MHD/PR
ARRET N° 547
N° RG 21/03433
N° Portalis DBV5-V-B7F-GNPW
S.A.S. HUHTAMAKI LA ROCHELLE
C/
[N]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre sociale
ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 novembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de LA ROCHE SUR YON
APPELANTE :
S.A.S. HUHTAMAKI LA ROCHELLE
N° SIRET : 546 450 453
[Adresse 2]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Cyrille BERTRAND de la SELAS NEOCIAL, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
INTIMÉE :
Madame [D] [N]
née le 25 septembre 1981 à [Localité 5] (17)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Stéphane FERRY de la SELARL OPTIMA AVOCATS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 septembre 2023, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
GREFFIER, lors de la mise à disposition : Madame Patricia RIVIERE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Huhtamaki La Rochelle qui est une filiale du groupe Huhtamaki et qui est spécialisée dans la fabrication de produits d’emballage en fibre moulée emploie environ 220 salariés.
Elle a embauché Mme [D] [N], d’abord dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à effet du 3 octobre 2016 pour une durée de 3 mois, lequel a été renouvelé pour une durée d’un an, puis à compter du 1er janvier 2018 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, ce en qualité de gestionnaire d’activité niveau II échelon 2 coefficient 150.
Le 27 février 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a initié une procédure disciplinaire à l’encontre de Mme [D] [N]. Le 8 avril 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a notifié à Mme [D] [N] un rappel à l’ordre faisant mention d’erreurs commises par celle-ci et l’invitant à plus de vigilance dans la conduite de ses missions.
Le 25 mai 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a convoqué Mme [D] [N] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 2 juin suivant.
Les parties ont alors engagé une procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail qui les liait et un accord de rupture conventionnelle a été régularisé le 4 juin suivant.
Le 5 juin 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a informé Mme [D] [N] qu’à la suite de l’entretien disciplinaire du 2 juin 2020, elle avait décidé de ne pas la sanctionner.
Le 19 juin 2020, Mme [D] [N] a exercé son droit de rétractation dans le cadre de la procédure de rupture conventionnelle engagée.
Le 3 juillet 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a convoqué Mme [D] [N] à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 10 juillet suivant.
Le 15 juillet 2020, la société Huhtamaki La Rochelle a notifié à Mme [D] [N] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Le 2 novembre 2020, Mme [D] [N] a saisi le conseil de prud’hommes de La Roche-sur-Yon aux fins, en l’état de ses dernières prétentions, de voir :
– juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société Huhtamaki La Rochelle à lui payer la somme de 11 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
– à titre subsidiaire, condamner la société Huhtamaki La Rochelle à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de forme de la procédure de licenciement ;
– condamner la société Huhtamaki La Rochelle à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement en date du 16 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de La Roche-sur-Yon a :
– jugé que le licenciement de Mme [D] [N] ne reposait pas sur une insuffisance professionnelle et était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société Huhtamaki La Rochelle à payer à Mme [D] [N] les sommes suivantes :
– 6 045 euros à titre de dommages et intérêts ;
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– rejeté l’exécution provisoire ;
– débouté la société Huhtamaki La Rochelle de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné la société Huhtamaki La Rochelle aux entiers dépens.
Le 8 décembre 2021, la société Huhtamaki La Rochelle a relevé appel de ce jugement en ce qu’il :
– avait jugé que le licenciement de Mme [D] [N] ne reposait pas sur une insuffisance professionnelle et était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– l’avait condamnée à payer à Mme [D] [N] les sommes suivantes :
– 6 045 euros à titre de dommages et intérêts ;
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’avait déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– l’avait condamnée aux entiers dépens.
Par conclusions, dites d’appelante récapitulatives en réplique, reçues au greffe le 17 juillet 2023, la société Huhtamaki La Rochelle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
– de juger que le licenciement de Mme [D] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse et de débouter cette dernière de toutes ses demandes ;
– subsidiairement, de confirmer ce jugement en ce qu’il a évalué à hauteur de 6 045 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– de réformer ce jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et, statuant à nouveau, de condamner Mme [D] [N] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
– de condamner Mme [D] [N] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions reçues au greffe le 5 mai 2022, Mme [D] [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la société Huhtamaki La Rochelle à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 16 août 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience du 13 septembre 2023 à 9 h 15 pour y être plaidée.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Au soutien de son appel, la société Huhtamaki La Rochelle expose en substance :
– que la vocation essentielle du poste confié à Mme [D] [N] tenait à la gestion de la production et des stocks ;
– que dans le cadre de l’entretien annuel du 11 mai 2018, Mme [D] [N] s’était vu assigner trois objectifs en matières de gestion et optimisation du planning de production, de gestion des inventaires de fin de mois et plus accessoirement de sécurité du travail ;
– que début 2019 il avait été observé que les deux premiers de ces objectifs n’avaient été que partiellement atteints ;
– que pour 2019 une nouvelle série de 5 objectifs avaient été assignés à Mme [D] [N] dont le plus important tenait aux problèmes de planification de la production et de gestion des stocks ;
– qu’en janvier 2020 le N+1 de Mme [D] [N] a évalué la réalisation de ces objectifs et que les défaillances de cette dernière ont alors justifié une notation globale de 8/20 ;
– que néanmoins il est apparu en février 2020 que Mme [D] [N] avait commis de nouvelles erreurs grossières dans les arrêtés de comptes mensuels ;
– qu’une procédure disciplinaire a alors été mise en oeuvre et un entretien avec Mme [D] [N] a eu lieu dans ce cadre le 11 mars 2020 ;
– que cependant aucune amélioration n’a été observée et que de nouvelles erreurs ont été constatées les 17, 18, 19 et 27 mars 2020 ;
– que toutefois il a été décidé de ne pas donner suite à la procédure disciplinaire engagée et d’adresser à Mme [D] [N] un rappel à l’ordre le 8 avril 2020 ;
– que cette démarche est restée sans effet et des erreurs de même nature que les précédentes ont été constatées en mai 2020 ;
– que c’est dans ce contexte que le 25 mai 2020 elle a diligenté une nouvelle procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement ;
– qu’au cours de cette procédure Mme [D] [N] et elle-même ont, le 4 juin 2020, régularisé un accord de rupture conventionnelle du contrat de travail qui les liait ;
– que cependant Mme [D] [N] exercé son droit de rétractation le 19 juin suivant ;
– qu’elle a alors repris la procédure de licenciement ;
– que Mme [D] [N] disposait largement du niveau de formation théorique requis pour le poste puisqu’elle était titulaire d’un diplôme de maîtrise (bac + 4) et d’une expérience d’un an et demi ;
– que selon la convention collective applicable les emplois attachés au Niveau II correspondent aux niveaux IV et V de formation soit le niveau bac ou le niveau CAP/BEP ;
– qu’en 2019 il avait été constaté des défaillances de la part de Mme [D] [N] dans l’exercice de ses missions et ces défaillances se sont aggravées en 2020 en dépit des alertes données ;
– que s’il peut être admis que Mme [D] [N] a réalisé des efforts il est apparu qu’en réalité elle n’avait pas les capacités personnelles pour assumer ses fonctions ;
– que c’est sans fondement que Mme [D] [N] fait état de manquements de son collègue, M. [Z], qui seraient à l’origine de ses propres difficultés ;
– que c’est également sans fondement que Mme [D] [N] tente d’expliquer ses difficultés par les effets de la crise sanitaire car la plupart des erreurs qu’elle a commises l’ont été avant le début de cette crise quand bien même elles ont été constatées après ;
– que, contrairement à ce que prétend Mme [D] [N], son licenciement n’a pas été décidé pour supprimer son poste de travail ;
– que c’est en réalité en raison d’une simplification de l’organisation du travail que la fonction de gestionnaire d’activité ne nécessite plus à ce jour qu’un seul salarié ETP ;
– que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, les difficultés de Mme [D] [N] n’ont pas duré seulement trois mois mais ont perduré sur une période de 18 mois.
En réponse, Mme [D] [N] objecte pour l’essentiel :
– que M. [F] qui l’a assistée lors de l’entretien préalable a attesté de ce que l’employeur l’avait informée expressément au cours de cet entretien qu’il mettait un terme à son contrat de travail ;
– qu’il s’agit là d’une irrégularité de procédure au titre de laquelle elle peut prétendre à des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros ;
– que, sur le fond, la société Huhtamaki La Rochelle lui avait écrit le 5 juin 2020 qu’il n’y aurait pas de sanction à son encontre et qu’il appartient donc à l’employeur de démontrer qu’elle a commis des fautes entre le 5 juin et le 15 juillet 2020, date de son licenciement ;
– qu’en outre une insuffisance professionnelle doit être justifiée par des faits objectifs et que la lettre de licenciement est rédigée en termes généraux sans aucune précision ou référence à des faits précis ;
– que la société Huhtamaki La Rochelle n’explique pas quelles formations elle a pu recevoir pour occuper le poste qui lui était confié, lequel impliquait de grandes responsabilités ;
– qu’elle a fait part à l’employeur de ses difficultés et a demandé de l’aide, sa charge de travail étant beaucoup trop importante ;
– qu’elle partageait ses fonctions avec M. [Z], lequel a été très souvent absent en 2019 ce qui a eu pour effet d’augmenter sa charge de travail ;
– que la société Huhtamaki La Rochelle qui soutient que ses difficultés se sont aggravées en 2020 semble ignorer les conséquences de la réorganisation du travail durant la période de confinement qui a débuté le 17 mars 2020 ;
– que tous les faits qui lui sont reprochés concernent cette période ;
– que concernant le problème des ‘OEE’ faux, elle n’avait pas les informations nécessaires pour exercer correctement sa tâche et notamment pour tenir compte des arrêts de la machine prévus par le process décidé du fait de la crise sanitaire ;
– qu’enfin il doit être relevé qu’elle n’a pas été remplacée ce qui laisse à penser que son licenciement reposait sur des considérations économiques.
Selon les termes de la lettre en date du 15 juillet 2020 que la société Huhtamaki La Rochelle lui a adressée, Mme [D] [N] a été licenciée pour ‘insuffisance professionnelle’, cette lettre précisant que l’employeur avait constaté ‘au cours des derniers mois de nombreuses erreurs sur les tâches qui [lui sont] lui étaient confiées’….et que ‘malgré les rappels et les aides fournies aucune amélioration ne [s’est fait] s’était fait sentir : chiffres de l’OEE faux, chiffres faux dans les réceptions de livraison, contentieux non réglé avec [nos] les fournisseurs dus à des erreurs de commandes de [votre] sa part, planning du personnel truffé d’erreurs et non optimisé etc …’.
Il est acquis que l’appréciation des aptitudes professionnelles du salarié relève du pouvoir de l’employeur. Toutefois l’insuffisance alléguée au soutien d’une décision de licenciement doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur. En outre les griefs formulés par l’employeur doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement.
L’insuffisance professionnelle s’entend soit de la situation correspondant à une insuffisance de résultats dans laquelle le salarié n’a pas atteint ses objectifs quantitatifs soit de celle dans laquelle le salarié ne fournit pas, dans le cadre de son travail, la prestation attendue ou ne parvient pas à remplir ses fonctions en totalité ou avec la rapidité souhaitée soit encore de la situation d’inadaptation professionnelle au regard des évolutions techniques.
En l’espèce, dans le but de démontrer que Mme [D] [N] ne fournissait pas, dans le cadre de son travail, la prestation attendue ou ne parvenait pas à remplir ses fonctions en totalité, la société Huhtamaki La Rochelle verse aux débats les pièces suivantes :
– sa pièce n° 6 : il s’agit du compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation de Mme [D] [N] s’étant tenu le 11 mai 2018 et dont il ressort notamment qu’il lui avait été fixé pour objectifs à atteindre en 2018 d’assurer la ‘gestion et l’optimisation du planning’ avec pour résultat attendu ‘le respect du besoin homme/machine’, et la ‘gestion fin de mois’ avec pour résultat attendu ‘la justesse des résultats’ ;
– sa pièce n°7 : il s’agit du compte-rendu de l’entretien annuel d’évaluation de Mme [D] [N] s’étant tenu le 14 mars 2019 et dont il ressort notamment qu’à l’item ‘Le collaborateur est-il compétent au poste occupé’ le supérieur hiérarchique de Mme [D] [N] avait répondu : ‘Partiellement’ après avoir considéré que les objectifs fixés en 2018 dont la ‘gestion et l’optimisation du planning’ et la ‘gestion fin de mois’ n’avaient été que partiellement atteints et précisé, s’agissant du premier de ces objectifs: ‘doit assurer une précision dans l’organisation mise en place’ et, s’agissant du second de ces objectifs : ‘Doit couvrir tout le périmètre de la tâche’. La cour observe que ce compte-rendu est signé de la main de Mme [D] [N] ;
– sa pièce n°9 : il s’agit d’un document relatif à l’évaluation du travail de Mme [D] [N] au cours de l’année 2019. Ce document mentionne au titre de l’évaluation d’ensemble : ‘[D] travaille rapidement. Sa vitesse provoque parfois des erreurs sur des sujets importants (inventaire, planning). Il faut prendre le temps de relire sur ces sujets. La justesse est une qualité primordiale de ce poste’. Il précise ensuite notamment :
– sous l’item ‘amélioration continue’: 0 point
– sous l’item ‘gestion des équipes/budget’: 5 points sur 12 et ‘Bonne progression sur le rapport de fin de mois… par contre la rapidité d'[D] nuit à sa précision et des erreurs importantes sont constatées sur la saisie des inventaires. Des pointages correctifs doivent être organisés pour vérifier l’exactitude d’EPIOCOR Vs la réalité…’ ;
– sa pièce n°11 : il s’agit du courrier en date du 8 avril 2020 par lequel elle a notifié à Mme [D] [N] un rappel à l’ordre aux motifs énoncés d’erreurs de saisie dans les commandes, les inventaires et les bons de livraison des fournisseurs, et de ce que ces ‘erreurs récurrentes [font] avaient fait perdre du temps au service comptabilité qui [doit] devait tout reprendre régulièrement’. Le rédacteur de cette lettre ajoutait : ‘Cela met en lumière un manque d’auto-contrôle et de vigilance de votre part’. La cour observe que Mme [D] [N] ne justifie ni même ne soutient avoir contesté ce rappel à l’ordre ;
– sa pièce n°13 : il s’agit d’un courriel en date du 30 mai 2020 rédigé par M. [O] [K], responsable production et maintenance dans l’entreprise, qui y écrit notamment : ‘Faits répétés d'[D] entre le 9 mars et le 29 mai 2020 sachant qu’elle a été absente pendant la majeure partie de la pandémie COVID soit en 23 jours de présence :
– OEE : Erreurs récurrentes et absence de vérification (suivent des exemples pour les dates du 17 au 19 mars, du 25 mai et du 29 mai)
– CHEP : Mission confiée à [D] le 12/05 de solder le dossier. Au 22/05 [D] n’a pas terminé le dossier et n’a pas effectué toutes les démarches pour le faire et s’assurer de la cohérence des chiffres ;
– Commande/Réception: 9/3/2020… réception par [D] de 1040 kgs (la bonne réception est de 10 440 kgs). Pas de vérification de la part d'[D]… Les autres commandes sont avec des erreurs avant le 9/3.
Le rédacteur de ce courriel conclut comme suit: ‘Les faits montrent qu'[D] ne maîtrise pas son travail et qu’elle ne fait que saisir les chiffres sans en saisir les conséquences. Ses vérifications sont partielles ou inexistantes et nécessitent l’assistance de ses collègues pour corriger ses erreurs’.
La cour observe d’une part que parmi les erreurs signalées dans ce courriel certaines sont datées de la période antérieure à celle du confinement qui s’est ouverte en raison de la pandémie COVID mi mars 2020 et d’autre part que Mme [D] [N] affirme, sans aucun élément précis au soutien de sa thèse, que les erreurs qui lui sont reprochées avaient trouvé leur origine dans une désorganisation de l’entreprise consécutive à ce confinement, ce qui ne peut être présumé ;
– sa pièce n°24-1: il s’agit d’un courriel daté du 4 février 2020, rédigé par Mme [P] [C], salariée de l’entreprise (Accounting departement) qui y écrit notamment: ‘J’ai tout modifié les stocks au 31 janvier… j’ai quasiment tout rejeté à part les colorants… A l’avenir merci de faire l’extraction au même moment que l’inventaire…’ et plus particulièrement à l’attention de Mme [D] [N] : ‘[D] tu as fait une commande de régul pour CHEP mais tu as pris le code article 111 au lieu de 118. Je sais que cela est un cas spécial mais ce n’est pas la première fois qu’une commande est passée ainsi. J’ai dû annuler la réception, changer la commande et refaire la réception pour gagner du temps car on ne peut pas attendre encore. Merci de bien faire attention svp !’ ;
– ses pièces n° 24-2 et 24-3 : il s’agit respectivement d’un courriel en date du 18 mars 2020, rédigé par M. [O] [K], qui y écrit : ‘Les chiffes d’hier sont faux. Les résultats ne correspondent pas à la réalité…’ et d’un courriel de la même date rédigé par M. [L] [Z], collègue de Mme [D] [N], qui y écrit : ‘Je viens de vérifier les chiffres d’hier, c’est encore faux…’.
La mise en perspective de ces pièces fait clairement ressortir qu’au cours de la relation de travail et à compter de 2018 puis plus précisément au cours des mois ayant précédé la mise en oeuvre de la procédure ayant abouti au licenciement de la salariée, et ce notamment antérieurement à la période de confinement liée à la pandémie COVID qui s’était ouverte à la mi-mars 2020, Mme [D] [N] a commis, dans l’exercice de ses fonctions, de nombreuses erreurs dans des domaines essentiels pour l’entreprise (gestion des stocks, inventaires, gestion des plannings) et ce malgré les rappels des objectifs qui lui avaient été fixés et des mises en garde répétées.
Ces erreurs répétées démontrent que la salariée ne fournissait pas, dans le cadre de son travail, la prestation attendue et ne parvenait pas à remplir ses fonctions en totalité, ce qui caractérise l’insuffisance professionnelle au seul motif de laquelle elle a été licenciée.
La pièce n°22 versée aux débats par la société Huhtamaki La Rochelle, il s’agit du curriculum vitae de Mme [D] [N], fait ressortir notamment qu’elle est titulaire depuis 2003 d’un diplôme de niveau Bac + 4 , qu’elle a des compétences informatiques (Word, Excel, Sage Paie, Power Point, Générix, Outlook etc….) ou encore qu’elle avait accumulé des expériences professionnelles à compter de 2001 dans les domaines des ressources humaines et de la gestion (comptabilité, achats, commerciale). De cette pièce il se déduit que Mme [D] [N] avait atteint un niveau de formation et avait acquis des expériences professionnelles parfaitement compatibles avec les fonctions et missions qui lui avaient été confiées dans l’entreprise.
Par ailleurs pour tenter de justifier ses erreurs par une surcharge de travail liée ou non à l’absence en 2019 de son collègue, M. [L] [Z], Mme [D] [N] ne verse aux débats que deux pièces (ses pièces n°14 et 15) qui sont des courriels rédigés de sa main les 22 et 26 mars 2020 et qui, parce-qu’ils ne sont étayés par aucun élément objectif et ont été émis sur une très courte période, ne peuvent être considérés comme rapportant la preuve que les erreurs qu’elle a commises dans la durée trouvaient à s’expliquer par cette surcharge.
Enfin, les motifs énoncés du licenciement étant largement établis, le seul fait acquis que Mme [D] [N] n’ait pas été remplacée après la rupture de son contrat de travail ne saurait conduire la cour à considérer que son licenciement a reposé sur des considérations économiques.
En conséquence, la cour juge que le licenciement de Mme [D] [N] repose sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme [D] [N] de sa demande d’indemnité pour licenciement abusif.
Par ailleurs, l’article L 1235-2 dernier alinéa du Code du travail dispose :
‘Lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L 1232-2, L 1232-3, L 1232-4, L 1233-11, L 1233-12 et L 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire’.
Dans le but de rapporter la preuve d’une irrégularité dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement commise par l’employeur, Mme [D] [N] verse aux débats une attestation établie par M. [E] [F], salarié l’ayant assistée au cours de l’entretien préalable du 10 juillet 2020 et dont il ressort que le directeur général de l’entreprise, M. [Y], avait ‘du fait de fautes récurrentes’ mis ‘un terme au contrat de travail de Mme [D] [N]’.
La cour observe que cette attestation n’est étayée par aucun élément et notamment par un procès-verbal de l’entretien préalable qui aurait été signé par les parties, étant précisé que la société Huhtamaki La Rochelle produit aux débats une attestation rédigée par M. [Y] (sa pièce n°20) lequel y écrit qu’il a présenté le licenciement de la salariée comme fortement probable mais n’a pas fait ‘mention de la décision de licenciement’.
Aussi, la cour, retenant que Mme [D] [N] ne démontre pas l’irrégularité de procédure qu’elle évoque, la déboute de sa demande de ce chef.
Succombant en toutes ses demandes, Mme [D] [N] sera condamnée aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
En revanche il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Huhtamaki La Rochelle l’intégralité des frais par elle exposés et non compris dans les dépens. Aussi, la société Huhtamaki La Rochelle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel, la cour infirmant par ailleurs le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Huhtamaki La Rochelle à verser à Mme [D] [N] la somme de 1 000 euros sur ce même fondement au titre des frais irrépétibles de première instance et déboutant la salariée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement entrepris,
Et, statuant à nouveau :
– déboute Mme [D] [N] de l’ensemble de ses demandes ;
– déboute la société Huhtamaki La Rochelle de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Et, y ajoutant :
– déboute les parties de leur demande respective sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel ;
– condamne Mme [D] [N] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,