Droit de rétractation : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02435
Droit de rétractation : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/02435
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 23/11/2023

N° de MINUTE :23/986 bis

N° RG 22/02435 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UJB6

Jugement (N° 11-22-319) rendu le 03 Mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de Lens

APPELANTE

SA Creatis agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Maxime Hermary, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué

INTIMÉ

Monsieur [W] [R]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 4] – de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Défailant, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le12 juillet 2022 par acte remis à personne

DÉBATS à l’audience publique du 13 septembre 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, Président de chambre

Samuel Vitse, Président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er septembre 2023

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre acceptée le 15 mars 2017, M. [W] [R] a souscrit auprès de la société Creatis un contrat de regroupement de crédits n°28911000326228 d’un montant de 44’200 euros, remboursable en 120 mensualités, au taux débiteur nominal annuel de 4,74 %.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 décembre 2021, la société Creatis s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat de crédit.

Par acte d’huissier délivré le 9 mars 2022, la société Creatis a assigné M. [R] en justice aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement de sa créance au titre du solde du contrat de crédit.

Par jugement contradictoire en date du 3 mai 2022 le tribunal de proximité de Lens a :

– déclaré recevable l’action de la société Creatis,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis,

– condamné M. [R] à payer à la société Creatis la somme de 20’081,91 euros au titre du contrat de crédit n°28911000326228 avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision,

– dit que M. [R] pourra se libérer de la somme due en 23 mensualités successives de 830 euros et une 24e majorée du solde de la dette, sauf meilleur accord entre les parties,

– dit que ces sommes seront payables entre les mains de la société Creatis avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du jugement,

– dit que M. [R] perdra le bénéfice du présent échéancier en cas de non-paiement d’une seule échéance à son terme et après envoi par le créancier d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception,

– rejeté le surplus des demandes présentées,

– condamné M. [R] aux dépens,

– rejeté la demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la société Creatis,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 18 mai 2022, la société Creatis a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement sauf en ce qu’il l’a déclarée recevable en ses demandes.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 23 juin 2022, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de proximité de Lens en ce qu’il a :

– condamné M. [R] à payer à la société Creatis la somme de 20’081,91 euros au titre du contrat de crédit n°28911000326228 avec intérêts au taux légal non majoré à compter du prononcé de la présente décision,

– dit que M. [R] pourra se libérer de la somme due en 23 mensualités successives de 830 euros et une 24e majorée du solde de la dette, sauf meilleur accord entre les parties,

– dit que ces sommes seront payables entre les mains de la société Creatis avant le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification du jugement,

– dit que M. [R] perdra le bénéfice du présent échéancier en cas de non-paiement d’une seule échéance à son terme et après envoi par le créancier d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception,

statuant à nouveau

– condamner M. [R] à payer à la société Creatis les sommes de :

– principal : 25’077,05 euros avec intérêts au taux légal de 4,74 % l’an à compter du 16 décembre 2021,

– indemnité légale : 2 049,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2021,

– condamner M. [R] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [R] aux entiers frais et dépens.

La société Creatis a signifié à l’intimé sa déclaration d’appel et ses conclusions par acte d’huissier délivré le 12 juillet 2022 à personne.

M. [R] n’a pas constitué avocat.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Creatis pour l’exposé de ses moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 1er septembre 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 13 septembre 2023.

MOTIFS

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Le premier juge a déchu la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels au motif que le contrat produit ne permet pas d’établir que la banque a remis à l’emprunteur une offre de crédit contenant un formulaire détachable de rétractation, l’acte figurant au dossier ne contenant aucune copie du bordereau et la simple clause signée par l’emprunteur attestant de la remise d’un contrat conforme aux dispositions L.312-21 du code de la consommation n’étant pas suffisante à rapporter la preuve de cette remise.

Aux termes de l’article L.312-19 du code de la consommation ‘L’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 312-28.’

L’article L.312-21 du même code dispose ‘Afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.’

Selon l’article L.341-4 du code de la consommation ‘Le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts’.

Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe cependant de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations contractuelles en application de l’article 1353 du code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; la signature par l’emprunteur, comme en l’espèce, de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).

En l’espèce, la banque verse aux débat la copie du dossier complet de financement adressé à M. M. [R] comportant notamment l’exemplaire de l’offre destinée à être renvoyée au prêteur ne comportant pas de bordereau de rétractation, ainsi que l’exemplaire de l’offre à conserver par l’emprunteur comportant le bordereau de rétractation, qui est rédigé conformément au modèle type annexé à l’article R.312-9 du code de la consommation.

Ce document produit par la banque constitue un indice suffisant à corroborer la mention signée par l’emprunteur selon laquelle il a reconnu être restée en possession d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation.

Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déchue la banque de son droit aux intérêts contractuels.

Sur la créance de la banque

En application de l’articles L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil.

Au regard des pièces produites aux débats, notamment du contrat de crédit et du tableau d’amortissement, des lettres de mise en demeure et de déchéance du terme, de l’historique du compte et du décompte de créance arrêté au 4 février 2022, M. [R] est condamné à payer à la société Créatis la somme de 25 077,05 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,74 % à compter du 5 février 2022, au titre du solde du contrat de crédit.

M. [R] est également condamné à payer à la société Creatis la somme de

2 049,58 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la lettre de déchéance du terme 16 décembre 2021, au titre de l’indemnité légale de résiliation.

Il n’y a pas lieu d’assurer l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, puisqu’elle n’a pas été prononcée, et partant, le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a écarté la majoration de l’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

M. [R], qui succombe, est condamné aux dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et dans les limites de

l’appel ;

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

Condamne M. [W] [R] à payer à la société Créatis la somme de 25 077,05 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,74 % à compter du 5 février 2022, au titre du solde du contrat de crédit n°28911000326228 ;

Condamne M. [W] [R] à payer à la société Creatis la somme de 2 049,58 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de la lettre de déchéance du terme 16 décembre 2021, au titre de l’indemnité légale de résiliation ;

Dit n’y avoir lieu à écarter la majoration de l’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;

Y ajoutant ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [R] aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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