Droit de rétractation : décision du 25 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03542
Droit de rétractation : décision du 25 avril 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03542
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ARRET

S.A. CREATIS

C/

[Z]

[O]

OG

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 25 AVRIL 2023

N° RG 22/03542 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IQMF

JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SOISSONS EN DATE DU 27 MAI 2022

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CREATIS agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d’Administration

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 65

ET :

INTIMES

Madame [N] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Assignée à domicile, le 16 septembre 2022

Monsieur [W] [O]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Assigné à personne, le 16 septembre 2022

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Février 2023 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Avril 2023.

GREFFIER : Mme Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 25 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Sophie TRENCART, faisant fonction de Greffier.

DECISION

Selon offre préalable acceptée le 25 octobre 2017 la SA Creatis a consenti à Mme [N] [Z] et M.[W] [O] un prêt portant regroupement de crédits à hauteur de la somme de 48500 euros remboursable en 144 mensualités au taux d’intérêt de 4,83% l’an hors assurance facultative souscrite.

Le 30 avril 2019 les débiteurs ont saisi la commission de surendettement des particuliers de l’Aisne, qui a déclaré recevable leur demande le 9 juillet 2019.

Après contestation des mesures imposées, les débiteurs ont bénéficié d’un plan de surendettement composé de deux paliers le premier fixant un moratoire de sept mois et le second imposant le paiement de 52 mensualités de 849,74 euros sans intérêt au bénéfice de la SA Créatis et ce aux termes d’un jugement en date du 18 août 2020.

Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 9 novembre 2021 la SA Créatis a mis en demeure M. [O] et Mme [Z] de respecter les obligations résultant du plan de redressement puis a constaté la déchéance du terme par courriers recommandés en date du 28 janvier 2022.

Par actes d’huissier en date du 9 mars 2022, la SA Créatis a fait assigner Mme [Z] et M. [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons aux fins de les voir condamner solidairement et avec exécution provisoire au paiement de la somme de 47 372,86 euros avec intérêts au taux de 4,83 % à compter du 25 février 2022 ainsi que d’une somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Soissons en date du 27 mai 2022 la déchéance du droit aux intérêts de la SA Créatis a été prononcée et les débiteurs ont été condamnés solidairement au paiement de la somme de 39 784,73 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision, l’application de l’article L313-3 du code monétaire et financier a été écartée et il a été dit en conséquence que le taux d’intérêt légal ne sera pas augmenté de 5 points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision deviendra obligatoire.

Il a été dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et les débiteurs ont été condamnés aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 20 juillet 2022, la SA Créatis a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions remises le 18 octobre 2022, expurgées des demandes tendant à constater, dire et juger qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile la SA Créatis demande à la cour de condamner les débiteurs à lui payer la somme de 47 372,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,83% à compter du 25 février 2022 et la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Delahousse et Associés pour ceux d’appel.

La déclaration d’appel a été signifiée aux débiteurs par acte d’huissier en date du 16 septembre 2022, remis à personne pour M. [O] et à domicile pour Mme [Z] .

Les conclusions de l’appelante ont été signifiées aux intimés par acte d’huissier en date du 25 octobre 2022 remis à personne pour M. [O] et à domicile pour Mme [Z].

Les intimés n’ont pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023.

SUR CE

Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts le premier juge a retenu l’absence d’un bordereau de rétractation détachable sur l’offre de crédit ainsi que l’absence du document d’information spécifique aux regroupements de crédits.

La SA Créatis soutient que la présence du bordereau détachable de rétractation sur le seul exemplaire de l’emprunteur est suffisante et que le prêteur n’a pas besoin d’en conserver un double, ce qui est confirmé par l’article L 311-12 du code de la consommation en vigueur au 1er mai 2011 qui indique que le formulaire détachable est joint à l’exemplaire de l’emprunteur tout comme le nouvel article L 312-21 du code de la consommation.

Elle indique produire à hauteur d’appel la liasse contractuelle intégrale envoyée le 24 octobre 2017 aux emprunteurs qui comprend l’exemplaire à renvoyer au prêteur et les exemplaires destinés aux emprunteurs qui comportent bien un bordereau de rétractation.

Elle fait valoir que par ailleurs la reconnaissance de l’emprunteur de la remise d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation établit l’accomplissement de cette exigence ce qui est le cas en l’espèce.

Elle soutient rapporter ainsi la preuve de l’existence du formulaire détachable de rétractation joint à l’exemplaire du contrat de regroupement de crédits remis à chaque emprunteur.

Elle fait valoir par ailleurs qu’elle a bien remis aux emprunteurs un document d’information particulier propre à l’offre de regroupements de crédits prévu par l’article R.314-19 du code de la consommation qui figure dans la liasse contractuelle intégrale en page 19 à 21 et comporte notamment le bilan de la situation économique des emprunteurs avant et après le regroupement présenté dans un tableau permettant une comparaison aisée.

Elle ajoute qu’au demeurant aucune sanction n’est attachée à la méconnaissance des articles R 314-19 et 20 du code de la consommation et qu’en tout état de cause la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne saurait recevoir application.

Selon l’article L312-19 du code de la consommation l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L312-28.

Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit en application de l’article L 312-21 du code de la consommation.

A défaut et en application de l’article L 341-4 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige la sanction est la déchéance du droit aux intérêts.

Il est admis que si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau joint à l’exemplaire de l’offre communiquée à l’emprunteur , il lui incombe de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne , et appliquée par les juridictions françaises.

En l’espèce, la SA Créatis verse aux débats le dossier de financement de M. [O] et de Mme [Z] comportant outre les courriers d’acceptation du prêt, l’exemplaire ‘à renvoyer’ (au prêteur) de l’offre de regroupement de crédits, lequel ne comporte pas de bordereau de rétractation, mais seulement une déclaration, non signée sur ce double, des emprunteurs en dernière page, aux termes de laquelle ils reconnaissent notamment rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation, cette déclaration étant signée sur l’exemplaire effectivement renvoyé par les emprunteurs, ainsi que deux copies d’un exemplaire ‘à conserver’ (emprunteur) du contrat litigieux à conserver par les co-emprunteurs solidaires, lequel est prérempli, mais non-signé, et comprend bien un bordereau de rétractation en dernière page .

L’indice de remise du bordereau de rétractation constitué par la formule déclarative de sa reconnaissance par M. [O] et Mme [Z] dans l’encadré d’acceptation de l’offre figurant en dernière page de la version originale, datée et signée par ces derniers, de l’exemplaire ‘à retourner’ (prêteur) du regroupement de crédits est suffisamment corroboré par la production de la copie préremplie de l’exemplaire ‘à conserver’ (emprunteur) du contrat en cause, laquelle comprend un bordereau de rétractation.

Les emprunteurs ne rapportant pas la preuve contraire, il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris sur ce chef.

En application de l’article R314-19 du code de la consommation lorsque l’opération de crédit a pour objet le remboursement d’au moins deux créances antérieures dont un crédit en cours le prêteur ou l’intermédiaire de crédit établit après dialogue avec l’emprunteur un document qu’il lui fournit afin de garantir sa bonne information en application des articles L314-10 à L314-13.

Dans le cas d’une opération donnant lieu à la fourniture d’une fiche d’information standardisée européenne mentionnée à l’article L313-7 du code de la consommation, le document d’information est fourni à l’emprunteur au plus tard au même moment que cette fiche, à laquelle il peut être annexé.

En l’espèce , le dossier de financement comprend le document d’information propre au regroupement de créances comportant la liste des crédits et autres créances dont le regroupement est envisagé avec notamment le montant du capital restant dû, le montant des échéances et le montant total à racheter, mais également un avertissement sur les conditions et modalités de mise en oeuvre du regroupementde crédits et enfin un tableau comparatif de la situation économique des emprunteurs avant et après le regroupement.

Dès lors la société Créatis a rempli ses obligations et il convient d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a prononcé la déchéance du terme.

Sur le montant des sommes dues

La société Créatis produit outre l’offre de crédit, le tableau d’amortissement, l’historique de compte et les décomptes de créances.

Il en résulte que le capital restant dû s’élevait au 22 décembre 2021 à la somme de 43522,47 euros et l’indemnité conventionnelle à la somme de 3481,80 euros.

Il était dû selon décompte arrêté au 24 février 2022 des intérêts d’un montant de 368,59 euros.

Il convient en conséquence de condamner solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer à la SA Créatis la somme de 47372,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,83 % sur la somme de 43522,47 euros à compter du 25 février 2022 et au taux légal pour le surplus sans qu’il y ait lieu d’écarter l’application de l’article L313-3 du code monétaire et financier.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de débouter la SA Créatis de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile mais de condamner les intimés in solidum aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse & Associés.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise excepté du chef de la déchéance du droit aux intérêts et du chef du montant des sommes dues ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne solidairement M. [W] [O] et Mme [N] [Z] à payer à la SA Créatis la somme de 47372,86 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,83 % sur la somme de 43522,47 euros à compter du 25 février 2022 et au taux légal pour le surplus;

Dit n’y avoir lieu d’écarter l’application de l’article L313-3 du code monétaire et financier ;

Y ajoutant,

Déboute la SA Créatis de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M.[W] [O] et Mme [N] [Z] aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de la SELARL Delahousse & Associés.

Le Greffier, La Présidente,

 


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