ARRÊT DU
25 Novembre 2022
N° 1932/22
N° RG 20/01912 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TFWF
PN/VDO
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARRAS
en date du
01 Septembre 2020
(RG F 19/00107 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 25 Novembre 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.A.S. KERUZORE
[Adresse 1]
représentée par Me Edouard PRAQUIN, avocat au barreau de LILLE
assistée de Me Jean-louis DECOCQ, avocat au barreau de COMPIEGNE,
INTIMÉE :
Mme [V] [O] épouse [L]
[Adresse 2]
représentée par Me Elodie HANNOIR, avocat au barreau de BETHUNE
DÉBATS : à l’audience publique du 06 Octobre 2022
Tenue par Pierre NOUBEL
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Nadine BERLY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 septembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Mme [V] [L] née [O] a été engagée par la société KERUZORE suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 1er avril 2000, en qualité de secrétaire dactylographe.
La convention collective nationale applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport.
Le 30 mars 2018, une rupture conventionnelle à effet du 9 mai 2018 a été signée par les parties.
Le 6 mai 2019, Mme [V] [L] a saisi le conseil de prud’hommes d’Arras afin de requalifier son contrat de travail en contrat à temps complet et dire nulle la rupture conventionnelle susvisée.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes du 1er septembre 2020, lequel a :
– jugé que les demandes de Mme [V] [L] sont parfaitement recevables,
– requalifié le contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel de Mme [V] [L] en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
– jugé qu’il y a lieu de procéder à l’annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme [V] [L],
– jugé que la nullité de la rupture conventionnelle a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société KERUZORE à payer à Mme [V] [L] :
– 17 595,26 euros bruts de rappel de salaire pour rectification du contrat de travail, outre 1 759,52 euros bruts de congés payés y afférents,
– 2 534,61 euros bruts de rappel de salaire pour rectification du taux horaire, outre 253,46 euros bruts de congés payés y afférents,
– 889,22 euros bruts de rappel d’indemnité complémentaire, outre 88,92 euros bruts de congés payés y afférents,
– 3 100,12 euros bruts de préavis, outre 310,01 euros bruts de congés payés y afférents,
– 4 108,64 euros d’indemnité de licenciement,
– 15 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
– 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– précisé que les condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation, soit le 11 mai 2019, pour toutes les sommes de nature salariale, à défaut à compter du jugement pour les autres sommes,
– rappelé qu’en application des dispositions de l’article R. l454-28 du code du travail, la présente décision est exécutoire dans la limite de neuf mois de salaire pour les sommes visées à l’article R. l454-15 du code du travail, calculés sur la base du salaire moyen des trois derniers mois de salaire,
– ordonné à la société KERUZORE de remettre à Mme [V] [L] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du 30ème jour après notification,
– dit que le conseil de prud’hommes se réserve le droit de liquider l’astreinte,
– débouté la société KERUZORE de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société KERUZORE aux entiers dépens.
Vu l’appel formé par la société KERUZORE le 8 septembre 2020,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société KERUZORE transmises au greffe par voie électronique le 10 mai 2021 et celles de Mme [V] [L] transmises au greffe par voie électronique le 26 août 2022,
Vu l’ordonnance de clôture du 14 septembre 2022,
La société KERUZORE demande :
– d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de rappel de salaires de Madame [L] antérieures au 6 mai 2016,
Statuant à nouveau :
– de débouter Mme [V] [L] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
– de débouter Mme [V] [L] de sa demande de rectification du taux horaire,
– de débouter Mme [V] [L] de sa demande en annulation de la rupture conventionnelle,
– de débouter Mme [V] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire :
– de réduire à de plus justes proportions sa condamnation à titre de dommages et intérêts concernant la demande en annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail,
En tout état de cause :
– de condamner Mme [V] [L] à lui payer 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [V] [L] demande :
– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– jugé que ses demandes sont parfaitement recevables,
– requalifié son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,
– jugé qu’il y a lieu de procéder à l’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail,
– jugé que la nullité de la rupture conventionnelle a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamné la société KERUZORE à lui payer 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné à la société KERUZORE de lui remettre une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie conformes sous astreinte de 20 euros par jour et par document à compter du 30e jour après notification,
– dit que le conseil de prud’hommes se réserve le droit de liquider l’astreinte,
– débouté la société KERUZORE de sa demande reconventionnelle,
– condamné la société KERUZORE aux entiers dépens,
– d’infirmer le jugement déféré sur le quantum des sommes allouées,
Statuant à nouveau :
– de condamner la société KERUZORE à lui payer :
– 33 521,04 euros bruts de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat en contrat à temps complet, outre 3 352,10 euros bruts de congés payés y afférents ; subsidiairement, 103,24 euros bruts outre l’indemnité de congés payés correspondante à hauteur de 10,32 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er au 9 mai 2018,
– 4 091,25 euros bruts de rappel de salaire au titre du coefficient hiérarchique, outre 409,12 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 1 311,90 euros bruts de rappel de salaire au titre de l’indemnité complémentaire, outre 131,19 euros bruts d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 3 551,72 euros bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 355,17 euros bruts de congés payés y afférents,
– 9 240,39 euros nets d’indemnité de licenciement, soit un solde de 5 340,39 euros nets, après compensation avec l’indemnité conventionnelle perçue,
– 25 750 euros nets de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ; subsidiairement, 5 340,39 euros nets de rappel d’indemnité conventionnelle de rupture,
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– de débouter la société KERUZORE de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions,
– de condamner la société KERUZORE aux frais et dépens.
SUR CE, LA COUR
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription d’une partie des demandes de rappel de salaire de Mme [V] [L]
Attendu que la société KERUZORE rappelle que Mme [V] [L] a introduit son action prud’homale le 6 mai 2019 ; que par conséquent, les demandes de rappel de salaire portant sur la période antérieure au 5 mai 2016 sont prescrites ;
Qu’en réplique, Mme [V] [L] soutient la parfaite recevabilité de ses demandes, la rupture du contrat de travail étant intervenue le 9 mai 2018 ;
Attendu que l’article L.3245-1 du code du travail prévoit que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ;
Qu’il résulte de la lecture de cet article qu’il convient de distinguer la prescription de l’action et la portée de la demande ;
Attendu que les demandes de rappel de salaire tiennent d’une part à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et d’autre part à la rectification du taux horaire applicable ; que le contrat de travail liant les parties a pris fin le 9 mai 2018 ; que Mme [V] [L] a introduit son action en justice le 6 mai 2019, soit dans le délai prescrit à l’article L.3245-1 précité ;
Que dès lors, ses demandes peuvent porter, ainsi que la salariée le soutient, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail, soit à compter du 8 mai 2015 ;
Que par voie de conséquence, la fin de non-recevoir de la société KERUZORE ne saurait être accueillie ; qu’il convient d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a limité la portée des demandes de rappel de salaire à la période postérieure au 5 mai 2016 ;
Sur les conséquences du versement de 6.400 euros par l’employeur
Attendu que le fait d’avoir versé 6400 à l’intimée ne suffit pas à remettre en cause le bon-fondé des revendications salariales de Mme [V] [L] née [O] à ce titre, dès lors qu’il n’est pas démontré que celle-ci avait renoncé à toute action en paiement envers l’employeur à ce titre et ce nonobstant le caractère concomitant des versements avec la mise en place d’une convention de rupture conventionnelle, ne portant mention que du paiement d’une indemnité ;
Sur la classification applicable et ses conséquences financières
Attendu qu’à cet égard, Mme [V] [L] expose que ni son contrat de travail, ni ses bulletins de paie n’indiquent son coefficient ; qu’elle occupait les fonctions de secrétaire dactylographe correspondant au groupe 5 de la convention collective applicable ; qu’en tout état de cause, la société KERUZORE reconnaît le bien-fondé de sa demande ;
Attendu que le salaire minimum conventionnel dépend de la qualification professionnelle de chaque salarié ; qu’il doit être calculé sur la base du coefficient hiérarchique correspondant aux fonctions réellement exercées ;
Attendu que le contrat de travail de la salariée n’indique pas le coefficient applicable, mais prévoit que Mme [V] [L] exercera les fonctions de secrétaire dactylographe, qui correspondent au groupe 5 de la convention collective applicable ; que compte tenu des salaires perçus par Mme [V] [L] et de l’évolution annuelle des taux horaires, c’est à bon droit qu’elle sollicite un rappel de salaire à hauteur de la somme de 4 091,25 euros bruts, outre 409,12 euros bruts de congés payés afférents ;
Qu’en outre, le chapitre 13 section 2 sous-section 2 relatif à la majoration des salaires minima des ETAM de la convention collective applicable prévoit une majoration de 15 % pour le personnel justifiant d’une ancienneté de 15 ans dans l’entreprise ; que Mme [V] [L] justifiant d’une ancienneté de 15 ans à compter du mois d’avril 2015 est en droit de percevoir une indemnité complémentaire de 1 311,90 euros outre 131,19 euros de congés payés afférents ;
Que le jugement entrepris sera donc infirmé s’agissant des sommes retenues par les premiers juges ;
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et ses effets
Attendu que la société KERUZORE soutient qu’il était convenu avec la salariée qu’elle effectuerait 3 heures de travail par jour, de 9h à 12h, soit 15 heures hebdomadaires ; que la stipulation dans le contrat de travail selon laquelle la salariée sera employée de « 15 à 20 heures » par semaine correspond à d’éventuelles heures de travail à effectuer l’après-midi, en plus de ses trois heures hebdomadaires prestées le matin, selon les besoins de l’entreprise ; que la salariée était prévenue de ses horaires de travail de l’après-midi dans un temps raisonnable ;
Qu’en réplique Mme [V] [L] fait valoir qu’elle était tenue à disposition permanente de son employeur dans la mesure où ses horaires de travail variaient en fonction des besoins de ce dernier ; qu’elle soutient qu’elle venait travailler régulièrement l’après-midi, et non pas de manière occasionnelle comme le prétend la société KERUZORE ; qu’elle était dans l’incapacité de pouvoir rechercher un autre emploi puisqu’elle se trouvait soumise continuellement au pouvoir de direction de son employeur ;
Attendu que l’article L.3123-6 du code du travail dispose que le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit qui prévoit notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, ainsi que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines dans le mois ; qu’il y a lieu de requalifier le contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet dès lors que le salarié a été mis dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il pourrait travailler chaque mois et dans l’obligation de se tenir en permanence à la disposition de l’employeur ; qu’il appartient à l’employeur, qui invoque l’existence d’un temps partiel, d’en apporter la preuve ;
Attendu que les stipulations contractuelles aux termes desquelles la salariée serait amenée à travailler « le matin ou l’après-midi » ne suffisent pas à satisfaire aux exigences légales susvisées, dès lors la répartition des heures de travail entre le matin ou l’après-midi ne n’estt pas précisée ;
Qu’il s’ensuit que le contrat de travail est présumé avoir été souscrit dans le cadre d’un temps plein, en application de l’article L.3126-6 du code du travail ;
Attendu que le contrat de travail liant les parties stipule en son article 2 que la salariée est « employée à raison de 15 à 20 heures par semaine, le matin ou l’après-midi » et qu’une « modification de cette répartition devra être notifiée au moins deux jours à l’avance. » ;
Que Mme [V] [L] travaillait a minima tous les jours de 9h à 12h, soit 15 heures hebdomadaires ; qu’elle travaillait en sus certains après-midi selon les besoins de l’employeur ; que l’analyse des fiches de paie de la salariée montre que le nombre d’heures travaillées dépassait régulièrement les 60 heures par mois, voire les 80 heures par mois ; que la variabilité des horaires et des heures prestées ne sauraient justifier l’existence d’un emploi à temps partiel par les seules mentions portées au contrat de travail ci-avant rappelées ; qu’au demeurant, l’employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, ne produit aucun élément permettant d’établir qu’il informait sa salariée des modifications des horaires de travail au moins deux jours à l’avance, à tout le moins dans un temps suffisant pour permettre à la salariée de s’organiser ; qu’eu égard à l’imprécision des horaires imposés à Mme [V] [L] par la société KERUZORE, la salariée, qui ne pouvait compléter sa charge de travail par un autre emploi, se tenait à la disposition permanente de la société KERUZORE ;
Attendu que la salariée était amenée à travailler le matin voire l’après-midi ;
Que pour autant, les pièces produites par l’employeur, desquelles il ne ressort que les indications générales (tout particulièrement s’agissant des témoignages produit) ne suffisent pas à rapporter la preuve la durée exacte, hebdomadaire voire mensuelles, de la durée de travail que les parties avaient convenu ;
Qu’à défaut de justifier d’avoir prévenu la salariée en temps et en heures d’éventuels changements d’horaires, il n’est pas établi que l’intimée n’était pas à disposition de l’appelante ;
Que dès lors, compte tenu des salaires versés à la salariée, du coefficient de rémunération applicable et du décompte produit, il sera fait droit à la demande de Mme [V] [L] à concurrence de 33 521,04 euros outre 3 352,10 euros au titre des congés payés y afférents ;
Que le jugement entrepris sera donc infirmé s’agissant des sommes retenues par les premiers juges ;
Sur le compte des sommes dues
Attendu que les sommes versées par l’employeur doivent venir en déduction des demandes de rappel de salaire formées par l’intimée, dans les limites des sommes indiquées par l’employeur dans le mail du 19 janvier 2018 au titre d’une « régularisation de salaire, », soit 4271,11 euros et ce dans la mesure où il n’est rien réclamé au titre des primes et heures supplémentaires ;
Sur la validité de la rupture conventionnelle
Attendu que la société KERUZORE soutient que la salariée ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’un vice du consentement ; qu’au contraire, la rupture conventionnelle est parfaitement valide et n’a fait l’objet d’aucun vice de consentement ; qu’en particulier, la salariée a reçu une information complète et sincère lors de deux entretiens préparatoires ; que la salariée n’a pas fait valoir son droit de rétractation ; qu’elle n’a agi en justice que 11 mois et 30 jours après l’homologation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;
Qu’en réplique, Mme [V] [L] fait valoir que son employeur a su profiter de la dégradation de son état de santé mental, due à ses conditions de travail devenues délétères, pour la contraindre à signer une rupture conventionnelle ; qu’en particulier, les éléments médicaux qu’elle produit témoignent selon elle du mal-être professionnel qui l’habitait du fait des agissements de la société KERUZORE ; que l’employeur l’a menacée si elle refusait la rupture amiable ; qu’il est en outre patent qu’un conflit relatif aux heures de travail et à leur rémunération existait à cette époque, de sorte que son consentement n’était pas libre et qu’elle agissait sous la contrainte ;
Attendu qu’il ressort des articles L.1237-11 et suivants du code du travail que la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties ; qu’elle résulte d’une convention signée par les parties après un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent se faire assister ; que la convention doit prévoir une indemnité spécifique de rupture qui ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement et fixe la date de la rupture qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ; qu’à compter de la signature de la convention, les parties disposent d’un droit de rétractation pendant quinze jours ;
Qu’aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ; que leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ;
Attendu qu’en l’espèce, Mme [V] [L], sur qui pèse la charge de la preuve, n’apporte aucun élément objectif de nature à établir un quelconque vice de consentement ; qu’en particulier, les éléments médicaux qu’elle produit, bien que décrivant un état anxieux, ne permettent pas d’en expliquer l’origine, ni a fortiori d’établir l’existence du vice du consentement allégué, étant précisé que ces constatations médicales ne relatent de la situation que ce que la salariée a bien voulu en dire ; qu’en outre, il ne saurait se déduire de la seule existence d’un conflit portant sur les heures de travail et à leur rémunération la réalité d’un vice du consentement ; qu’au demeurant, aucun élément ne permet de démontrer que Mme [V] [L] aurait fait l’objet de menaces de représailles de la part de son employeur dans l’hypothèse où elle n’accepterait pas la rupture conventionnelle qui lui était proposée ;
Qu’il convient par conséquent de débouter la salariée de ses demandes indemnités relatives à la rupture du contrat de travail et d’infirmer le jugement déféré de ce chef ;
Sur l’indemnité de rupture conventionnelle
Attendu que Mme [V] [L] a perçu une indemnité de rupture conventionnelle de 3 900 euros ;
Que dès lors que la demande a été formée de façon subsidiaire à la demande d’annulation de la rupture conventionnelle passée entre les parties que la cour a rejetée, celle-ci ne saurait aboutir ;
Sur les autres demandes
Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a ordonné à la société KERUZORE de remettre à Mme [V] [L] des documents de fin de contrat conformes ; qu’il n’y a toutefois pas lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte ;
Attendu que la société KERUZORE sera condamnée aux dépens d’appel, sa condamnation de première instance étant confirmée ;
Qu’eu égard à l’équité et à la situation économique des parties, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société KERUZORE à payer à Mme [V] [L] 2 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile et de débouter les parties de leurs demandes respectives formulées sur le même fondement en cause d’appel ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Arras le 1er septembre 2020 en ce qu’il a :
– déclaré les demandes de Mme [V] [L] recevables,
– ordonné la rectification du taux horaire de Mme [V] [L],
– requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [V] [L] en contrat de travail à temps complet,
– ordonné à la société KERUZORE de remettre à Mme [V] [L] des documents de fin de contrat conformes,
– condamné la société KERUZORE à payer à Mme [V] [L] 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société KERUZORE aux dépens,
L’INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société KERUZORE tirée de la prescription des demandes de rappel de salaire formulées par Mme [V] [L],
CONDAMNE la société KERUZORE à payer à Mme [V] [L]:
– 33 521,04 euros bruts de salaire au titre de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet, outre 3 352,10 euros au titre des congés payés afférents,
– 4 091,25 euros bruts de rappel de salaire au titre de la rectification du coefficient hiérarchique applicable, outre 409,12 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1 311,90 euros bruts de rappel de salaire au titre de l’indemnité complémentaire, outre 131,19 euros au titre des congés payés afférents,
Une déduction de 4271,11 euros devant être opérée,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
CONDAMNE la société KERUZORE aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Valérie DOIZE
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL