Droit de rétractation : Décision du 25 octobre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01095

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Droit de rétractation : Décision du 25 octobre 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 22/01095

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°466

DU : 25 Octobre 2023

N° RG 22/01095 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2EE

VTD

Arrêt rendu le vingt cinq Octobre deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 05/04/2022 par le Juge du contentieux de la protection du T. de proximité de VICHY (11-21-00416)

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

Madame Virginie DUFAYET, Conseiller

En présence de : Mme Stéphanie LASNIER, Greffier, lors de l’appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé

ENTRE :

S.A. CREATIS

immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 419 446 034

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (avocat plaidant)

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [J] [X]

et Mme [V] [D] épouse [X]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentants : Me Marie-Christine SLIWA-BOISMENU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Philippe CIZERON, avocat au barreau de ST ETIENNE (avocat plaidant)

Timbre fiscal acquitté

INTIMÉS

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 14 Septembre 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 25 Octobre 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Par acte sous seing privé du 25 juin 2018, M. et Mme [X] ont souscrit auprès de la SA Créatis un contrat de regroupement de crédits pour un montant de 130 000 euros moyennant un taux débiteur annuel fixe de 4,56 %, remboursable en 180 mensualités.

Se prévalant du non respect des échéances convenues, la SA Créatis a adressé à chacun des emprunteurs une lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) en date du 16 mai 2021, les mettant en demeure de lui régler la somme de 8 666,73 euros sous trente jours, faute de quoi la déchéance du terme du contrat serait prononcée.

Suivant LRAR en date du 30 juillet 2021, la SA Créatis a notifié à M. et Mme [X] la déchéance du terme du contrat de prêt et les a mis en demeure de lui régler la somme de 132 752,29 euros.

Par acte d’huissier du 22 octobre 2021, la SA Créatis a fait assigner M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal de proximité de Vichy aux fins de voir :

à titre principal :

– condamner solidairement M. et Mme [X] au paiement de la somme de 133 265,75 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,56 % à compter de la mise en demeure;

à titre subsidiaire :

– limiter la déchéance du droit aux intérêts, aux intérêts échus et non payés ;

– assortir toute condamnation de M. et Mme [X] des intérêts au taux légal soumis à la majoration de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;

en tout état de cause :

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner in solidum M. et Mme [X] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Par jugement contradictoire du 5 avril 2022, le JCP a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat de regroupement de crédits souscrit par M. et Mme [X] le 25 juin 2018 ;

– condamné solidairement M. et Mme [X] à payer à la SA Créatis la somme de 107 451,44 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juillet 2021 ;

– écarté la majoration du taux d’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier sur ce prêt ;

– débouté la SA Créatis de sa demande de capitalisation des intérêts ;

– débouté M. et Mme [X] de leur demande de dommages et intérêts ;

– débouté M. et Mme [X] de leur demande de délais de paiement ;

– condamné M. et Mme [X] in solidum à payer à la SA Créatis la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

– prononcé l’exécution provisoire ;

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La SA Créatis a interjeté appel de ce jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 24 mai 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 8 décembre 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1902 du code civil, L.312-1 et suivants du code de la consommation, L.313-3 du code monétaire et financier, de :

– déclarer recevable et bien fondé l’appel interjeté ;

– y faisant droit, infirmer le jugement rendu le 5 avril 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vichy en ce qu’il a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat souscrit par M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X], en retenant qu’il n’est pas justifié de la remise de la FIPEN et que l’offre de crédit ne comporte pas de bordereau de rétractation ;

– condamné solidairement M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] à lui payer la somme de 107 451,44 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juillet 2021 ;

– écarté la majoration des intérêts ;

– rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;

– confirmer le jugement rendu le 5 avril 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vichy en ce qu’il a débouté M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] de leur demande de dommages et intérêts en raison d’un non-respect du devoir de mise en garde et de leur demande de délais de paiement ;

– en conséquence et statuant à nouveau :

– à titre principal :

condamner solidairement M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 29 juin 2021 :

> capital restant dû : 118 447,20 euros ;

> intérêts : 5 302,84 euros ;

> frais : 39,93 euros ;

> indemnité conventionnelle : 9 475,78 euros ;

—————

total : 133 265,75 euros ;

outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 4,56 % à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement ;

débouter M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] de l’intégralité de leurs demandes fins et conclusions ;

– à titre subsidiaire : si par impossible la déchéance du droit aux intérêts venait à être confirmée,

assortir toute condamnation en paiement à l’encontre de M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] des intérêts aux taux légal, avec majoration de 5 points en application des dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et infirmer en ce sens le jugement entrepris ;

– en tout état de cause :

ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

les condamner in solidum à lui payer et porter la somme de 2 000 euros au titre des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

les condamner in solidum aux entiers dépens ;

dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le ‘jugement à intervenir’, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.

Aux termes de leurs dernières conclusions reçues au greffe en date du 5 octobre 2022, M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] demandent à la cour :

– vu l’article 901 du code de procédure civile, vu la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant, débouter la SA Créatis de son appel portant sur un prêt de 2014,

– subsidiairement, confirmer la décision déférée en ce qu’elle :

> a prononcé la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat qu’ils ont souscrit le 25 juin 2018, en retenant qu’il n’est pas justifié de la remise de la FIPEN et que l’offre de crédit ne comporte pas de bordereau de rétractation,

> les a condamnés solidairement à payer à la SA Créatis la somme de 107 451,44 euros ;

> écarté la majoration des intérêts ;

> débouté la SA Créatis de sa demande de capitalisation des intérêts ;

– débouter la SA Créatis de son appel et autres prétentions ;

– recevant leur appel incident, infirmer la décision entreprise ;

– statuant à nouveau,

– vu l’article 1231-6 du code civil, rejeter la demande d’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 30 juillet 021, sur la somme réclamée ;

– vu l’article 1231-5 du code civil, réduire la clause pénale du contrat de crédit Créatis stipulée dans les dispositions intitulées ‘défaillance de l’emprunteur exigibilité anticipée’, à la somme d’un euro symbolique ;

– ordonner la compensation entre la condamnation à intervenir et toute somme qui resterait à leur charge ;

– imputer tous versements perçus par l’établissement préteur depuis l’origine sur le seul capital restant dû ;

– vu les articles 1217 à 1237 du code civil et L.312-36 du code de la consommation, reconventionnellement, retenant la responsabilité de la SA Créatis pour défaut de mise en garde, condamner ladite société à leur payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts;

– ordonner la compensation avec les sommes éventuellement dues ;

– plus subsidiairement, vu l’article 1343-5 du code civil, leur accorder les plus larges délais de paiement ;

– dire et juger que tous règlements s’imputeront, en priorité, sur le principal ;

– condamner la SA Créatis à leur verser la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la même aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Marie Christine Sliwa-Boismenu, avocat sur son affirmation de droit, en application de l’article 699 du code de procédure civile

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– Sur l’absence d’appel du jugement déféré

L’article 901 du code de procédure civile énonce que la déclaration d’appel est faite par acte comportant le cas échéant une annexe, contenant outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le 5ème alinéa de l’article 57, et à peine de nullité:

4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est divisible.

Les époux [X] soutiennent que ‘la cour n’est pas saisie du prêt litigieux sur lequel a porté le contentieux de première instance mais d’un prêt du 10 janvier 2014″ et que la SA Créatis sera déboutée de son appel puisque dans sa déclaration d’appel et dans ses conclusions, elle a sollicité ‘le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat souscrit par M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] le 10 janvier 2014″.

L’erreur manifeste dans la désignation de l’intimé, au regard de l’objet du litige tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité de l’appel (Cass. Assemblée Plénière, 06/12/2004, n°03-11.053). Ainsi, dès lors que les conclusions de l’appelant ne recèlent aucune ambiguïté et démontrent que le litige oppose effectivement les mêmes parties qu’en première instance, on peut considérer que l’erreur dans la déclaration d’appel est sans incidence sur la recevabilité de l’appel.

Ce raisonnement est transposable aux chefs du jugement : il est évident que la mention de la date du contrat au 10 janvier 2014 est une erreur manifeste, le seul contrat mentionné dans le jugement déféré et le seul contrat existant entre les parties étant celui du 25 juin 2018. Les dernières conclusions de la SA Créatis mentionnent bien le contrat du 25 juin 2018.

Ce moyen sera rejeté.

– Sur la déchéance du droit aux intérêts

L’offre préalable ayant été signée le 25 juin 2018, le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction et codification postérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.

L’article L.312-12 prévoit que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement. La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat (article R.312-2).

L’article L.341-1 du code de la consommation énonce que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L.312-12, est déchu du droit aux intérêts.

De surcroît, l’article L.341-4 du code de la consommation sanctionne également par la déchéance du droit aux intérêts contractuels le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées notamment par l’article L.312-21.

Cet article dispose qu’afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L.312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

Il appartient au prêteur, en application de l’article 1353 du code civil, de rapporter la preuve qu’il a rempli ses obligations de remettre à l’emprunteur la fiche d’informations précontractuelles (la FIPEN) et un exemplaire doté d’un formulaire de rétractation conforme aux dispositions ci-avant énoncées.

M. et Mme [X], en signant le 25 juin 2018 l’exemplaire de l’acte contractuel resté en possession de la SA Créatis (et produit aux débats en original par celle-ci), ont tous les deux reconnu selon une formule pré-imprimée figurant dans le paragraphe intitulé ‘Acceptation de l’offre de contrat de crédit’ en page 23, : ‘ accepter la présente offre de crédit après avoir pris connaissance de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, des conditions particulières et générales du contrat de crédit, je (nous) reconnais(sons) rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation’.

La signature par l’emprunteur de l’offre préalable, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Cass. Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n°19-18.971).

De même, la signature par l’emprunteur d’une fiche explicative et de l’offre préalable de crédit comportant chacune une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d’information normalisée européenne et la notice d’assurance, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.(Cass. Civ. 1ère, 08 avril 2021, n°19-20.890).

La SA Créatis verse aux débats, outre le contrat ‘exemplaire prêteur’ en original dont les pages sont numérotées 19/52 à 23/42, l’exemplaire ’emprunteur’ en pièce n°2 adressé à M. et Mme [X], numéroté de la page 1 à la page 52 :

– l’exemplaire à renvoyer au prêteur se trouve bien en pages 19 à 23/52 ;

– la FIPEN apparaît en pages 11 à 14/52 ;

– un bordereau de rétractation existe en page 29/52 et un second en page 35/52.

La production de cette pièce permet à la juridiction de vérifier que la FIPEN et les formulaires de rétractation joints à l’exemplaire destiné aux emprunteurs étaient conformes aux textes en vigueur.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts sur les fondements sus-rappelés.

En vertu de l’article L.312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret (8 % du capital restant dû à la date de la défaillance).

En l’espèce, la SA Créatis produit notamment à l’appui de sa demande :

– l’offre préalable de crédit signée le 25 juin 2018 ;

– la fiche de dialogues : revenus et charges et ses justificatifs;

– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées ;

– le justificatif de consultation du FICP ;

– le document d’information propre au regroupement de créances ;

– le tableau d’amortissement ;

– l’historique du prêt ;

– un décompte de créance.

Il est également produit un courrier adressé aux emprunteurs le 21 juin 2019 par la SA Créatis mentionnant qu’une demande de report d’échéances avait été acceptée, le tableau d’amortissement ayant ainsi nécessairement été modifié.

La SA Créatis justifie par ailleurs de l’envoi aux emprunteurs le 16 juin 2021 d’un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement dans un délai de trente jours des mensualités impayées à hauteur de 8 666,73 euros sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du prêt.

A défaut de régularisation des mensualités impayées, la déchéance du terme est intervenue et un courrier recommandé de mise en demeure a été adressé le 30 juillet 2021 à M. et Mme [X] portant sur la somme totale de 132 752,29 euros.

Aussi, au vu des pièces justificatives produites, la créance de la SA Créatis s’établit de la façon suivante :

– capital restant dû : 118 447,20 euros

– intérêts : 4 829,31 euros

soit la somme totale de 123 276,51 euros.

La somme de 39,93 euros réclamée au titre des frais n’est pas justifiée.

M. et Mme [X] seront ainsi condamnés solidairement à payer la somme de 123 276,51 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,56 % l’an à compter du 30 juillet 2021 sur la somme de 118 447,20 euros.

Aux termes de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l’indemnité avec d’autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.

En l’espèce, l’indemnité de 9 475,78 euros réclamée par la SA Créatis apparaît manifestement excessive, d’une part en ce qu’elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu’il ressort de l’historique du compte, et d’autre part, en ce que le taux d’intérêt de 4,56 % était bien supérieur à la dépréciation monétaire, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.

Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 1 000 euros.

M. et Mme [X] seront condamnés solidairement au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2021.

La sanction de déchéance du droit aux intérêts n’étant pas prononcée, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l’application de la majoration du taux légal prévue par l’article L. 313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.

De surcroît, la capitalisation des intérêts n’est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SA Créatis ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.

– Sur la responsabilité du prêteur pour manquement au devoir de mise en garde

Il résulte de l’article 1231-1 du code civil qu’à l’égard d’un emprunteur non averti, l’établissement

de crédit est tenu d’une obligation de mise en garde, à raison des capacités financières de cet emprunteur et des risques de l’endettement nés de l’octroi des prêts (Cass. Ch. mixte, 29 juin 2007, n° 05-21.104).

L’établissement de crédit doit recueillir des informations sur les capacités financières de l’emprunteur en vue d’apprécier si le crédit est susceptible d’être remboursé. En matière de crédit à la consommation, l’article L.312-16 du code de la consommation prévoit notamment que le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

L’emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde doit justifier de la disproportion du prêt à ses capacités financières ou du risque de l’endettement né de l’octroi du crédit. Et le caractère inadapté du prêt résulte notamment du taux d’endettement induit par la souscription.

Une fois établie que cette obligation était due, c’est au banquier de prouver qu’il l’a remplie.

En l’espèce, les époux [X] ont rempli une fiche de dialogue signée le 25 juin 2018, faisant état de revenus mensuels de 5 252,68 euros (salaire monsieur 1 437,60 euros, bénéfices non commerciaux madame 3 558,92 euros, allocations familiales 131,16 euros, pension alimentaire reçue 125 euros).

Le couple était marié, avait deux enfants communs à charge, et Mme [X] avait un enfant à charge issu d’une première union.

Au niveau des charges, le couple a déclaré le remboursement d’un prêt immobilier assorti d’une assurance (1 101,13 euros) et des impôts sur le revenu à hauteur de 32,75 euros.

Les autres emprunts qu’ils avaient contractés devaient faire l’objet du contrat de regroupement de crédits.

Ces déclarations étaient assorties de pièces justificatives : pièces d’identité, document relatif au divorce de Mme [X], livret de famille, attestation de paiement CAF, relevés de compte de Mme [X], avis d’impôt 2017 taxe foncière, bulletins de salaires de M. [X]).

Le contrat de regroupement de crédit d’un montant de 130 000 euros prévoyait des mensualités de remboursement à hauteur de 998,48 euros.

Ainsi, il ressortait un taux d’endettement de 39,97 %.

Malgré ce taux d’endettement, le tribunal a considéré que leur restant à vivre (3 119,72 euros) était suffisant pour faire face tant à leurs échéances de prêt qu’aux charges de la vie courante, et a débouté M. et Mme [X] de leur demande de dommages et intérêts.

Aucune règle ne fixe le taux d’endettement maximal. Toutefois, le Haut Conseil de Stabilité Financière recommande depuis janvier 2021 un taux d’endettement maximum de 35 % contre 33 % auparavant.

Le taux d’endettement du couple [X] ressortait à environ 40 %, alors même qu’il sollicitait un contrat de regroupement de crédits et qu’ils connaissaient ainsi déjà des difficultés financières. Même si les revenus de M. et Mme [X] ne peuvent être qualifiés de faibles, ils n’étaient néanmoins pas d’un niveau suffisant pour aboutir à un tel taux d’endettement. Or, dès 2019, le couple a sollicité un report d’échéances, et à partir de juillet 2020, soit deux ans après la signature du contrat, les échéances ont commencé à être impayées. L’existence du risque est ainsi caractérisée.

La SA Créatis ne rapporte pas la preuve d’avoir rempli son obligation de mise en garde, faisant ainsi perdre une chance aux époux [X] de ne pas contracter.

Le préjudice subi consiste dans la perte de chance de ne pas contracter cet emprunt de 130 000 euros, qui ne peut correspondre au montant du concours octroyé. Il sera évalué à 50 000 euros, cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et viendra en compensation avec les sommes dues par les emprunteurs. Le jugement sera donc infirmé.

– Sur les délais de paiement

La demande de délais de paiement de M. et Mme [X] ne pourra qu’être rejetée en raison de l’écoulement du temps de la procédure qui a déjà largement octroyé aux intimés la totalité des délais qui pouvaient leur être légalement accordés en application de l’article 1343-5 du code civil (assignation du 22 octobre 2021).

En outre, au vu de la somme due et des pièces produites relatives à leur situation financière, ils ne justifient pas de la possibilité d’apurer leur dette dans un délai de 24 mois.

– Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Chaque partie succombe partiellement à l’instance et supportera la charge de ses propres dépens.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction,

Déclare recevable l’appel de la SA Créatis à l’encontre du jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Vichy en date du 05 avril 2022;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] à payer à la SA Créatis :

la somme de 123 276,51 euros outre intérêts au taux contractuel de 4,56 % l’an à compter du 30 juillet 2021 sur la somme de 118 447,20 euros.;

la somme de 1000 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 2021 ;

Déboute la SA Créatis de ses demandes au titre de la capitalisation des intérêts ;

Condamne la SA Créatis à payer à M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de ne pas contracter le contrat de crédit en raison d’un manquement de la SA Créatis à son devoir de mise en garde ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ;

Ordonne la compensation des sommes respectivement dues par les parties ;

Déboute M. [J] [X] et Mme [V] [D] épouse [X] de leur demande de délais de paiement ;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier La Présidente

 


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