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SF/SH
Numéro 23/01395
COUR D’APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 25/04/2023
Dossier : N° RG 21/01883 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H4PH
Nature affaire :
Demande en paiement du prix formée par le constructeur contre le maître de l’ouvrage ou son garant
Affaire :
S.A.S.U. SUD-OUEST DYNAMIQUE HABITAT (SODH)
C/
[K] [M]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 25 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 06 Mars 2023, devant :
Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l’appel des causes,
Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame ROSA-SCHALL, Conseillère
Madame de FRAMOND, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S.U. SUD-OUEST DYNAMIQUE HABITAT (SODH) représentée par le gérant, Monsieur [X] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Maître MAZELLA de la SELARL AQUITAINE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Madame [K] [M]
née le 19 Février 1931 à [Localité 5] (59)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître LIGNEY de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
assistée de Maître COLMET, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 16 MARS 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX
RG numéro : 20/00148
EXPOSE DU LITIGE
Suite à un démarchage à domicile, Mme [K] [M], née le 19 février 1931, a conclu le 8 avril 2019 avec la société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT (ci-après la SASU SODH) un contrat portant sur des travaux d’isolation de la façade de sa maison, moyennant le prix de 13 389,75 € .
Les travaux ont été réalisés du 27 mai 2019 au 04 juin 2019, et réglés par chèque daté du 04 juin 2019.
Le 07 juin 2019, Mme [M] a signé un nouveau bon de commande portant sur des travaux d’isolation de la toiture, moyennant le prix de 7 821 €.
Les travaux ont été réalisés du 08 au 10 juillet 2019, mais n’ont pas été réglés. Mme [M] a déposé plainte auprès de la Gendarmerie de [Localité 3] le 16 juillet 2019, estimant avoir été victime d’un abus de faiblesse.
Par requête déposée au tribunal d’instance de Bayonne le 19 août 2019, la société SODH a déposé une demande en injonction de payer à l’encontre de Mme [M].
Par ordonnance du 27 août 2019, le tribunal a fait droit à la demande présentée et a enjoint à Mme [M] de payer à la société SODH la somme en principal de 7 821€.
Par courrier recommandé du 17 septembre 2019, Mme [M] a formé opposition à l’ordonnance portant injonction de payer.
Par jugement du 01 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Bayonne s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire devant le tribunal judiciaire de Dax.
Parallèlement, la société SODH a assigné Mme [M] devant le pôle de proximité du tribunal judiciaire de Dax par acte du 24 juin 2020, afin de la voir condamner à lui payer la somme en principal de 7 821 €.
Les deux affaires ont fait l’objet d’une jonction. Mme [K] [M] a demandé l’annulation des contrats passés par elle avec la SASU SODH sur le fondement des articles L111-1 et L221-9, L221-18 et L242-1 du code de la consommation
Par jugement du 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Dax , a :
Déclaré recevable l’opposition formée par Madame [M] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du tribunal d’instance de Bayonne du 27 août 2019,
Mis à néant ladite ordonnance, et statuant à nouveau,
Débouté la société SODH de ses demandes,
L’a condamnée à rembourser à Madame [M] la somme de 13 389,75 €,
Débouté Madame [M] du surplus de ses demandes,
Condamné la société SODH à payer à Madame [M] la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans sa motivation, le tribunal a relevé que’:
– les informations relatives au délai de rétractation ont été données à Mme [M] de manière disparate et incompréhensible. Les formulations figurant sur le devis ou le bon de commande ne sont pas claires. Par ailleurs, les formulaires détachables de rétractation figurent au bas de conditions contractuelles de vente sont incomplètes et inscrites sur deux feuilles volantes ; ils ne font pas référence aux contrats souscrits et ne mentionnent pas l’adresse à laquelle ils doivent être envoyés.
– que Mme [M] n’a pas été mise en mesure de comprendre ce qu’elle signait et de comprendre l’étendue de ses droits.
– que la nullité des contrats devait être prononcée et la SASU SODH condamnée à restituer les sommes perçues à ce titre.
La SASU SODH a relevé appel par déclaration du 8 juin 2021, critiquant le jugement en toutes ses dispositions.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 décembre 2021, la SASU SODH, appelante, demande à la cour de :
– Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Condamner Mme [K] [M] à régler à la Société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT la somme de 7 821 € correspondant à sa facture n° FA 1907-0117, augmentée des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 16 juillet 2019 ;
– Condamner Mme [K] [M] à régler à la Société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 1231-6 du Code Civil ;
– Débouter Mme [M] de toutes ses demandes ainsi que de son appel incident ;
A titre subsidiaire, dans le cas de l’annulation des contrats,
– Condamner Mme [K] [M] à régler à la Société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT la somme de 7 821 € correspondant à la contrepartie de sa prestation effectuée, augmentée des intérêts légaux à compter de la date de la mise en demeure du 16 juillet 2019 ;
– Condamner Mme [K] [M] à régler à la Société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 1231-6 du Code Civil ;
En tout état de cause :
– Condamner Mme [K] [M] à régler à la Société SUD OUEST DYNAMIQUE HABITAT la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens d’appel et de première instance dont distraction au profit de la SELARL AQUITAINE AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions la SASU SODH fait valoir principalement, sur le fondement des articles L111-1, L212-1, L221-4 à L221-9 du code de la consommation, que :
– Mme [K] [M] a eu toutes les explications, y compris par une vidéo explicative, sur les travaux d’isolation qu’elle voulait engager, aucune somme n’a été reçue avant le délai de 14 jours, la SASU SODH ayant même offert gracieusement le remplacement du bloc moteur de sa VMC qu’elle jugeait bruyante, sa fille étant venue chez elle durant la période des travaux, sans que ceux-ci ne soient jamais remis en question, et ils ont d’ailleurs été entièrement réglés. La SASU SODH conteste toute démarche agressive ou abus de faiblesse et les propos de Mme [K] [M] aux gendarmes lors de sa plainte le démontrent.
– Mme [K] [M] a rappelé l’entreprise pour de nouveaux travaux, preuve qu’elle était satisfaite des premiers, pour une remise en état des solives et de sa charpente qui était particulièrement humide, qu’elle avait réalisé l’isolation de la maison en appliquant des produits réservés aux professionnels non comparables avec des produits courants pour les particuliers, et appliqué au pinceau en raison de la configuration des lieux, raison du coût plus élevé de sa prestation.
– la SASU SODH a respecté ses obligations au regard des textes susvisés, le bon de commande donnant toutes les informations claires et nécessaires, étant complémentaire au devis qui devient le contrat dès lors qu’il a été approuvé, daté et signé par le client qui est alors engagé à respecter les clauses de ce contrat, le délai de rétractation commençant à courir dès cette signature.
– l’adresse à laquelle le formulaire de rétractation doit être renvoyée est mentionnée à l’article 15 des conditions générales de vente remise à Mme [K] [M] et figurant en gras au-dessus du formulaire de rétractation lequel rappelle également que les coordonnées de la société figurent au verso des conditions soit sur la première page du bon de commande.
– le retard de paiement a causé à la SASU SODH un préjudice non compensé par les intérêts, résultant du tracas des procédures pour obtenir le paiement dû et la mauvaise foi de Mme [K] [M].
– subsidiairement, si la nullité des contrats étaient constatée, les parties doivent être remises dans leur état antérieur à ceux-ci, et lorsque la remise en état s’avère impossible, la partie qui a bénéficié d’une prestation qu’elle ne peut restituer, doit s’acquitter du prix afférent à cette prestation.
– la SASU SODH estime non démontré le préjudice moral de Mme [K] [M] au regard de ses déclarations à la gendarmerie.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2021, Mme [K] [M] intimée et appelante incidente, demande à la cour de :
– Débouter la SASU SODH de son appel
– Confirmer le jugement du 16 mars 2021 du Tribunal Judiciaire Pôle Proximité de DAX en ce qu’il a :
– prononcé l’annulation des contrats souscrits en date des 8 avril 2019 et 7 juin 2019′;
– condamné la Société SODH à restituer à Madame [M] la somme de 13 389,75 €’;
– condamné la Société SODH à payer à Madame [M] la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens’;
– l’infirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau
– Condamner la Société SODH au paiement de la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral subi.
– Condamner la Société SODH au paiement d’une somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour ses frais en cause d’appel.
– Condamner la Société SODH aux entiers dépens d’appel.
Au soutien de ses prétentions Mme [K] [M] fait valoir principalement, sur le fondement des mêmes articles et des articles L121-8 et L132-13 du code de la consommation , que :
– âgée de 89 ans, elle a été démarchée par la SASU SODH à son domicile pour des travaux d’isolation de sa maison, et qu’elle a signé un devis sans comprendre que cela l’engageait, le montant des travaux figurant au recto, et sa signature au verso, puis a signé un bon de commande, n’osant pas ensuite revenir sur la commande malgré l’importance des travaux engagés.
– l’ouvrier a signalé de l’humidité et des insectes dans la toiture, l’inquiétant au point de commander de nouveaux travaux
– ces travaux n’étaient pas finis lorsque les factures de règlement ont été émises, en contravention avec l’article L 441-3 du Code de commerce
– en vertu des textes précités, le point de départ du délai de rétractation est le jour de la signature du contrat, et non celui de la commande, le bon de commande ne pouvant donc intervenir avant le délai de 14 jours du délai de rétractation.
– le formalisme relatif au formulaire de rétractation, non respecté en l’espèce, est prescrit à peine de nullité et justifie donc la nullité des contrats passés
– Mme [K] [M] n’a aucune connaissance et compétence pour apprécier les travaux qui lui ont été proposés, et au regard de son âge et de la durée de l’entretien avec les techniciens de la SASU SODH venus la démarcher qui ont su la mettre en confiance, ils ont abusé de sa faiblesse, alors qu’elle n’est pas imposable, ne perçoit que 1 422 € par mois et s’est engagée sur des travaux d’un montant total de 21 210,75 € grevant toutes ses économies, et exigeant le paiement du solde très rapidement alors qu’elle ne pouvait réunir les fonds lui manquant.
– elle conteste devoir régler les travaux effectués en cas de nullité des contrats, faisant perdre à cette sanction pour le non respect des obligations légales toute efficacité
– elle demande que son préjudice moral soit indemnisé compte tenu de l’abus de faiblesse caractérisé
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle que , en vertu de l’article 954 alinéa 3, selon lequel «’La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif’» les demandes contenues au dispositif des conclusions tendant à « constater ou déclarer que», ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions saisissant la Cour, mais des rappels de moyens.
Sur la demande de nullité des contrats signés par Mme [K] [M] :
Mme [M] a signé le 8 avril 2019 un descriptif de travaux portant sur l’isolation des murs de sa maison pour la somme totale de 13389,75 € TTC émis par la SASU SODH, accompagné d’un bon de commande, également signé par Mme [M] quelques heures plus tard. Les travaux ont été réalisés du 27 mai au 4 juin 2019, date de réception signée par Mme [M] sans réserve. La facture datée du 31 mai 2019 a été payée le 4 juin 2019 par chèque.
Mme [M] a également signé une autre commande de travaux pour un traitement de sa charpente et lavage du toit, avec un devis descriptif du 7 juin 2019 pour la somme de 7 821 € TTC accompagné également du bon de commande des mêmes travaux signé le même jour quelques heures plus tard. Les travaux ont été réalisés du 8 au 10 juillet 2019, et lors de la réception signée le jour même sans réserve, le paiement par chèque a été annoncé pour le 15 juillet 2019.
Mme [M] invoque deux fondements à sa demande de nullité, le non respect, à peine de nullité, du formalisme des contrats prévus en matière de prestation de service lors d’un démarchage au domicile d’un consommateur et l’abus de faiblesse qu’elle reproche à la SASU SODH.
. au titre du non respect du formalisme dans le cadre d’un démarchage’:
L’article L. 111-1 du code de la consommation qui figure dans un chapitre dont les dispositions sont d’ordre public, impose au professionnel de communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible un certain nombre d’informations. Le formalisme n’est pas prescrit pour son intérêt en lui-même, mais en ce qu’il assure l’information claire du consommateur, pour lui permettre de s’engager en toute connaissance de cause.
Il ressort des articles L111-1, L221-5 et L221-9 et R111-1 , R221-1 et R221-3 du code de la consommation que’:
Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service,[….] ;
2° Le prix ou tout autre avantage procuré au lieu ou en complément du paiement d’un prix [….];
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à délivrer le bien ou à exécuter le service (modalités de paiement, de livraison et d’exécution du contrat ainsi que celles prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations) ;
4° Les informations relatives à l’identité du professionnel (Son nom ou sa dénomination sociale, l’adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son statut et sa forme juridique, son numéro d’inscription au RCS), à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;
5° L’existence et les modalités de mise en ‘uvre des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité et la garantie légale des vices cachés, et des éventuelles garanties commerciales, ainsi que, le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ( coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève)’;
Il ressort par ailleurs des articles L221-5 et L221-9, L221-18 et R221-1 et R221-3 du code de la consommation que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision.
Le délai court à compter du jour de la conclusion du contrat, et non pas à compter du début des travaux.
Le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient figurent dans un formulaire donné en annexe de l’article R221-1 du code de la consommation.
Aucun formalisme n’exige que le contrat soit rédigé en un seul document, il peut comporter d’une part la description précise et détaillée des travaux à effectuer, leur quantité, leur prix et le délai d’exécution, ce qui constitue le devis, et d’autre part, s’agissant d’un démarchage, le bon de commande se référant aux exigences légales d’information sur le délai et les modalités de rétractation, les conditions de paiement etc… Une fois signé, le contrat peut être anéanti par l’exercice du droit de rétractation pendant ce délai de 14 jours, qui interdit donc la perception d’un acompte.
En l’espèce, il ressort des deux documents signés par Mme [M] pour chaque commande de travaux, descriptif d’une part et bon de commande d’autre part, signés le même jour et constituant ensembles le contrat de travaux la liant à la SASU SODH, que les informations essentielles pour son information figurent bien dans le descriptif ou le bon de commande’: l’identification de l’entreprise ne pose aucune difficulté , son nom, son adresse, son statut juridique et son numéro RCS et ses coordonnées figurent soit dans l’en-tête, soit en bas de page. Les travaux sont précis et détaillés, chiffrés HT et TTC, le délai d’exécution est très précis puisqu’une date exacte de travaux est donnée, et a été respectée. Il est fait référence tant dans le devis que dans le bon de commande au droit de rétractation qui peut être exercé, avec un bordereau en bas du bon de commande pour y recourir le cas échéant, et si l’adresse de l’entreprise ne figure pas dans le bordereau détachable lui-même, il figure expressément dans l’article 15 des conditions générales, c’est- à-dire juste au-dessus du bordereau, cette adresse n’étant autre que celle du siège de l’entreprise mentionnée dans tous les en-têtes des documents signés.
Il est également mentionné les conditions de règlement du prix, l’assurance civile professionnelle et décennale de l’entreprise avec les coordonnées de l’Assureur. Les conditions générales pour les deux contrats sont également signées par Mme [M], qui a eu le temps de les lire puisque le bon de commande a été signé plus d’une heure après la signature du devis.
S’agissant du délai de rétractation dont la durée de 14 jours n’est pas expressément rappelée dans les documents signés (et pour lequel la référence à l’article L121-21 du code de la consommation mentionnée dans les conditions générales est erronée puisqu’en réalité c’est l’article L221-18), il résulte du fait que les travaux sont prévus dans les deux contrats plus de 6 semaines après la signature du bon de commande au motif explicite dans le contrat de laisser à Mme [M] ce délai de rétractation.
D’ailleurs, dans le procès-verbal de gendarmerie du 16 juillet 2019 dans lequel Mme [M] dépose plainte contre la SASU SODH pour abus de faiblesse, elle reconnaît expressément avoir été bien informée du délai de rétractation de 14 jours par les commerciaux l’ayant démarchée, mais n’a pas souhaité y recourir, ayant pour principe de respecter la parole donnée.
Les seules informations manquantes sont relatives au rappel des garanties légales dues par l’entreprise (sur la conformité, la garantie décennale, les vices cachés etc.) et les modalités de leur mise en ‘uvre, qui ne figurent sur aucun des documents signés.
Toutefois, la nullité encourue étant une nullité relative, en vue de protéger le consommateur, elle peut être couverte par la réitération du consentement de l’acquéreur par des actes postérieurs manifestant sa volonté univoque de ratifier le contrat en connaissance de cause, ce dont la SASU SODH doit rapporter la preuve. (Civ. 1re, 15 juin 2022, F-B, n° 21-11.747 )
Or, s’agissant du 1er contrat, d’une part, les travaux ont été réalisés, à la date prévue, avec un procès-verbal de réception daté du 4 juin 2019, décrivant les travaux réalisés, l’heure d’exécution, et sont acceptés sans aucune réserve par Mme [M] qui l’a signé, et qui a payé la totalité du prix convenu , soit la somme de 13 389,75 € par chèque du jour même le 4 juin, la facture ayant effectivement été préparée par la comptabilité de l’entreprise et datée du 31 mai 2023, ce qui n’a aucune incidence sur la validité du contrat ou du paiement, dès lors que le paiement de cette facture n’a pas été exigé de Mme [M] avant la fin du chantier.
D’autre part, Mme [M] a ensuite, 3 jours après ces travaux achevés et réceptionnés, sollicité de sa propre initiative à nouveau la même entreprise pour des travaux complémentaires dans les combles de sa maison, et signé un nouveau devis avec le même type de bon de commande pour une somme de 7 821 €.
Ainsi, Mme [M] a manifesté sans aucune ambiguïté sa renonciation à toute remise en question du 1er contrat qu’elle a expressément confirmé, renonçant par là même à en invoquer la nullité.
S’agissant du 2ème contrat, il a été conclu selon les mêmes modalités, et l’exécution s’est déroulée plus d’un mois après sa signature, respectant donc également le délai de rétractation de 14 jours que Mme [M] n’a pas souhaité utilisé alors qu’elle en était parfaitement informée comme dit précédemment.
La seule différence réside dans le fait que le paiement du prix n’a pas été effectué par Mme [M], celle-ci a toutefois bien signé la fiche de réception des travaux le 10 juillet 2019 sans émettre aucune réserve, annonçant ce jour-là le paiement comptant de la somme due par chèque au 15 juillet suivant.
Mme [M] a ainsi confirmé, par sa signature, la validité du contrat qu’elle n’entendait pas remettre en cause, annonçant le paiement quelques jours plus tard, renonçant ainsi à soulever la nullité d’un contrat exécuté conformément à sa demande, même si ensuite, elle a refusé de payer les travaux effectués chez elle le 10 juillet lorsque son gendre l’a alertée sur le coût jugé par lui excessif des travaux qu’elle avait engagés, ainsi qu’elle s’en est expliquée à la gendarmerie dans sa plainte.
La Cour estime donc, à la différence du 1er juge, que les deux contrats signés le 8 avril 2019 et le 7 juin 2019 n’encourent aucune nullité pour non respect du formalisme en matière de démarchage, ayant été confirmés sans équivoque par Mme [M] par des réceptions sans réserve et paiement ou engagement à paiement de la totalité du prix lors de la signature de la réception des travaux.
. au titre de l’abus de faiblesse allégué par Mme [K] [M] :
Il ressort de l’article L121-8 du code de la consommation qu’est interdit le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n’était pas en mesure d’apprécier la portée des engagements qu’elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu’elle a été soumise à une contrainte.
Pour être caractérisé, l’abus de faiblesse suppose que l’état de faiblesse du consommateur soit préexistant au contrat qu’il a signé et indépendant des circonstances dans lesquelles il a été placé pour souscrire le contrat. Le seul âge avancé du souscripteur ne suffit pas à caractériser un état de faiblesse, dont la preuve doit être rapportée par le consommateur qui s’en plaint.
Or, en l’espèce, il n’est produit aucune pièce médicale sur un état de fragilité ou de vulnérabilité de Mme [M] âgée de 88 ans au moment de la signature des contrats. Il est par ailleurs reconnu que la fille de Mme [M] est passée voir sa mère pendant l’exécution des premiers travaux, a constaté la nature de ceux-ci, mais n’a émis aucune réserve (cf courrier du gendre et de la fille de Mme [M] adressée à la SASU SODH en réponse à la relance du 26 juillet 2019 et attestation de M.[D] du 30 octobre 2020).
Il ressort des propres déclarations de Mme [M], à la gendarmerie le 16 juillet 2019, soit quelques jours après les derniers travaux incriminés, qu’avant le 8 avril 2019, date du 1er démarchage effectué par la SASU SODH , Mme [M] avait contacté de son propre chef deux autres entreprises pour les mêmes travaux d’isolation de sa maison, qui ne lui avaient pas répondu’; qu’elle hésitait sur la nature de ces travaux, craignant un aspect inesthétique de l’isolation’; que la SASU SODH lui a proposé une isolation par injection d’un gel ne portant pas atteinte à l’aspect extérieur, ce qui l’a convaincue ; qu’elle a signé les papiers sans se soucier du montant, seulement préoccupée par le bénéfice qu’elle retirerait de ces travaux. Elle reconnaît avoir été informée du délai de rétractation de 14 jours mais n’avoir pas voulu, par principe, revenir sur son engagement. Elle indique qu’au cours de ces premiers travaux, il lui a été proposé d’effectuer des travaux complémentaires sur la charpente dont le bois était humide et en présence d’insectes trouvés morts à la bouche de la VMC, dont le moteur défectueux a alors été remplacé gracieusement par la SASU SODH’; qu’elle n’a cependant pas accepté cette deuxième tranche de travaux à ce moment-là. Elle reconnaît le sérieux de l’entreprise qui a bien fait son travail et l’a ainsi mise en confiance par ses bons conseils au point que trois jours après la fin des travaux, qui ont duré une semaine, elle l’informait de son souhait de faire le traitement conseillé de la charpente.
De ces propos, il ne ressort aucune preuve d’un état de faiblesse de Mme [M], préalable aux commandes passées à la SASU SODH, ni de man’uvres déloyales, pressions ou contraintes de l’entreprise exercées sur elle qui avait bien l’intention de faire isoler sa maison avant même d’être démarchée par la SASU SODH, qui n’a pas choisi d’attendre d’autres devis pour comparer les prix des prestations proposées alors qu’elle admet qu’elle ne connaissait pourtant pas le coût normal de ces travaux, et a ainsi manifesté sa volonté des travaux commandés et la conscience de leur intérêt, à défaut d’en avoir bien apprécié l’opportunité ou le risque économique pour elle.
Il est établi que c’est uniquement parce que son gendre a remis en question, le 9 juillet 2019, le coût des travaux réalisés et l’a estimé disproportionné, qu’elle a refusé, sur son conseil, de payer la facture du 2ème contrat.
Faute de rapporter la preuve d’un état de faiblesse caractérisé de Mme [M], aucun abus de faiblesse ne peut être reproché à la SASU SODH dans la signature des contrats de travaux incriminés.
Ceux-ci ayant été réalisés conformément au devis signés par Mme [M] et réceptionnés sans réserve, il y a lieu d’infirmer le jugement qui a annulé le contrat conclu le 8 avril 2019 et le contrat conclu le 7 juin 2019, a condamné la SASU SODH à restituer à Mme [M] la somme de 13 389,75 € et a rejeté la demande de la SASU SODH de condamner Mme [M] à payer la somme de 7 821 €.
Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [K] [M]
Les demandes de Mme [M] étant rejetées, sa demande de dommages et intérêts l’est également, aucun abus de faiblesse, ni préjudice moral n’étant caractérisé.
Sur la demande en paiement du solde des travaux par la SASU SODH
Les travaux objets du contrat du 7 juin 2019 n’ont pas été payés alors qu’ils ont été réalisés conformément à la commande, et réceptionnés sans réserve, il y a donc lieu de condamner Mme [K] [M] à payer la somme de 7 821 € avec intérêts à compter de 10 août 2019 date de la réception de la mise en demeure (la lettre reçue le 31 juillet n’étant qu’une lettre de relance sans véritable mise en demeure).
Sur la demande de dommages et intérêts complémentaire de la SASU SODH
Selon l’article 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
Au vu des éléments qui précèdent, la mauvaise foi de Mme [M] de payer les travaux exécutés selon sa commande et réceptionnés sans réserve, est caractérisée.
La SASU SODH justifie avoir dû solliciter le président du tribunal de Commerce de Bayonne pour voir ordonner une conciliation, la condamnation prononcée contre elle en restitution du coût des premiers travaux, représentant une somme importante pour cette entreprise dont Mme [M] était alors l’unique créancière. Les tracas de cette procédure, et l’accusation injustifiée d’abus de faiblesse ont ainsi causé à la SASU SODH un préjudice indépendant du retard de paiement réparé par les intérêts légaux et conduisent à accorder une somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires
Il y a lieu de condamner Mme [K] [M] à payer à la SASU SODH la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
Il y a lieu de rejeter la demande de Mme [M] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 16 mars 2021 uniquement en ce qu’il a déclaré recevable l’opposition faite par Mme [M] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du tribunal d’instance de Bayonne du 27 août 2019 ;
Infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande d’annulation des contrats conclus le 8 avril et le 7 juin 2019 entre la SASU SODH et Mme [K] [M]’;
Condamne Mme [K] [M]’ à payer à la SASU SODH la somme de 7 821 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2019 au titre du contrat de travaux du 7 juin 2019′;
Condamne Mme [K] [M]’ à payer à la SASU SODH la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires’;
Condamne Mme [K] [M] à payer à la SASU SODH la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [K] [M] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL AQUITAINE AVOCATS en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Rejette la demande de Mme [K] [M] fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE