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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 26 Avril 2023
N° RG 21/02299 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FWNT
VTD
Arrêt rendu le vingt six Avril deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 16 septembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CLERMONT-FERRAND (RG n° 21/00117)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE
Société coopérative à capital et personnel variables immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° 445 200 488 00010
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : la SCP BASSET, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [X] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non représenté, assigné à personne à [Adresse 8]
Mme [U] [T] divorcée [Z]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non représentée, assignée à domicile
INTIMÉS
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 23 Février 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 7 avril 2016, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France (le Crédit Agricole) a consenti à M. [X] [Z] et Mme [U] [T] épouse [Z] un prêt personnel d’un montant de 23 000 euros amortissable en 120 mensualités au taux annuel effectif global de 4,30 %.
Les époux [Z] étaient également titulaires dans les livres du Crédit Agricole d’un compte courant n°[XXXXXXXXXX07].
Se plaignant d’impayés, le Crédit Agricole a adressé une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) le 25 janvier 2021 à Mme [Z], à peine de déchéance du terme sous quinzaine.
M. [Z] faisant l’objet d’une procédure de surendettement, n’a pas fait l’objet de mise en demeure.
Par acte du 3 février 2021, le Crédit Agricole a fait assigner les époux [Z] devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire au paiement :
– de la somme de 5 530,10 euros au titre de l’arriéré dû sur le prêt personnel, l’assignation valant au besoin mise en demeure préalable à la déchéance du terme à M. [Z], condamnation portant intérêts au taux contractuel de 4% à compter de l’assignation ;
– de la somme de 1 607,06 euros correspondant au débit de leur compte joint, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Puis, dans ses dernières conclusions, il a sollicité leur condamnation solidaire au paiement :
– de la somme de 1 607,06 euros correspondant au débit de leur compte joint, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;
– de la somme de 20 180,72 euros au titre des sommes restant dues sur le prêt personnel, outre intérêts au taux contractuel de 4 % sur la somme de 18 742,98 euros à compter du 10 février 2021, date du décompte.
Seule Mme [Z] s’est présentée à l’audience. Elle a conclu au rejet de la demande en paiement au titre du prêt personnel du fait de sa tardiveté et à la condamnation du Crédit Agricole à lui payer la somme de 1 607,06 euros en réparation du préjudice économique causé par le non respect des dispositions de l’article L.312-93 du code de la consommation.
Par jugement réputé contradictoire du 16 septembre 2021, le JCP a :
– déclaré recevable l’action en paiement introduite le 3 février 2021 par le Crédit Agricole à l’encontre de M. et Mme [Z] ;
– prononcé la déchéance du droit du Crédit Agricole aux intérêts sur le solde débiteur du compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX07] et sur le prêt personnel de 23 000 euros consenti le 7 avril 2016 à M. et Mme [Z] ;
En conséquence :
– condamné M. et Mme [Z] à payer solidairement au Crédit Agricole les sommes de :
1 469,28 euros au titre du solde débiteur du compte joint arrêté au 5 janvier 2021, outre intérêts au taux légal à compter du 3 février 2021 ;
15 155,25 euros ne portant intérêts qu’au taux légal non soumis à la majoration de l’article L.313-3 du code monétaire et financier à compter du 19 février 2021, au titre du solde du prêt personnel ;
– rappelé que la décision était de droit exécutoire à titre provisoire ;
– condamné M. et Mme [Z] in solidum aux dépens ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
S’agissant spécifiquement du prêt personnel, après avoir écarté la forclusion, le JCP a prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur sur deux fondements :
– l’article L.312-21 du code de la consommation, considérant que le contrat de crédit ne comportait aucun bordereau de rétractation et qu’il n’était pas justifié que l’exemplaire remis aux emprunteurs comportait un bordereau régulier ;
– les articles L.312-28 et R.312-10 f) dudit code, considérant que l’expression ‘toutes les hypothèses utilisées par calculer ce taux’ implique que l’offre énumère toutes les données retenues pour le calcul du TAEG, soit au moins : le montant du crédit, le délai séparant la date de mise à disposition des fonds et le paiement de la première échéance, le nombre et le montant des échéances, le taux de période et la durée de période ; que le contrat ne précisait ni le taux de période, ni la nature de la période retenue.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France a interjeté appel de cette décision le 5 novembre 2021.
Par conclusions déposées le 4 février 2022, l’appelante demande à la cour de :
– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur le prêt personnel de 23 000 euros consenti le 7 avril 2016 à M. et Mme [Z], et ainsi limité le montant des condamnations prononcées à l’encontre des intimés au titre de ce prêt ;
– condamner en conséquence solidairement M. et Mme [Z], en vertu des clauses contractuelles, à lui payer, au titre du prêt d’un montant initial de 23 000 euros du 7 avril 2016, la somme de 20 180,72 euros au titre des sommes restant dues sur le dit prêt, arrêtées au 10 février 2021, outre intérêts ultérieurs au taux contractuel de 4 % sur la somme de 18 742,98 euros ;
– condamner solidairement M. et Mme [Z] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement M. et Mme [Z] aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP Basset et Associés, avocat ;
– confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Concernant le défaut de production du formulaire détachable de rétractation, le Crédit Agricole expose verser aux débats le bordereau manquant et satisfaire ainsi à ses obligations.
Concernant le formalisme imposé par l’article L.312-28 du code de la consommation, et l’article R.312-10 f), il estime que le JCP a fait une interprétation extensive de ces dispositions.
Il observe que l’encadré du contrat litigieux satisfait aux dispositions de l’article L.312-28 en informant l’emprunteur des caractéristiques essentielles du prêt, à savoir : le montant du prêt, la périodicité de remboursement, le nombre d’échéances, le taux d’intérêt fixe, le taux effectif global, le coût du crédit donnant lieu au montant du TEG avec sa répartition (montant du crédit, intérêts, et frais). Il ajoute que les ‘hypothèses pour calculer ce taux’ (TEG) sont présentes puisqu’il est fait mention du taux contractuel annuel (4,0000 %), la périodicité (mensuelle), le montant de l’emprunt, des intérêts, des frais pris en compte dans le calcul, et l’explication de la méthode de calcul employée.
Il fait valoir qu’aucun texte ne prévoit que le taux de période doit être indiqué en matière de crédit à la consommation ; que le JCP tente d’appliquer aux crédits à la consommation des textes réservés uniquement aux contrats de prêt immobilier ou professionnels.
Enfin, il observe que s’agissant des prêts immobiliers ou destinés à financer des besoins professionnels, le défaut de mention ou l’inexactitude du TEG ou de son taux dé période peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge au regard du préjudice pour l’emprunteur ; que l’interprétation du JCP créé une sanction plus grave à l’égard des prêteurs en matière de crédit à la consommation.
M. [X] [Z], à qui la déclaration d’appel a été signifiée à personne le 8 décembre 2021 et à qui les conclusions du Crédit Agricole ont été signifiées à personne le 4 février 2022, n’a pas constitué avocat.
Mme [U] [T] divorcée [Z], à qui la déclaration d’appel a été signifiée à domicile le 8 décembre 2021 et à qui les conclusions du Crédit Agricole ont été signifiées à personne le 4 février 2022, n’a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée le 2 février 2023.
MOTIFS :
La cour n’est saisie que des dispositions du jugement ayant :
– prononcé la déchéance du droit du Crédit Agricole aux intérêts sur le prêt personnel de 23 000 euros consenti le 7 avril 2016 à M. et Mme [Z] ;
– condamné en conséquence M. et Mme [Z] à payer solidairement au Crédit Agricole la somme de 15 155,25 euros ne portant intérêts qu’au taux légal non soumis à la majoration de l’article L.313-3 du code monétaire et financier à compter du 19 février 2021, au titre du solde du prêt personnel ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
L’offre préalable ayant été signée le 7 avril 2016, le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction et codification antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016. Les numéros d’articles cités dans le présent arrêt sont ceux en vigueur à la date de conclusion du contrat.
– Sur la déchéance du droit aux intérêts
L’article L.311-48 du code de la consommation sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts contractuels le manquement du prêteur aux obligations édictées, entre autres, à l’article L.311-12 du même code.
Ce dernier article dispose que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire de contrat de crédit.
Devant la cour, le Crédit Agricole a produit le bordereau de rétractation mentionnant le n° du contrat de crédit litigieux. La déchéance du droit aux intérêts n’est donc plus encourue.
Par ailleurs, l’article L.311-48 sanctionne également par la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le manquement du prêteur aux dispositions de l’article L.311-18 qui prévoit notamment qu’un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit et qu’un décret fixe la liste des informations devant figurer dans le contrat et dans l’encadré.
L’article R.311-5 issu du décret n°2011-136 du 1er février 2011énonce ces éléments et dispose notamment au 2° f) que l’encadré doit indiquer le taux annuel effectif global et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées.
De surcroît, selon l’article R.313-1 III, la durée de la période doit être expressément communiquée à l’emprunteur.
L’obligation de communiquer le taux de période n’est prévu que pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d’une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, ainsi que pour celles mentionnées à l’article L.312-2.
La durée de la période correspond au plus petit intervalle séparant deux versements.
En l’espèce, l’encadré du contrat litigieux énonce :
‘Echéances :
Périodicité : mensuelle
Nombre d’échéances : 120 Jour d’échéance retenu le :5
Montant des échéances hors assurance en couverture du prêt :
119 échéances de 232,86 euros (capital et intérêts)
1 échéance de 233,39 euros (capital et intérêts)
Taux débiteur :
Les intérêts sont calculés au taux débiteur annuel fixe de 4,0000 %
Taux annuel effectif global
Taux annuel effectif global : 4,30 %
Il est calculé selon la méthode actuarielle, conformément aux textes en vigueur. Son calcul repose sur l’hypothèse d’une utilisation du montant du crédit en totalité et en une seule fois supposée le 07/05/2016.
Montant total dû par l’emprunteur : 28 173,73 euros comprenant :
le montant total du crédit : 23 000,00 euros ;
les intérêts calculés au taux débiteur : 4 943,73 euros ;
les frais de dossier : 230,00 euros
[…]
Sûretés exigées : sans garantie’
Le JCP a considéré que l’expression ‘toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux’ telle qu’énoncée à l’article R.311-5 2°f) implique que l’offre énumère toutes les données retenues pour le calcul du TAEG, soit au moins : le montant du crédit, le délai séparant la date de mise à disposition des fonds et le paiement de la première échéance, le nombre et le montant des échéances, ainsi que le taux de période et la durée de période. Or, il a constaté que le taux de période et la nature de la période retenue n’étaient pas précisés, et a déchu le prêteur de son droit aux intérêts contractuels.
Dans l’encadré, il est fait mention du taux contractuel annuel (4,0000 %), la périodicité (mensuelle), le montant de l’emprunt, des intérêts, les frais pris en compte dans le calcul, et l’explication de la méthode de calcul employée. Aucun texte n’exigeant la communication du taux de période en matière de crédit à la consommation, et la durée de période apparaissant comme étant mensuelle, la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue.
Aussi, au vu des pièces justificatives produites, la créance du Crédit Agricole s’établit de la façon suivante :
– capital restant dû : 13 212,88 euros
– échéances impayées : 5 530,10 euros
soit la somme totale de 18 742,98 euros.
M. [X] [Z] et Mme [U] [T] divorcée [Z] seront ainsi condamnés solidairement à payer cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,00 % l’an sur celle de 17 561 euros à compter du 10 février 2021, date d’exigibilité totale des sommes dues après mise en demeure.
Il est en outre sollicité une somme de 1 404,88 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de 8 %, demande à laquelle il sera fait droit. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021.
– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Succombant à l’instance, M. [X] [Z] et Mme [U] [T] divorcée [Z] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel, toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La distraction des dépens sera ordonnée au profit de la SCP Basset et Associés, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt de défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,
Infirme, dans la limite de sa saisine, le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne solidairement M. [X] [Z] et Mme [U] [T] divorcée [Z] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France les sommes de :
18 742,98 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,00 % l’an sur celle de 17 561 euros à compter du 10 février 2021;
1 404,88 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 10 février 2021 ;
Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France du surplus de ses demandes ;
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [X] [Z] et Mme [U] [T] divorcée [Z] aux dépens de première instance et d’appel ;
Ordonne la distraction des dépens au profit de la SCP Basset et Associés, avocat.
Le greffier, La présidente,