AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 18/01578 – N° Portalis DBVX-V-B7C-LR4U
SAS PINO ELYSEES
C/
[T] [M]
Syndicat SUD COMMERCE ET SERVICES RHONE-ALPES-AUVERGNE
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 05 Février 2018
RG : F 15/04007
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2022
APPELANTE :
SAS PINO ELYSEES
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Ernest SFEZ de la SELARL CABINET SFEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
[C] [T] [M]
né le 28 Juillet 1978 à [Localité 7]-ANGOLA
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par M. [D] [O], défenseur syndical muni d’un pouvoir
Syndicat SUD COMMERCE ET SERVICES RHONE-ALPES-AUVERGNE
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par M. [D] [O], défenseur syndical muni d’un pouvoir
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Juin 2022
Présidée par Catherine CHANEZ, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Gaétan PILLIE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Sophie NOIR, conseiller
– Catherine CHANEZ, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 Septembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Patricia GONZALEZ, Président et par Ludovic ROUQUET greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
EXPOSE DU LITIGE
La société Pino Elysées exploite un restaurant. Elle applique la convention collective des hôtels, cafés et restaurants.
M. [T] [M] a été embauché le 4 janvier 2010 par la société en qualité de factotum sous contrat de travail à durée déterminée, puis sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet suivant. Par courrier recommandé avec avis de réception du 10 octobre 2012, la société a licencié son salarié pour abandon de poste.
M. [T] [M] a été de nouveau recruté par la société en qualité de commis bar restaurant, sous contrat écrit à durée déterminée, temps plein, du 3 octobre au 30 novembre 2014. Il était déclaré sur la base d’un salaire mensuel forfaitaire brut de 1’799,04 euros, mais payé au pourcentage service pour un horaire de travail mensuel de 169 heures, sur la base de 15% du chiffre d’affaires TTC répartis par points entre les salariés en contact avec la clientèle.
La relation s’est poursuivie sous contrat à durée indéterminée, suivant avenant du 24 novembre 2014.
Au dernier état de la relation, M. [T] [M] occupait le poste de commis bar restaurant, statut employé, niveau 1, échelon 1.
Par courrier du 25 février 2015, avec copie à l’inspection du travail, M. [T] [M] a contesté le calcul de sa rémunération et le mode de règlement. La société lui a répondu qu’elle appliquait le système de perception «’à la poche’», conformément aux dispositions du contrat de travail.
Le 29 avril 2015, M. [T] [M] a été victime d’un accident du travail. Il a été placé en arrêt de travail jusqu’au 15 mai 2015.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 2 juin 2015, la société l’a mis en demeure de justifier de son absence depuis le 21 mai.
Par courrier recommandé du 1er juin 2015, le syndicat Sud Commerce et Services Rhône Alpes est intervenu auprès de la société afin que M. [T] [M] puisse bénéficier d’une visite médicale de reprise. Il a également soulevé diverses questions relatives à sa rémunération, à la comptabilisation des heures et à la situation du salarié.
La société lui a répondu, par courrier du 8 juin suivant, que le salarié avait quitté son poste sans qu’elle ait eu le temps de lui communiquer la date de la visite médicale de reprise et qu’elle appliquait la «’loi Godard’» pour le rémunérer.
Par courrier du 11 juin 2015, M. [T] [M] a indiqué à son employeur’: «’Comme convenu avec Mme [H], inspectrice du travail, je vous confirme mon accord pour une rupture conventionnelle’».
La rupture conventionnelle a été signée le 18 juin 2015 et homologuée par la DIRECCTE le 28 juillet suivant.
C’est dans ce contexte que M. [T] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon sur requête reçue le 27 octobre 2015, en annulation de la rupture conventionnelle et en paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire.
Le syndicat Sud Commerce et Services Rhône Alpes (ci-après, le syndicat) est intervenu à l’instance afin de solliciter des dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Par jugement du 5 février 2018, le conseil de prud’hommes de Lyon a :
– annulé la rupture conventionnelle ;
– requalifié la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il a
– condamné la société à verser à M. [T] [M] les sommes suivantes :
– 1’799,04 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
– 1’799,04 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 179,90 euros de congés payés afférents’;
– 11 922 euros au titre du rappel de salaires d’octobre 2014 au 15 mai 2015, outre 1 192,20 euros au titre des congés payés afférents ;
– 3 518,70 euros au titre de rappel de salaires du 16 mai au 29 juillet 2015 outre 351,87 euros au titre des congés payés afférents ;
– 500 euros au titre de l’absence de visite médicale ;
– 1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– rappelé qu’aux termes des dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l’employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail…) ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l’article R.1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités ;
– fixé la moyenne des salaires de M. [T] [M] à la somme de 1 799,04 euros;
– condamné la société à verser au syndicat les sommes suivantes :
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour atteintes aux intérêts de la profession;
– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
– rappelé que les intérêts courent de plein droit aux taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées ;
– débouté la société de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné la société aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 5 mars 2018, la société a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande à la cour de :
à titre liminaire, ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture intervenue le 10 mars 2020′;
à titre principal, infirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris et, statuant à nouveau :
– rejeter l’ensemble des demandes formulées par M. [T] [M] ;
– rejeter l’ensemble des demandes formulées par le syndicat’;
– condamner M. [T] [M] à lui rembourser la somme brute de 16 191,36 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 22 mai 2018 ;
– condamner M. [T] [M] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le syndicat à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [T] [M] et le syndicat aux dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions, M. [T] [M] et le syndicat demandent à la cour de :
– confirmer le jugement et fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à 1 799,04 euros;
– confirmer le jugement et dire que la rupture conventionnelle du 29 juillet 2015 est nulle’;
A titre principal, réformer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 1 799,04 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à verser à M. [T] [M] la somme de 3 598,08 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
A titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 1 799,04 euros au titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société à verser des dommages et intérêts au titre de l’exécution du contrat de travail’;
A titre principal,
– réformer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 1 000 euros au titre d’exécution déloyale du contrat de travail ;
– condamner la société à verser à M. [T] [M] la somme de 4 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail’;
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a alloué la somme de 1 000 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et en ce qu’il a jugé que M. [T] [M] était bien fondé à solliciter le versement par la société des sommes de :
– préavis un mois : …………………………………………………………………………1 799,04 euros;
– congé payé sur préavis : …………………………………………………………………179,90 euros;
– rappel de salaire d’octobre 2010 au 15 mai 2015 : ………………………….11 922,00 euros ;
– congés payés sur rappel de salaire : ……………………………………………….1 192,20 euros ;
– rappel de salaire du 16 mai au 29 juillet 2015 : ……………………………….. 3 518,70 euros ;
– congés payés sur rappel de salaire : ………………………………………………….351,87 euros ;
– dommages et intérêts pour absence de visite médicale : ………………………500,00 euros.
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé le syndicat recevable en son intervention.
A titre principal ;
– condamner la société à verser au syndicat 2 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession ;
– condamner la société à verser au syndicat 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
A titre subsidiaire ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a alloué 500 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux intérêts de la profession et 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
En tout état de cause ;
– condamner la société à verser en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
– 2 000 euros à M. [T] [M] ;
– 1 000 euros au syndicat’;
– condamner la société aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2020. Elle a été révoquée par ordonnance du 9 février 2021 et une nouvelle ordonnance de clôture a été signée à effet au 24 mai 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de «’constatations’» ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques ou qu’elles constituent en réalité des moyens.
1-Sur la demande de rabat de clôture
La cour constate que cette demande est devenue sans objet, puisqu’elle porte sur l’ordonnance du 10 mars 2020, laquelle a fait l’objet d’une révocation par ordonnance du 9 février 2021.
2-Sur la rupture conventionnelle
L’article L1237-11 du code du travail dispose’: «’L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.’»
Il ressort de l’article L1237-12 que’: «’Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.’»
L’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas, par elle-même, la validité de la convention de rupture, mais le juge doit apprécier si le contexte n’est pas à l’origine d’un vice du consentement. C’est au salarié qui entend contester la validité de la rupture conventionnelle qu’il revient de démontrer l’existence d’un tel vice.
En l’espèce, M. [T] [M] affirme ne pas avoir été convoqué par écrit et ne pas avoir pu se faire assister au cours de la procédure. Aucune disposition légale ou conventionnelle n’imposait cependant à la société de le convoquer par écrit à un entretien, ni de l’informer de la possibilité qui lui était offerte de se faire assister.
M. [T] [M] fait également valoir qu’il était en attente de sa visite médicale d’embauche et de sa visite médicale de reprise et que son employeur ne lui fournissait ni travail ni salaire depuis le 20 mai 2015, ni salaire depuis le début du contrat, si bien qu’il n’avait d’autre choix que de signer la rupture proposée.
La société réplique que le salarié a repris le travail le 16 mai 2016, puis a été placé en repos avant de reprendre le 20 mai et de quitter son poste avant le début du service, ce qui n’est pas contesté. Elle justifie lui avoir adressé une mise en demeure de justifier de son absence par courrier recommandé avec avis de réception du 2 juin suivant.
M. [T] [M] n’apporte d’ailleurs aux débats aucune explication sur son absence à compter du 20 mai et ne peut sérieusement faire reproche à son employeur de ne pas lui avoir fourni de travail alors que c’est précisément lui qui a quitté le restaurant avant même le début du service et qui n’a plus donné signe de vie avant le courrier rédigé par le syndicat le 1er juin. Il ne peut davantage prétendre que son employeur ne lui fournissait pas de salaire depuis le début du contrat, alors qu’il produit lui-même des enveloppes censées avoir contenu les espèces destinées à le rémunérer.
Par ailleurs, il ressort des pièces communiquées que M. [T] [M] avait saisi l’inspection du travail et le syndicat du litige né autour de sa rémunération. Il disposait donc du soutien nécessaire pour évaluer avec pertinence l’intérêt pour lui de signer une rupture conventionnelle, voire d’exercer son droit de rétractation et il a d’ailleurs accepté la rupture conventionnelle, dans un courrier du 11 juin 2015, en indiquant agir «’comme convenu avec Mme [H], inspectrice du travail’».
M. [T] [M] ne peut donc sérieusement prétendre qu’il a été contraint d’accepter la rupture proposée par son employeur. Il n’apporte aux débats aucun élément sérieux de nature à établir qu’il aurait été victime d’un vice du consentement.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et M. [T] [M] débouté de ses demandes d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3-Sur la demande de rappel de salaires du 3 octobre 2014 au 15 mai 2015
L’article L3244-1 du code du travail dispose’: «’Dans tous les établissements commerciaux où existe la pratique du pourboire, toutes les perceptions faites » pour le service » par l’employeur sous forme de pourcentage obligatoirement ajouté aux notes des clients ou autrement, ainsi que toutes sommes remises volontairement par les clients pour le service entre les mains de l’employeur, ou centralisées par lui, sont intégralement versées au personnel en contact avec la clientèle et à qui celle-ci avait coutume de les remettre directement.’»
Le contrat de travail conclu entre la société et M. [T] [M] prévoit qu’il percevra exclusivement une rémunération au service pour un horaire de travail mensuel forfaitaire de 169 heures, augmentée des avantages en nature mis à sa disposition par l’employeur. Il précise notamment que le salarié participera à la répartition, sans intervention de l’employeur, laquelle sera faite par un membre désigné par les ayants-droit.
M. [T] [M] conteste avoir travaillé en contact avec la clientèle. Il affirme qu’il se trouvait en cuisine et préparait les boissons, mais aussi les entrées et les desserts, et que d’ailleurs, le restaurant ne dispose d’aucun bar. Il ajoute que lors de son premier contrat de travail à durée déterminée, en 2010-2012, il occupait le même poste, mais sous l’intitulé «’employé restauration polyvalent’», et était alors rémunéré par le versement d’un salaire.
Il produit des attestations de salariés de la société qui témoignent qu’il ne travaillait jamais dans la salle de restaurant. Cependant, M. [E] n’indique pas sur quelle période ils ont travaillé ensemble, alors que d’après le contrat de travail à durée déterminée de 2010, M. [T] [M] avait été recruté comme factotum, contrairement à ce qu’il soutient.
M. [B] [V] atteste qu’il a occupé le même poste que M. [T] [M] entre octobre 2014 et avril 2015, ce qui correspond effectivement aux plannings de travail communiqués par la société, et qu’aucun d’eux n’avait de contact avec la clientèle.
Mme [S] n’était pas salariée du restaurant en même temps que M. [T] [M]’; son témoignage n’a donc aucune valeur probante, l’organisation du travail ayant pu changer avant son arrivée.
M. [T] [M] produit également quelques tickets de caisse ne mentionnant pas son nom, ce qui ne peut établir qu’il n’en existait pas d’autres à son nom.
La société, qui soutient que son salarié était en contact avec la clientèle, explique que la préparation des salades, entrées et desserts est assurée par les étagers, qui dépendent de la cuisine. Elle communique deux plannings différents, celui des étagers et celui des «’hôtesses, commis et polyvalents’», sur lequel apparaissent M. [T] [M] et M. [B] [V].
La société produit également des photographies du poste de travail de l’intéressé et diverses attestations.
M. [U] [K], salarié depuis 1997, atteste ainsi que M. [T] [M] était chargé de «’faire les mises en place des boissons et de servir les boissons’» et qu’il ne s’occupait pas du tout du poste salade, confié aux étagers. M. [N], délégué du personnel FO, confirme que M. [T] [M] était affecté uniquement au bar et qu’il était chargé «’des mises en place du bar et du service des boissons’».
La société a cru bon de produire une attestation signée collectivement par «’tout le personnel de la salle de restaurant’», laquelle ne peut avoir de force probante, les salariés ayant apposé leur signature sur un document écrit par un tiers non identifié.
Néanmoins, la tenue de plannings séparés pour les différentes catégories de personnel, le fait que M. [T] [M], contrairement à ses allégations, a occupé deux postes différents lors de ses deux périodes de travail, avec chacun un mode de rémunération particulier, et les témoignages des salariés, et en particulier celui du délégué du personnel, permettent à la cour de retenir que M. [T] [M] était, au moins partiellement, en contact avec la clientèle, puisqu’il était, entre autres tâches, chargé du service des boissons. Or, la pratique de la rémunération intégrale au service n’est pas limitée aux situations dans lesquelles le salarié exerce l’ensemble de son activité auprès de la clientèle.
Lorsque les salariés sont rémunérés exclusivement au service sans que l’employeur n’ait connaissance des sommes effectivement perçues, comme le contrat de travail de M. [T] [M] le prévoyait, les cotisations de sécurité sociale sont calculées sur une assiette forfaitaire, laquelle figure sur les bulletins de salaire, quel que soit le montant des sommes versées.
L’employeur est tenu de compléter la rémunération si elle est inférieure au SMIC, mais la charge de la preuve repose alors sur le salarié.
En l’espèce, M. [T] [M] communique des enveloppes comportant chacune la mention «'[C] [T]’», une date, deux nombres, dont l’un entouré et la mention «’SS’:’» suivie d’un autre nombre, qui pourrait être la différence entre les deux précédents.
Il affirme qu’il s’agit des enveloppes dans lesquelles lui étaient remises les espèces correspondant à sa rémunération, et ce chaque semaine, et qu’il devait attendre la fin du mois pour connaitre le total des sommes perçues.
La société prétend que son salarié ne s’est plaint que tardivement, et en outre ne s’est pas ouvert de la difficulté auprès des délégués du personnel.
Pourtant, dès le 25 février 2015, M. [T] [M] lui a écrit en ce sens, et il n’avait nullement l’obligation de recourir aux délégués du personnel. Force est de constater d’ailleurs qu’elle ne lui a répondu que près d’un mois plus tard.
La société conteste la valeur probante des enveloppes, mais ne produit elle-même aucun élément alors que son salarié lui a demandé dès le 25 février de procéder à la régularisation de sa situation.
La cour considère donc que les éléments produits par M. [T] [M] sont suffisants.
Les périodes indiquées sur les enveloppes se chevauchant parfois, il n’est pas possible de faire un calcul mois par mois. M. [T] [M] démontre cependant qu’il a perçu 11’298,95 euros bruts entre octobre 2014 et mai 2015, soit 4’875 euros sur 2014 et 6’423,95 euros sur 2015.
Il convient de s’assurer qu’il a au moins reçu le salaire minimum légal, le salaire pris en référence sur le bulletin de paye ne servant qu’à asseoir les cotisations sans représenter un minimum garanti par l’employeur.
Le SMIC mensuel était fixé à 1’445,38 euros bruts en 2014 et à 1’457,52 euros bruts en 2015. En 2014, il a donc perçu un salaire légèrement supérieur au minimum légal.
En revanche, sur l’année 2015, son salaire a été inférieur au SMIC et la société aurait dû le compléter. Elle lui est redevable de la somme de 134,89 euros, outre 13,49 euros de congés payés afférents. Le jugement sera infirmé de ce chef.
4-Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale
M. [T] [M] ne rapportant pas la preuve que l’absence de visite médicale d’embauche et de visite médicale de reprise lui ont causé un préjudice, il doit être débouté de cette demande. Le jugement sera infirmé également de ce chef.
5-Sur la demande de rappel de salaires du 16 mai au 29 juillet 2015
Il est constant que M. [T] [M] a travaillé le 16 mai et le 20 mai au matin, avant de quitter brusquement son poste. Il était de repos du 17 au 19 mai. La société aurait dû le rémunérer pour ces heures de travail, mais pas pour la période suivante, dans la mesure où il était absent sans justification.
Le jugement sera donc infirmé et la société condamnée à lui verser la somme de 86,49 euros bruts correspondant à 9 heures à 9,61 euros bruts (SMIC horaire), outre 8,65 euros de congés payés afférents.
6-Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur
Les développements précédents conduisent la cour à infirmer le jugement et à débouter M. [T] [M] de sa demande.
7-Sur la demande présentée par le syndicat
Il n’apparait pas en l’espèce que la société a porté atteinte aux intérêts de la profession.
Le jugement sera en conséquence infirmé et le syndicat débouté de sa demande de dommages et intérêts.
8-Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Constate que la demande de rabat de clôture est devenue sans objet’;
Infirme le jugement prononcé le 5 février 2018 par le conseil de prud’hommes de Lyon en toutes ses dispositions’;
Statuant à nouveau,
Déboute M. [T] [M] de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle’;
Condamne la société Pino Elysées à verser à M. [T] [M] la somme de 134,89 euros au titre du rappel de salaire entre janvier et mai 2015, outre 13,49 euros de congés payés afférents’;
Condamne la société Pino Elysées à verser à M. [T] [M] la somme de 86,49 euros bruts au titre du rappel de salaire entre le 16 et le 20 mai 2015, outre 8,65 euros de congés payés afférents’;
Déboute M. [T] [M] du surplus de ses demandes’;
Déboute le syndicat Sud Commerce et Services Rhône Alpes de sa demande de dommages et intérêts’;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d’appel’;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile’;
LE GREFFIER LA PRESIDENTE