produit aux débats.

Le mandat est défini à l’article 1984 du code civil comme l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Il est aujourd’hui acquis que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs (v. par ex. Cass. ass. Plén. 13 décembre 1962, n° 57’11.569).

Au cas particulier, chacun de M. [L] et de Mme [N] a signé le 4 mars 2010 avec la société Copwell, un bon de commande portant sur un serveur dont il n’a pas choisi de faire l’acquisition, mais de le prendre en location et, distinctement, chacun des intimés a signé le même jour, non pas avec la société Copwell, mais avec la société Franfinance location, un contrat de location.

M. [L] et Mme [N] ont l’un et l’autre signé, le 16 avril suivant, un procès-verbal de réception sur lequel il est indiqué sans équivoque que la société Copwell est le fournisseur du matériel, que la société Franfinance location est le bailleur, et par lequel ils ont autorisé le bailleur à régler le fournisseur.

M. [L] et Mme [N], qui ont réglé des échéances de loyers à la société Franfinance, et qui sont l’un et l’autre avocat, donc professionnels du droit, n’ont pu ignorer que leur bailleresse était la société Franfinance location, et rien, dans les documents qui ont été soumis à leur signature et les autres productions, n’a légitimement pu leur faire croire que le fournisseur du matériel, la société Copwell, était le mandataire de leur bailleresse.

Le courrier de résiliation unilatérale que Mme [N] a adressé le 20 juin 2012 à la société Copwell est donc inopposable à la société Franfinance et ne saurait justifier, sans qu’il en soit au demeurant expliquer les raisons, le rejet des prétentions de l’appelante.

-sur l’allégation d’une résiliation unilatérale du contrat de location justifiée par le manquement de la société Franfinance location à son obligation de sauvegarde

Antérieurement à l’introduction, au code civil, de l’article 1126 issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il était admis que par application de l’article 1184 ancien du même code, la gravité du comportement d’une partie à un contrat puisse justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale.

Le litige, sans doute faut-il le rappeler, concerne un contrat de location financière, c’est-à-dire une opération par laquelle une société de crédit ou une société de financement, telle la société Franfinance location, acquiert auprès d’un fournisseur la propriété d’un bien qu’elle donne à bail à un client de ce fournisseur.

En l’espèce, les intimés n’ont notifié aucune résiliation unilatérale du contrat de location à la société Franfinance. Mme [N], seule, on l’a dit, a notifié au fournisseur, la société Copwell, la résiliation unilatérale de son contrat de location.

En toute hypothèse, alors que la société Franfinance location avec laquelle ils ont l’un et l’autre contracté est un organisme de financement, M. [L] et Mme [N] ne peuvent sérieusement reprocher à cet organisme, qui n’avait évidemment contracté aucune obligation de cette nature à leur égard, d’avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne mettant pas en place la sauvegarde de leurs serveurs informatiques.

C’est donc vainement que les intimés soutiennent avoir valablement résilié les contrats litigieux à raison de manquements de la bailleresse à ses obligations.

-sur la demande tendant à voir juger que l’article 10 des conditions générales de location constitue une clause abusive au sens du code de la consommation

En faisant valoir que les consommateurs et les non-professionnels peuvent se prévaloir de la réglementation sur les clauses abusives figurant au code de la consommation, notamment des articles R. 132-1 et R. 132-2 [pris dans leur rédaction applicable à la cause], M. [L] et Mme [N] soutiennent que l’article 10 des contions générales du contrat de location, en ce qu’il met à la charge du locataire une indemnité de résiliation excessive et permet au bailleur de résilier unilatéralement et

discrétionnairement le contrat, sans accorder la même faculté au locataire, constitue une clause abusive. Ils en déduisent que cette clause doit être «’écartée’» et que, par voie de conséquence, la société Franfinance doit être déboutée de l’intégralité de ses prétentions.

A son article L. 132-1, devenu L. 212-1, le code de la consommation énonce que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Au sens de cette disposition, ainsi qu’il est précisé à l’article préliminaire du code de la consommation, on entend par’:

– consommateur’: toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole

– non-professionnel’: toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles.

A supposer que l’article 10 des conditions générales du contrat de location, qui ne contient pas de faculté de résiliation «’discrétionnaire’» du contrat au profit du bailleur, puisse néanmoins avoir pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, M. [L] et Mme [N], qui ont contracté avec la société Franfinance location dans le cadre de leur activité professionnelle d’avocats, ne peuvent se prévaloir des dispositions spéciales du code de la consommation pour faire déclarer abusive, et en conséquence non écrite, la stipulation contenue à l’article 10 des contrats générales litigieuses.

-sur l’acquisition de la clause résolutoire

L’article 10-1 des conditions générales de chacun des contrats de location litigieux stipule’: «’le présent contrat [‘] sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur sans que celui-ci ait à accomplir de formalités préalables ou à adresser de mise en demeure, celle-ci étant constituée par la seule arrivée du terme, en cas de non-paiement à l’échéance d’un seul terme des loyers’».

Nonobstant les termes de cette clause, la société Franfinance justifie, en l’espèce, avoir vainement adressé à chacun de M. [L] et de Mme [N], préalablement à la résiliation des contrats de location, une mise en demeure de régler leurs loyers restés impayés, en les informant du délai dont ils disposaient pour éviter la résiliation anticipée de leurs contrats de location.

Il ne fait pas de doute, dans ces circonstances, que la société Franfinance s’est régulièrement prévalue de la clause résolutoire contenue à l’article 10 des conditions générales de location et que les contrats conclus avec chacun de Mme [N] et de M. [L] ont été régulièrement résiliés, respectivement le 14 novembre 2013 et le 30 juillet 2014.

-sur l’exception tirée de ce que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus à distance n’ont pas été respectées

En faisant valoir en substance que les réformes du code de la consommation des 17 mars 2014 et 14 mars 2016 ont étendu le bénéfice de certaines dispositions aux professionnels qui concluent des contrats dont l’objet n’entre pas dans le champ de leur activité principale, notamment l’article L. 221-3, M. [L] et Mme [N] soutiennent que la société Franfinance location aurait dû les faire bénéficier d’un délai de rétractation, et en déduisent dans le corps de leurs écritures, sans formuler aucune exception de nullité au dispositif de celles-ci, que les contrats devront être déclarés nuls.

Sans qu’il y ait lieu de statuer sur cette demande de nullité qui n’est pas formulée au dispositif des dernières conclusions des intimées, la cour observe que, ainsi que les intimés l’indiquent eux-mêmes, l’extension à certains professionnels, dits «’micro-professionnels’», du dispositif de protection propre aux contrats conclus hors établissement, tel le droit de rétractation prévu à l’article L. 221-5, résulte de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et n’est entré en vigueur que le 1er juillet 2016, postérieurement à la conclusion des contrats litigieux, et même à leur résiliation.

C’est donc de manière inopérante que M. [L] et Mme [N], sans au demeurant justifier qu’ils auraient rempli les conditions de la protection, tentent de se prévaloir d’une législation qui n’est pas applicable au présent litige.

-sur le montant des créances de l’appelante

L’article 10 des conditions générales de location prévoit que la résiliation du contrat impose au locataire de verser immédiatement au bailleur, outre les loyers échus impayés TTC et tous leurs accessoires, en réparation du préjudice subi, une indemnité égale à la totalité des loyers HT restant à échoir postérieurement à la résiliation, augmentée, pour assurer la bonne exécution de la convention, d’une peine égale à 10’% de la totalité des loyers HT restant à échoir, puis précise que cette indemnité portera intérêts au taux prévu à l’article 3-5, lequel fixe le taux des intérêts conventionnels à 1,5’% par mois.

La société Franfinance ne conteste pas que cette indemnité de résiliation constitue une clause pénale, susceptible de modération si elle apparaît manifestement excessive, en application de l’article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

En l’espèce, en considération du coût d’achat des matériels donnés en location (12 750’euros HT), du montant des loyers perçus et de ceux qu’aurait dû percevoir la société Franfinance, cette indemnité présente un caractère manifestement excessif qui justifie de la ramener, pour lui conserver son caractère comminatoire, à la somme de 2’000 euros pour M. [L] et à celle de 4’000 euros pour Mme [N], puis de dire que cette indemnité ne sera productive d’intérêts qu’au double du taux légal.

En application de ces principes et des décomptes produits, la créance de la société Franfinance sera arrêtée, dans la limite de la prescription précédemment retenue (loyers échus antérieurement au 2 janvier 2013), ainsi qu’il suit’:

-créance à l’égard de M. [L]’:

* loyers (trimestriels) impayés du 2 janvier 2013 au 30 juillet 2014, date de résiliation’: 5’089 euros (7 X 727)

* indemnité de résiliation’: 2’000 euros

Solde dû’: 7’089 euros, à majorer des intérêts au taux légal sur la somme de 5’089 euros et au double du taux légal sur la somme de 2’000 euros à compter du 2 janvier 2018, date de l’assignation valant sommation de payer au sens de l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

-créance à l’égard de Mme [N]’:

* loyers (trimestriels) impayés du 2 janvier 2013 au 14 novembre 2013′: 2’908 (4 X 727)

* indemnité de résiliation’: 4’000 euros

Solde dû’: 6’908 euros, à majorer des intérêts au taux légal sur la somme de 2’908 euros et au double du taux légal sur la somme de 2’000 euros à compter de l’assignation du 2 janvier 2018.

M. [L] et Mme [N], qui ne justifient d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoire au sens du deuxième alinéa de l’article 1315 ancien du code civil, seront condamnés au paiement des sommes sus-énoncées.

Sur la demande de restitution du matériel :

L’article 10-2 des conditions générales de location prévoit que le locataire devra, dès la résiliation du contrat de location, restituer immédiatement le matériel dans les conditions prévues à l’article 9.

Aux termes de l’article 9, à la fin de location, le locataire doit restituer le matériel, sous sa responsabilité et à ses frais, «’au lieu fixé par le bailleur’».

Les intimés produisent à hauteur d’appel un courriel électronique adressé le 3 février 2021 au conseil de la société Franfinance, avec la minute du jugement qui, le même jour, les avaient condamnés sous astreinte à restituer les matériels pris en location, en lui demandant de leur faire connaître l’adresse à laquelle le matériel devait être livré, et expliquent n’avoir reçu aucune réponse à ce message.

Dès lors que la société Franfinance ne justifie ni même n’allègue avoir indiqué aux intimés le lieu auquel les matériels en cause devaient être restitués, ce alors que les courriers recommandés qu’elle indique avoir adressés aux intéressés en 2013 et 2014, sur lesquels figurent des adresses de restitution, sont non seulement très anciens, mais comportent des adresses qui ont varié, il convient, par infirmation du jugement entrepris, d’assortir l’injonction d’avoir à restituer d’une astreinte, provisoire, de 150 euros par mois durant une période de six mois à l’issue de laquelle il sera le cas échéant de nouveau statuer, en précisant que cette astreinte commencera à courir, non pas à compter de la signifiation de la présente décision, mais un mois à compter du jour où la société Franfinance aura informé chacun de M. [L] et de Mme

[N] du lieu où ces derniers doivent restituer les matériels litigieux.

Par confirmation du jugement entrepris en revanche, la société Franfinance, qui reste la propriétaire des matériels qui avaient été donnés en location à M. [L] et Mme [N], sera autorisée à appréhender les matériels en cause.

Sur les demandes accessoires :

M. [L] et Mme [N], qui succombent au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devront supporter les dépens de première instance et d’appel et seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, chacun de M. [L] et de Mme [N] sera condamné à régler à la société Franfinance, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 750’euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise uniquement en ce qu’elle a autorisé la société Franfinance location à appréhender en tous lieux et en quelques mains qu’ils se trouvent les serveurs de télécommunication Alcatel ECS premium n° de série R 100410PFEU004 et Alcatel OMNIPCX Office Compact & Advance n° de série CPUFF01A40E qu’elle avait donnés à location à M. [C] [L] et Mme [P] [N],

Infirme la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Constate la résiliation, au 30 juillet 2014, du contrat de location n° 000419119-00 conclu le 4 mars 2010 entre la société Franfinance et M. [C] [L],

Constate la résiliation, au 14 novembre 2013, du contrat de location n° 000419122-00 conclu le 4 mars 2010 entre la société Franfinance et Mme [P] [N],

Déclare la société Franfinance location irrecevable en son action en paiement portant sur les termes de loyers échus antérieurement au 2 janvier 2013,

Déclare la société Franfinance location recevable en son action en paiement portant sur les termes de loyers échus à partir du 2 janvier 2013 et sur l’indemnité de résiliation anticipée des contrats de location,

Condamne M. [C] [L] à payer à la société Franfinance location la somme de 7’089 euros, avec intérêts à compter du 2 janvier 2018, au taux légal sur la somme de 5’089 euros et au double du taux légal sur la somme de 2’000 euros,

Condamne Mme [P] [N] à payer à la société Franfinance location la somme de 6’908 euros, avec intérêts à compter du 2 janvier 2018, au taux légal sur la somme de 2’908 euros et au double du taux légal sur la somme de 2’000 euros,

Ordonne à M. [C] [L] de restituer à la société Franfinance location, dans le mois qui suivra le jour où la société Franfinance location l’aura informé du lieu où y procéder, le serveur Alcatel ECS premium n° de série R 100410PFEU004 objet du contrat de location conclu le 4 mars 2010 entre eux,

Dit que, passé ce délai, M. [C] [L] sera tenu au paiement d’une astreinte provisoire de 150 euros par mois, pendant une période de six mois à l’issue de laquelle il sera le cas échéant de nouveau statué,

Ordonne à Mme [P] [N] de restituer à la société Franfinance location, dans le mois qui suivra le jour où la société Franfinance location l’aura informée du lieu où y procéder, le serveur Alcatel OMNIPCX Office Compact & Advance n° de série CPUFF01A40E objet du contrat de location conclu le 4 mars 2010 entre elles,

Dit que, passé ce délai, Mme [P] [N] sera tenue au paiement d’une astreinte provisoire de 150 euros par mois, pendant une période de six mois à l’issue de laquelle il sera le cas échéant de nouveau statué,

Condamne chacun de M. [L] et de Mme [N] à payer à la société Franfinance location la somme de 750’euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de M. [L] et Mme [N] formée sur le même fondement,

Condamne M. [L] et Mme [N] aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x