Droit de rétractation : décision du 26 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06592
Droit de rétractation : décision du 26 avril 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/06592
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 26 AVRIL 2023

PRUD’HOMMES

N° RG 19/06592 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLVN

EURL VITAME SERVICES MEDOC

c/

Madame [K] [H] épouse [S]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 novembre 2019 (R.G. n°F 18/00946) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 17 décembre 2019,

APPELANTE :

EURL Vitame Services Médoc, agissant en la personne de sa représentante légale Madame [O] [Y] en sa qualité de gérante domiciliée audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 500 722 301

représentée par Me Anne LEVEL substituant Me Charlotte VUEZ de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [K] [H] épouse [S]

née le 27 Février 1988 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Magali LE NAY substituant Me Aurélie NOEL de la SELARL HARNO & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Rouaud-Folliard Catherine, présidente chargée d’instruire l’affaire et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [H], née en 1988, a été engagée en qualité d’assistante planning par l’EURL Vitame Services Médoc, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.

Par avenant à son contrat de travail en date du 18 octobre 2013, Mme [H] a vu son salaire porté à la somme de 1.550 euros mensuels.

Mme [H] est partie en congé de maternité pathologique le 8 juin 2017, prolongé par un congé maternité qui a pris fin le 30 octobre 2017.

Par courrier du 7 mars 2018, Mme [H] a refusé l’avenant proposé par la société portant sur des fonctions d’assistante de vie.

Le 12 mars 2018, Mme [H] et la société Vitame Service Médoc ont signé une rupture conventionnelle. Par courrier du 19 mars 2018, Mme [H] a utilisé son droit de rétractation.

Par lettre datée du 19 mars 2018, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 27 mars 2018.

Mme [H] a ensuite été licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 30 mars 2018.

A la date du licenciement, Mme [H] avait une ancienneté de 4 ans et 8 mois.

Mme [H] a été placée en arrêt maladie au cours du mois de mars 2018 et du 8 avril 2018 jusqu’à la fin du préavis.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des rappels de salaire, Mme [H] a saisi le 15 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 26 novembre 2019, a :

– dit le licenciement de Mme [H] dépourvu de cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamné la société Vitame Services Médoc à lui verser:

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.425 euros à titre de rappel de salaire,

* 142,50 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents,

* 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société Vitame Services Médoc de ses demandes reconventionnelles,

– condamné la société Vitame Services Médoc aux entiers dépens d’instance et frais éventuels d’exécution.

Par déclaration du 17 décembre 2019, la société Vitame Services Médoc a relevé appel de cette décision, notifiée le 27 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 juillet 2022, la société Vitame Services Médoc demande à la cour de :

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

* jugé que le licenciement de Mme [H] était dénué de cause réelle et sérieuse,

* condamné la société à verser à Mme [H] des dommages et intérêts pour licenciement abusif, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, des rappels de salaire et une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [H] de son appel incident,

Et, statuant à nouveau :

– dire que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– dire qu’elle a exécuté de bonne foi le contrat de travail de Mme [H],

– débouter Mme [H] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [H] à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [H] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 août 2022, Mme [H] demande à la cour de’:

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a:

* dit que la société Vitame Services Médoc avait manqué à l’exécution loyale du contrat de travail,

* dit que le licenciement pour insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Vitame Services Médoc à lui verser les sommes suivantes :

.1.425,75 euros à titre de rappels de salaire du 1er décembre 2017 au 30 mars 2018,

.142,57 euros à titre de congés payés y afférents,

– réformer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a:

* condamné la société Vitame Services Médoc à lui verser uniquement :

.2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

.5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et par conséquent,

– condamner la société Vitame Services Médoc à lui verser :

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Vitame Services Médoc à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’employeur aux entiers dépens d’instance,

– assortir le jugement de l’intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

“Vous avez été embauchée le 1er août 2013 au poste d’assistante planning, poste clé dans notre organisation, forte du diplôme BTS SP3S (Services et Prestations du Secteur Sanitaire et Social).

Lors de chaque entretien de fin d’année (18/10/2013 – 08/10/2014 – 23/10/2015 – 08/11/2016 – 16/11/2017) vos lacunes (non-respect de votre fiche de poste) ont été portées à votre connaissance.

Ces lacunes reviennent chaque année et ont provoqué une dégradation de la rentabilité de l’entreprise et de l’image de marque, un risque juridique et social, l’insatisfaction de nos clients et une désorganisation interne préjudiciable à la motivation de vos collègues et à l’ambiance.

Ces lacunes sont les suivantes :

– Incapacité à gérer les plannings de façon impartiale, générant des tensions au sein du personnel- Manque d’empathie, source d’injustices et de démotivation

– Communication maladroite avec les clients : manque de clarté, ton inapproprié à une clientèle âgée- Non-respect des procédures plannings :

1) Incapacité à prendre systématiquement en compte les contraintes sociales et légales : amplitude horaire, temps de repos, heures contrat.

2) Incapacité à prendre systématiquement en compte les contraintes économiques : temps de trajet anormalement élevés

3) Difficultés récurrentes à appliquer les procédures commerciales :

‘ modification des plannings sans prévenir les clients ou les salariés : mécontentement des clients, doublons ou absences d’intervention entrainant des situations très inquiétantes de non présence auprès des clients dépendants

‘ erreurs de tarification ou de prise en charge : désorganisation de la paye et de la facturation

‘ traitement des demandes et réclamations clients : mauvaise transmission des informations, manque de clarté, tenue aléatoire du suivi des appels

‘ traitement des remplacements : non prise en compte des compétences de l’intervenante

‘ procédure de la gestion des clés clients non respectées

– Plannings incomplets remis en début de mois aux clients et aux intervenants.

Nous avons progressivement réorganisé le service administratif pour limiter votre champ d’action, confiant à d’autres certaines des attributions de votre fiche de poste.

Malgré ces mesures sensées vous permettre de vous concentrer sur les plannings, nous avons continué à déplorer des erreurs, des retards, des maladresses, constatant toujours votre manque d’efficacité et d’autonomie.

A votre retour de congé maternité, le 30 octobre dernier, en raison des besoins du service (nos difficultés à recruter de nouvelles intervenantes), nous vous avons proposé quelques heures de mission sur le terrain, en complément de vos heures administratives, en respect de l’article 7 – clause particulière- de votre contrat.

Lors de notre entretien annuel du 16/11/2017, vous avez dit apprécier ces quelques missions terrain.

J’ai alors pris la décision en février dernier de vous proposer un poste d’assistante de vie, tout à fait adapté à vos compétences et vos qualités, à compter du 1e mars 2018.

Nous avons eu un entretien à ce sujet le 12 février dernier, j’ai rédigé un avenant le 14 février, nous nous sommes revues le 23 février, sans que vous ne parveniez à vous positionner par rapport à cette proposition.

Le 7 mars dernier, vous avez notifié le refus de ce poste dans un courrier remis en mains propres.

Vous m’avez alors fait part de votre souhait de quitter l’entreprise et demandé la rupture conventionnelle de votre contrat de travail.

Nous avons rédigé une convention de rupture le 12 mars.

Vous avez ensuite changé d’avis et remis en question cette rupture de contrat.

Lors de notre entretien du 27 mars, vous avez maintenu votre position de refus du poste d’assistante de vie, qui, selon vos dires, équivaudrait à vous rétrograder. Je vous rappelle qu’il n’y a aucune notion hiérarchique entre un poste d’assistante planning et une assistante de vie, pas plus qu’une quelconque perte de salaire horaire.

D’autre part, bien que reconnaissant vos lacunes, il est apparu au cours de l’entretien, que vous ne percevez absolument pas l’ampleur de leurs répercussions sur l’entreprise.

Dans la mesure où vous refusez d’accepter le poste que je vous propose et dans la mesure où toutes les raisons évoquées lors de notre entretien et reprises dans ce courrier ne sont pas de nature à me laisser espérer un quelconque changement, je me vois contrainte de vous confirmer la décision de vous licencier pour insuffisance professionnelle.

Compte tenu de votre ancienneté dans l’entreprise, votre préavis est fixé à 2 mois et débutera à la date de première présentation de cette lettre”.

La société fait valoir que des aménagements internes ont vainement été mis en place pour décharger la salariée de certaines de ses tâches, que cette dernière n’a pas bien rempli sa nouvelle mission portant sur la prévention des risques professionnels et le contrôle Urssaf .

Mme [H] conteste les manquements allégués et répond qu’elle n’a jamais reçu de lettre de “recadrage”ou de formation, que la proximité entre la grossesse et le licenciement peut laisser supposer que la situation familiale a motivé le licenciement. Elle fait valoir qu’en réalité, elle a été licenciée parce que la société avait été réorganisée pendant son absence, enfin, que le licenciement est disciplinaire, les griefs étant antérieurs de plus de deux mois sont prescrits.

Les termes de la lettre de licenciement n’indiquent pas que la salariée aurait commis des fautes mais énumère les défaillances de Mme [H] et le moyen tiré de la prescription de griefs est inopérant.

Le licenciement est intervenu le 30 mars 2018 soit cinq mois après le retour de la salariée de son congé de maternité de sorte que la concomitance alléguée par la salariée ne peut être retenue et qu’aucun élément ne laisse présumer l’existence d’une discrimination en raison de la maternité.

L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

La société verse :

-le compte rendu de l’entretien d’évaluation réalisé en octobre 2014 aux termes duquel l’ employeur a encouragé Mme [H] qui rencontrait des difficultés dans l’élaboration des plannings ;

– les comptes rendus d’évaluation des années 2015 et 2016 mentionnant les erreurs dans l’élaboration des plannings (défaut de prise en compte des procédures, des contraintes des salariés, des clients) et une mauvaise communication avec les intervenantes voire les clients ;

– le compte rendu de l’évaluation réalisée en novembre 2017 indiquant que Mme [H] se voyait confier le projet de prévention des risques et que la répartition entre les missions extérieures et ce projet serait revue deux mois plus tard; il sera noté que le licenciement est intervenu plus de trois mois après l’entretien de sorte qu’il ne peut être reproché à la société d’avoir anticipé le licenciement.

Mme [H] ne peut donc valablement exciper de l’absence de lettre de “recadrage” dès lors qu’elle était informée des difficultés rencontrées dans l’établissement des plannings et la communication avec ses collègues et les clients ;

– les nombreuses attestations de salariées et de clients corroborant de nombreuses erreurs et insuffisances énoncées dans la lettre de licenciement (incapacité à gérer les plannings de manière impartiale, communication maladroite, modifications des plannings sans information des clients, absences d’interventions demandées); les trois attestations d’une ancienne salariée et de deux clients – imprécises- produites par Mme [H] ne les contredisent pas efficacement ;

– l’attestation de Mme [W] faisant état de ce qu’elle a pris en charge l’accueil téléphonique et physique des clients et l’ouverture des comptes clients pour soulager Mme [H] ;

– l’attestation de Mme [L] à laquelle il a été demandé d’être cheffe d’équipe pour aider et accompagner Mme [H] ; Mme [L] a mis en place des cycles afin que la plupart des plannings concernant les interventions de ménage soient réalisés pour six mois ; elle a préconisé la réalisation de plannings par client pour stabiliser les interventions et éviter le défaut de prise en compte d’une demande ; la rédactrice fait état de l’absence d’amélioration après le retour de la salariée de son congé de maternité et de son incapacité à élaborer les plannings;

– l’attestation de Mme [V] qui fait état de ce que Mme [H] n’a pas pris les mesures nécessaires à la réalisation du projet de prévention des risques professionnels – elle n’aurait interrogé que quatre personnes n’allant pas sur le terrain au préjudice des salariées intervenant chez les clients et particulièrement exposées aux dits risques. Mme [H] n’a pas expliqué à des clients ou à des intervenantes chargées d’obtenir des pièces d’identité, la raison de ces demandes nécessaires au contrôle Urssaf. Cette dernière insuffisance est confirmée par Mme [W].

Les difficultés de Mme [H], nombreuses et persistantes, y compris après le mois de janvier 2018 et leurs conséquences sur la bonne marche de l’ entreprise – eu égard au mécontentement des salariés et des clients et de la nécessité de modifier la répartition du travail des collègues de l’intéressée- constituaient des éléments concrets et objectifs

de l’incapacité durable de la salariée d’exécuter de manière satisfaisante ses fonctions même largement délestées de la réalisation des plannings dont elle était responsable.

Placée devant l’incurie persistante de sa salariée, l’employeur devait modifier les fonctions de celle-ci ; si l’employeur ne peut imposer une modification du contrat de travail au salarié et y renoncer en cas de refus de ce dernier, la société pouvait légitimement licencier la salariée dès lors que le motif de cette modification était sérieux eu égard à l’ insuffisance professionnelle avérée.

Le licenciement de Mme [H] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé de ce chef.

L’exécution du contrat de travail

Mme [H] fait valoir qu’elle a été victime d’une discrimination dès lors que l’employeur ne l’a pas réintégrée dans ses fonctions administratives à son retour de congé de maternité, que des plannings d’assistante de vie lui ont été transmis, portant sur ces fonctions qu’elle ne voulait pas exercer, que le montant de sa rémunération a été réduit. À ce titre, Mme [H] demande paiement de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros et d’un rappel de salaire de 1 425,75 euros sur la période du 1er décembre 2017 au 30 mars 2018.

La société répond qu’elle a respecté les dispositions de l’article L.1225-25 du code du travail : Mme [H] a retrouvé des tâches administratives, des missions de terrain lui étant progressivement confiées conformément à l’ article 7 de son contrat de travail et avec son accord.

Aux termes de l’article L.1222-1 du code du travail, le code du travail doit être exécuter de bonne foi.

Aux termes de l’ article L.1225-25 du code du travail, à l’issue d’un congé de maternité, la salariée retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Aux termes des dispositions de l’article L. 1144-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatifs aux dispositions des articles L.1142-1 et L.1152-2 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur la grossesse. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Mme [H] a été engagée en qualité “d’assistante plannings” à temps plein par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 2013.

Mme [H] produit la fiche du poste de responsable planification , mise à jour le 22 avril 2014, signée par elle, peu important l’absence de signature de l’employeur ayant rédigé le document. Cette fiche ne mentionne pas d’interventions sur le terrain, celles- ci ne pouvant qu’être occasionnelles au regard de l’ article 7 du contrat de travail.

La société ne conteste ni avoir embauché Mme [D] pendant le congé de maternité de Mme [H] ni que la première exécutait les fonctions de la seconde pendant cette absence.

L’ employeur affirme que Mme [H] a repris des tâches administratives sans préciser la nature de celles- ci. Il ajoute qu’au cours d’un entretien annuel du 16 novembre 2017, Mme [H] et lui même avaient convenu que cette dernière réaliserait à temps partiel des plannings, s’occuperait des dossiers Prévention des risques et Urssaf et effectuerait des missions de terrain en tant que garde d’enfants.

Les mentions portées sur le compte-rendu de l’entretien annuel du 16 novembre 2017 (“aime bien les missions de terrain” et ” répartition entre les missions auxiliaire de vie et le projet ou les tâches administratives”… ” a envie que cela marche ” … ” souhaite qu’on trouve une collaboration qui convienne à [K] et à Vitame “) n’établissent pas que Mme [H] avait donné son accord pour être dépossédée, fût ce en partie, de ses fonctions administratives au profit de fonctions de terrain.

L’ employeur n’a pas respecté l’obligation de réintégrer Mme [H] dans l’intégralité de ses fonctions en novembre 2017 à son retour de congé de maternité.

Ces éléments laissent présumer l’existence d’une discrimination et il revient à la société d’établir que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Les erreurs commises par Mme [H] n’autorisaient pas l’employeur à priver la salariée d’une partie de ses fonctions dès le mois de novembre 2017, l’affectation à des missions de terrain ne pouvant qu’être occasionnelle.

La cour considère que Mme [H] a été victime d’une discrimination liée à son état de grossesse.

La société a aussi manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail en éditant un planning de la semaine du mois de mars 2018 comportant deux samedis travaillés en contradiction avec le contrat de travail indiquant un travail du lundi au vendredi.

Mme [H] a subi une discrimination et la violation des dispositions contractuelles à son retour de congé de maternité et la société sera condamnée à lui verser la somme de 3 500 euros de ce chef.

Le jugement sera réformé sur le quantum des dommages et intérêts.

La demande de paiement de rappel de salaire

Mme [H] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la société au paiement d’un rappel de salaire à hauteur de 1 425,75 euros et congés payés afférents au titre des mois de décembre 2017 à mars 2018.

La société répond que la prime de permanence téléphonique n’était pas due dès lors que Mme [H] n’a pas assuré cette sujétion, que cette dernière a été placée en arrêt de travail à compter du 13 mars 2018 et a bénéficié d’autorisations d’absences pour des rendez-vous en cours de journée de travail.

Le salaire de base de Mme [H] était de 1 591,02 euros. La prime de permanence téléphonique n’est pas mentionnée au contrat de travail et son usage n’est pas établi en l’absence de caractère de généralité, de constance et de fixité. Elle a été versée certains mois à hauteur variable et Mme [H] ne dit pas avoir assumé cette sujétion entre

décembre 2017 et mars 2018. Son montant ne s’ajoute pas au salaire mensuel sus mentionné.

Mme [H] dit avoir été placée en arrêt de travail à compter du 8 avril 2018.

La société produit un arrêt de travail daté du 13 mars et jusqu’au 26 mars 2018 et Mme [H] a été en congés payés du 28 mars au 7 avril 2018. Les jours d”absence pour maladie ou autre cause indiqués sur les bulletins de paye de décembre 2017, janvier 2018 et mars 2018 sont corroborés par les plannings des mois considérés. Il reste que le salaire du mois de février 2018 a été calculé sur un montant brut de 1 438,88 euros au lieu de 1 591,02 euros. La société devra verser à Mme [H] le salaire net correspondant à une somme brute de 152,14 euros et les congés payés afférents correspondants.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2.

Vu l’équité, la société sera condamnée à payer à Mme [H] la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties succombant, il sera fait masse des dépens qui seront supportés par moitié par chacune d’elles.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Mme [H] fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef;

Condamne l’EURL Vitame services Médoc à payer à Mme [H] les sommes de :

– 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

– 152,14 euros bruts et congés payés afférents au titre de rappel de salaire du mois de février 2018,

-2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2.

Fait masse des dépens de première instance et d’appel et condamne chaque partie à en supporter la moitié.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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